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CA MONTPELLIER (1re ch. B), 15 novembre 2017

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (1re ch. B), 15 novembre 2017
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 1re ch. sect. B
Demande : 15/01805
Date : 15/11/2017
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 9/03/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7127

CA MONTPELLIER (1re ch. B), 15 novembre 2017 : RG n° 15/01805 et n° 15/2011

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu que s'agissant d'une éventuelle exclusion de garantie, il convient de préciser que c'est l'assureur qui doit démontrer les éléments fondant cette exclusion ; Attendu qu'à cet égard, l'assureur estime qu'est exclue de la garantie « les vols, tentatives de vol commis lorsque les locaux assurés ne comportent pas les moyens de protection prévus par le contrat ou lorsqu'ils ne sont pas utilisés pendant la nuit et pendant le jour de fermeture de l'entreprise » ; Attendu que la démonstration des éléments fondant une exclusion incombe à l'assureur ;

Attendu qu'il convient tout d'abord de préciser la teneur des moyens de protection du site que l'assureur est en droit de revendiquer contractuellement ;

Attendu que toute la discussion sur la protection du droit de la consommation, par le biais des clauses abusives, laisse entière l'absence de définition par l'assureur de ces éléments de protection dans ses conclusions ».

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

PREMIÈRE CHAMBRE B

ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2017

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/01805. Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 FÉVRIER 2015 - TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE CARCASSONE : R.G. n° 13/01046 (Après jonction avec le dossier R.G. n° 15/2011).

 

APPELANTES :

SA GENERALI IARD

immatriculée au RCS de PARIS sous le n°, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié es qualité audit siège, représentée par Maître Marie-Pierre V.-S., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

SAS ALLIANCE SEEDS (dossier joint n° 15/2011)

représentée par Maître Sébastien L., avocat au barreau de CARCASSONNE

 

INTIMÉES :

SA GENERALI IARD anciennement dénommée GENERALI ASSURANCES IARD, elle-même venant aux droits du CONTINENT puis de GENERALI FRANCE ASSURANCES

représentée par le Président de son Conseil d'Administration, (dossier joint n° 15/2011), représentée par Maître Marie-Pierre V.-S., avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

SAS ALLIANCE SEEDS

représentée par Maître Sébastien L., avocat au barreau de CARCASSONNE, avocat postulant substitué par Maître Emily A., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 septembre 2017

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 3 OCTOBRE 2017, en audience publique, monsieur Georges TORREGROSA, président de chambre ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de procédure civile, devant la cour composée de : Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, Madame Chantal RODIER, Conseillère, M. Christian COMBES, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Lys MAUNIER

ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par Monsieur Georges TORREGROSA, Président de chambre, et par Madame Marie-Lys MAUNIER, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Les Faits, la procédure et les prétentions :

Vu le jugement en date du 12 février 2015 du tribunal de grande instance de Carcassonne ;

Vu l'appel en date du 9 mars 2015 par Generali IARD, dont la cour a vérifié la régularité ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'appelant en date du 21 avril 2017 ;

Vu les conclusions de la société Alliance Seeds, intimée, en date du 27 avril 2016 ;

Vu l'ordonnance de clôture en date du 12 septembre 2007 ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu qu'il n'est pas sérieusement contesté que l'assuré a entendu couvrir de la garantie vol un bien qu'il possède à Montréal, et qui est composé d'un grand bâtiment de type usine ou hangar, entouré d'une clôture avec un portail, sur une parcelle permettant le stationnement notamment ;

Attendu que l'expert missionné par l'assureur (pièce trois de l'appelant) a décrit une usine et des bureaux, un garage et un hangar agricole, ainsi qu'une « station oignons », le tout à l'usage de bureaux et entrepôts ;

Attendu que le vol n'est pas contesté, qui résulte de la plainte et des constatations de l'expert de l'assureur, qui a eu lieu entre le 1er février 2013 à 18:00 et le 4 février 2013 à 7:30 ;

Attendu que l'expert de l'assureur a retenu pour sa part (page quatre) :

« les malfaiteurs ont dans un premier temps pénétré dans le hangar agricole, apparemment sans effraction (aucune trace d'effraction relevée sur les ouvertures). À l'intérieur ils ont fracturé la porte du local phytosanitaire où des produits ont été dérobés ; de plus il est à noter le vol de matériel électro portatif et autres... Les malfaiteurs se sont ensuite dirigés vers les bâtiments des bureaux et de l'usine, aucune trace d'effraction n'a été relevée. Une porte intérieure du local archives a été fracturée, ainsi qu'un meuble et une armoire métallique. Les malfaiteurs se sont ensuite rendus dans la partie hangar expédition, ou les semences potagères sont conditionnées et préparées pour l'expédition. De nombreuses palettes ont été déconditionnées, permettant le vol de nombreux sacs de graines persil, carotte et oignons, constituant un poids total de 3.600 kg. Le portail de livraison été ouvert de l'intérieur, permettant l'évacuation des marchandises avec quelques matériels tels que imprimante, étiqueteuse, couseuse... Mode opératoire probable : vol sans effraction laissant supposer l'utilisation de clés... » ;

Attendu que cette phrase in fine est bien évidemment essentielle ;

Attendu que l'assureur considère qu'en l'absence d'effraction sur les accès au hangar, la garantie n'est pas due contractuellement ;

Attendu que cette argumentation est fondée sur le libellé de la garantie vol dans le contrat d'assurance, qui retient le vol ou la tentative de vol par effraction des locaux ;

Attendu que l'existence d'une astérisque dans le libellé de la garantie renvoie au glossaire, qui a donc valeur contractuelle ;

Attendu que ce glossaire définit les locaux comme « toutes constructions entièrement couvertes et closes situées aux adresses indiquées aux dispositions particulières et dans lesquelles vous exercez l'activité professionnelle désignée aux dispositions particulières » ;

Attendu que le libellé stricto sensu de la garantie contractuelle ne prévoit nullement une effraction des accès aux locaux, mais simplement une effraction des locaux ;

Attendu qu'il est incontestable, au vu des constatations de l'expert de l'assureur lui-même, que les locaux, sans que cela se limite aux accès de ces locaux, ont fait l'objet d'une effraction, notamment d'une porte, d'un meuble et d'une armoire ;

Attendu qu'au surplus, l'expert de l'assureur évoque une pénétration dans le hangar agricole, « apparemment sans effraction », l'assuré relevant pour sa part qu’un éventuel passage par le toit n'a pas été vérifié ;

Attendu qu'en toute hypothèse, et à admettre l'absence d'effraction des accès, le libellé de la garantie vol couvre aussi le vol par introduction clandestine dans les locaux, par maintien clandestin dans les locaux ou par usage de fausses clés ;

Attendu que l'assureur ne mettant en cause à aucun moment la responsabilité de l'assuré, et dans l'hypothèse où il n'y a pas eu d'effraction des accès, c'est donc que l'accès a été permis soit par quelqu'un s'étant maintenu ou introduit clandestinement dans les locaux, soit par quelqu'un disposant de fausses clés, la cour relevant que le premier réflexe de l'assuré a été de changer les serrures (page trois du rapport de l'expert de l'assureur) ;

Attendu que cela rejoint la conclusion de l'expert de l'assureur selon laquelle le vol sans effraction laisse supposer l'utilisation de clés ;

Attendu qu'en page quatre de ses conclusions, l'assureur admet même qu'il « apparaît que les malfaiteurs sont parvenus à pénétrer dans les bâtiments de bureaux sans commettre la moindre effraction, le local des archives se situant à l'intérieur même des bâtiments de bureaux », ce qui constitue bien une introduction clandestine dans les locaux, au sens du libellé contractuel de la garantie ;

Attendu que sans renverser la charge de la preuve, la cour estime donc que dans l'hypothèse de l'absence d'effraction des accès aux locaux, l'assuré démontre suffisamment et nécessairement soit que quelqu'un s'est introduit ou maintenu clandestinement dans les lieux, soit qu'il y a eu utilisation de clés, étant précisé que personne ne reproche à l'assuré de n'avoir pas représenté l'ensemble de ses clés, qu'il a d'ailleurs changées (page trois du rapport de l'expert de l'assureur) ;

