CASS. COM., 21 mars 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7569
CASS. COM., 21 mars 2018 : pourvoi n° 16-28412 ; arrêt n° 318
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extrait : « Mais attendu que, par plusieurs arrêts rendus le 29 mars 2017 (pourvois n° 15-17.659, 15-24.241 et 15-15.337), la chambre commerciale, financière et économique, amendant sa jurisprudence selon laquelle la cour d’appel de Paris était seule investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce, même lorsqu’elles émanaient de juridictions non spécialement désignées par l’article D. 442-3 du même code, a jugé qu’en application des articles L. 442-6, III et D. 442-3 du code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées relevaient de la cour d’appel de Paris ;
Que l’arrêt attaqué, rendu le 28 septembre 2016, se conformant à la jurisprudence ancienne, retient la recevabilité de l’appel, formé le 16 septembre 2015 par la société Best ;
Que l’application, à la présente instance, de la règle issue du revirement de jurisprudence, qui conduirait à retenir l’irrecevabilité de l’appel formé devant la cour d’appel de Paris, aboutirait à priver la société Best, qui ne pouvait ni connaître, ni prévoir, à la date à laquelle elle a exercé son recours, la nouvelle règle jurisprudentielle limitant le pouvoir juridictionnel de la cour d’appel de Paris, d’un procès équitable, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que la censure de l’arrêt n’est, dès lors, pas encourue ; que le moyen ne peut être accueilli ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 21 MARS 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 16-28412. Arrêt n° 318.
DEMANDEUR à la cassation : Société Toyota France
DÉFENDEUR à la cassation : Société Best automobile
Mme Mouillard (président), président. Maître Rémy-Corlay, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 28 septembre 2016), qu’assignée par la société Best automobile (la société Best) en responsabilité contractuelle devant le tribunal de grande instance de Nanterre, la société Toyota France (la société Toyota) a, au soutien d’une demande reconventionnelle, invoqué les dispositions de l’article L. 442-6-I-6° du code de commerce ; que la cour d’appel de Versailles ayant déclaré irrecevable l’appel formé par la société Best, celle-ci a relevé appel devant la cour d’appel de Paris ; que la société Toyota a contesté la recevabilité de l’appel ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société Toyota fait grief à l’arrêt de rejeter le déféré contre l’ordonnance du conseiller de la mise en état disant l’appel de la société Best devant la cour d’appel de Paris recevable alors, selon le moyen, qu’en application des articles L. 442-6, III, et D. 442-3 du code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la cour d’appel de Paris, de sorte qu’il appartient aux autres cours d’appel, conformément à l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le second texte, fut-ce pour dire que le premier juge irrégulièrement saisi a excédé ses pouvoirs ; qu’il en est ainsi même dans l’hypothèse où celles-ci auront, à tort, statué sur l’application du premier ; qu’en disant l’appel formé devant la cour d’appel de Paris contre le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 17 mai 2013 recevable, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble les articles R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire et 620 du code de procédure civile ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu que, par plusieurs arrêts rendus le 29 mars 2017 (pourvois n° 15-17.659, 15-24.241 et 15-15.337), la chambre commerciale, financière et économique, amendant sa jurisprudence selon laquelle la cour d’appel de Paris était seule investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur les recours formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce, même lorsqu’elles émanaient de juridictions non spécialement désignées par l’article D. 442-3 du même code, a jugé qu’en application des articles L. 442-6, III et D. 442-3 du code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées relevaient de la cour d’appel de Paris ;
Que l’arrêt attaqué, rendu le 28 septembre 2016, se conformant à la jurisprudence ancienne, retient la recevabilité de l’appel, formé le 16 septembre 2015 par la société Best ;
Que l’application, à la présente instance, de la règle issue du revirement de jurisprudence, qui conduirait à retenir l’irrecevabilité de l’appel formé devant la cour d’appel de Paris, aboutirait à priver la société Best, qui ne pouvait ni connaître, ni prévoir, à la date à laquelle elle a exercé son recours, la nouvelle règle jurisprudentielle limitant le pouvoir juridictionnel de la cour d’appel de Paris, d’un procès équitable, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que la censure de l’arrêt n’est, dès lors, pas encourue ; que le moyen ne peut être accueilli ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Toyota France aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille dix-huit.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par Me Rémy-Corlay, avocat aux Conseils, pour la société Toyota France.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR rejeté le déféré, confirmant l’ordonnance du Conseiller de la mise en état disant l’appel de la Société Best Automobile devant la Cour d’appel de Paris recevable ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE « (…) En raison du litige : considérant qu’en application des articles L. 42 -7 et R. 420-3 et suivant, ainsi que L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, la cour d’appel de Paris est investie du pouvoir juridictionnel exclusif de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application des articles L. 420 et suivants ainsi que L. 442-6 du code de commerce : Considérant selon les écritures des parties, que devant le premier juge, la société Toyota France avait invoqué reconventionnellement les dispositions de l’article L 442-6 du code de commerce ; que la lecture des motifs du jugement permet de relever que le tribunal avait constaté que les parties s’accordaient sur les textes applicables et leur sens, tout particulièrement le règlement 1400/2002 du 31 juillet 2002 pris en application de l’article 81 §3 du Traité ; que le litige relève ainsi en appel de la connaissance de la cour d’appel de Paris ; En raison de la tardiveté de l’appel : Considérant que la société Toyota France fait valoir que l’acte de signification mentionnait qu’il devait être fait appel devant la cour d’appel de Versailles, que tout d’abord, la mention de cette juridiction était parfaitement régulière, que par ailleurs, l’article 680 du code de procédure civile n’impose pas de mentionner devant quelle juridiction il doit être interjeté appel
Considérant que la société Best Automobile soutient que la signification du jugement est irrégulière, que l’acte de notification qui ne mentionne pas les modalités d’exercice du recours, au titre desquelles se trouve le lieu où celui-ci doit être exercé, ne peut faire courir le délai d’appel Mais considérant qu’en application des articles 528 et 680 du code de procédure civile, la mention erronée d’une voie de recours équivaut à l’absence de mention de voie de recours et ne fait pas courir le délai de recours;
Considérant qu’en l’espèce, la société Toyota France a, par acte du 5 juillet 2013, signifié le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 17 mai 2013 et précisé qu’il pouvait en être interjeté appel devant la cour d’appel de Versailles ; que cet acte n’a pu alors faire courir le délai pendant lequel la société Best Automobile pouvait interjeter appel de jugement du 17 mai 2013 ;
Considérant que l’appel de la société Best Automobile est par conséquent recevable ; que le déféré sera donc rejeté; Considérant que dans cette procédure, la société Toyota a assuré sa défense sans que l’abus qui lui est reproché, puisse être établi ainsi que l’intention qu’elle aurait eu de nuire à la société Best Automobile ; qu’en conséquence, la demande de dommage-intérêts formée par la société Best Automobile sera rejetée »
ET AUX MOTFS ADOPTES QUE « Il résulte de la combinaison des articles L. 442-6, III, alinéa 5, et D. 442-3 du code de commerce que la cour d’appel de Paris est seule investie du pouvoir de statuer sur les appels formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6. Il ressort de la lecture des conclusions des parties que la société Toyota avait invoqué, devant le tribunal de grande instance de Nanterre, l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce, et que ce texte a été visé par les deux sociétés devant la cour d’appel de Versailles. Même si la société Toyota soutient que le tribunal de grande instance de Nanterre n’a pas fondé sa décision sur l’application de l’article L. 442-6 précité, ce texte était dans les débats tant devant le tribunal de grande instance de Nanterre que devant la cour d’appel de Versailles, laquelle n’avait pas le pouvoir de connaître de cet appel. De plus, le jugement ayant fondé sa décision en relevant que « la société Best Automobiles a elle-même gravement manqué à son obligation légale et contractuelle », la société Toyota ne peut soutenir que le tribunal de grande instance a tranché à la seule vue de la violation des obligations contractuelles. Ainsi, seul l’appel devant la cour d’appel de Paris est recevable, étant au surplus observé que la société Toyota aurait renoncé au bénéfice de l’application de l’article L. 442-6-1 qu’après que la cour de Versailles ait expressément invité les parties à s’expliquer sur sa compétence au regard de cet article, et qu’ayant invoqué cet article elle ne peut reprocher à la société Best Automobiles d’en avoir fait de même. Par ailleurs, l’acte de signification du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre indiquait que l’appel devait être interjeté devant la cour d’appel de Versailles alors que c’est devant la cour d’appel de Paris que cet appel devait être présenté. Or, du fait de cette mention erronée de la cour d’appel devant laquelle le recours pouvait être formé, le point de départ du délai de recours ne court pas. En effet, l’indication dans l’acte de notification de la juridiction devant laquelle doit être porté le recours résulte de l’article 680 du code de procédure civile. Par conséquent, l’appel de la société Best Automobiles enregistré le 16 décembre 2015 devant la cour d’appel de paris sera déclaré recevable. »
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QU’en application des articles L. 442-6-III, et D. 442-3 du code de commerce, seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées sont portés devant la Cour d’appel de Paris, de sorte qu’il appartient aux autres cours d’appel, conformément à l’article R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le second texte, fut-ce pour dire que le premier juge irrégulièrement saisi a excédé ses pouvoirs ; qu’il en est ainsi même dans l’hypothèse où celles-ci auront, à tort, statué sur l’application du premier ; qu’en disant l’appel formé devant la Cour d’appel de Paris contre le jugement du Tribunal de grande instance de Nanterre du 17 mai 2013 recevable, la Cour d’appel a excédé ses pouvoirs et violé les articles L. 442-6 et D. 442-3 du code de commerce, ensemble les articles R. 311-3 du code de l’organisation judiciaire et 620 du code de procédure civile.