CA BASTIA (ch. civ. B), 6 avril 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 7654
CA BASTIA (ch. civ. B), 6 avril 2011 : RG n° 09/00729
Publication : Jurica ; Legifrance
Extrait : « Le jugement entrepris qui s’était fondé sur un défaut de délivrance conforme sera en conséquence infirmé mais l’intimé a démontré que le vendeur avait manqué à son obligation d’information et de conseil en n’attirant pas suffisamment son attention sur les difficultés que pouvait causer la demande de délivrance d’un certificat d’immatriculation d’un véhicule étranger, provenant d’une vente aux enchères, dépourvu de plaque constructeur.
L’appelante aurait été mieux avisée de faire réaliser les opérations l’immatriculation avant de vendre le véhicule. Elle sera en conséquence condamnée à verser à l’intimé la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle lui a causé en le contraignant à multiplier les formalités préalables à la délivrance d’un certificat d’immatriculation. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 6 AVRIL 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 09/00729 C-PH. Décision déférée à la Cour : jugement du 22 juin 2009, Tribunal d’Instance de CORTE, R.G. n° 07/236.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], [adresse], représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour, assistée de Maître Antoine ALESSANDRI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMÉ :
Monsieur Y.
[adresse], représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour, assisté de Maître Ange-Laurent BINDI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR : L’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 février 2011, devant la Cour composée de : Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 6 avril 2011.
ARRÊT : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement du 22 juin 2009 du Tribunal d’instance de CORTE qui a :
- ordonné la résolution de la vente conclue le 25 octobre 2006 pour défaut de délivrance conforme,
- condamné Madame X. à payer à Monsieur Y. la somme de 8.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2007,
- débouté Monsieur Y. de sa demande de dommages-intérêts,
- débouté Madame X. de ses demandes reconventionnelles,
- condamné Madame X. à payer à Monsieur Y. la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l’exécution provisoire de la décision,
- condamné Madame X. aux entiers dépens.
Vu la déclaration d’appel déposée le 31 juillet 2009 pour Madame X.
Vu les dernières conclusions de l’intimé du 3 novembre 2010 aux fins de confirmation du jugement entrepris et, y ajoutant, de voir condamner l’appelante au paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de voir rejeter l’ensemble des demandes de l’appelante ;
Vu les dernières conclusions de l’appelante du 30 septembre 2010 aux fins d’infirmation du jugement entrepris et de voir à titre principal débouter Monsieur Y. de l’ensemble de ses prétentions, à titre subsidiaire, d’ordonner une expertise, de faire application d’une compensation et de dire que la somme due par elle sera compensée avec celle due par Monsieur Y. soit 8.000 euros au titre de la restitution en valeur du véhicule, et, en tout état de cause, devoir condamner Monsieur Y. au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de l’avoué de l’appelante.
Vu l’ordonnance de clôture du 19 janvier 2011.
* * *
EXPOSÉ DU LITIGE :
Monsieur Y. a acquis le 25 octobre 2006, auprès de Madame X., commerçante à l’enseigne « America Garage X. » un véhicule NISSAN PATROL provisoirement immatriculé XX au prix de 8.500 euros.
Ce véhicule a été volé à [ville B] dans la nuit du 30 au 31 janvier 2007.
Par acte d’huissier du 21 août 2007, Monsieur Y. a assigné devant le Tribunal d’instance de CORTE Madame X. en faisant valoir qu’il n’avait pu faire immatriculer le véhicule ni le faire assurer contre le vol et qu’il subissait un préjudice dont il demandait réparation.
Par jugement du 22 juin 2009, le Tribunal d’instance a ordonné la résolution de la vente pour défaut de délivrance conforme, en retenant que le vendeur professionnel n’avait pas remis le certificat de conformité permettant l’immatriculation définitive du véhicule et son assurance tous risques, et a condamné Madame X. à verser à Monsieur Y. la somme de 8.500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2007, outre la somme de 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Devant la Cour d’appel, Madame X. fait valoir qu’elle a rempli ses obligations en adressant à la venderesse italienne du véhicule la carte d’identité de Monsieur Y. afin que l’acte de vente soit établi à son nom et qu’elle lui a remis aux alentours du 10 décembre 2006 cet acte de vente et tous les documents administratifs lui permettant d’immatriculer le véhicule.
Elle souligne qu’elle lui a proposé de l’aider dans cette démarche mais qu’il a refusé, préférant se rendre lui-même à la Préfecture et affirmant que le véhicule était parfaitement assuré.
Elle fait valoir que le contrôle technique du véhicule effectué le 27 octobre 2006 ne mentionne que l’absence de plaque du constructeur et que le véhicule était apte à la circulation.
