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CA CAEN (1re ch. civ.), 23 janvier 2018

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (1re ch. civ.), 23 janvier 2018
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 1re ch.
Demande : 15/03886
Date : 23/01/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/11/2015
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7398

CA CAEN (1re ch. civ.), 23 janvier 2018 : RG n° 15/03886 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Les appelants excipent encore les dispositions de l'article 3-3-5 du règlement général du Conseil des Marchés Financiers, qui énonce que : « le prestataire habilité évalue la compétence professionnelle du client s'agissant de la maîtrise des opérations envisagées et des risques que ces opérations peuvent comporter. Cette évaluation tient compte de la situation financière du client, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés. Le prestataire habilité informe le client des caractéristiques des instruments financiers dont la négociation est envisagée, des opérations susceptibles d'être traitées et des risques particuliers qu'elles peuvent comporter. » Or il n'apparaît pas qu'il n'ait pas été satisfait en l'espèce à ces obligations. La Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie a appliqué la bonne pratique consistant à proposer des placements diversifiés, le premier, sécurisé en ce que le contrat Initiatives Plus offrait un taux minimum garanti, le second, plus dynamique (Nuances 3D), et Monsieur X. a lui-même admis que, lors de l'entretien commercial, un conseiller de la caisse d'épargne lui avait expliqué le fonctionnement du contrat, lui permettant de choisir le mode de gestion et les supports d'investissements adaptés à sa situation. La signature de cette stipulation contractuelle vaut reconnaissance par le souscripteur de l'évaluation et de la prise en compte de sa situation par la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie, mais en tout état de cause, les placements dont s'agit étaient bien conformes aux préconisations pour un investisseur moyen.

Monsieur X. soutient à tort que la clause en question serait abusive au visa d'un avis de la commission des clauses abusives du 6 juin 2013 : outre que cet avis ne peut s'appliquer de manière rétroactive à un contrat conclu au mois de juin 2002, elle n'est pas transposable au cas d'espèce en ce qu'elle concernait un contrat de crédit à la consommation. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 JANVIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 15/03886. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal de Grande Instance d'ALENÇON en date du 8 septembre 2015 - R.G. n° 12/00979.

 

APPELANTS :

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville]

Monsieur X.

né le [date] à [ville]

LA SELARL PHARMACIE X.

N° SIRET : XXX, prise en la personne de son représentant légal, représentés et assistés de Maître Stéphane P., avocat au barreau de CAEN

 

INTIMÉES :

LA SA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORMANDIE

N° SIRET : YYY, prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître Jacques B., avocat au barreau D'ALENCON, assistée de Maître Frédéric C. de la SCP EMO H. & ASSOCIES, avocat au barreau de ROUEN,

LA SA CNP ASSURANCES

N° SIRET : ZZZ, représentée et assistée de Maître Didier L., avocat au barreau D'ALENÇON

 

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Mme HUSSENET, Présidente de chambre, rédacteur, Mme SERRIN, Conseiller, M. BRILLET, Conseiller,

DÉBATS : A l'audience publique du 21 novembre 2017

GREFFIER : Mme FLEURY

ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile le 23 Janvier 2018 par prorogation du délibéré initialement fixé au 16 janvier 2018 et signé par Mme HUSSENET, président, et Mme FLEURY, greffier

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Le 28 mars 2002, les époux X.-M. ont vendu sous condition suspensive à la Selarl Pharmacie X., en voie de constitution, et dont ils devaient être les seuls actionnaires, leur officine située à [ville A.], moyennant le prix de 1.067.300 euros.

Monsieur X. sera désigné gérant de ladite société.

Courant mai 2002, la Selarl Pharmacie X. va souscrire auprès de la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie deux prêts de respectivement 701.265 euros, pour l'acquisition du fonds de commerce, stipulé remboursable en 12 ans, au taux fixe de 5,30 %, et 457.347 euros, s'agissant du prêt équipement, consenti moyennant application d'un taux variable, également stipulé remboursable en 12 ans.

Les deux prêts étaient garantis par la caution de chacun des époux X., personnes physiques, le nantissement du fonds de commerce en 1er rang, et le nantissement de produits d'assurance vie.

En effet, monsieur X., seul, a souscrit courant mai et juin 2002 deux contrats d'assurance vie « Initiative Plus » pour l'un, et « Nuances 3D » pour l'autre, auprès de la société Ecureuil Vie, aux droits de laquelle vient désormais la SA CNP Assurances.

La Selarl Pharmacie X. a commencé à connaître des difficultés en 2008, le solde de son compte courant est devenu largement déficitaire, (120.000 euros en août 2008), un projet de restructuration envisagé un temps a échoué, et en novembre 2008, la SA CNP Assurances a décidé de mettre un terme à ses concours financiers.

Sur l'intervention du médiateur du crédit, elle a néanmoins accepté de mettre en place un échéancier pour l'assainissement de la situation de compte de la société Selarl Pharmacie X., sur 24 mois, mais la situation n'a fait que s'aggraver et la dette contractée auprès des fournisseurs atteignait la somme de 330.000 euros en 2010, lorsque la société ALLIANCE HEALTHCARE REPARTITION a procédé à l'inscription de nantissements sur le fonds de commerce.

Les échéances des deux prêts n'étaient alors plus payées, le solde débiteur du compte courant s'accroissait, le plan d'assainissement n'était ainsi pas respecté, et la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie a informé les cautions de la situation, tout en mettant la Selarl Pharmacie X. en demeure de régler les échéances impayées, en vain.

Dans ce contexte difficile que la Selarl Pharmacie X. a cédé l'officine à la Pharmacie B. le 31 mai 2011, moyennant le prix de 950.000 euros.

La déchéance du terme a ensuite été prononcée pour chacun des prêts, le produit de la vente a permis pour partie seulement de désintéresser la banque, et le surplus de la dette a été réglé grâce au rachat par monsieur X. du contrat d'assurance vie « Nuances 3 ».

La SA Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie a finalement dénoncé la convention de compte courant la liant à la Selarl Pharmacie X., et monsieur X. a procédé au rachat de son second contrat d'assurance vie.

Par exploits d'huissier de justice du 13 juin 2012, la Selarl Pharmacie X., monsieur X. et madame Y. épouse X. ont fait assigner la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie ainsi que la SA CNP Assurances devant le tribunal de grande instance d'Alençon, à l'effet, dans le dernier état de leurs écritures, de les voir condamner avec exécution provisoire, in solidum, à leur payer à titre de dommages et intérêts la somme de 709.816,54 euros se décomposant comme suit :

* manque à gagner contrats Initiatives Plus et Nuances 3 D : 253.816,54 euros

* réparation de la perte subie sur la cession de l'officine de pharmacie : 199.000 euros

* préjudice moral et de carrière : 250.000 euros

* réparation des pénalités de remboursement anticipé : 7.000 euros,

outre une indemnité de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

 

Par jugement rendu le 8 septembre 2015, auquel la cour renvoie pour un exposé complet des faits et de la procédure antérieure, le tribunal a :

- déclaré irrecevables madame Y. épouse X. et la Selarl Pharmacie X. à rechercher la responsabilité contractuelle de la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie et de la SA CNP Assurances au titre des contrats d'assurance vie,

- déclaré irrecevables les demandes formulées pour défaut de conseil et de diagnostic patrimonial, lors de la souscription du contrat « Initiative Plus », car prescrites,

- débouté monsieur X. de ses demandes de dommages et intérêts sur le fondement contractuel tant à l'égard de la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie que de la CNP Assurances, pour le surplus au titre des contrat d'assurance vie,

- débouté madame Y. épouse X. et la Selarl Pharmacie X. de leurs demandes de dommages et intérêts sur le fondement délictuel tant à l'égard de la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie que de la CNP Assurances, au titre des contrats d'assurance vie,

- débouté les demandeurs de leurs demandes de dommages et intérêts au titre de la tenue des comptes de la Selarl Pharmacie X.,

- constaté que l'exécution provisoire était sans objet,

- condamné in solidum la Selarl Pharmacie X., monsieur X. et madame Y. épouse X. aux dépens, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à Maître B., ainsi qu'au paiement d'une somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à chacune des deux défenderesses.

Madame Y. épouse X., monsieur X. et la Selarl Pharmacie X. ont relevé appel total de cette décision par déclaration du 4 novembre 2015.

L'ordonnance de clôture initialement prononcée le 15 novembre 2017 a été révoquée, et la nouvelle clôture prononcée le 21 novembre 2017.

