CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 22 novembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7250
CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 22 novembre 2017 : RG n° 15/06461
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants. Sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance. La résiliation d'un contrat de maintenance informatique entraîne de plein droit la résiliation du contrat de location financière dont il est interdépendant. »
2/ « Ni la société G. location ni la société Solware auto n'ont formé en première instance de demande l'une à l'égard de l'autre. Les demandes nouvelles formées en appel par la société G. location ne sont donc ni l'accessoire ni la conséquence ou le complément de ses demandes formées en première instance à l'égard de la société Dany. Elles ne peuvent pas non plus être qualifiées de demandes reconventionnelles. Partant, ces demandes sont irrecevables par application de l'article 564 du code de procédure civile. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 22 NOVEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1 A 15/06461. Décision déférée à la Cour : 23 octobre 2015 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE A COMPETENCE COMMERCIALE DE STRASBOURG.
APPELANTE :
SAS G. LOCATION
prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Dominique D'A., avocat à la Cour
INTIMÉES :
SARL C. DANY
prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Claus W., avocat à la Cour
SASU SOLWARE AUTO
prise en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Nadine H., avocat à la Cour
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 27 septembre 2017, en audience publique, devant la Cour composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, Mme DECOTTIGNIES, Conseillère, M. REGIS, Vice-président placé, entendu en son rapport, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme MUNCH-SCHEBACHER
ARRÊT : - Contradictoire - rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Christiane MUNCH-SCHEBACHER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La SARL C. Dany a conclu le 14 juin 2011 avec la société Micrauto, devenue SASU Solware auto, un contrat de fourniture et de maintenance de matériel informatique pour une durée de 48 mois, moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 519,32 euros TTC.
Le matériel a été installé le 29 septembre et le 13 octobre 2011.
La société C. Dany a conclu le 20 octobre 2011 un contrat de location longue durée avec la SAS G. location portant sur le matériel informatique fourni par la société Solware auto.
Alléguant de ce qu'à compter de l'échéance du mois de mai 2013, les loyers n'ont plus été versés par la société C. Dany, la société G. location a, par acte du 8 novembre 2013, fait assigner cette société devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg.
Par acte du 28 janvier 2014, la société C. Dany a fait assigner la SASU Solware auto devant la même juridiction.
Par ordonnance du juge de la mise en état du 14 avril 2014, les deux procédures ont été jointes.
Par jugement du 23 octobre 2015, le tribunal a ordonné la résiliation des contrats de prestation de services et de location longue durée à compter du mois de mars 2013, condamné la SASU Solware auto à payer la SARL C. Dany la somme de 2.511,60 euros au titre du préjudice subi du fait des manquements contractuels, condamné la SAS G. location et la SASU Solware auto à payer à la société C. Dany la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la SAS G. location et la SASU Solware auto solidairement aux dépens.
Le tribunal a considéré que les deux contrats de fourniture/maintenance et de location longue durée étaient indivisibles ; que le manquement de la société Solware auto à ses obligations de maintenance, d'assistance, d'information et de conseil était établi ; que la société C. Dany était bien fondée à demander la résiliation de ce contrat à compter du mois de mars 2013 ; que la résiliation du premier contrat entraîne la résiliation du contrat de location par application de l'article 1218 du code civil et de l'interdépendance de ces deux contrats.
Par déclaration du 18 décembre 2015, la société G. location a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières écritures du 12 octobre 2016, elle demande à la cour d'infirmer le jugement, de condamner la société C. Dany à lui payer la somme de 12.979,23 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 août 2013, condamner cette société à lui restituer l'ensemble du matériel informatique, sous astreinte de 500 euros par jour de retard après la signification du jugement à intervenir, subsidiairement de confirmer le jugement en ce qu'il a résilié le contrat de location et condamner la société Solware auto à lui payer la somme de 12.979,23 euros, à titre infiniment subsidiaire, de condamner la société Solware auto à lui payer la somme de 4.261,75 euros au titre de la perte de marge escomptée au titre du contrat de location, en tout état de cause, condamner la société C. Dany à lui payer la somme de 2.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société G. location soutient que les manquements de la société Solware à ses obligations ne lui sont pas opposables ; que la société C. Dany n'apporte pas en tout état de cause la preuve des manquements de la société Solware à ses obligations. Elle fait ensuite valoir que son rôle est purement financier ; qu'elle a rempli ses propres obligations puisque le matériel a bien été mis à disposition ; que le matériel fonctionnait parfaitement à l'origine ; qu'il ne peut pas non plus lui être reproché un manquement à ses obligations d'information et de conseil ; qu'elle n'est pas tenue à un devoir de conseil ; qu'elle n'avait pas l'obligation de faire apparaître le coût total de la location, lequel pouvait être facilement calculé par le locataire ; qu'elle a rempli l'intégralité de ses obligations ; que la société C. Dany a cessé d'exécuter son obligation de payer les loyers ; que l'article 2 du contrat n'est pas abusif, en ce qu'il contraint le locataire à payer les loyers malgré l'inexécution des prestations de maintenance, puisqu'en vertu de l'article 3 le locataire dispose d'une action personnelle contre le fournisseur. A titre subsidiaire, la société G. location demande une indemnisation au fournisseur de sa perte de marge et considère qu'il s'agit là d'une demande accessoire et complémentaire au sens de l'article 566 du code de procédure civile et non d'une demande nouvelle.
Dans ses conclusions du 29 juillet 2016, la société C. Dany demande à la cour de confirmer le jugement, de condamner solidairement la société Solware à lui payer la somme de 2.511,60 euros au titre du préjudice subi du fait de ses manquements contractuels, à titre subsidiaire, de condamner la société Solware à relever et garantir la société C. Dany de toute condamnation prononcée à son encontre, à titre infiniment subsidiaire, de lui accorder des délais de paiement sur 24 mois, en tout état de cause, de condamner toute partie succombante à lui payer la somme de 3.000 euros titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
La société C. Dany fait valoir que la résiliation du contrat avec la société Solware entraînera nécessairement la résiliation du contrat avec G. location (Cass, com, du 13 février 2007, Bull. Civ. IV, n° 43) ; que les dispositions de l'article 2 du contrat de location caractérisent une clause abusive au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce ; que cette clause doit être réputée non écrite. La société C. Dany soutient ensuite que la société Solware a manqué à ses obligations relatives à la formation, à la maintenance et à l'assistance à l'utilisation du progiciel, ainsi qu'à ses devoirs d'information et de conseil ; que le matériel en cause n'est absolument pas adapté et que la société Solware ne l'a pas informée ni conseillée à ce titre ; que la formation aux différents modules des progiciels n'a pas été correctement effectuée ; qu'elle a rencontré d'importantes difficultés quant à la maintenance et l'assistance de l'utilisation du progiciel dans la mesure où la société C. Dany ne répondait pas aux demandes d'intervention ; qu'elle n'a jamais été clairement informée du caractère déterminé de la durée du contrat ; que les sociétés G. location et Solware ont manqué à leurs obligations d'informations et de conseil à ce titre. La société C. Dany soutient ensuite qu'elle n'était pas titulaire de la licence d'exploitation du système d'exploitation Winmotor.
Dans ses dernières conclusions du 17 octobre 2016, la société Solware auto demande à la cour de réformer le jugement, de débouter la société C. Dany de sa demande de résiliation du contrat et de l'intégralité de ses demandes indemnitaires, à titre infiniment subsidiaire, de réformer le jugement en ce qu'il a prononcé sa condamnation pour la somme de 2.511,60 euros TTC, de condamner la société C. Dany à restituer les matériels et logiciel sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir, en tout état de cause, débouter la société C. Dany de sa demande de garantie, déclarer la demande de la société G. location à son encontre irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, de condamner la société C. Dany à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, de la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 2.000 euros au titre des frais non compris dans les dépens.
La société Solware auto demande tout d'abord la réformation du jugement en ce qu'il n'a pas statué sur le moyen tiré du non-respect du contrat par la société C. Dany, laquelle n'a pas respecté l'exigence de mise en demeure préalable posée par la clause résolutoire. La société Solware auto considère ensuite que les conditions de la résolution judiciaire ne sont pas non plus réunies ; que la société C. Dany a poursuivis l'exécution du contrat en conservant le matériel fournis ; qu'elle ne démontre pas les manquements qui lui sont reprochés ; que ces manquements ne sont pas de nature à provoquer la résolution du contrat ; qu'elle ne fait pas la preuve d'un préjudice en rapport avec le prétendu manquement à son obligation de maintenance.
La société Solware auto considère avoir parfaitement exécuté son obligation de livraison ; que la société C. Dany a réceptionné sans réserve l'installation du logiciel ; que la licence d'exploitation résulte de l'objet même du contrat ; que la société C. Dany a utilisé sans difficulté le matériel durant 18 mois ; qu'elle n'a pas invoqué un quelconque défaut de conseil de sa part, mais seulement un défaut de maintenance. Sur le manquement à son obligation de maintenance, elle estime que les courriers que lui a adressé la société C. Dany ne peuvent valoir preuve de ses prétendus manquements ; que son courrier du 30 mars 2013 ne caractérise pas une reconnaissance de tels manquements, puisqu'il ne concerne qu'un unique fait et non la série de manquements qui lui sont reprochés ; que ce fait ne remplit pas la condition de gravité suffisante pour justifier une résolution judiciaire ; que l'obligation de maintenance est divisible de celle de la livraison et de l'installation ; que l'absence de restitution du matériel démontre le caractère divisible de ces obligations ; que la facture produite par la société C. Dany au titre d'une journée de formation est étrangère au prétendu manquement à la maintenance du matériel ; que cette société ne produit pas de facture d'intervention d'une société tierce pour résoudre ce prétendu manquement ; qu'en tout état de cause la facture en cause ne saurait être prise en compte sur son montant TTC.
La société Solware invoque ensuite le caractère abusif de la demande de garantie et de l'appel en cause.