Elle conteste l’affirmation de Monsieur Y. selon laquelle il n’aurait pu faire assurer le véhicule contre le vol en raison du fait que le véhicule n’était pas identifiable et indique que les documents produits par l’intimé sont postérieurs au vol, que la plainte est intervenue huit jours après le vol dont la réalité n’est pas démontrée et qu’elle a obtenu quatre propositions d’assurance en garantie vol et incendie en présentant les documents dont disposait l’intimé.
Elle soutient que Monsieur Y. n’a effectué aucune démarche pour immatriculer le véhicule et relève qu’il n’a pas produit de quitus fiscal ni fourni les documents demandés par le constructeur qui lui auraient permis de parvenir à une réception à titre isolé par la DRIRE et qu’il ne peut invoquer les règles de la responsabilité délictuelle.
Elle demande à titre subsidiaire une expertise permettant d’éclairer la Cour sur le mode opératoire de l’immatriculation d’un véhicule étranger et se fonde sur l’article 1647 du code civil pour soutenir que l’intimé est responsable de la perte du véhicule qui avait selon lui des vices et qu’il y a lieu de faire application des règles de restitution réciproque et de dire qu’elle se trouve libérée de toute obligation de paiement du prix de vente.
Monsieur Y. réplique en précisant qu’il agit sur le fondement des articles 1603, 1604 et 1615 du code civil et 212-2 du code de la consommation et qu’il est victime de la défaillance de son vendeur professionnels qui avait l’obligation de procéder au contrôle de conformité nécessaire avant de vendre un véhicule importé.
L’intimé souligne n’avoir reçu qu’une attestation de conformité partielle du constructeur et que le défaut d’identification du véhicule ne lui a pas permis de faire assurer contre le vol ce véhicule.
Il considère que l’appelante n’a pas mis en œuvre son devoir d’information et de renseignement et a induit l’acheteur en erreur.
Il précise que l’absence de plaque constructeur mentionnée lors du contrôle technique ne constitue pas un défaut mineur mais faisait obstacle à l’immatriculation du véhicule, formalité qui pèse sur le professionnel et non l’acquéreur.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’obligation de délivrer la chose comprend ses accessoires et il importe de déterminer si les documents administratifs relatifs au véhicule vendu fournis par le vendeur professionnel à l’acquéreur étaient de nature à lui permettre de parvenir à immatriculer le véhicule importé vendu.
Les circonstances de l’espèce et en particulier le fait que Monsieur Y. ait pris possession du véhicule avant son immatriculation et qu’il ait décidé de faire son affaire de cette immatriculation, font qu’il ne peut induire de la simple absence de plaque du constructeur signalée lors du contrôle technique la preuve d’un défaut de délivrance conforme.
L’acte de vente judiciaire du 21 novembre 2006 sur décision du juge à Monsieur Z. produit par l’appelant, précise que le véhicule doit être ré-immatriculé et que son châssis doit être poinçonné à nouveau. La note de la Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement versée aux débats par l’appelante démontre que la réception à titre isolé du véhicule acheté par Monsieur Y. était possible.
L’attestation de conformité partielle datée du 19 février 2007 émanant de la société NISSAN FRANCE précise d’ailleurs qu’une éventuelle dérogation doit être étudiée par la DRIRE que Monsieur Y. n’a pas saisie.
L’intimé n’a pas justifié avoir essayé d’assurer contre le vol le véhicule acquis par lui et en avoir été empêché du fait de l’absence d’immatriculation du véhicule. La lettre de son assureur datée du 4 avril 2007 ne suffit pas à l’établir et il serait surprenant qu’un véhicule soit assez identifiable pour que son conducteur puisse être assuré en le conduisant mais pas assez pour que la garantie vol ne puisse être accordée.
Le jugement entrepris qui s’était fondé sur un défaut de délivrance conforme sera en conséquence infirmé mais l’intimé a démontré que le vendeur avait manqué à son obligation d’information et de conseil en n’attirant pas suffisamment son attention sur les difficultés que pouvait causer la demande de délivrance d’un certificat d’immatriculation d’un véhicule étranger, provenant d’une vente aux enchères, dépourvu de plaque constructeur.
L’appelante aurait été mieux avisée de faire réaliser les opérations l’immatriculation avant de vendre le véhicule. Elle sera en conséquence condamnée à verser à l’intimé la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu’elle lui a causé en le contraignant à multiplier les formalités préalables à la délivrance d’un certificat d’immatriculation.
Le surplus des prétentions des parties sera rejeté et les dépens seront mis à la charge de l’appelante qui succombe.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement du Tribunal d’instance de CORTE du 22 juin 2009,
Et, statuant à nouveau,
Condamne Madame X. à verser à Monsieur Y. la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 €) à titre de dommages-intérêts,
Rejette le surplus des prétentions des parties,
Condamne Madame X. aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT