CA LYON (ch. soc. A), 31 janvier 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7405
CA LYON (ch. soc. A), 31 janvier 2018 : RG n° 15/05756
Publication : Jurica
Extrait (arguments de l’appelante) : « son contrat de travail comporte de nombreuses clauses abusives : une clause de mobilité manifestement excessive, deux clauses lui confiant certaines tâches qui ne correspondent pas à celles d'une assistante dentaire(ménage-courses-secrétariat sans prime afférente) ; que l'inexécution des tâches considérées ne peut être constitutive d'une faute, compte tenu du caractère abusif des clauses susvisées ; qu'elle a été licenciée, dès lors qu'elle a souhaité faire évoluer ses conditions de travail en application de la convention collective ».
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 31 JANVIER 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/05756. APPEL D'UNE DÉCISION DU : Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON du 12 juin 2015 : RG n° F13/01091.
APPELANTE :
X. épouse Y.
née le [date] à [ville], représentée par Maître Sylviane MIRABELLI-BAKAYA, avocat au barreau de LYON substitué par Maître Kabaluki BAKAYA, avocat au barreau de LYON (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2016/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de LYON)
INTIMÉ :
M. Z.
né [date] à [ville], [adresse], représenté par Maître Ghislaine SAINT-DIZIER, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 novembre 2017 ; Présidée par Evelyne ALLAIS, Conseiller magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Malika CHINOUNE, Greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : - Joëlle DOAT, président - Didier PODEVIN, conseiller - Evelyne ALLAIS, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, Prononcé publiquement le 31 janvier 2018 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; Signé par Joëlle DOAT, Président et par Sophie MASCRIER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 24 décembre 2009, Monsieur Z., chirurgien-dentiste, a embauché Madame Y. née X., en qualité d'assistante dentaire stagiaire, à compter du 4 janvier 2010.
Le contrat de travail est soumis à la convention collective nationale des cabinets dentaires.
Le 18 juin 2010, Madame Y. a été convoquée à un entretien préalable au licenciement, fixé au 25 juin 2010.
Le 30 juin 2010, Madame Y. a été licenciée pour motif personnel dans les termes suivants :
« Ainsi que nous vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de ce licenciement sont les suivants :
- votre refus d'observer les consignes de travail (protocoles écrits affichés et remis en mains propres), et d'accepter tout apprentissage me précisant que vous avez « d'autres points de vue » ;
- De dresser et/ou compléter l'état des stocks du cabinet, ne serait-ce qu'en papeterie (15/06/2010) ;
- De planifier et d'agender les tâches qui vous sont confiées, malgré la mise à disposition d'un agenda ad hoc
- substitution de produits, arguant que « vous connaissez des dentistes qui procèdent ainsi, que vous-même avez pratiqué ainsi, et que ce n'est pas si grave pour être relevé » (peroxyde d'hydrogène [minute page 3] à la place d'hypochlorite, (*F.I. 1077, 26/05/2010)
- refus de travailler les samedis qui vous sont demandés (par ex. le 12/05/2010 demandé le 05/05/2010) ; en violation de votre contrat de travail.
- refus de transmettre le planning au secrétariat extérieur H. (26/05/2010) qui ne peut remplir sa mission, et oubli fréquent d'activer et désactiver le transfert téléphonique par refus d'application des protocoles de fermeture/ouverture du cabinet pourtant affichés (cabinet muet du 23/06 midi au 24/06/2010 14 h 00, et plainte du secrétariat téléphonique avec lequel je travaille depuis plusieurs années) ;
- volets salle d'attente fermés en présence du patient (*B.A. 08/06/2010 14h00) ;
- volets salle de soins fermés avant votre départ, alors que je vous ai précisé de ne pas le faire depuis l'heure d'été pour le confort et le respect du patient en cours de soins (21/06/2010) ;
- caisse et cahier de caisse ni tenus ni présentés à la signature hebdomadaire comme convenu et rappelé à plusieurs reprises (dernière signature à ma demande le 10/06/2010) ;
- encaissements non effectués (*C.O.929, semaine du 24/05/2010) ;
- refus de saisie informatique des actes et de contrôle des dossiers avant leur classement (25/06/2010) ;
- documents et courriers informatiques souvent « perdus » car mal classés (*O.A.1454,16/03 st 31/03/2010) ;
- bons de livraison « stockés » sans visa ni remise pour paiement des factures de fourniture par moi (K.D., 21/05/2010) ;
- classement des dossiers souvent aléatoire, provoquant perte des dossiers (*M.I.778 11/06 et 17/06/2010) et perte de temps à les rechercher ;
- non suivi des plans de traitement, ni des motifs de rendez-vous, pour organiser l'accueil et les soins (26/06/2010, *E.E. dossier 1283) ;
- courrier préalable patient non envoyé avant contentieux (*O.A. 1454 période du 16/03/2010 au 31/05/2010), provoquant un incident et un départ du patient du cabinet ;
- chèques perçus et stockés plusieurs jours à mon insu sans avoir pris la précaution d'inscrire l'ordre (*SM 1488 du 28/05/2010) alors que vous devez me les remettre au jour le jour ;
- non suivi des prothèses labo/cabinet (situation récurrente) ;
- vos fréquents retards que vous estimez « insignifiants » le 11/02 : 40 mn, le 24/02: 12 mn, le 02/03 : absente toute la matinée prévenu à 8h15, le 03/03 arrivée à 10h05 au lieu de 9h00, le 28/05 un retard de 25 mn, le 08/06 14h05, au lieu de 14h00 ; le 22/06 arrivée à 15h05 au lieu de 15h00 ;le 25/06/2010 absence d'une demi-heure le matin pendant le travail ; le 28/06/2010 arrivée à 9h30 au lieu de 9h00 ; le 29/06/2010 : 9h05 au lieu de 9h00
- cabinet fermé avant l'heure : mardi 15/06/2010 18h50 au lieu de 19h00, passage au cabinet en dehors des heures de travail et cela sans m'avertir : 15/06/2010 19h30.
- [minute page 4] vos fréquents oublis de clés vous laissant hors du cabinet ;
- non respect du planning convenu lors de mon remplacement au mois d'avril et réclamation d'heures supplémentaires, alors que nous avions tout précisé par écrit et signé avant mon départ semaine du 12/04/2010) ;
- erreurs dans les devis et les factures remis aux patients et transmis aux assurances : numéros des dents, dates, et totaux erronés (dossiers*BM1484,11/06/10-*FI 1077,27/05/010-*MI 778,28/05/010-*TA 1297,28/06/010) ;
- refus de suivi régulier, planifié et agendé des dossiers, des paiements ;
- arrêt de la ventilation du bureau sans prévenir, arguant que « ça vous gêne », alors que l'exposition ouest la rend indispensable les après-midis de mai à octobre, et ce, depuis des années avant votre arrivée et la mienne dans ce cabinet (Mai et Juin 2010) ;
- votre tendance reconnue lors de notre entretien du 07/05/2010 à « ne pas vous maîtriser et vous énerver rapidement », ce qui est préjudiciable et incompatible dans nôtre métier.
EN RESUME : une attitude d'« absence », et de désintérêt, d'incapacité à assurer et à assumer les tâches les plus simples et routinières; le tout dans un contexte d'activité réduite du cabinet vous laissant toute latitude pour assurer un travail dans les meilleures conditions.
Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement. »
Madame Y. a saisi le conseil de prud'hommes de LYON le 12 octobre 2010 aux fins de voir condamner Monsieur Z. à lui payer différentes sommes à titre de rappel de salaire, de dommages et intérêts, et d'indemnité.
Par jugement en date du 12 juin 2015, faisant suite à une réinscription au rôle du 15 mars 2013, le conseil de prud'hommes a :
- dit qu'il n'y avait pas lieu de requalifier le contrat de travail d'assistante dentaire stagiaire en contrat de travail d'assistante dentaire,
- débouté Madame Y. de sa demande de rappel de salaire à ce titre,
- dit que le licenciement de Madame Y. ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,
- condamné Monsieur Z. à lui payer la somme de 1.500 euros à ce titre,
- débouté Madame Y. de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- débouté Madame Y. de ses autres demandes,
- dit que la clause de non-concurrence était nulle,
- condamné Monsieur Z. au versement de la somme de 3.000 euros au titre de la nullité de la clause de non-concurrence,
- débouté Monsieur Z. de sa demande,
- condamné Monsieur Z. à verser à Maître MIRABELLI BAKAYA, avocat de Madame Y., la somme de 1.000 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet [minute page 5] 1991 (article 700 2° du code de procédure civile),
- débouté Maître MIRABELLI BAKAYA de sa demande au titre de l'article 700-1° du code de procédure civile,
- prononcé l'exécution provisoire de la décision.
- dit que les sommes pour lesquelles Monsieur Z. était condamné seraient déposées à la caisse des dépôts et consignations,
- condamné Monsieur Z. aux dépens.
Par lettre recommandée envoyée le 13 juillet 2015, Madame Y. a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, Madame Y. demande à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et déclaré nulle la clause de non concurrence,
- infirmer le jugement pour le surplus,
- prononcer la requalification de son emploi d'assistante dentaire stagiaire en assistante dentaire,
- condamner Monsieur Z. à lui payer les sommes suivantes :
* 1.024,10 euros à titre de rappel de salaire correspondant à la requalification de son emploi,
* 898,35 euros à titre de rappel de salaire correspondant au paiement de l'indemnité de secrétariat,
* 12.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 4.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait qu'elle a dû respecter une clause de non concurrence nulle,
* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
- condamner Monsieur Z. à payer à Maître MIRABELLI BAKAYA, son avocat, la somme de 1.500 euros en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
A l'appui de ses prétentions, Madame Y. explique tout d'abord que :
-titulaire d'un diplôme de chirurgien-dentiste algérien obtenu en 2006, elle souhaitait conclure un contrat de professionnalisation,
-Monsieur Z. n'a pas formalisé ce contrat après son embauche, alors qu'il s'y était engagé, et l'a licenciée, après avoir renouvelé sa période d'essai de 2 mois renouvelable.
Elle fait valoir que :
- elle n'a bénéficié que d'une formation pratique limitée et d'aucune formation théorique pendant l'exécution du contrat de travail contrairement aux dispositions de l'article 2.1.1 du titre II de la convention collective ; que Monsieur Z. l'a employée comme assistante dentaire et non [minute page 6] comme assistante dentaire stagiaire, de telle sorte que sa demande afin de requalification de son emploi est bien fondée,
- elle peut prétendre à un rappel de salaire non seulement au titre de la requalification de son emploi mais aussi pour les tâches de secrétariat qu'elle effectuait en complément de ses fonctions d'assistante dentaire,
- son licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour les raisons suivantes :
* elle n'a pas reçu la formation adéquate pour exercer les fonctions d'assistante dentaire, de telle sorte que Monsieur Z. ne peut lui reprocher aucun manquement ou insuffisance professionnelle de ce chef,
* son contrat de travail comporte de nombreuses clauses abusives : une clause de mobilité manifestement excessive, deux clauses lui confiant certaines tâches qui ne correspondent pas à celles d'une assistante dentaire(ménage-courses-secrétariat sans prime afférente) ; que l'inexécution des tâches considérées ne peut être constitutive d'une faute, compte tenu du caractère abusif des clauses susvisées ; qu'elle a été licenciée, dès lors qu'elle a souhaité faire évoluer ses conditions de travail en application de la convention collective,
- la clause de non concurrence insérée au contrat de travail est nulle au regard de la jurisprudence en la matière et la somme allouée au titre de la réparation de son préjudice doit être augmentée,
- elle rapporte de nombreux faits permettant de présumer un harcèlement moral de la part de son employeur et celui-ci ne prouve pas que les faits considérés sont justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Dans ses conclusions soutenues oralement à l'audience, Monsieur Z. demande à la Cour de :
- infirmer partiellement le jugement,
- dire que le licenciement de Madame Y. est bien fondé,
- débouter Madame Y. de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour avoir dû respecter une clause de non concurrence nulle,
- confirmer le jugement pour le surplus,
- condamner Madame Y. à lui payer la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, Monsieur Z. explique que :
- suite à l'expiration de la période d'essai, renouvelée du fait que Madame Y. n'exécutait pas correctement les tâches demandées, celle-ci l'a informé de ce qu'elle souhaitait signer une rupture conventionnelle avec effet au 30 juin 2010,
- Madame Y. n'a pas signé ni restitué les documents de rupture conventionnelle qu'il lui avait remis, de telle sorte qu'il a été contraint de procéder à son licenciement.
