CA BOURGES (ch. civ.), 21 décembre 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 7320
CA BOURGES (ch. civ.), 21 décembre 2017 : RG n° 17/01134
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu que le litige relatif à la rupture des relations commerciales des parties a été réglé par deux décisions définitives rendues par le Tribunal de commerce de PARIS sur le fondement de l’article L. 442-6-I-5° du Code du commerce ; Que par jugement du 31 octobre 2016, le Tribunal de commerce de PARIS a considéré que le délai initial du préavis était trop bref au regard de la durée des relations commerciales des parties ; qu’il en a fixé le terme au 30 juin 2017, invité les parties à se rapprocher et trouver un accord sur les conditions dans lesquelles la SAJDIS libérerait les lieux et cesserait son activité ; qu’il a également souligné l’absence de demande en réparation du préjudice par la SAJDIS et invité les parties à conclure le cas échéant sur ce point ; que dans la prolongation de cette décision, les parties sont parvenues à un accord ; qu’en revanche, elles s’opposaient toujours sur l’interprétation d’un courrier en date du 29 septembre 2014 valant avenant à la cession du fonds qui selon la SAJDIS imposait à la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE de lui présenter des fonds de commerce durant quatre ans ; que la décision homologuant l’accord par lequel la SAJDIS admettait qu’elle ne pouvait se maintenir dans les lieux et exploiter le fonds de commerce au-delà du 30 juin 2017, a tranché ce contentieux puisque le Tribunal de commerce de PARIS a considéré que la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE n’avait pas cette obligation ; Qu’à l’issue du préavis dont le terme correspond à celui fixé par le Tribunal de commerce, la SARL SAJDIS ne pouvait donc se maintenir dans les lieux et devait procéder aux différentes opérations fixées par les contrats de franchise, d’approvisionnement et de location gérance qu’elle n’avait pas discutées ou réservées ;
Que les demandes soumises au Juge des référés par la SAS CARREFOUR ont pour principal objet d’obtenir la libération des lieux et la restitution du fonds sur lequel la SARL SAJDIS ne dispose plus de droits depuis le 1er juillet 2017 ; Que si la SAJDIS soutient que le préavis n’a pas été exécuté de bonne foi par la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE à laquelle elle reproche de n’avoir rien fait pour faciliter son rétablissement et notamment de ne pas lui avoir proposé d’autres fonds de commerce à acquérir et d’avoir trompé la religion du Tribunal de commerce de PARIS en lui dissimulant un courrier fixant les conditions auxquelles son gérant acceptait de céder le fonds, cette argumentation se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée aux deux décisions précédemment rappelées ;
Qu’il s’en suit que les contestations élevées par le SARL SAJDIS ne sont pas de nature à interdire au Juge des référés de statuer conformément à l’article 873 du Code de procédure civile sur une demande tendant à faire cesser un trouble manifestement illicite d’autant que le domaine de compétence reconnu aux juridictions spécialisées par l’article L. 442-6-I du Code du commerce s’interprète strictement en raison de son caractère dérogatoire au droit commun ;
Que si les contestations élevées par la SARL SAJDIS sur la validité des clauses de non concurrence ou de reprise des stocks devaient être déclarées irrecevables puisque fondées sur les articles L. 442-6-I du Code du commerce, il revenait bien au Juge des référés de statuer sur les demandes de la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE car elles ne forment pas un tout indissociable et c’est donc sans excéder ses pouvoirs qu’il les a examinées ;
Que de même, l’introduction au demeurant tardive d’une procédure en annulation de la cession du fonds de commerce ne justifiait pas davantage de surseoir à statuer ».
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/01134. Décision déférée à la Cour : Ordonnance de Référé rendue par le Président du Tribunal de Commerce de CHÂTEAUROUX en date du 5 juillet 2017.
PARTIES EN CAUSE :
I - SARL SAJDIS
agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité au siège social : [adresse] Représentée par Maître Hervé R. de la SCP AVOCATS BUSINESS CONSEILS, avocat au barreau de BOURGES, plaidant par Maître Pascal B. de la SCP B., avocat au barreau de PARIS, timbre dématérialisé n° 1265 XX, APPELANTE suivant déclaration du 24 juillet 2017
II - SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE
agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité au siège social : [adresse], Représentée par Maître Frédérique L. de la SELARL ALCIAT-JURIS, avocat au barreau de BOURGES, plaidant par Maître Pascal C. de la SCP B., C., avocat au barreau de L’EURE, timbre dématérialisé n° 1265 YY, INTIMÉE
[minute page 2]
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 Octobre 2017 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. FOULQUIER, Président de Chambre, en présence de Mme MERLET, Conseiller chargé du rapport.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. FOULQUIER Président de Chambre, M. PERINETTI Conseiller, Mme MERLET Conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT
ARRÊT : CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte authentique reçu le 3 octobre 2002, la SARL SAJDIS dont M. X. est le gérant a acquis un fonds d’alimentation générale de type supermarché sis [adresse]. A cette époque le fonds était exploité sous l’enseigne SHOOPI. Des contrats de franchise et d’approvisionnement liaient la SARL SAJDIS à la société PRODIM dont la Société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE a pris ultérieurement le contrôle, après quoi les établissements affiliés ou franchisés SHOOPI sont passés sous les marques ou enseignes du groupe CARREFOUR. Un contrat d’approvisionnement a été ainsi passé par la SARL SAJDIS et la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE dans la perspective d’un tel changement mais selon des modalités particulières compatibles avec la situation économique de la SARL SAJDIS qui depuis trois exercices enregistrait des pertes. Les tractations des parties ont abouti à la conclusion de quatre contrats signés le 29 septembre 2014 pouvant s’analyser en une opération dite de portage et relatifs à :
- la cession par la SARL SAJDIS de son fonds de commerce moyennant un prix de 190.000 euros, avec interdiction à la société et à son gérant de se rétablir durant cinq ans à compter du jour de l’entrée en jouissance et dans un rayon de 30 kms à vol d’oiseau du lieu d’exploitation du fonds cédé, le cessionnaire disposant de la faculté d’y renoncer ou de la réduire,
- la location gérance du fonds à la SARL SAJDIS pour une durée d’un an reconductible tacitement pour une durée indéterminée qui comportait une clause (article 3) autorisant chaque partie à résilier le contrat avant la date d’expiration de la durée initiale puis à tout moment au cours de la période de reconduction en respectant un délai de préavis également de trois mois et en notifiant cette décision par lettre recommandée avec avis de réception ainsi qu’une clause de non concurrence (article 4.9) interdisant au preneur de se rétablir pendant cinq ans à compter de la résiliation du bail et dans un rayon de 5 kms ou 15 kms à vol d’oiseau du lieu d’exploitation du fonds cédé le cessionnaire disposant de la faculté d’y renoncer ou de la réduire,
- la franchise concédée par la SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE,
- l’approvisionnement par CSF ainsi que divers cautionnements par le gérant et son épouse (article 18),
Par courrier du 29 septembre 2014 valant avenant, la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE informait « ...d’ores et déjà que faute pour (la SARL SAJDIS) de procéder à l’acquisition d’un fonds parmi ceux qu’elle lui présenterait dans un délai maximum de quatre ans, elle se réservait le droit, si bon lui semblait, de dénoncer le contrat de location-gérance, à tout moment conformément aux dispositions du contrat... ».
Des incidents de paiement ont été enregistrés au sujet des redevances et des approvisionnements.
Par jugement du 6 avril 2016, la SARL SAJDIS a été placée en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Châteauroux qui le 11 janvier 2017 a adopté un plan de continuation.
Parallèlement, la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE a notifié sa volonté de résilier le contrat de location gérance avec préavis de trois mois par lettre recommandée avec avis de réception du 23 mai 2016.
La SARL SAJDIS a alors saisi le Tribunal de commerce de PARIS d’une demande fondée sur les dispositions des articles 1134 du Code civil et L. 442-6-I-5° relatif à la rupture brutale des relations commerciales et L. 442-6-IV du Code de commerce, action tendant essentiellement à voir ordonner, sous astreinte, un maintien forcé des relations nées des contrats de location-gérance et de franchise et leur poursuite jusqu’en septembre 2018 ou à tout le moins une durée minimum de deux ans.