Attendu qu'enfin, et à admettre qu'il existe un doute résultant du libellé contractuel, le contrat doit s'interpréter en faveur de l'assuré ;

Attendu que la cour estime par conséquent, tant au vu du libellé contractuel qui n'exige pas l'effraction des accès, qu'au vu des conséquences logiques des constatations matérielles qui débouchent nécessairement sur un maintien ou sur une introduction clandestine dans les lieux, ou un usage de fausses clés, que la garantie vol par effraction est acquise dans son principe ;

Attendu que s'agissant d'une éventuelle exclusion de garantie, il convient de préciser que c'est l'assureur qui doit démontrer les éléments fondant cette exclusion ;

Attendu qu'à cet égard, l'assureur estime qu'est exclue de la garantie « les vols, tentatives de vol commis lorsque les locaux assurés ne comportent pas les moyens de protection prévus par le contrat ou lorsqu'ils ne sont pas utilisés pendant la nuit et pendant le jour de fermeture de l'entreprise » ;

Attendu que la démonstration des éléments fondant une exclusion incombe à l'assureur ;

Attendu qu'il convient tout d'abord de préciser la teneur des moyens de protection du site que l'assureur est en droit de revendiquer contractuellement ;

Attendu que toute la discussion sur la protection du droit de la consommation, par le biais des clauses abusives, laisse entière l'absence de définition par l'assureur de ces éléments de protection dans ses conclusions ;

Attendu que l'expert de l'assureur, en page trois, a décrit les moyens de protection qu'il a constatés, en relevant l'absence de système d'alarme et de gardiennage, mais en ne se référant aucunement à une carence de l'assuré qui n'aurait pas mis en place les moyens de protection contractuellement prévus ;

Attendu que l'expert de l'assureur se bornait à indiquer, au titre des « améliorations à apporter », la pose d'un système d'alarme ;

Attendu qu'en réalité, la simple constatation d'une entrée sans effraction ne suffit pas pour l'assureur à démontrer que les locaux assurés ne comportaient pas les moyens de protection prévus par le contrat, ou que ces moyens de protection n'ont pas été utilisés pendant la nuit et pendant le jour de fermeture de l'entreprise, puisqu'aussi bien ces moyens de protection à valeur contractuelle ne sont pas précisés ;

Attendu que la garantie est donc acquise, sans démonstration d'une quelconque exclusion par l'assureur, qui demande ensuite de « constater » que l'assuré ne justifie pas du quantum de son préjudice ;

Attendu qu'en réalité, la lecture attentive des pages huit et neuf des conclusions de l'assureur démontre qu'il se borne à estimer que la réclamation de l'assuré sur la base d'un prix de revient ne correspond pas aux stipulations contractuelles ;

Attendu qu'en effet, et comme pour le principe de garantie, le contrat fait la loi des parties et la règle probatoire s'impose avec la même rigueur en matière d'estimation du préjudice, qui fait peser sur l'assuré la démonstration du montant de ce préjudice ;

Attendu qu'il importe peu en conséquence de s'interroger sur la notion de prix de revient, qui n'apparaît pas dans le libellé du contrat en page 28 pour l'estimation des marchandises volées ;

Attendu qu'en référence à la page 28 précitée, il appartenait à l'assuré de détailler son préjudice, selon qu'il s'agisse de matières premières, d'emballages et d'approvisionnements, ou bien de produits finis, semi ouvrés ou en cours de fabrication, ou enfin de marchandises vendues fermes non assurées par l'acquéreur et non livrées ;

Attendu que les pièces quatre à huit-sept que l'assuré fournit, à l'appui de son argumentation sur le prix de revient, sont littéralement inexploitables, faute de référence précise au libellé du contrat s'agissant de l'évaluation des marchandises volées, pour ce qui concerne en tout cas les semences qui constituent l'essentiel du litige sur ce volet ;

Attendu qu'il n'est pas sollicité d'expertise, par aucune des parties ;