 

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour une présentation exhaustive des moyens développés au soutien de leurs prétentions, soit :

- les conclusions déposées et signifiées par RPVA par les époux X. et la Selarl Pharmacie X. le 13 novembre 2017, demandant à la cour de :

* annuler, subsidiairement infirmer le jugement rendu le 8 septembre 2015 par le tribunal de grande instance d'Alençon,

statuant à nouveau :

* condamner in solidum la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie et la CNP Assurances à leur payer la somme de 709.816,54 euros à titre de dommages et intérêts dont 253.816,54 euros en réparation du manque à gagner subi au titre des contrats Initiatives Plus et Nuances 3D, 199.000 euros en réparation de la perte subie sur la cession de l'officine de pharmacie, 250.000 euros en réparation du préjudice moral et de carrière, et 7.000 euros en réparation des pénalités de remboursement anticipé non justifiées,

à titre subsidiaire :

* condamner in solidum la société CNP Assurances et Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie à leur payer la somme de 638.834,89 euros correspondant à la valeur de la chance perdue en raison des manquements commis par lesdites sociétés à leurs obligations précontractuelles et contractuelles,

en toute hypothèse :

* débouter la société Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie et la société CNP Assurances de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

* condamner in solidum la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie et la CNP Assurances à leur verser la somme de 18.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, et accorder à Maître Stéphane X. le bénéfice du droit de recouvrement directe instauré par l'article 699 du code de procédure civile ;

- les conclusions déposées et signifiées le 16 novembre 2017 par la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie tendant à voir la cour :

* confirmer le jugement entrepris,

en conséquence,

* dire et juger que les demandes présentées par madame Pascale X. et la Selarl Pharmacie X. sur le fondement de la responsabilité contractuelle relativement aux placements en assurance vie sont irrecevables, pour défaut de qualité à agir,

* dire et juger que la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie ne saurait engager sa responsabilité délictuelle à l'égard de Madame X. et de la Selarl Pharmacie X. à défaut de faute, de préjudice et de lien de causalité entre les deux,

* dire et juger que la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie a satisfait à ses obligation de diagnostic patrimonial et d'information,

* dire et juger que la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie n'a commis aucune faute dans l'exécution des contrats d'assurance vie,

* dire et juger que la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie n'a commis aucune faute dans la tenue du comte courant de la Selarl Pharmacie X.,

* dire et juger que les consorts X. n'ont subi aucun préjudice en lien avec l'intervention de la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie tant dans les placements litigieux que dans le découvert en compte courant,

* débouter monsieur et madame X. ainsi que la Selarl Pharmacie X. de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

y ajoutant :

* condamner in solidum monsieur X., madame Y. épouse X. et la Selarl Pharmacie X. à verser à la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel, dont distraction au profit de Me Jacques B. en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

 

- les conclusions de la société CNP Assurances déposées et signifiées le 30 mars 2016 demandant à la cour de :

in limine litis, constater que les demandeurs sont prescrits à fonder leurs demandes de dommages et intérêts sur des faits antérieurs au 13 juin 2009,

sur le fond :

* confirmer le jugement entrepris,

* constater que la société CNP Assurances a satisfait à son obligation de conseil et d'information à l'égard de monsieur X.,

* constater que la société CNP Assurances n'a commis aucune faute dans l'exécution des contrats d'assurance vie de monsieur X.,

* constater que les contrats d'assurance vie de monsieur X. n'ont enregistré aucune perte

* en conséquence, juger que la CNP Assurances n'est pas à l'origine des préjudices allégués par les consorts X.,

* en conséquence, débouter les consorts X. de l'ensemble de leurs demandes de dommages et intérêts et les dires non fondées,

* condamner monsieur et madame X. à verser à la société CNP Assurances la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître L., conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

I - Sur la demande d'annulation du jugement :

Les époux X. et la Selarl Pharmacie X. font grief aux premiers juges d'avoir déclaré leurs demandes irrecevables relativement au contrat « Initiatives Plus », motif pris de ce que la prescription décennale prévue à l'avant dernier alinéa de l'article L. 114-1 du code des assurances était acquise, alors que la société CNP Assurances n'invoquait dans ses dernières écritures que la prescription biennale résultant de l'alinéa 1er dudit  article.

Si les causes d'annulation du jugement énoncées par les articles 446, et 458 du code de procédure civile ne sont pas limitatives, comme ils le font valoir à juste titre, force est toutefois de constater que la question de la prescription de l'action au visa de l'article L. 114-1 du code des assurances était dans le débat, de sorte qu'il a été suffisamment satisfait aux exigences de l'article 16 du code de procédure civile faisant obligation au juge de faire respecter et de respecter lui-même le principe du contradictoire, ce dont il suit que l'annulation du jugement n'est pas justifiée.

 

II - Sur la recevabilité des demandes présentées au titre des contrats « Initiatives Plus » et « Nuances 3D » :

A - L'action engagée par madame X. et la Selarl Pharmacie X. :

Le tribunal de grande instance a justement retenu que les susnommées n'étaient pas recevables à agir sur un fondement contractuel, ayant la qualité de tiers aux deux contrats d'assurance souscrits par monsieur X. seul.

Demeure la question de la recevabilité sur un fondement délictuel, qui suppose la démonstration d'une faute, d'un préjudice personnel, et d'un lien de causalité entre faute et préjudice, à laquelle les premiers juges ont considéré au vu des éléments de l'espèce, que les appelants échouaient en l'espèce.

Le jugement dont appel doit être confirmé de ce chef.

 

B - L'action engagée par monsieur X. :

L'article L. 114-1 du code des assurances dispose que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance, ce délai étant toutefois porté à 10 ans dans les contrats d'assurance sur la vie lorsque le bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur. Ainsi seule l'action engagée par le bénéficiaire d'un contrat d'assurance sur la vie se prescrit par dix ans, lorsque ce bénéficiaire est une personne distincte du souscripteur.

En l'espèce, monsieur X., souscripteur, n'est pas le bénéficiaire des contrats litigieux, de sorte que la prescription décennale ne peut lui être opposée et que le jugement doit être infirmé de ce chef.

La société CNP Assurances soutient ensuite qu'en tout état de cause, les délais de prescription résultant de l'article L. 114-1 du code des assurances ne sont pas opposables à monsieur X., dans la mesure où :

- l'obligation prévue à l'article R. 112-1 du même code n'a pas été respectée, qui fait obligation à l'assureur, à peine d'inopposabilité, de mentionner in extenso les dispositions relatives à la prescription, d'une part,

- la prescription biennale n'a lieu de jouer que pour les actions dérivant du contrat d'assurance, ce qui n'est pas le cas de l'action engagée contre l'assureur sur le fondement d'un manquement à l'obligation précontractuelle d'information et de conseil, de deuxième part,

- l'action a été engagée avant l'expiration du délai de deux à compter de l'événement lui ayant donné naissance, c'est à dire, sur le fondement précité, la date à laquelle l'assurée a eu connaissance des manquements de l'assureur à ses obligations et du préjudice en résultant pour lui, soit en l'espèce, à compter du jour du rachat total des contrats (23 juin 2011 et 24 août 2011), de troisième part.

Il n'a pas été répondu à ces moyens par les intimées.

Il s'évince pourtant des pièces produites que les contrats « Initiatives plus » et « Nuances 3 D » portent tout au plus la mention de ce que « toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance », sans rappeler dans leur intégralité les termes des articles L. 114- et L. 114-2 du code des assurances, ce qui suffit à rendre les prescriptions prévues par ces textes inopposables à monsieur X.

La cour relève en outre, que, bien fondée ou non, la prescription de l'action qui tend à faire reconnaître les manquements de l'assureur à ses obligations précontractuelles, comme c'est notamment le cas en l'espèce, ne peut courir qu'à compter du jour où l'assuré a découvert ce qu'il estime constituer pour lui le préjudice né de ces manquements, et qu'à cet égard, la prétention de monsieur X. à voir retenir la date de rachat des contrats est pertinente, de sorte qu'en tout état de cause, l'instance a été introduite avant l'expiration du délai biennal, prévu par l'article L. 114-1 du code des assurances, à le supposer même opposable.

Le jugement dont appel est infirmé en ce qu'il a déclaré prescrite l'action engagée par monsieur X. du chef du contrat d'assurance vie « Initiatives Plus », confirmé, pour des motifs distincts, en ce qu'il a déclaré recevable l'action relative au contrat « Nuances 3 D ».

 

III - Sur le fond :

A - Les manquements allégués lors de la souscription des placements Initiatives Plus et Nuances 3 D et de l'exécution de ces contrats :

Les époux X. et la Selarl Pharmacie X. reprochent en premier lieu à la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie, intervenue comme prestataire de services d'investissement dans le cadre des placements Initiatives Plus et Nuances 3D, d'avoir manqué à son devoir de diagnostic patrimonial comme à son devoir de conseil. Ils invoquent à cet égard l'article L. 533-4, 4° du code monétaire et financier dans sa rédaction applicable en la cause.

Ces dispositions font effectivement obligation aux prestataires de services d'investissement de : « s'enquérir de la situation financière de leurs clients, de leur expérience en matière d'investissements, et de leurs objectifs en ce qui concerne les services demandés ». Elles trouvent par ailleurs à s'appliquer, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, dès lors que, dans le cadre de l'opération dont s'agit, la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie avait bien qualité de prestataire de services d'investissement au sens de l'article L. 531-1 du code monétaire et financier renvoyant à l'article L. 321-1 qui définit les services d'investissement, et à l'article L. 211-1, qui énumère les instruments financiers. En tout état de cause, l'article L. 520-1 du code des assurances, certes, entré en vigueur postérieurement à la souscription des deux contrats litigieux par Monsieur X., n'a fait que consacrer une jurisprudence constante au terme de laquelle l'intermédiaire d'assurance doit s'enquérir des objectifs poursuivis par le souscripteur avant de lui proposer un produit adapté à ses besoins spécifiques, sa vigilance devant être d'autant plus grande que le contrat d'assurance proposé est complexe.

Toutefois, contrairement à ce que soutiennent les consorts X., les éléments du diagnostic patrimonial n'ont pas à être recueillis par écrit. Par ailleurs, comme l'ont pertinemment rappelé les premiers juges, la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie, qui venait d'accorder deux prêts à la Selarl Pharmacie X., connaissait nécessairement la situation financière des époux X. ainsi que l'opération projetée, laquelle était à l'initiative de leur expert-comptable qui a fixé les modalités de financement avec recours à un prêt in fine et placements en assurance-vie. Il est notamment établi par les pièces produites que la caisse d'épargne devait adresser toute plaquette de présentation et toute proposition de financement audit expert-comptable qui s'en entretenait ensuite avec Monsieur X.

La Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie savait ainsi que Monsieur X. était propriétaire de sa résidence principale estimée à un minimum de 1.200.000 euros, de 84 parts de la SCI L., propriétaire des murs de l'officine de pharmacie, que les prêts souscrits en 1995 pour l'acquisition de sa maison devaient être remboursés en mai 2002, que les derniers revenus industriels et commerciaux déclarés s'élevaient à plus de 539.000 Fr, outre des revenus fonciers de l'ordre de 50.700 Fr, soit un revenu imposable de plus de 479.000 Fr, ou encore 73.000 euros.

Au demeurant, il est constant que Monsieur X., confronté aux difficultés financières de son officine, souhaitait réaliser une opération à moindre coût notamment au plan fiscal ; or tel est bien le cas des produits de l'assurance-vie, et Monsieur X. ne peut affirmer que l'assurance-vie était nécessairement destinée à rembourser le prêt sous prétexte qu'un nantissement avait été souscrit sur ces produits. En effet, la charge du prêt incombait à la seule Selarl Pharmacie X. tandis que les produits des contrats d'assurance-vie revenaient à Monsieur X. d'une part, d'autre part, comme le souligne la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie, un nantissement est une garantie et non une attribution ou une affectation au bénéfice du créancier de sorte que cette dernière est bien fondée à faire valoir que le nantissement litigieux n'a été sollicité qu'à titre de garantie des prêts, au même que la caution de Monsieur et Madame X., personnes physiques, et que le nantissement du fonds de commerce.

