CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 4 novembre 2013
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7331
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 4 novembre 2013 : RG n° 11/03531
Cassé sur pourvoi par Cass. civ. 1re, 4 février 2015 : pourvoi n° 14-11002 ; arrêt n° 112 ; Bull. civ.
Publication : Jurica
Extrait : « Qu'il n'est pas contesté que monsieur X., habitant l'Hérault s'est déplacé en Isère au garage Gauduel avec sa voiture Jaguar XJ et a conclu non une vente comme l'ensemble des parties le soutient abusivement, mais un contrat de location portant sur un véhicule Jaguar neuf avec option d'achat, la première mensualité prenant en compte la restitution de l'ancien véhicule qui a été remis le jour de la conclusion du contrat au garage, monsieur X. repartant au volant du véhicule neuf, objet du dit-contrat ; Que le contrat de location avec option d'achat ayant été conclu dans un lieu destiné à la commercialisation, c'est à tort que le tribunal a retenu que monsieur X. pouvait bénéficier de la protection accordée à la conclusion d'un contrat résultant de démarchage à domicile soit le respect du délai de réflexion de 7 jours, la remise d'un contrat et l'interdiction de percevoir une contrepartie financière durant le délai de réflexion ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 4 NOVEMBRE 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/03531. Appel d'un Jugement (R.G. n° 07/0770) rendu par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE en date du 6 juin 2011, suivant déclaration d'appel du 13 juillet 2011.
APPELANTE :
SAS FCE BANK PLC
société de droit britannique, poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, représenté par Maître RAMILLON, en qualité d'avoué à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par Maître Frédéric ALLEAUME, avocat au barreau de LYON
INTIMÉS :
Monsieur X.
né le [date] à [ville], de nationalité Française, représenté par Maître Michel BENICHOU de la SCP BENICHOU PARA TRIQUET- DUMOULIN, avocat au barreau de GRENOBLE, constitué aux lieu et place de la SCP CALAS Jean et Charles, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011, postulant, plaidant par Maître Claire GROUSSARD, avocat au barreau de MONTPELLIER
Société GAUDUEL AUTOMOBILES, concessionnaire Jaguar
poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par la SCP GRIMAUD en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de Grenoble, et plaidant par Maître Bernard GALLIZIA, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller, Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier,
DÉBATS : A l'audience publique du 7 octobre 2013 Madame BLATRY a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
La société FCE Bank PLC exerçant sous l'enseigne Jaguar Finance a consenti le 28 novembre 2005 à monsieur X. une offre préalable de location avec option d'achat relative à un véhicule neuf de marque Jaguar type X 2.0 d'un prix de 32.405,00 euros payable en 25 mensualités, la première d'un montant de 19.970,19 euros incluant la valeur de reprise de son ancien modèle Jaguar XJ au prix convenu de 19.250,00 euros TTC et paiement du solde correspondant à la valeur de rachat d'un montant de 15.841,00 euros au terme du contrat.
Le véhicule a été commandé auprès de la société Gauduel.
Monsieur X. ne souhaitant pas s'en porter acquéreur à l'issue du contrat, l'a restitué le 21 janvier 2008.
Suivant exploit d'huissier en date du 5 février 2007, monsieur X. a fait citer la société Gauduel devant le tribunal de grande instance de Grenoble puis a assigné le 6 juin 2008, la société FCE Bank PLC en intervention forcée, sur le fondement des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation en annulation de la vente, du contrat de location avec option d'achat, restitution du prix et paiement de dommages intérêts.
Par jugement du 6 juin 2011, le tribunal de grande instance de Grenoble a :
* annulé les contrats de vente et de location avec option d'achat concernant le véhicule Jaguar modèle X type classic immatriculé XXX,
* constaté que le véhicule a été restitué le 21 janvier 2008,
* ordonné la restitution de la somme de 19.970,19 euros par la société FCE Bank PLC à monsieur X.,
* débouté la société FCE Bank PLC de sa demande en garantie par la société Gauduel, et de sa demande en dommages intérêts,
* rejeté la demande en dommages intérêts de monsieur X.,
* condamné solidairement la société FCE Bank PLC et la société Gauduel à payer à monsieur X. une indemnité de procédure de 2.500,00 euros.
Par déclaration en date du 13 juillet 2011, la société FCE Bank PLC a relevé appel de cette décision.
Au dernier état de ses écritures en date du 12 octobre 2011, la société FCE Bank PLC demande de :
1) à titre principal :
* lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à justice concernant la demande d'annulation du contrat de vente,
* au regard de son absence de faute, de débouter monsieur X.,
2) subsidiairement,
* constater que le véhicule a été restitué en fin de contrat de location et que monsieur X. ne peut prétendre à aucun remboursement de loyer ce qui constituerait un enrichissement sans cause,
* débouter monsieur X. de toute réclamation à son encontre,
3) très subsidiairement, dire que monsieur X. devra être tenu au remboursement des loyers jusqu'à l'introduction de la procédure et que le montant de sa condamnation ne peut dépasser la somme de 8.320,00 euros,
4) en tout état de cause :
* condamner la société Gauduel à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre,
* condamner la partie succombante à lui payer la somme de 4.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Elle fait valoir que :
* elle est étrangère aux conditions d'acquisition du véhicule et a rempli l'ensemble de ses obligations,
* la société Gauduel est seule responsable de l'annulation et doit la relever et garantir,
* si le contrat de vente était annulé, le contrat de location avec option d'achat se trouverait privé de cause, alors qu'il a été entièrement exécuté,
* elle se prévaut d'une jurisprudence selon laquelle la résolution du contrat de vente ne peut entraîner la résolution du contrat de location avec option d'achat qu'à compter de la demande judiciaire.
Par conclusions du 25 janvier 2012, monsieur X. sollicite la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté sa demande en dommages intérêts de 10.000,00 euros à l'encontre de ses 2 adversaires et y ajoutant, leur condamnation à lui payer la somme de 7.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il expose que :
* par application de l'article L. 121-21 du code de la consommation, quiconque pratique ou fait pratiquer le démarchage au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail en vue d'une vente, d'une location ou d'un achat est soumis aux dispositions de ce même code,
* il a été démarché par le garage Gauduel,
* la vente réalisée par la société Gauduel ne respecte pas les conditions essentielles d'une vente à savoir concernant le bordereau de rétractation, le délai de repentir, le respect d'une délivrance conforme et le respect de l'obligation générale d'information,
* la nullité du contrat de location avec option d'achat résulte de la nullité entachant le contrat de vente auquel il se rapporte et les violations du code de la consommation commises lors de la signature de ce contrat proprement dit,
* il ouvre droit au remboursement du prix payé et à l'indemnisation de ses préjudices.
Par dernières écritures du 20 janvier 2012, la société Gauduel conclut à l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes en dommages intérêts de monsieur X. et de :
* dire régulier et valable le contrat de vente du véhicule Jaguar à monsieur X.,
* le débouter de l'intégralité de ses demandes,
* débouter la société FCE Bank PLC de sa demande en garantie,
* condamner monsieur X. à lui payer la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l.article 700 du code de procédure civile.
Elle prétend que :
* il n'y a pas eu de démarchage à l'égard de monsieur X.,
* elle n'a pas manqué à son obligation d'information et les règles protectrices du droit de la consommation sont inapplicables en l'espèce.
La clôture de la procédure est intervenue le 2 juillet 2013.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
1/ Sur le démarchage à domicile :
Attendu que le démarchage est une pratique commerciale encadrée par la loi afin de protéger le consommateur lorsque le contrat a été signé soit au domicile de l'acquéreur même si celui-ci a demandé au vendeur de se déplacer à son domicile, soit lors de réunions pratiquées hors des lieux de vente habituels, soit sur son lieu de travail soit à l'occasion de voyages publicitaires ;
Qu'en l'espèce, il est constant que monsieur X. a reçu à son domicile un courrier circulaire en date du 18 novembre 2005, adressé aux personnes inscrites sur le fichier client du garage Gauduel aux termes duquel il était offert l'entretien ou 2 mensualités sur X-TYPE et S-TYPE pour 36 mois (hors pneus et lié aux conditions kilométriques) pour toute réservation d'une Jaguar neuve avant le 31 décembre 2005 et livraison avant le 31 mars 2006 : offre liée à un crédit de 4.000,00 euros minimum sur 36 mois.