Il fait valoir que :
- l'absence de requalification de l'emploi de Madame Y. doit être confirmée pour les raisons suivantes :
* [minute page 7] Madame Y. a été embauchée comme assistante dentaire stagiaire du fait qu'elle n'avait pas la qualification requise pour exercer l'emploi d'assistante dentaire, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation, Madame Y. disposait d'un délai de 6 mois pour s'inscrire en centre de formation et ne l'a pas fait, le contrat de travail ayant été rompu avant l'expiration de ce délai ; par ailleurs, il a assuré la formation interne de Madame Y. au sein du cabinet,
* Madame Y. a toujours pratiqué en sa présence et sous son contrôle,
- Madame Y. ne justifie pas avoir effectué régulièrement une des trois tâches de secrétariat pour laquelle la convention collective prévoit l'attribution d'une indemnité de secrétariat,
- le licenciement repose sur de nombreux griefs, qui ne sont pas contestés par la salariée ; que Madame Y. ne prouve pas le caractère abusif des clauses du contrat de travail dont elle se plaint ; que l'employeur ne s'est pas prévalu de la clause de mobilité, laquelle est en outre valable ; que par ailleurs, les tâches de secrétariat et de ménage confiées à Madame Y. sont conformes à celles des assistantes dentaires stagiaires, prévues par la convention collective,
- Madame Y. ne justifie pas d'agissements permettant dans leur ensemble de faire présumer d'un harcèlement moral à son égard,
- la clause de non concurrence, qui est limitée dans le temps et prévoit un dédommagement n'est pas nulle ; qu'au surplus, Madame Y. n'établit pas l'avoir respectée.
A titre subsidiaire, il sollicite la réduction de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à plus justes proportions et propose la somme de 403,14 euros en réparation du préjudice subi par Madame Y. du fait de la clause de non- concurrence.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la requalification de l'emploi et les rappels de salaire :
Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.
L'article 2.1.1. de l'annexe I à la convention collective nationale des cabinets dentaires dispose que 'nul ne peut exercer la profession d'assistant(e) dentaire s' il (ou elle) n'est titulaire du titre d'assistant(e) dentaire inscrit au répertoire national des certifications professionnelles ou en cursus de formation ou de validation des acquis de l'expérience, tels que décrits dans l'accord étendu du 1er octobre 2004 relatif à la formation professionnelle dans les cabinets dentaires libéraux, et destiné à obtenir le titre d'assistant dentaire.'
L'article 2.2 de cette annexe précise que :
« La CPNE-FP est seule habilitée à délivrer le titre d'assistant(e) dentaire, inscrit au répertoire national des certifications professionnelles.
L'employeur est tenu d'assurer la formation interne nécessaire à l'exercice de la fonction et de laisser au salarié concerné le temps nécessaire lui permettant de participer à tous les stages, modules ou cours théoriques mis en place par la profession en vue de la préparation à la validation de la formation. »
[minute page 8] Madame Y. n'a pas le diplôme d'assistante dentaire. Par ailleurs, si elle n'était pas inscrite dans un cursus de formation, elle n'établit pas qu'il incombait à l'employeur de procéder à une telle inscription. Enfin, elle ne prouve pas qu'elle n'a bénéficié d'aucune formation interne de la part de Monsieur Z. quant à l'emploi d'assistante dentaire. Aussi, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'il n'y avait pas lieu de requalifier l'emploi d'assistante dentaire stagiaire en celui d'assistante dentaire et débouté Madame Y. de sa demande de rappel de salaire à ce titre.