Les appelants excipent encore les dispositions de l'article 3-3-5 du règlement général du Conseil des Marchés Financiers, qui énonce que : « le prestataire habilité évalue la compétence professionnelle du client s'agissant de la maîtrise des opérations envisagées et des risques que ces opérations peuvent comporter. Cette évaluation tient compte de la situation financière du client, de son expérience en matière d'investissement et de ses objectifs en ce qui concerne les services demandés. Le prestataire habilité informe le client des caractéristiques des instruments financiers dont la négociation est envisagée, des opérations susceptibles d'être traitées et des risques particuliers qu'elles peuvent comporter. » Or il n'apparaît pas qu'il n'ait pas été satisfait en l'espèce à ces obligations. La Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie a appliqué la bonne pratique consistant à proposer des placements diversifiés, le premier, sécurisé en ce que le contrat Initiatives Plus offrait un taux minimum garanti, le second, plus dynamique (Nuances 3D), et Monsieur X. a lui-même admis que, lors de l'entretien commercial, un conseiller de la caisse d'épargne lui avait expliqué le fonctionnement du contrat, lui permettant de choisir le mode de gestion et les supports d'investissements adaptés à sa situation. La signature de cette stipulation contractuelle vaut reconnaissance par le souscripteur de l'évaluation et de la prise en compte de sa situation par la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie, mais en tout état de cause, les placements dont s'agit étaient bien conformes aux préconisations pour un investisseur moyen. Monsieur X. soutient à tort que la clause en question serait abusive au visa d'un avis de la commission des clauses abusives du 6 juin 2013 : outre que cet avis ne peut s'appliquer de manière rétroactive à un contrat conclu au mois de juin 2002, elle n'est pas transposable au cas d'espèce en ce qu'elle concernait un contrat de crédit à la consommation.

Contrairement à ce que soutiennent les consorts X., par ailleurs la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie n'était pas tenue à un devoir de mise en garde s'agissant de placements en contrat d'assurance-vie, lesquels constituent des produits non spéculatifs. Elle était seulement tenue d'informer son client sur les conditions de l'opération, obligation à laquelle elles justifient avoir satisfait en l'espèce.

Les caractéristiques du contrat Initiatives Plus étaient en effet clairement précisés dans les conditions générales remises au souscripteur, qui a expressément reconnu en avoir reçu un exemplaire. Ce placement prévoyait un capital disponible garanti après huit ans de 219.912,55 euro et sa valeur réelle s'est élevée à 228.114,30 euros. Le contrat Nuances 3D, qui constituait un placement en actions, nécessairement soumis à l'aléa boursier et aux risques de fluctuation, ce dont Monsieur X. a été informé par la mention apparente, en caractères gras, portée en page sept des conditions générales : « les valeurs de parts évoluent à la hausse comme à la baisse, en fonction des fluctuations des marchés. Ce degré d'exposition au risque varie en fonction de la nature des supports », tandis que la page 10 rappelle : « la valeur des parts évolue en fonction des variations à la hausse ou à la baisse de la valeur liquidative de chacun des supports financiers présents sur le contrat. » Il n'est pas contesté que Monsieur X. s'est vu remettre un exemplaire des conditions générales lors de la souscription dudit contrat. Il a choisi de placer la totalité de son versement initial de 175.484 euros sur le support « Cordillère 2 » dont les risques sont précisés dans le document informatif qui lui a été remis ; Monsieur X. a reconnu là encore avoir reçu les fiches notices d'information de l'ensemble des supports disponibles, avant d'effectuer son choix, en toute connaissance de cause.

La Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie justifie encore de ce qu'elle a remis à son client une plaquette synthétique des trois types de gestion possibles du contrat Nuances 3D et que c'est après en avoir pris connaissance que Monsieur X. a choisi la dimension « liberté », c'est-à-dire une gestion libre de son contrat.

Enfin, elle établit que les documents remis à Monsieur X. au cours de l'exécution des contrats ont permis une information complète de ce dernier sur les placements effectués.

En soutenant que la Caisse d’Épargne lui aurait laissé croire que « les contrats d'assurance vie seraient suffisants pour permettre au terme des 10 années le remboursement du capital emprunté », Monsieur X. procède par affirmations sans établir par les éléments qu'il verse aux débats la réalité de l'information alléguée, et plus généralement, échoue à justifier du lien prétendu entre le remboursement du prêt in fine et le rendement des produits d'assurance-vie.

Par ailleurs, l'établissement financier n'était pas tenu d'une obligation d'information postérieure à la souscription et relative à l'évolution des marchés financiers, d'autant que Monsieur X. avait opté pour un mode de gestion libre du contrat, de sorte que c'est à tort qu'il fait grief à la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie de ne pas l'avoir alerté des mauvaises performances du support « Cordillère 2 ».

De surcroît, comme le tribunal l'a relevé à juste titre, lors du rachat du contrat Nuances 3D Monsieur X., malgré une évolution défavorable des marchés financiers, avait récupéré la somme de 209'334,06 euro, soit une progression globale de 19,28 %, avec une moyenne de 2,41 % l'an, sur un support dont il savait qu'il était à risque.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'aucune faute ne peut être reprochée aux sociétés intimées au titre des contrats d'assurance-vie.

