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CA RENNES (2e ch.), 6 juin 2014

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 6 juin 2014
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 13/05993
Décision : 14/242
Date : 6/06/2014
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 9 décembre 2015
Numéro de la décision : 242
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7336

CA RENNES (2e ch.), 6 juin 2014 : RG n° 13/05993 ; arrêt n° 242

Cassé par Cass. civ. 1re, 9 décembre 2015 : pourvoi n° 14-23272 ; arrêt n° 1413

Publication : Jurica

 

Extrait : « Selon la banque, l'artic1e L. 311-32 attribue expressément compétence au tribunal saisi du litige au fond pour suspendre l'exécution du contrat de crédit, ce qui exclut la compétence du juge des référés. Mais, l'article L. 311-32 ne dit pas que seul le tribunal saisi de la contestation du contrat principal a le pouvoir de suspendre l'exécution du contrat de crédit. De plus, le terme « tribunal » n'interdit pas la saisine du juge des référés du tribunal d'instance qui constitue l'une des formations de cette juridiction, laquelle ne comprend pas de juge de la mise en état. La décision de suspension valant « jusqu'à la solution du litige » il s'agit d'une mesure provisoire, en outre justifiée par une contestation, relevant à ces deux titres des pouvoirs du juge des référés.

La banque soutient également que Monsieur X. et Monsieur Y. ne demandant pas à titre principal la résolution du contrat principal, sanctionnant son inexécution contractuelle, mais poursuivant son annulation, sanction de la violation d'une règle d'ordre public du code de la consommation et d'un vice du consentement, l'article L. 311-32 du Code de la consommation qui évoque un litige ayant pour objet « l'exécution du contrat principal » n'est donc pas applicable et la suspension du remboursement du prêt ne peut être ordonnée.Mais, le litige prévu par ce texte ne concerne pas que les demandes en résolution du contrat et s'applique aussi aux demandes d'annulation des contrats, puisqu'il prévoit la résolution ou l'annulation de plein droit du contrat de crédit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 6 JUIN 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/05993. Arrêt n° 242.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Catherine LE BAIL, Président, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, Madame Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,

GREFFIER : Madame Stéphanie LE CALVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :A l'audience publique du 4 mars 2014, Madame LE POTIER, Conseiller, entendue en son rapport

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 6 juin 2014 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré

 

APPELANTE :

SA BANQUE SOLFEA

EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE BANQUE DE CREDIT A LONG ET MOYEN TERME agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentée par la SCP Daniel CHATTELEYN & Benoît GEORGE, Postulants, avocats au barreau de RENNES, Représentée par Maître VINCENSINI Edgard, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], Représenté par Maître Dominique CARTRON, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représenté par Maître Emmanuel PELTIER, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], Représenté par Maître Dominique CARTRON, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représenté par Maître Emmanuel PELTIER, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société BANQUE SOLFEA est appelante de l’ordonnance de référé du tribunal d'instance de RENNES du 26 juillet 2013 qui, au visa de l'article L. 311-32 du code de la consommation, a ordonné la suspension des obligations nées du contrat de crédit consenti par la société BANQUE SOLFEA à Monsieur X. et à Monsieur Y., accessoire au contrat conclu le 22 février 2012 entre ces derniers et la société GROUPE ECO FRANCE (GEF) jusqu'à la solution du litige opposant les emprunteurs à cette dernière.

Par ses conclusions du 4 novembre 2013, la société BANQUE SOLFEA demande à la cour d'infirmer l'ordonnance et de :

Vu l'article L. 311-32 du code de la consommation,

A titre principal :

- dire n'y avoir lieu à référé,

- déclarer irrecevable la demande de suspension du crédit faute de mise en cause de la société GROUPE ECO FRANCE,

- déclarer irrecevable la demande de suspension du crédit compte tenu de la signature de l'attestation de fin de travaux,

A titre subsidiaire,

- débouter Monsieur X. et Monsieur Y. de leur demande de suspension du paiement des échéances du prêt consenti par la BANQUE SOLFEA,

En toute hypothèse,

- condamner in solidum Messieurs X. et Y. au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions du 27 décembre 2013, Monsieur X. et Monsieur Y. sollicitent de la cour de :

Vu les dispositions des articles 848 et 849 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article L. 311-32 du code de la consommation,

- confirmer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a ordonné la suspension du contrat de crédit affecté souscrit par eux auprès de la banque SOLFEA selon offre du 22 février 2012, prêt n° P12XX07, jusqu'à l'issue du litige touchant le contrat principal,

- réformer l'ordonnance de référé en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et en ce qu'elle a laissé à la charge des parties les dépens qu'elles ont dû engager,

Statuant à nouveau,

- condamner la banque SOLFEA à leur verser la somme de 800 euros au titre frais irrépétibles exposés lors de la procédure de première instance, et la somme de 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile relativement à la procédure d'appel, et aux dépens de première instance et de la procédure d'appel.

L'ordonnance de clôture est en date du 6 février 2014.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Le 22 février 2012, Monsieur X. a passé commande auprès de la société GEF de la fourniture et de l'installation d'un système de production d'électricité par panneaux photovoltaïques outre la fourniture et l'installation d'un ballon d'eau chaude thermodynamique solaire pour le prix de 26 000 euros.