Par jugement en date du 31 octobre 2016, le Tribunal de commerce de PARIS a retenu que la résiliation du contrat de location gérance avait entraîné celui de franchise et valait rupture de la relation commerciale ce dont il résultait que les dispositions de l’article L. 442-6-I-5 ° étaient applicables. Il a également considéré que le délai de préavis était trop bref pour permettre à la SAJDIS de prendre les dispositions destinées à pallier les difficultés consécutives à la rupture et opérer sa réorganisation. Il a retenu un état de dépendance économique totale vu notamment les termes de l’article 4.15 emportant clause d’exclusivité et de dispositions rendant impossibles le rétablissement dans la zone de chalandise. Eu égard à ces circonstances, il a estimé que le préavis aurait dû être de treize mois et qu’il expirerait le 30 juin 2017. Il a constaté que la SAJDIS qui était en droit de demander l’indemnisation du préjudice en résultant, avait préféré solliciter la poursuite du préavis sous astreinte demande à laquelle il a été fait partiellement droit en ce sens que le Tribunal a ordonné la poursuite des contrats de franchise et de location gérance dans des conditions et limites qu’il énumérait pour donner aux parties le temps indispensable pour tenter de trouver une solution acceptable par les deux.
Par jugement du 20 février 2017, le Tribunal de commerce de PARIS a relevé qu’au vu de la précédente décision, les parties avaient trouvé un accord sur la poursuite du préavis jusqu’au 30 juin 2017 et qu’au titre des mesures de nature à faciliter le rétablissement de la société suggérées par le tribunal, le fournisseur du groupe CSF était intervenu volontairement à l’instance pour proposer de renoncer à la restitution des marchandises ordonnées par le JEX le 12 juillet 2016 et de réduire sa créance à due concurrence soit de 104.618 euros ce qui avait été accepté par la SAJDIS et son administrateur. Il a homologué cet accord intervenu aux termes de lettres officielles des 30 novembre et 02 décembre 2016. Vidant le litige, il a considéré que la lettre du 29 septembre 2014 ne constatait pas l’obligation pour la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE de présenter un fonds de commerce à acheter et débouté la SARL SAJDIS de sa demande.
Le 5 juillet 2017, statuant dans le cadre d’une procédure de référé d’heure à heure, le Président du Tribunal de commerce de Châteauroux a ordonné à la SARL SAJDIS de libérer les lieux en respectant les obligations mises à sa charge par le contrat du 29 septembre 2014, imparti à cet effet un délai expirant le 31 août suivant, à défaut, ordonné son expulsion et assorti l’obligation de vider les lieux d’une astreinte de 10.000 euros par jour de retard, autorisé la société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE ou l’huissier mandaté à cet effet, à solliciter si nécessaire le concours de la force publique, désigné Maître V., Huissier de justice à ISSOUDUN, pour procéder à diverses opérations d’état des lieux de sortie, d’inventaire, d’évaluation des stocks, d’accompagnement des conditions de reprise ou de séquestre des marchandises, condamné la SARL SAJDIS à verser à la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux dépens.
Par déclaration transmise le 24 juillet 2017, la SARL SAJDIS a relevé appel de cette décision.
Par ordonnance du 5 septembre 2017, le Premier Président de cette Cour a rejeté la demande en arrêt de l’exécution provisoire formée par l’appelante et l’a condamnée à payer à la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
Parallèlement à cette instance, la SARL SAJDIS a assigné la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE devant le tribunal de commerce de PARIS en nullité de la cession du fonds de commerce pour absence de prix, affaire pendante au jour de l’audience de plaidoirie tenue devant cette Cour.
Aux termes de ses dernières écritures auxquelles la Cour se réfère expressément, la SARL SAJDIS reproche au premier juge d’avoir excédé ses pouvoirs.
