CA BOURGES (ch. civ.), 7 juin 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7589
CA BOURGES (ch. civ.), 7 juin 2018 : RG n° 17/00742
Publication : Jurica
Extrait : « Le jugement relève tout aussi pertinemment que le principe de la libre disposition de l'indemnité d'assurance n'est pas d'ordre public et qu'il peut y être dérogé par une clause du contrat d'assurance, d'autant que cette clause est de nature à permettre à l'assuré de bénéficier d'un supplément d'indemnité auquel il ne pourrait prétendre en application du principe indemnitaire.
Le tribunal a également pu considérer que cette clause n'avait pas pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et qu'elle ne revêt pas un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause.
En effet, cette clause ne fait pas obstacle à l'indemnisation immédiate de la valeur de rééquipement à neuf vétusté déduite des meubles sinistrés, qui n'est soumise à aucune obligation d'emploi de l'indemnité allouée, et surtout a pour avantage de permettre la plus grande adéquation possible avec le préjudice réellement subi, notamment quand l'assuré fait le choix de faire l'acquisition d'un bien neuf similaire. L'avance d'une partie du prix du rééquipement à neuf demeure raisonnable tant en son montant qu'en sa durée et constitue une contrepartie équilibrée et donc acceptable à l'avantage que procure le supplément d'indemnité versé par l'assureur. »
COUR D’APPEL DE BOURGES
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 7 JUIN 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/00742. Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal de Grande Instance de CHÂTEAUROUX en date du 13 décembre 2016.
PARTIES EN CAUSE :
I - M. X.
né le [date] à [ville], Représenté et plaidant par Maître Éric L. de la SCP L., J., L., B. ET ANC. V., avocat au barreau de CHÂTEAUROUX, substitué à l'audience par son collaborateur Maître Jérémy D., bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date], APPELANT suivant déclaration du 24 mai 2017
II - SA BPCE ASSURANCES
agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social : Représentée et plaidant par Maître Emmanuelle R. de la SCP L. ET R., avocat au barreau de CHÂTEAUROUX, timbre dématérialisé n° 1265 YY
INTIMÉE
]
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 avril 2018 en audience publique, la Cour étant composée de : M. FOULQUIER Président de Chambre, entendu en son rapport, M. GUIRAUD Conseiller, M. PERINETTI Conseiller.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GUILLERAULT
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
M. X. a souscrit auprès de la SA BPCE Assurances, avec effet au 1er juillet 2013, un contrat d'assurance afférent à la maison dont il était locataire au [adresse] et garantissant notamment le risque incendie. Il a opté pour une formule d'indemnisation de la valeur à neuf intégrale de ses biens meubles de moins de trois ans, formule prévoyant qu'en cas de sinistre, l'assureur doit verser immédiatement une indemnité correspondant au coût de la réparation vétusté déduite ou, si celle-ci est impossible ou excède la valeur de rééquipement à neuf du bien, à ladite valeur vétusté déduite, puis une indemnité complémentaire correspondant à « la différence entre la première indemnité et la valeur de remplacement du bien » sur présentation de factures de réparation ou de remplacement.
Le 2 décembre 2013, un incendie s'est déclaré dans la maison assurée et a entraîné la perte de l'ensemble des meubles de M. X.
La SA BPCE Assurances a reconnu qu'elle devait sa garantie et a versé à son assuré, le 26 février 2014, la somme de 24.964,95 euros sur la base d'un rapport d'expertise amiable. Se prévalant de la clause contractuelle ci-dessus énoncée, elle l'a informé qu'elle l'indemniserait à hauteur de la somme complémentaire de 7.399,65 euros à réception des factures de remplacement. M. X. a adressé des factures pour 7.422,49 euros sans obtenir toutefois le moindre remboursement complémentaire.
Par acte d'huissier du 24 novembre 2015, M. X. a fait assigner la SA BPCE Assurances devant le tribunal de grande instance de Châteauroux aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 7.399,65 euros au titre de la garantie, ainsi qu'aux dépens.