 

B - Les manquements allégués dans la tenue du compte bancaire de la Selarl Pharmacie X. :

Les appelants considèrent que l'attitude de la Caisse d’Épargne s'est révélée proche du harcèlement, en ce que les efforts importants fournis pour résorber le découvert bancaire n'ont pas été pris en considération. Sa responsabilité serait ainsi engagée à la fois à l'égard des époux X. et de la Selarl Pharmacie X., et tant sur un fondement contractuel que délictuel.

Comme l'ont toutefois relevé les premiers juges, il n'est ni démontré ni même prétendu que les difficultés financières auxquelles la Selarl Pharmacie X. s'est trouvé confronter résulterait du fait ou de la faute des sociétés intimées.

Il résulte de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier que le concours à durée indéterminée consenti par un établissement de crédit à une entreprise peut être réduit ou interrompu sur notification écrite et après l'expiration d'un délai de préavis d'un minimum de 60 jours, aucun délai de préavis n'étant exigible en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou lorsque la situation de l'entreprise est irrémédiablement compromise.

En l'espèce, il est constant que la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie a dénoncé le découvert bancaire grevant le compte de la Selarl Pharmacie X. par lettre recommandée avec accusé de réception du 28 novembre 2008, lui accordant un préavis de 60 jours, qu'elle a effectivement respecté, puisque c'est finalement un délai de 24 mois qui a été imparti à la cliente pour revenir en ligne créditrice. Il n'est pas contesté en effet qu'un échéancier d'apurement de la dette a été mis en place, et que les remboursements escomptés n'ont pas eu lieu dans les termes et délais prévus. Comme le relève le tribunal, parallèlement, l'emprunt en cours n'était plus régulièrement honoré, ce dont il se déduit que la Selarl Pharmacie X. était à tout le moins en limite de cessation des paiements. Au regard de cette situation particulièrement compromise, la dénonciation des concours bancaires et la déchéance du terme au titre des deux prêts s'imposaient et ne peuvent être considérées comme fautives, pas plus que l'envoi de lettres de relance dans un contexte de multiplication des incidents de fonctionnement du compte courant, ou le rejet de chèques lorsque le compte ne présentait pas de provision suffisante.

Le jugement doit dès lors être également confirmé de ce chef.

 

IV - Sur les autres demandes :

Monsieur X., Madame Y. épouse X. et la Selarl Pharmacie X. succombant en leur appel, les dispositions du jugement relatif aux frais et dépens de première instance seront confirmés.

Unis d'intérêts, ils seront par ailleurs tenus de verser à la Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie d'une part, à la CNP Assurances d'autre part, chacune, la somme complémentaire de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ne pouvant quant à eux prétendre à une telle indemnité.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe ;

Déboute les époux X. et la Selarl Pharmacie X. de leur demande tendant à voir prononcer l'annulation du jugement ;

Confirme le jugement rendu le 8 septembre 2015 par le tribunal de grande instance d'Alençon en ce qu'il a :

- déclaré madame X. et la Selarl Pharmacie X. irrecevables en leurs demandes au titre du contrat d'assurance vie Initiatives Plus ;

- déclaré recevable l'action engagée par monsieur X. du chef des contrats d'assurance vie « Nuances 3 D » ;

- rejeté l'ensemble des demandes formées par monsieur X., madame Y. épouse X. et la Selarl Pharmacie X.,

ainsi qu'en ses dispositions relatives aux frais et dépens de première instance ;

Infirme le jugement en ce qu'il a déclaré monsieur X. irrecevable en son action au titre du contrat d'assurance vie « Initiatives Plus » et statuant à nouveau de ce seul chef, déclare monsieur X. recevable à agir contre la société CNP Assurances au titre du contrat « Initiatives Plus » ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum Monsieur X., Madame Y. épouse X. et la Selarl Pharmacie X. à verser à chacune des sociétés Caisse d’Épargne et de Prévoyance Normandie et CNP Assurances la somme complémentaire de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande présentée sur le même fondement par les époux X. et la Selarl Pharmacie X. ;

Condamne in solidum Monsieur X., Madame Y. épouse X. et la Selarl Pharmacie X. aux entiers dépens d'appel, avec distraction au profit de Me Jacques B., d'une part de Maître Didier L. d'autre part, en application de l'article 699 du code précité.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT

E. FLEURY                          A. HUSSENET