Visant les dispositions de l’article L. 442-6 I et D. 442-3 du Code du commerce, elle demande à la Cour de :
* constater que :
- les demandes de la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE nécessitent que soient examinées les conditions dans lesquelles s’est exécuté le préavis fixé par le Tribunal de commerce de Paris saisi du litige principal en vertu de son pouvoir juridictionnel exclusif s’agissant d’un litige relevant de l’article L. 442-6-I du Code du commerce visant à organiser le rétablissement de la société au cours du préavis,
- le contrat de location gérance fixe des obligations à la charge du locataire en termes de reprise du stock et de non concurrence constitutives d’un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au contrat et donc réputées non écrites, qu’elle entend demander au juge des référés compétent de suspendre l’application de la clause de reprise du stock « si bon semble au bailleur » sur ce fondement, que ses moyens de défense relèvent de l’article L. 442-6-I du code du commerce et que le juge de CHÂTEAUROUX était incompétent pour statuer sur l’entier litige, faute de pouvoir juridictionnel,
* en conséquence, prononcer la nullité de l’ordonnance pour excès de pouvoir ou à défaut l’infirmer et renvoyer l’entier litige devant le Tribunal de commerce de PARIS exclusivement compétent en vertu des dispositions de l’article D. 442-3 du Code du commerce,
Subsidiairement, dans l’hypothèse où elle retiendrait sa compétence,
* de surseoir à statuer dans l’attente de la décision à intervenir sur la propriété du fonds, affaire pendante devant le Tribunal de commerce de PARIS, dans le cadre d’une procédure à bref délai,
* de se déclarer incompétente pour statuer sur la demande qui excède les pouvoirs du juge des référés vu l’absence de dommage imminent et de trouble manifestement illicite au sens de l’article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile et la saisine du juge du fond, de débouter la SAS CARREFOUR de toutes ses demandes et la renvoyer à mieux se pourvoir devant le juge du fond,
* A titre infiniment subsidiaire de lui accorder un délai de vingt quatre mois pour quitter les locaux,
* En tout état de cause, de débouter la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE de toutes ses demandes fins et conclusions et la condamner à lui payer 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Elle fait essentiellement valoir que le juge des référés de CHÂTEAUROUX ne pouvait connaître de ce nouveau développement du litige l’opposant à la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE à laquelle elle reproche de ne pas avoir correctement exécuté le préavis fixé par le Tribunal de commerce de PARIS qui avait statué sur la rupture brutale de leurs relations commerciales conformément aux dispositions des articles L. 442-6-I du Code du commerce.
Elle soutient que seule cette juridiction spécialisée pouvait comme l’imposent les dispositions de l’article D. 442-3 du Code du commerce examiner les demandes aux fins d’expulsion, d’inventaire, de reprise des marchandises et de séquestre qui reprennent au surplus des dispositions contractuelles clairement constitutives de pratiques restrictives de concurrence. Elle estime qu’il n’est pas possible de s’en tenir à l’échéance du terme mais qu’il faut apprécier l’étendue de l’accord et les modalités d’exécution des décisions prononcées par le Tribunal de Commerce de PARIS. Elle affirme que la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE s’est à tort dispensée de lui présenter des fonds de commerce à exploiter contrairement aux termes du jugement homologuant leur accord qui devait être « respecté dans l’esprit de la Loi ».
Elle lui fait également grief d’avoir abusé les juges parisiens en leur dissimulant un courrier du 1er juillet 2014 qui fixait les conditions « essentielles et déterminantes » de la cession du fonds.
Elle explique qu’elle a donc saisi le Tribunal de commerce de PARIS dans le cadre d’une procédure à bref délai d’une demande en nullité de la cession du fonds pour prix vil ou dérisoire, que cette affaire se trouve en délibéré. Elle soutient également qu’il existe une difficulté sérieuse sur la propriété du fonds de commerce car conformément au courrier précité qui lui réservait cette faculté, elle a exercé son droit au rachat du fonds. Elle considère que dans ce contexte où le droit de propriété de la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE se trouve contesté, il existe une difficulté sérieuse interdisant au juge des référés, juge de l’évidence, de se prononcer. Plus largement, elle soutient que les critères de l’article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile ne sont pas réunis.
Par ailleurs, elle souligne que le Juge des référés a repris textuellement les demandes adverses pour définir la mission de l’huissier instrumentaire.
Elle demande enfin à pouvoir bénéficier de délais de grâce de façon à pouvoir honorer le plan de continuation et se réinstaller.