Par contrat de crédit affecté « prêt photovoltaïque », la société SOLFEA a consenti à Monsieur X. et à Monsieur Y. un crédit de 26.000 euros pour l'installation photovoltaïque, remboursable en 180 échéances après un report de 11 mois, d'un montant de 221 euros, pour un coût total de 39.624,99 euros.

Par assignation des 28 mai 2013 et 28 juin 2013, Monsieur X. et Monsieur Y. ont fait citer la société GROUPE ECO FRANCE et la société SOLFEA devant le tribunal d'instance de RENNES pour voir annuler ou résilier le contrat du 22 février 2012 et constater l'anéantissement corrélatif du contrat de crédit affecté au financement du contrat de vente.

Par assignation du 28 mai 2013, Monsieur X. et Monsieur Y. ont fait citer la société BANQUE SOLFEA devant le juge du tribunal d'instance de RENNES statuant en référé aux fins d'obtenir, sur le fondement de l’artic1e L. 311-32 du code de la consommation, la suspension du contrat de crédit consenti par la société BANQUE SOLFEA jusqu'à l'issue du litige touchant le contrat principal.

L'artic1e L. 311-32 du code de la consommation dispose que, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal pourra jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions de l'alinéa précédent ne seront applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

 

Sur la recevabilité de la demande de suspension du contrat de crédit :

Selon la banque, l'artic1e L. 311-32 attribue expressément compétence au tribunal saisi du litige au fond pour suspendre l'exécution du contrat de crédit, ce qui exclut la compétence du juge des référés.

Mais, l'article L. 311-32 ne dit pas que seul le tribunal saisi de la contestation du contrat principal a le pouvoir de suspendre l'exécution du contrat de crédit.

De plus, le terme « tribunal » n'interdit pas la saisine du juge des référés du tribunal d'instance qui constitue l'une des formations de cette juridiction, laquelle ne comprend pas de juge de la mise en état.

La décision de suspension valant « jusqu'à la solution du litige » il s'agit d'une mesure provisoire, en outre justifiée par une contestation, relevant à ces deux titres des pouvoirs du juge des référés.

La banque soutient également que Monsieur X. et Monsieur Y. ne demandant pas à titre principal la résolution du contrat principal, sanctionnant son inexécution contractuelle, mais poursuivant son annulation, sanction de la violation d'une règle d'ordre public du code de la consommation et d'un vice du consentement, l'article L. 311-32 du Code de la consommation qui évoque un litige ayant pour objet « l'exécution du contrat principal » n'est donc pas applicable et la suspension du remboursement du prêt ne peut être ordonnée.

Mais, le litige prévu par ce texte ne concerne pas que les demandes en résolution du contrat et s'applique aussi aux demandes d'annulation des contrats, puisqu'il prévoit la résolution ou l'annulation de plein droit du contrat de crédit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

La BANQUE SOLFEA allègue que la demande de suspension du crédit est irrecevable faute de mise en cause de la société GROUPE ECO FRANCE.

Cependant, si la mise en cause du prêteur est obligatoire, et prévue par l'alinéa 2 de l'article L. 311-32, dans l'instance ayant pour objet la résolution du contrat principal et par voie de conséquence de plein droit du contrat de crédit, ce texte n'exige pas l'appel à la cause du vendeur à l'instance en suspension du contrat de crédit dirigée contre le prêteur.

Et l'éventuelle suspension du contrat de crédit étant sans incidence sur le contrat principal, elle constitue une mesure autonome devant être prise entre l'emprunteur et le prêteur dans l'attente de la solution du litige en présence des trois parties devant la juridiction du fond.

Le moyen tiré par l'appelante de ce que, les emprunteurs ayant signé une attestation de fin de travaux, ils ne sont pas recevables à poursuivre la résolution des contrats, concerne l'admissibilité de la demande de résolution du contrat principal pour inexécution, et est inopérant s'agissant de la recevabilité de la demande de suspension du contrat de crédit, demande autonome fondée sur l'existence d'un litige devant être tranché par la juridiction du fond.

 

Sur le bien-fondé de la demande de suspension de crédit :

Monsieur X. et Y. justifient qu'ils ont régulièrement saisi le tribunal d'instance d'une contestation concernant l'exécution du contrat de fourniture et d'installation d'un système de production d'électricité par panneaux photovoltaïques et du contrat de crédit affecté 'prêt photovoltaïque' la société SOLFEA.

Les conditions prévues par l'article L. 311-32 du code de la consommation sont réunies, et les emprunteurs sont fondés à se prévaloir de ce texte dont l'objectif est de dispenser provisoirement un acquéreur du paiement du crédit affecté au financement de l'acquisition dont il soutient ne pas pouvoir bénéficier et percevoir les gains escomptés pour le remboursement du crédit affecté.

Sans qu'il y ait lieu d'apprécier le bien-fondé des allégations respectives des acquéreurs et de la Banque SOLFEA sur le fond du litige principal, et la démonstration de la faute de la banque n'étant pas une condition prévue par l'article L. 311-32, il convient de faire droit à la demande de suspension du crédit jusqu'à la solution de ce litige, l'ordonnance déférée étant confirmée.

La banque SOLFEA qui succombe sur les mérites de son appel sera condamnée à verser aux intimés la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Confirme l'ordonnance déférée ;

Y additant,

Condamne la société BANQUE SOLFEA à payer à Monsieur X. et à Monsieur Y., ensemble, la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société BANQUE SOLFEA aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier                             Le Président