Attendu qu'au surplus, le prix de revient revendiqué par l'assuré ne peut concerner les marchandises vendues fermes et non livrées, alors même que cet assuré indique en page 10 de ses conclusions :

« en effet, les semences dérobées étaient de semences vendues à l'exception des produits phytosanitaires dérobés, du matériel et de la perte du contrat SUMIKA, et du changement des serrures... » ;

Attendu qu'en effet pour les marchandises vendues fermes et non livrées, c'est le prix de vente convenu qui doit déterminer l'indemnisation, déduction faite des frais épargnés par la non livraison, ainsi que l'a rappelé de façon pertinente le premier juge;

Attendu que cet assuré verse en pièces 25-un à 25-sept des éléments utilisant largement la langue anglaise, que la cour ignore et n'est pas en droit d'utiliser depuis l'ordonnance de Villers-Cotterêts ( 1539 ) ;

Attendu que dans ce contexte reprécisé, c'est l'évaluation par M. P., expert diligenté par la compagnie, qui peut être opposée à l'assureur, ce dernier ayant à l'évidence reçu ce rapport, si l'on se réfère au mail de l'expert en date du 30 avril 2013 à 15:23, qui indique avoir envoyé le rapport à la compagnie (pièce 21 de l'assuré) ;

Attendu qu'au surplus, et en toute hypothèse, ce rapport a été contradictoirement débattu dans le présent débat, et l'assureur qui ne se livre à aucun commentaire ou a fortiori contestation du chiffrage P., se borne à soutenir qu'il n'a jamais « validé aucun chiffrage » ;

Attendu que le rappel selon lequel « il appartient aux experts de compagnie de chiffrer uniquement le dommage de façon contradictoire sur la base de justificatifs du préjudice présentés par l'assuré » (page 10 des conclusions de l'assureur) ne change rien en l'espèce à la teneur du débat contradictoire dont il résulte que le rapport de l'expert diligenté par l'assureur a été transmis à ce dernier, que ce rapport a été contradictoirement débattu dans le présent débat, et qu'aucune contestation sérieuse n'est soulevée sur le quantum, toute la contestation en appel ayant porté d'une part sur le principe de la garantie, et d'autre part sur le rejet de la notion de prix de revient, la cour ayant fait droit à cette deuxième exception ;

Attendu qu'ainsi, et sur le plan stricto sensu de la règle probatoire régissant la démonstration du montant du préjudice, l'assuré démontre suffisamment qu'il peut être chiffré au montant déterminé par l'expert diligenté par la compagnie d'assurances, qui ne fait l'objet d'aucune contestation sérieuse par cette dernière, à l'exception de la notion de prix de revient à laquelle il est fait droit ;

Attendu qu'en conséquence le premier juge sera confirmé ;

Attendu que les intérêts au taux légal depuis le 23 mai 2013 seront capitalisés, à compter de la première demande en ce sens, à savoir les conclusions récapitulatives de la société P. en date du 17 juin 2014, au vu des mentions du jugement de premier ressort ;

Attendu que s'agissant d'un assureur, le fait de soutenir sans autre précision que l'on n'a validé aucun chiffrage, sans pour autant se livrer à une contestation minimale du chiffrage établi par l'expert que l'on a missionné, et sans réclamer une quelconque expertise, relève sinon d'une forme de paresse procédurale, du moins d'une résistance pouvant être qualifié d'abusive, puisque l'on se refuse à tout réel débat contradictoire, y compris au subsidiaire, sachant que le premier juge a retenu le principe de la garantie ;

Attendu qu'une somme de 1.000 euros est donc justifiée à ce titre, outre 3.000 euros des frais inéquitablement exposés en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant contradictoirement :

Déclare l'appel infondé ;

Confirme jugement de premier ressort ;

Précise que la capitalisation des intérêts concernera les intérêts au taux légal dus depuis au moins un an à compter du 17 juin 2014 ;

Condamne l'appelante aux entiers dépens, qui seront recouvrés au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile, outre le paiement à l'intimée d'une somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, outre 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE                 LE PRÉSIDENT