L'article 2.4 de l'annexe I décrit les tâches d'assistante dentaire. Par ailleurs, il précise que :
« L'exécution régulière d'une des 3 compétences suivantes entraîne, conformément à l'annexe I, titre V (travaux de secrétariat) le versement de la prime de secrétariat dont le montant est défini à l'article 3.16 de la convention collective nationale des cabinets dentaires.
- établit, suit et rappelle les échéances administratives ;
-enregistre les opérations comptables courantes : traitement des factures et préparation de leurs règlements ;
- assure la correspondance du cabinet, le courrier pouvant être dactylographié, manuscrit ou sur traitement de texte, la rédaction éventuelle des travaux d'étude ou de recherche des praticiens. »
L'article 3.16 de la convention collective fixe le montant de la prime de secrétariat à 10 % du salaire conventionnel de l'emploi d'assistant(e).
Si Madame Y. soutient qu'elle a droit à la prime de secrétariat susvisée, il convient d'observer que cette prime est fixée pour l'emploi d'assistante dentaire et non pour celui d'assistante dentaire stagiaire. En outre, Madame Y. ne démontre par aucune pièce qu'elle exécutait de manière régulière une des compétences précitées. Elle n'établit donc pas qu'elle a droit à la prime de secrétariat sollicitée et le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de rappel de salaire à ce titre.
Sur le bien-fondé du licenciement :
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.
Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.
En application de l'article L. 1232-6 du code du travail, la motivation de la lettre de licenciement fixe les limites du litige.
Monsieur Z. reproche à Madame Y. plusieurs fautes consistant principalement dans le non-respect des directives et des horaires de travail ainsi que des faits d'insuffisance professionnelle.
Madame Y. contestant le caractère réel et sérieux de son licenciement, le seul fait qu'elle ne critique pas les griefs qui lui sont imputés par Monsieur Z. dans le cadre de son argumentation, n'est pas suffisant pour considérer qu'elle les reconnaît. La lettre de la société H., secrétariat extérieur de Monsieur Z., en date du 31 mai 2010, fait état de ce que Madame Y. ne lui faxe plus depuis plusieurs semaines le planning des rendez-vous pris, [minute page 9] ce qui ne permet pas à cette société de remplir correctement sa mission. Toutefois, Monsieur Z. ne démontre pas que les difficultés relatées résultent d'un non-respect par Madame Y. de ses directives. En outre, aucune autre pièce de nature à étayer les fautes et les faits d'insuffisance professionnelle reprochés à Madame Y. n'est produite aux débats. Le licenciement de celle-ci ne repose donc pas sur une cause réelle et sérieuse.
Madame Y., qui percevait une rémunération mensuelle brute de 1.343,80 euros, avait 40 ans et moins de 6 mois d'ancienneté à la date de son licenciement. Son préjudice a été justement estimé à la somme de 1.500 euros par le conseil de prud'hommes.
Le jugement sera confirmé quant à l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et au montant des dommages et intérêts alloués à ce titre.
Sur la clause de non-concurrence :
En application du principe fondamental du libre exercice d'une activité professionnelle et des dispositions de l'article L. 1121-1 du code du travail, une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace, tient compte des spécificités de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière sérieuse, ces conditions étant cumulatives.
L'article 9 du contrat de travail, intitulé « clause de non-concurrence », stipule :
Compte tenu de la formation et des connaissances acquises au service du cabinet, vous vous interdisez en cas de cessation du présent contrat, quelle qu'en soit la cause à entrer au service d'un cabinet à [ville S.].
Cette interdiction de concurrence est limitée à une période de six mois, commençant le jour de la cessation effective du contrat.
En contrepartie de l'obligation de non-concurrence prévue ci-dessus, vous percevrez après la cessation effective du contrat et pendant toute la durée de cette interdiction une indemnité spéciale forfaitaire et mensuelle égale à 5 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu au cours des trois derniers mois de présence dans le cabinet hors primes et indemnités.
Toute violation de l'interdiction de concurrence, en libérant le cabinet du versement de cette contrepartie, vous rendra redevable envers lui du remboursement de ce que vous auriez pu percevoir à ce titre, outre une indemnité équivalente à trois mois de salaire net à titre de clause pénale, et cela indépendamment de dommages et intérêts en fonction du préjudice subi.
Le cabinet pourra cependant vous libérer de l'interdiction de concurrence et, par la même, se dégager du paiement de l'indemnité prévue en contrepartie. »
La clause de non concurrence prévoit une contrepartie financière de 67,19 brut (1.343,80 x 5%) pendant sa durée d'exécution. Or, elle interdit à Madame Y. d'exercer tout emploi au sein d'un cabinet dentaire de [ville S.], ville dans laquelle elle est domiciliée. La contrepartie financière prévue au contrat apparaît manifestement dérisoire au regard de la restriction d'emploi imposée à Madame Y. Aussi, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que la clause de non-concurrence était nulle.
En l'absence de justification particulière, il convient d'évaluer le préjudice subi par Madame Y. du fait de la nullité de la clause à la somme de 500 euros. Monsieur Z. sera condamné à payer à Madame Y. cette somme à titre de dommages et intérêts, le [minute page 10] jugement étant infirmé en ce qu'il a alloué à ce titre la somme de 3.000 euros.
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Il résulte de cet article et de l'article L. 1154-1 du même code que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, le juge doit apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;
dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Madame Y. soutient que Monsieur Z. :
- l'a affectée à des tâches d'entretien au mépris de ses compétences subsidiaires d'assistante dentaire volontairement déniées pour lui faire subir l'humiliation,
- lui a confié l'exécution au quotidien de nombreuses tâches dans le désordre et concomitamment pour la désorganiser psychologiquement, avec l'arrière attente de mettre fin à son contrat,
- a tenté de lui imposer une rupture amiable du contrat afin de contourner la difficulté liée à la motivation du licenciement,
- a manqué à son obligation de formation à l'emploi d'assistante dentaire auquel elle souhaitait se convertir en attendant la régularisation de l'équivalence de son diplôme de chirurgien-dentiste.
Il ressort des conclusions de Monsieur Z. que ces faits sont contestés, contrairement à ce que Madame Y. prétend.
Certaines tâches ménagères ressortant de la compétence des assistantes dentaires, Madame Y. ne démontre pas que celles qui lui étaient confiées dépassaient le cadre de ses fonctions. Par ailleurs, si Madame Y. produit un document de rupture conventionnelle avec effet au 30 juin 2010 signé uniquement par Monsieur Z., elle ne conteste pas l'authenticité de sa signature sur un document du 12 juin 2010, aux termes duquel les parties font état de leur accord sur une rupture conventionnelle. Aussi, Madame Y. ne prouve pas que Monsieur Z. a tenté de lui imposer une rupture conventionnelle. Enfin, Madame Y. ne justifie par aucune autre pièce de faits susceptible de constituer un harcèlement moral à son égard. En conséquence, il convient de la débouter de sa demande de dommages et intérêts et de confirmer le jugement sur ce point.
Madame Y., qui succombe dans son appel, sera condamnée aux dépens.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Z. les frais irrépétibles engagés par lui en cause d'appel. Les dispositions du jugement seront confirmées quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, notamment quant à la somme allouée à l'avocat de Madame Y. au titre des frais irrépétibles en application des articles 37 et 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
[minute page 11] statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,
CONFIRME le jugement, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts au titre de la nullité de la clause de non concurrence ;
STATUANT A NOUVEAU,
CONDAMNE Monsieur Z. à payer à Madame Y. la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la nullité de la clause de non-concurrence ;
DEBOUTE Monsieur Z. et Maître MIRABELLI BAKAYA de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
CONDAMNE Madame Y. aux dépens d'appel.
Le greffier Le Président
Sophie MASCRIER Joëlle DOAT