Pour sa part, la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE demande à la Cour de :
* déclarer l’appel recevable,
* constater son défaut de pouvoir ainsi que celui du premier juge sur les demandes de la SAJDIS reposant sur le droit des pratiques restrictives de concurrence et l’article L. 442-6-I du Code de commerce,
* dire et juger bien fondées ses demandes fondées sur l’article 873 du Code de procédure civile et en conséquence, confirmer l’ordonnance déférée, débouter la SAJDIS de toutes ses demandes, la condamner à lui verser 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle fait valoir pour l’essentiel que le juge des référés a été saisi en application de l’article 873 du Code de procédure civile afin d’ordonner la libération des locaux dans lesquels la SARL SAJDIS ne pouvait plus se maintenir puisqu’elle ne disposait plus de droits conformément à l’accord homologué par le Tribunal de commerce de PARIS, que sans excéder ses pouvoirs, le premier juge a fait droit à cette demande et ne s’est pas prononcé sur celles de la SAJDIS fondées sur l’article L. 442-6 III du Code du commerce dont seules des juridictions spécialisées peuvent connaître.
Elle rappelle que comme l’exige la Cour de cassation, de telles demandes doivent être déclarées irrecevables sans pour autant entraîner de dessaisissement total. Elle soutient que le juge des référés n’a pas excédé ses pouvoirs et que sa décision n’encourt pas l’annulation. Au demeurant, quand bien même aurait-il outrepassé ses pouvoirs, il conviendrait simplement de constater l’irrecevabilité des demandes présentées par la SARL SAJDIS.
Pour conclure à la bonne observation de l’article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile, elle expose que le jugement du 20 février 2017 n’a mis à sa charge aucune obligation particulière pendant le préavis et qu’il a expressément débouté la SARL SAJDIS de sa demande tendant à se voir présenter des fonds à acquérir, qu’il incombait à cette dernière de trouver les solutions destinées à lui permettre de poursuivre son activité en d’autres lieux, que devant le juge des procédures collectives, elle avait d’ailleurs évoqué une possible exploitation d’un autre fonds de commerce, que le refus de libérer les lieux constitue bien en l’espèce un trouble illicite.
Elle soutient également qu’une bonne administration de la justice n’impose pas de surseoir à statuer dans l’attente du sort de la demande en nullité de la cession du fonds de commerce dont la SARL SAJDIS a saisi le Tribunal de commerce de PARIS, cette procédure présentant un caractère opportuniste et dilatoire et qu’il n’existe aucun accord sur un rachat du fonds.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 17 octobre 2017.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI :
Sur la recevabilité de l’appel :
Attendu que l’appel contre l’ordonnance déférée ne peut être formé que devant cette Cour compétente territorialement pour en connaître ;
Sur les pouvoirs du juge des référés et la recevabilité des demandes respectives :
Attendu que la SARL SAJDIS reproche au juge des référés d’avoir excédé ses pouvoirs en statuant sur un litige portant sur l’exécution d’une décision rendue par une juridiction spécialisée ceci alors même qu’elle avait formé des demandes fondées sur l’article L. 442-6-I-5 ° du Code du commerce dont en l’espèce, seuls le Tribunal de commerce et la Cour d’appel de PARIS peuvent connaître conformément aux dispositions de l’article D. 442-3 du Code du commerce ;
Que dans les motifs de l’ordonnance déférée, le premier juge indique laconiquement écarter les moyens et demandes reconventionnelles présentés par la SARL SAJDIS en raison de leur caractère dilatoire ;
Attendu que par application de l’article D. 442-3 du Code du commerce, seul un nombre restreint de juridictions peut connaître de demandes fondées sur les articles L. 442-6-I du Code du commerce et la Cour de Paris des appels formés contre leurs décisions ; que si une autre juridiction en est saisie, elle doit constater leur irrecevabilité s’agissant d’un moyen d’ordre public tiré de l’absence de pouvoir juridictionnel et statuer sur le surplus à moins que ces demandes présentent un tel lien de connexité qu’elles doivent être jugées ensemble ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
Attendu que le litige relatif à la rupture des relations commerciales des parties a été réglé par deux décisions définitives rendues par le Tribunal de commerce de PARIS sur le fondement de l’article L. 442-6-I-5° du Code du commerce ;
Que par jugement du 31 octobre 2016, le Tribunal de commerce de PARIS a considéré que le délai initial du préavis était trop bref au regard de la durée des relations commerciales des parties ; qu’il en a fixé le terme au 30 juin 2017, invité les parties à se rapprocher et trouver un accord sur les conditions dans lesquelles la SAJDIS libérerait les lieux et cesserait son activité ; qu’il a également souligné l’absence de demande en réparation du préjudice par la SAJDIS et invité les parties à conclure le cas échéant sur ce point ; que dans la prolongation de cette décision, les parties sont parvenues à un accord ; qu’en revanche, elles s’opposaient toujours sur l’interprétation d’un courrier en date du 29 septembre 2014 valant avenant à la cession du fonds qui selon la SAJDIS imposait à la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE de lui présenter des fonds de commerce durant quatre ans ; que la décision homologuant l’accord par lequel la SAJDIS admettait qu’elle ne pouvait se maintenir dans les lieux et exploiter le fonds de commerce au-delà du 30 juin 2017, a tranché ce contentieux puisque le Tribunal de commerce de PARIS a considéré que la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE n’avait pas cette obligation ;
Qu’à l’issue du préavis dont le terme correspond à celui fixé par le Tribunal de commerce, la SARL SAJDIS ne pouvait donc se maintenir dans les lieux et devait procéder aux différentes opérations fixées par les contrats de franchise, d’approvisionnement et de location gérance qu’elle n’avait pas discutées ou réservées ;
Que les demandes soumises au Juge des référés par la SAS CARREFOUR ont pour principal objet d’obtenir la libération des lieux et la restitution du fonds sur lequel la SARL SAJDIS ne dispose plus de droits depuis le 1er juillet 2017 ;
Que si la SAJDIS soutient que le préavis n’a pas été exécuté de bonne foi par la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE à laquelle elle reproche de n’avoir rien fait pour faciliter son rétablissement et notamment de ne pas lui avoir proposé d’autres fonds de commerce à acquérir et d’avoir trompé la religion du Tribunal de commerce de PARIS en lui dissimulant un courrier fixant les conditions auxquelles son gérant acceptait de céder le fonds, cette argumentation se heurte à l’autorité de la chose jugée attachée aux deux décisions précédemment rappelées ;
Qu’il s’en suit que les contestations élevées par le SARL SAJDIS ne sont pas de nature à interdire au Juge des référés de statuer conformément à l’article 873 du Code de procédure civile sur une demande tendant à faire cesser un trouble manifestement illicite d’autant que le domaine de compétence reconnu aux juridictions spécialisées par l’article L. 442-6-I du Code du commerce s’interprète strictement en raison de son caractère dérogatoire au droit commun ;
Que si les contestations élevées par la SARL SAJDIS sur la validité des clauses de non concurrence ou de reprise des stocks devaient être déclarées irrecevables puisque fondées sur les articles L. 442-6-I du Code du commerce, il revenait bien au Juge des référés de statuer sur les demandes de la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE car elles ne forment pas un tout indissociable et c’est donc sans excéder ses pouvoirs qu’il les a examinées ;
Que de même, l’introduction au demeurant tardive d’une procédure en annulation de la cession du fonds de commerce ne justifiait pas davantage de surseoir à statuer ;
Sur l’application de l’article 873 alinéa 1 du Code de procédure civile :
Attendu que le maintien dans les lieux d’un occupant dépourvu de droit et de titre constitue bien un trouble illicite au sens de l’article 873 du Code du commerce autorisant de prescrire les mesures conservatoire ou de remise en état qui s’imposent afin de le faire cesser ; qu’en l’espèce, à la date de l’assignation, le préavis prévu par l’accord homologué avait expiré et la SARL SAJDIS ne disposait plus d’aucun titre pour exploiter le fonds ou se maintenir dans les murs ; qu’elle était donc devenue occupant sans droit ni titre ; que les contestations relatives à la propriété du fonds ne sont pas en l’espèce de nature à remettre en cause cette situation étant rappelé que les mesures prévues par le texte sus visé peuvent être prescrites même en présence d’une contestation sérieuse ; que dans ces conditions, c’est à bon escient que le premier juge a décidé d’ordonner la libération des lieux et à défaut l’expulsion ainsi que la désignation d’un huissier ;
Que s’agissant de la mission confiée à ce dernier, force est de constater que le premier juge a recopié le dispositif de l’assignation ; qu’en particulier, il désigne Maître V. « aux fins d’interpeller la SARL SAJDIS quant au sort du stock des marchandises lui appartenant et le cas échéant, autoriser la société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE à reprendre ou faire reprendre celui-ci, si bon lui semble, après inventaire aux prix de fourniture pratiqués à cette date conformément à l’article 4-14 du contrat de location-gérance », de « dire qu’à défaut de reprise du stock par la société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE comme « indiqué ci-dessus, le stock de marchandises présent sur les lieux sera séquestré sous le contrôle de l’huissier instrumentaire en tout lieu extérieur au point de vente désigné par la SARL SAJDIS », de « dire qu’en l’absence sur les lieux de la SARL SAJDIS nonobstant la parfaite signification de la décision à intervenir, l’état des lieux et l’inventaire pourront être effectués hors sa présence », de « dire que la société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE et l’huissier instrumentaire pourront se faire assister le cas échéant de la force publique et d’un serrurier aux fins d’exécution de votre décision » ; que la mission de l’huissier instrumentaire doit donc être rectifiée selon les modalités détaillées au dispositif (qui prennent en considération les contestations relatives à la clause de reprise du stock que ni le juge des référés ni cette cour n’ont le pouvoir d’examiner) ;
Que quant au délai sollicité sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil, le premier juge a accordé à la SARL SAJDIS un délai supplémentaire de trois mois qui expirait le 31 août dernier ; que sa demande d’arrêt de l’exécution provisoire a été repoussée ; que nonobstant et malgré une astreinte, elle se maintient dans les lieux et a donc de facto bénéficié d’un temps supplémentaire ; qu’aucun élément ne justifie d’accorder des délais supplémentaires étant rappelé que devant le juge des référés, la SAJDIS insistait sur sa très forte activité en période estivale lui permettant de constituer une trésorerie pour les période de moindre activité (période hivernale) et que devant le Tribunal de commerce pour obtenir un plan de continuation, elle avait indiqué qu’elle avait trouvé un autre fonds de commerce à exploiter ;
Sur les demandes relatives aux frais irrépétibles et aux dépens :
Attendu que la SARL SAJDIS qui succombe doit conserver ses frais irrépétibles et supporter les dépens d’appel mais qu’il n’apparaît pas inéquitable de débouter la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Déclare recevable l’appel formé par la SARL SAJDIS ;
Déclare irrecevables les demandes présentées par la SARL SAJDIS et fondées sur l’article L. 442-6-I du Code du commerce ;
Déboute la SARL SAJDIS de ses demandes en sursis à statuer et en délais de grâce ;
Confirme l’ordonnance sauf en ses dispositions relatives à la mission de l’huissier instrumentaire et statuant à nouveau de ce chef,
Désigne Maître V., huissier de justice à ISSOUDUN aux fins suivantes :
- dresser un état des lieux portant sur l’état locatif à la sortie de la SARL SAJDIS ainsi que l’inventaire du stock en présence de tout représentant de la société CARREFOUR PROXIMITÉ FRANCE ayant pouvoir à cet effet,
- interpeller la SARL SAJDIS quant au stock de marchandises lui appartenant,
- s’assurer de la libération des lieux par la SARL SAJDIS et si besoin procéder à son expulsion ainsi que de tout occupant de son chef,
Autorise l’huissier instrumentaire à effectuer les opérations d’état des lieux et d’inventaire hors la présence de la SARL SAJDIS, en son absence sur les lieux,
Autorise l’huissier instrumentaire à se faire assister, le cas échéant, de la force publique et d’un serrurier aux fins d’exécution de l’ordonnance et du présent arrêt ;
Déboute la SARL SAJDIS et la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ de toutes autres demandes contraires à la motivation ;
Déboute la SARL SAJDIS et la SAS CARREFOUR PROXIMITÉ de leurs demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SARL SAJDIS aux dépens d’appel ;
L’arrêt a été signé par M. FOULQUIER, Président, et par Mme GUILLERAULT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. GUILLERAULT Y. FOULQUIER