De plus, Jaguar Grenoble offrait 3.000,00 euros de plus que les conditions générales de l'Argus sur la reprise de l'ancienne Jaguar pour l'achat d'une Jaguar neuve ;
Qu'il n'est pas contesté que monsieur X., habitant l'Hérault s'est déplacé en Isère au garage Gauduel avec sa voiture Jaguar XJ et a conclu non une vente comme l'ensemble des parties le soutient abusivement, mais un contrat de location portant sur un véhicule Jaguar neuf avec option d'achat, la première mensualité prenant en compte la restitution de l'ancien véhicule qui a été remis le jour de la conclusion du contrat au garage, monsieur X. repartant au volant du véhicule neuf, objet du dit-contrat ;
Que le contrat de location avec option d'achat ayant été conclu dans un lieu destiné à la commercialisation, c'est à tort que le tribunal a retenu que monsieur X. pouvait bénéficier de la protection accordée à la conclusion d'un contrat résultant de démarchage à domicile soit le respect du délai de réflexion de 7 jours, la remise d'un contrat et l'interdiction de percevoir une contrepartie financière durant le délai de réflexion ;
Qu'il convient en conséquence de débouter monsieur X. de sa demande en nullité du contrat de location avec option d'achat conclu le 28 novembre 2005 à raison de la violation des règles de la vente après démarchage ;
2/ Sur le manquement à l'obligation de délivrance conforme :
Attendu que monsieur X. prétend qu'alors qu'il souhaitait acquérir un modèle Classic, la garage Gauduel lui a vendu un modèle Entry sans l'informer de ce changement, violant ainsi par application des articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation, son obligation de délivrance ;
Qu'il soutient en outre, que sur son contrat ne figure pas le prix total d'achat du véhicule, ce qui caractérise un défaut d'information, ces divers manquements concernant des dispositions d'ordre public, justifiant de prononcer la nullité des actes y contrevenant ;
Attendu qu'il résulte de l'examen du bon de commande que le véhicule acquis est ainsi désigné :
* modèle : X-TYPE,
* version : Entry,
* carrosserie Berline,
* couleur : Quartz,
* garnissage : cuir champagne ;
Que monsieur X. qui a signé ce bon de commande sur lequel est indiqué clairement et expressément que le modèle acquis est une version Entry, ne peut sérieusement prétendre qu'il l'ignorait ;
Que concernant le prix, les parties versent aux débats leur exemplaire du bon de commande, étant relevé qu'il s'agit d'une liasse, les premier et deuxième exemplaires étant destinés au concessionnaire, le troisième à Jaguar France et le dernier au client ;
Que la comparaison des exemplaires concessionnaire et client, manifestement écrits de la même main, les chiffres se situant exactement suivant les mêmes dispositions, font apparaître sur l'exemplaire de monsieur X. le défaut de mention de 2 sommes soit la somme de 520,00 euros concernant l'habillage et la mention du prix total TTC de 32.405,00 euros ;
Que la cour relève que sur les 2 exemplaires est bien portée la mention 'Habillage des sièges en cuir plus 4 lettres illisibles ;
Que l'exemplaire de monsieur X. n'est pas renseigné sur le montant de cette option alors que les 12 autres options le sont ;
Que le prix total TTC de 32.405,00 euros correspond à l'addition des diverses options dont est soustraite la somme de 3.000,00 euros correspondant à la rubrique 'reprise';
Que de surcroît cette somme de 32.405,00 euros est expressément portée sur le contrat de location avec option d'achat conclu par monsieur X. avec la société FCE Bank PLC et qu'il a signé ;
Attendu que dans ces conditions, monsieur X. échoue à démontrer à l'encontre de la société Gauduel les manquements qu'il allègue ;
Qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement déféré et de débouter monsieur X. de l'ensemble de ses demandes, sans qu'il soit besoin d'examiner les demandes en garantie de la société FCE Bank PLC ;
3/ Sur les mesures accessoires :
Attendu que monsieur X. succombant, supportera les frais non compris dans les dépens de ses adversaires ;
Attendu enfin pour les mêmes raisons, qu'il sera condamné aux dépens tant de première instance qu'en cause d'appel et ce avec distraction au profit des avocats qui la sollicite.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau :
Déboute monsieur Jaques X. de l'ensemble de ses demandes,
Le condamne à payer tant à la société Gauduel qu'à la société FCE Bank PLC la somme de 1.500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne monsieur X. aux dépens tant de première instance qu'en cause d'appel et ce avec distraction au profit des avocats qui la sollicite.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame KLAJNBERG, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président