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CA DOUAI (2e ch. sect. 1), 8 février 2018

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (2e ch. sect. 1), 8 février 2018
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 17/02477
Date : 8/02/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/04/2017
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7426

CA DOUAI (2e ch. sect. 1), 8 février 2018 : RG n° 17/02477 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Mme X., gérante de celle-ci, conteste être la signataire du contrat, alléguant que le bon de commande aurait été signé par un salarié n'ayant pas le pouvoir de l'engager et qu'elle n'aurait pas eu connaissance des conditions générales de vente. La discussion relative au signataire du contrat et aux conséquences qui en découlent quant à l'opposabilité ou non des conditions générales de vente constituent une contestation sérieuse relevant des pouvoirs du juge du fond et non du juge des référés. »

 2/ « Il a été relevé d'office le défaut de pouvoir de la cour d'appel de Douai au bénéfice de la cour d'appel de Paris pour statuer sur cette demande au vu de l'article D. 442 du code de commerce. La société Cinémas IDF avait formé cette demande en première instance devant le tribunal de commerce de Lille, compétent, et l'appel a été interjeté par la société Dekacom qui devait orienter son recours en conséquence.

Au vu de ces éléments, et de la saisine de la cour d'appel dans le cadre d'une procédure de référé, il sera statué au regard de la contestation sérieuse invoquée, sans retenir le défaut de pouvoir. Or, il n'appartient pas au juge des référés mais au juge du fond d'apprécier si les éléments constitutifs d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties sont caractérisés en ce qu'il faut analyser les clauses du contrat, ce qui ne relève pas des pouvoirs du juge des référés.

La société Dekacom qui sollicite l'allocation d'une provision à valoir sur le montant des factures émises se voit ainsi opposer des contestations sérieuses justifiant que ses demandes soient déclarées irrecevables dans le cadre de la procédure de référé. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 8 FÉVRIER 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/02477. Ordonnance (R.G. n° 2017001158) rendue le 16 mars 2017 par le président du tribunal de commerce de Lille Métropole.

 

APPELANTE :

SARL Dekacom

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, ayant son siège social [adresse], représentée par Maître Arnaud D., avocat au barreau de Douai, assistée de Maître Jérémy C., avocat au barreau de Lille

 

INTIMÉE :

SARL Comptoir de Change

représentée par sa gérante Mme X., ayant son siège social [adresse], représentée et assistée par Maître Serge V., avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

 

DÉBATS à l'audience publique du 22 novembre 2017 tenue par Marie-Annick Prigent magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Laure Brulin (greffier en pré-affectation)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Marie-Annick Prigent, président de chambre, Elisabeth Vercruysse, conseiller, Marie-Laure Aldigé, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 8 février 2018 après prorogation du délibéré initialement prévu le 25 janvier 2018 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Marie-Annick Prigent, président et Stéphanie Hurtrel, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 novembre 2017

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SARL Dekacom commercialise des prestations publicitaires consistant à proposer à des professionnels la mise en place de publicités au dos des tickets de caisse des hypermarchés et supermarchés.

La SARL Comptoir de Change est un bureau de change, lequel exploite son activité à Calais.

La SARL Comptoir de Change a signé deux bons de commande le 26 juillet 2016, pour des parutions de trois mois sur les tickets des magasins Auchan Saint Martin Boulogne et Carrefour Coquelles pour un montant de 2.818 euros TTC pour le premier trimestre.

Les deux prestations sont d'une durée de trois mois, reconductible par tacite reconduction pour des périodes identiques.

La première période de diffusion a été réalisée de la première semaine de septembre à fin novembre 2016, auprès des hypermarchés Carrefour et Auchan. Une seconde période de diffusion a eu lieu pour la période de décembre 2016 à février 2017.

La société Dekacom a émis une facture pour cette seconde période, d'un montant de 5.680,08 euros TTC.

Par assignation en date du 13 janvier 2017, la société Dekacom a assigné la SARL Comptoir de Change devant le juge des référés du tribunal de commerce de Lille-Métropole aux fins de paiement.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 16 mars 2017, le juge des référés du tribunal de commerce de Lille Métropole :

- s'est déclaré territorialement compétent

- a dit n'y avoir lieu à référé

- a renvoyé les parties à se pourvoir devant les juges du fond

-a réservé les indemnités de la présente instance

- a condamné la société Dekacom aux tiers dépens

Par déclaration en date du 13 avril 2017, la SARL Dekacom a interjeté appel.

 

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 8 novembre 2017, la SARL Dekacom demande à la cour d'appel au visa des articles des articles 1134 et suivants du code civil (ancienne rédaction), de l'article L. 441-6 du Code de commerce de :

- infirmer l'ordonnance déférée

Et, en conséquence :

- se déclarer compétente au sens de l'article 872 du code de procédure civile,

- juger que les conditions générales de vente de la SARL Dekacom sont bien opposables à la SARL Comptoir de Change

- condamner la SARL Comptoir de Change à payer à la SARL Dekacom, par provision, la somme de 5.680,08 euros TTC au titre de la facture n° XX, assortie des intérêts de retard

- condamner la SARL Comptoir de Change à payer à la SARL Dekacom, par provision, la somme de 852,01 euros au titre de la clause pénale

- condamner, la SARL Comptoir de Change à payer à la société Dekacom, par provision, la somme de 40,00 euros, au titre des frais de recouvrement

- condamner la SARL Comptoir de Change à payer à la SARL Dekacom, la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Elle fait valoir que :

- le représentant de la société Dekacom avait la croyance légitime de contracter avec une personne qui en avait la capacité et ce d'autant plus que la première période a effectivement été réglée.

- la première période a été parfaitement exécutée et, de surcroît, totalement payée par la société Comptoir de Change, ce qui induit donc que le signataire avait bien qualité à agir,

- la SARL a eu connaissance des conditions générales de vente en signant les bons de commande,

- l'article 16 des conditions générales de vente qui prévoit les modalités de résiliation du contrat n'est pas ambiguë et ne souffre d'aucune difficulté d'interprétation,

- Outre le fait que la mention d'un délai de résiliation est sans aucune portée s'agissant de l'appréciation d'un déséquilibre significatif au sens de l'article L 442-6-I-2° du code de commerce, il sera rappelé qu'en réalité, elle a disposé de près de 9 semaines, soit plus de deux mois,

- la société Comptoir de Change, à l'instar de toutes autres sociétés, était libre de résilier rapidement le contrat pour, in fine, dans un second temps, souscrire à une autre campagne.

- l'obligation n'est pas sérieusement contestable, les prestations ont été effectuées et les factures sont dues,

- il n'existe aucun déséquilibre significatif dans le contrat dans la mesure où le principe du renouvellement des contrats à durée déterminée, est généralement admis, et où le cocontractant avait connaissance des dispositions applicables.

 

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 9 octobre 2017, la SARL Comptoir de Change demande à la cour d'appel au visa des articles 1104 et 1171 du code civil, L. 441-6 et L. 442-6-I-2° du code de commerce de :

- réformer le jugement déféré sur la compétence,

- confirmer le jugement en ce qu'il a renvoyé les parties devant les juges du fond,

- condamner la SARL Dekacom au paiement de la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens

Elle réplique que :

- Mme X., en qualité de gérante, ignorait l'existence des conditions générales de vente, que ce soit l'exemplaire qui aurait été signé par M. C. ou celui qui ne comporte aucun cachet ni signature qui lui a été remis a posteriori par M. C.,

- Mme X. a cru de bonne foi que son salarié avait accepté d'adhérer à une campagne publicitaire pour une durée limitée à trois mois et ignorait qu'il existait une tacite reconduction dans l'hypothèse de non dénonciation dans les délais imposés par Dekacom,

- le délai d'un mois pour résilier le contrat est notoirement insuffisant et constitue un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » au sens de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans la mesure ou l'annonceur, au moment où il doit effectuer le choix de dénoncer ou non le contrat, ne dispose pas des éléments lui permettant de connaître les retombées de sa publicité,

- la date de signature du contrat n'a pas d'importance puisque c'est la date de commencement des prestations qui doit être prise en compte,

- il y a lieu de conclure à l'inopposabilité des conditions générales de vente et en particulier de la clause relative à la tacite reconduction,

- sur le fondement de l’article L. 442-6-1-2° du code de commerce, la juridiction du fond pourra contrôler l'équilibre du contrat, toute clause abusive au sens de l'article 1171 du code civil étant réputée non écrite.

 

Par conclusions signifiées le 17 novembre 2017, la SARL Comptoir de Change sollicite le rejet des conclusions signifiées le 8 novembre 2017 par la SARL Dekacom qui conclut au débouté de cette demande par conclusions signifiées le 21 novembre 2017.

À l'audience a été invoquée l'application de l'article D. 442 du code de commerce et a en conséquence été soulevée d'office l'irrecevabilité des demandes formées par la SARL Comptoir de Change sur le fondement de l'article L. 442-6-1-2ème du code de commerce devant la cour d'appel de Douai.

Aux termes de ses observations communiqués le 30 novembre 2017, la SARL Comptoir de Change a indiqué qu'elle avait présenté ce moyen dès la première instance en élevant à ce titre une contestation sérieuse et que se posait la question de la recevabilité de l'appel devant la cour d'appel de Douai.

La SARL Dekacom n'a pas formulé d'observation.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur les conclusions et les pièces signifiées la veille de l'ordonnance de clôture par la société Dekacom :

Ces conclusions qui ne contiennent pas de demandes nouvelles seront déclarées recevables, ainsi que les pièces jointes composées de jurisprudence, la SARL Comptoir de Change n'ayant sollicité aucun délai pour y répondre.

 

Sur la compétence :

La SARL Comptoir de Change demande la réformation de l'ordonnance sur ce point sans développer de moyen.

L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

 

Sur la demande en paiement d'une provision de la société Dekacom :

À titre liminaire, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation.

L'article 873 alinéa deux du code de procédure civile énonce que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président, peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application de l'article 1134 code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Pour démontrer l'existence de sa créance, la société Dekacom verse aux débats les pièces suivantes :

- deux bons de commande en date du 26 juillet 2016 d'une durée de 3 mois, pour les mois de septembre, octobre et décembre 2016 mentionnant le tarif et les deux magasins partenaires,

- les bons de livraison des rouleaux de caisse pour ces périodes, réceptionnés par les hypermarchés partenaires,

- les échantillons de la prestation pour ces périodes.

Il est mentionné sur les bons de commande que le client certifie avoir pris connaissance et accepté les conditions générales de vente jointes au présent bon de commande. Au bas de celui-ci figurent le cachet commercial et la signature du représentant de la société sous la mention « bon pour commande ».

Les conditions générales de vente portent également le cachet commercial et la signature du représentant de la société.

Mme X., gérante de celle-ci, conteste être la signataire du contrat, alléguant que le bon de commande aurait été signé par un salarié n'ayant pas le pouvoir de l'engager et qu'elle n'aurait pas eu connaissance des conditions générales de vente.

La discussion relative au signataire du contrat et aux conséquences qui en découlent quant à l'opposabilité ou non des conditions générales de vente constituent une contestation sérieuse relevant des pouvoirs du juge du fond et non du juge des référés.

La société Comptoir de change oppose en outre le court délai pour prendre une décision relative à la poursuite du contrat ou sa résiliation. La société Dekacom se prévaut du fait que ses prestations nécessitent des opérations d'imprimerie justifiant qu'elle dispose des éléments en amont pour exécuter le contrat.

La société Comptoir de change invoque le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties sur le fondement de l'article L. 442-6-1-2° du code de commerce qui énoncent que :

« I. Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »

Il a été relevé d'office le défaut de pouvoir de la cour d'appel de Douai au bénéfice de la cour d'appel de Paris pour statuer sur cette demande au vu de l'article D. 442 du code de commerce. La société Cinémas IDF avait formé cette demande en première instance devant le tribunal de commerce de Lille, compétent, et l'appel a été interjeté par la société Dekacom qui devait orienter son recours en conséquence.

Au vu de ces éléments, et de la saisine de la cour d'appel dans le cadre d'une procédure de référé, il sera statué au regard de la contestation sérieuse invoquée, sans retenir le défaut de pouvoir.

Or, il n'appartient pas au juge des référés mais au juge du fond d'apprécier si les éléments constitutifs d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties sont caractérisés en ce qu'il faut analyser les clauses du contrat, ce qui ne relève pas des pouvoirs du juge des référés.

La société Dekacom qui sollicite l'allocation d'une provision à valoir sur le montant des factures émises se voit ainsi opposer des contestations sérieuses justifiant que ses demandes soient déclarées irrecevables dans le cadre de la procédure de référé.

Pour ces motifs, l'ordonnance sera confirmée sauf sur les dépens qui seront mis à la charge de l'appelante en première instance et en appel.

La société Dekacom sera condamnée à payer à la société Comptoir de change la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Déboute la société Dekacom de sa demande de rejet des conclusions adverses et pièces signifiées le 8 novembre 2017,

Confirme l'ordonnance déférée, sauf sur les dépens,

Y ajoutant,

Condamne la société Dekacom à payer à la société Comptoir de Change la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Dekacom aux dépens de la procédure de première instance et d’appel.

Le Greffier                Le Président

S. Hurtrel                  M.A. Prigent