Sur la demande de la société G. location, la société Solware considère qu'il s'agit d'une demande nouvelle et non accessoire. Sur le fond elle prétend que l'indemnité contractuelle de résiliation lui est inopposable puisqu'elle n'est pas partie au contrat de location ; que la société G. location ne justifie pas de sa perte de marge.
Il sera renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample examen des prétentions et moyens, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Sur la résiliation du contrat de prestation :
Sur cette question, la cour estime que le premier juge a, par des motifs pertinents qu'elle approuve, fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties ; étant en outre précisé que le premier juge ne s'est pas fondé pour caractériser les fautes sur la non-exécution par la société C. Dany d'une prestation de formation, après avoir justement relevé que cette prestation n'avait pas été prévue initialement par le contrat, mais sur le fait qu'une telle formation était apparue par la suite nécessaire et que la société Solware auto aurait dû la proposer à son client.
C'est également à bon droit que le premier juge a relevé l'existence d'une obligation d'information et de conseil incombant à la société Solware auto, compte tenu de la technicité de son domaine d'intervention et de l'objet du contrat, à savoir la fourniture, l'assistance à l'utilisation et la maintenance de matériels informatiques et de logiciels.
Il également établi que la société C. Dany démontre avoir découvert que la licence d'exploitation nominative du progiciel fourni par la société Solware auto était attribuée au Garage S, dont elle avait racheté le fonds de commerce, et qu'elle n'avait donc pas personnellement l'agrément d'utilisation du système d'exploitation commandé auprès de son prestataire, lequel aurait dû être actualisé, ce qui constitue un manquement grave de ce dernier à ses obligations.
Il convient dès lors de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la résiliation du contrat de prestation précité à compter du mois de mars 2013, date à laquelle l'ensemble des manquements de la société Solware auto à ses obligations avait été constaté.
Sur l'interdépendance des contrats de maintenance et de location financière :
Les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants. Sont réputées non écrites les clauses des contrats inconciliables avec cette interdépendance.
La résiliation d'un contrat de maintenance informatique entraîne de plein droit la résiliation du contrat de location financière dont il est interdépendant.
En l'espèce, le contrat de location financière conclu par la société C. Dany auprès de la société G. location devait servir à financier le contrat de prestation précité, auquel il s'est substitué. Il s'agit donc de contrats interdépendants qui s'inscrivent dans une même opération d'ensemble.
Les articles 2 et 3 du contrat de location financière qui prévoient une obligation pour le locataire de payer les loyers malgré la défaillance du prestataire de maintenance, ainsi qu'une action personnelle du locataire à l'égard du fournisseur du matériel, ne sauraient faire échec à cette interdépendance.
C'est donc à bon droit que le premier juge a ordonné la résiliation du contrat de location financière.
Sur la responsabilité de la société Solware auto à l'égard de la société G. location :
Ni la société G. location ni la société Solware auto n'ont formé en première instance de demande l'une à l'égard de l'autre.
Les demandes nouvelles formées en appel par la société G. location ne sont donc ni l'accessoire ni la conséquence ou le complément de ses demandes formées en première instance à l'égard de la société Dany. Elles ne peuvent pas non plus être qualifiées de demandes reconventionnelles.
Partant, ces demandes sont irrecevables par application de l'article 564 du code de procédure civile.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société C. Dany à l'égard de la société Solware auto :
La société Dany démontre avoir dû faire appel à un nouveau prestataire informatique, compte tenu des manquements de la société Solware auto à ses obligations. Elle justifie avoir exposé à ce titre une somme de 2.511,60 euros.
Le jugement entrepris sera donc également confirmé de ce chef.
Sur la restitution du matériel :
La société G. location justifie s'être rendue acquéreur, auprès de la société Solware auto, du matériel fourni à la société Dany.
La société Solware auto sera donc déboutée de sa demande de restitution de ce matériel.
La société C. Dany ne démontre pas avoir restitué le matériel fourni par la société Solware auto, appartenant à la société G. location. Elle sera dès lors condamnée à restituer ce matériel dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 30 euros par jour de retard dans la limite de 6 mois.
Sur les demandes accessoires :
L'équité commande de condamner in solidum les sociétés G. location et auto à payer à la société Dany une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de ne pas faire droit aux autres demandes formées à ce titre.
Les sociétés G. location et auto, qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens de la procédure d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
DECLARE irrecevable la demande nouvelle de dommages-intérêts formée par la SAS G. location à l'encontre de la SASU Solware auto,
DEBOUTE la SAS G. location de sa demande de restitution du matériel,
CONDAMNE la SARL C. Dany à restituer à la SAS G. location le matériel informatique fourni au titre du contrat du 14 juin 2011, dans un délai de trois mois à compter de la signification du présent arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 30 euros par jour de retard dans la limite de 6 mois,
CONDAMNE in solidum la SAS G. location et la SASU Solware auto à payer à la SARL C. Dany la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS G. location et de la SASU Solware auto,
CONDAMNE in solidum la SAS G. location et la SASU Solware auto aux dépens de la procédure d'appel.
Le Greffier : la Présidente :