Sollicitant la mise à l'écart de la clause conditionnant le versement du solde de l'indemnité d'assurance à la production de factures de remplacement, il a fait valoir que cette clause était obscure en ce que l'indemnité complémentaire correspondait à la différence entre la valeur de remplacement du bien et la première indemnité et non l'inverse et qu'elle était en outre abusive en ce qu'elle impliquait, en contradiction avec l'article L. 121-1 du code des assurances et le principe de réparation intégrale du dommage, un contrôle de l'utilisation de l'indemnité avant son versement entravant le droit de l'assuré à en disposer librement, en ce qu'elle aboutissait, en cas d'impossibilité de rachat (en l'occurrence des collections de vinyles et certaines pièces de monnaie anciennes), à la perte de la vétusté récupérable alors que celle-ci est prise en compte dans le calcul des cotisations d'assurance, en ce que le montant de l'indemnité ne variera pas puisque son calcul ne dépend pas du prix des biens de remplacement mais de la vétusté d'ores et déjà fixée (7.399,65 euros) et en ce qu'elle obligeait l'assuré, qui peut ne pas en avoir les moyens, à avancer une partie de l'indemnité. Subsidiairement, il a souligné qu'il avait adressé les factures de remplacement pour un montant supérieur à celui de l'indemnité complémentaire et qu'il n'existait aucun risque d'enrichissement sans cause puisque son préjudice correspond non à la valeur des biens de rééquipement mais à la valeur à neuf des biens perdus et que l'indemnité ne variera pas quelles que soient les sommes dépensées pour ce rééquipement.
La SA BPCE Assurances s'est opposée à ces demandes et a demandé acte qu'elle réglera la somme réclamée lorsque M. X. produira les factures de remplacement correspondant aux meubles visés dans le rapport du 11 février 2014. Elle a invoqué l'application de la clause litigieuse en faisant observer que les factures de remplacement transmises ne correspondaient pas aux exigences contractuelles.
Par jugement rendu le 13 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Châteauroux a débouté M. X. de sa demande tendant à écarter la clause conditionnant le versement du solde de l'indemnité d'assurance à la production de factures de remplacement et a condamné la SA BPCE Assurances à payer à M. X. la somme de 724,15 euros, a laissé à chacune des parties la charge de ses dépens et les a déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le premier juge retient que le principe indemnitaire, posé par l'article L. 121-1 alinéa premier du code des assurances, n'interdit pas les clauses limitant l'indemnité àlaquelle aurait normalement droit l'assuré, tandis que le principe de libre disposition de l'indemnité d'assurance n'est pas d'ordre public et qu'il peut y être dérogé par une clause du contrat. Il considère, par ailleurs, que la clause n'a pas pour effet de limiter excessivement l'indemnité de l'assuré ou de l'en priver, puisqu'elle permet l'indemnisation immédiate de la valeur de rééquipement à neuf vétusté déduite des meubles sinistrés et qu'elle contribue à assurer une indemnisation correspondant le plus exactement possible au préjudice subi, et donc le respect du principe indemnitaire. Il ajoute que l'avance d'une partie de l'indemnité d'assurance ne crée pas de déséquilibre significatif dès lors que cette partie avancée reste raisonnable et que la clause litigieuse n'implique aucune perte de la vétusté récupérable en cas d'impossibilité de rachat puisque aucunse sa bien n'aura dans ce cas pu être racheté, étant souligné que cette impossibilité n'est pas réparée par une telle assurance. À l'examen des factures produites d'un montant de 7 422,49 euros, il chiffre à 724,15 euros la part de l'indemnité correspondant à la vétusté, qui doit être mise à la charge de l'assureur.
M. X. a interjeté appel de ce jugement par déclaration reçue le 24 mai 2017.
Par conclusions notifiées le 17 juillet 2017, reprenant pour l'essentiel les moyens déjà développés devant le premier juge et ci-dessus résumés, M. X. demande à la cour, réformant le jugement entrepris, de dire que la clause litigieuse est abusive et doit être écartée, en conséquence de condamner la SA BPCE Assurances à lui payer la somme de 32.364,60 euros, de lui donner acte de ce qu'il a d'ores et déjà perçu la somme de 24.964,95 euros et de condamner la SA BPCE Assurances à lui verser la différence s'élevant à 7.399,65 euros, avec intérêt de droit à compter de l'assignation du 24 novembre 2015, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
Par conclusions notifiées le 13 septembre 2017, la SA BPCE Assurances, s'appropriant la motivation du jugement entrepris, demande à la cour de confirmer ce dernier en toutes ses dispositions, de dire que M. X. ne saurait prétendre à un complément d'indemnité de 7.399,65 euros, faute de produire les factures de remplacement du mobilier visé dans le rapport d'expertise, de le débouter en conséquence de l'intégralité de ses prétentions, de lui donner acte de ce qu'elle réglera la somme de 724,15 euros arbitrée par le premier juge et de condamner M. X. aux dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 mars 2018.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI,
La cour ne statuant, en application de l'article 954 du code de procédure civile, que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions, il n'y a pas lieu de répondre à la demande de la SA BPCE Assurances, formulée dans le seul corps de ses écritures, de rejet des débats de 15 pièces non communiquées simultanément à ses conclusions.
Sur le fond, il résulte de l'article L. 121-1 du code des assurances que l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre. Il peut être stipulé que l'assuré reste obligatoirement son propre assureur pour une somme, ou une quotité déterminée, ou qu'il supporte une déduction fixée d'avance sur l'indemnité du sinistre.
Ainsi que le retient à juste titre le premier juge par des motifs pertinents que la cour fait siens, la clause ci-dessus rappelée n'est nullement contraire au principe indemnitaire puisque précisément l'indemnisation est accordée, dans un premier temps, en fonction de la valeur effective de la chose assurée qui doit prendre en compte sa vétusté, et que ce n'est que par dérogation à ce principe indemnitaire, stipulée en faveur de l'assuré, que celui-ci peut prétendre à une indemnisation en valeur de remplacement à neuf, sous réserve que ce remplacement soit justifié par des factures et intervienne dans le délai de deux ans.
Le jugement relève tout aussi pertinemment que le principe de la libre disposition de l'indemnité d'assurance n'est pas d'ordre public et qu'il peut y être dérogé par une clause du contrat d'assurance, d'autant que cette clause est de nature à permettre à l'assuré de bénéficier d'un supplément d'indemnité auquel il ne pourrait prétendre en application du principe indemnitaire.
Le tribunal a également pu considérer que cette clause n'avait pas pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et qu'elle ne revêt pas un caractère abusif au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause.
En effet, cette clause ne fait pas obstacle à l'indemnisation immédiate de la valeur de rééquipement à neuf vétusté déduite des meubles sinistrés, qui n'est soumise à aucune obligation d'emploi de l'indemnité allouée, et surtout a pour avantage de permettre la plus grande adéquation possible avec le préjudice réellement subi, notamment quand l'assuré fait le choix de faire l'acquisition d'un bien neuf similaire. L'avance d'une partie du prix du rééquipement à neuf demeure raisonnable tant en son montant qu'en sa durée et constitue une contrepartie équilibrée et donc acceptable à l'avantage que procure le supplément d'indemnité versé par l'assureur.
Enfin, cette clause ne concernant que les biens ayant moins de trois ans n'a guère vocation à s'appliquer aux objets de collection. En tout état de cause, à supposer que des biens de collection puissent avoir moins de trois ans, cette clause, telle qu'elle est libellée, n'exige pas le rééquipement à neuf stricto sensu mais le simple remplacement justifié par factures, donc pouvant porter sur un bien équivalent.
La perte de la vétusté récupérable en cas d'impossibilité de rachat revêt un caractère aléatoire échappant à la volonté de l'une ou l'autre des parties et l'impossibilité éventuelle de racheter les biens détruits ne constitue pas un préjudice réparé par l'assurance souscrite.
Au demeurant, l'examen de la liste établie par l'expert révèle que les biens dits de collection représentent une très faible partie de l'ensemble des biens mobiliers pour lesquels une part de vétusté a été appliquée.
Dès lors, c'est par une exacte appréciation du droit applicable que le premier juge, après avoir considéré par ailleurs que cette clause était parfaitement claire et compréhensible, a refusé de l'écarter et en a fait application en la cause.
Appréciant à leur exacte mesure les factures produites par M. X. et s'élevant à 7.422,49 euros, le tribunal a pu décider quelles ne lui permettaient pas de percevoir cette somme mais seulement la part d'indemnité correspondant à la vétusté déduite, telle que retenue par l'expert, soit la somme de 724,15 euros.
Le jugement a donc pu débouter M. X. du surplus de sa demande faute par lui de produire des factures de remplacement concernant les autres biens listés par l'expert.
Le jugement sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions et M. X., qui succombe en son appel, sera condamné aux dépens afférents à la présente instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 13 décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Châteauroux,
Y ajoutant,
Condamne M. X. aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
L'arrêt a été signé par M. FOULQUIER, Président, et par Mme GUILLERAULT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
V. GUILLERAULT Y. FOULQUIER