CASS. CIV. 1re, 28 juin 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7668
CASS. CIV. 1re, 28 juin 2018 : pourvoi n° 17-28924 ; arrêt n° 799
Publication : Legifrance
Extrait : « Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 331-1, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire ; que les actions engagées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun relèvent de la compétence de ces tribunaux, lorsque la détermination des obligations de chacune des parties contractantes et de leurs éventuels manquements impose à la juridiction saisie de statuer sur des questions mettant en cause les règles spécifiques du droit de la propriété littéraire et artistique ;
Et attendu que la cour d’appel a relevé que, si la société TSE prétendait que la question de la co-titularité des droits attachés au format de l’émission litigieuse n’était pas débattue et demandait seulement à la juridiction saisie de « constater » que ledit format était sa copropriété, la société Ardis soutenait, au contraire, qu’elle était seule titulaire des droits d’exploitation sur le format et le titre de cette émission, de sorte qu’avant de statuer sur les demandes, il appartenait à la juridiction saisie de se prononcer sur la titularité des droits revendiqués par la société TSE ; qu’elle en a déduit, à bon droit, que le tribunal de grande instance de Paris avait seul compétence pour connaître du litige ; que le moyen n’est pas fondé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 28 JUIN 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 17-28924. Arrêt n° 799.
DEMANDEUR à la cassation : Société TSE
DÉFENDEUR à la cassation : Société Ardis
Mme Batut (président), président. SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 31 octobre 2017), que, reprochant à la société Ardis, qui lui avait concédé le droit de produire l’émission de télévision intitulée « Tout le monde en parle », d’avoir manqué à ses obligations contractuelles, la société Tout sur l’écran productions (TSE) l’a assignée devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir la communication de pièces comptables et le paiement de la moitié des sommes perçues au titre de l’exploitation, à l’étranger, du format de cette émission ; que la société Ardis a soulevé une exception d’incompétence au profit du tribunal de grande instance de Paris ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la société TSE fait grief à l’arrêt de rejeter le contredit qu’elle a formé contre le jugement du 10 mai 2017 par lequel le tribunal de commerce de Paris s’est déclaré incompétent pour connaître du litige, alors, selon le moyen, que la compétence du tribunal de grande instance, telle que fixée par l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, suppose que les prétentions du demandeur portent sur l’application de dispositions relevant du droit des marques ou du droit d’auteur de sorte qu’en décidant que le tribunal de commerce était incompétent au profit du tribunal de grande instance, motif pris de ce que la société TSE tirait la cause de ses demandes de sa qualité de copropriétaire des droits sur le format de l’émission « Tout le monde en parle », laquelle était contestée par la société Ardis, qu’il ne pouvait dès lors être statué sur lesdites demandes sans caractériser la titularité des droits de la société TSE sur le format litigieux, et que les contrats existants ne suffisaient pas à établir s’il s’agissait d’une collaboration intellectuelle ou simplement à l’exploitation de l’émission, cependant que les prétentions de la société TSE, tendaient exclusivement à voir engager la responsabilité contractuelle de la société Ardis en raison de l’inexécution de son obligation de lui payer 50 % des recettes tirées de l’exploitation de l’émission, résultant des accords écrits et oraux conclus entre les parties, ainsi que du comportement constant de la société Ardis, et ne portaient donc nullement sur l’application de règles du droit de la propriété littéraire et artistique, la cour d’appel a violé l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle par fausse application ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’aux termes de l’article L. 331-1, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale, sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance, déterminés par voie réglementaire ; que les actions engagées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun relèvent de la compétence de ces tribunaux, lorsque la détermination des obligations de chacune des parties contractantes et de leurs éventuels manquements impose à la juridiction saisie de statuer sur des questions mettant en cause les règles spécifiques du droit de la propriété littéraire et artistique ;
Et attendu que la cour d’appel a relevé que, si la société TSE prétendait que la question de la co-titularité des droits attachés au format de l’émission litigieuse n’était pas débattue et demandait seulement à la juridiction saisie de « constater » que ledit format était sa copropriété, la société Ardis soutenait, au contraire, qu’elle était seule titulaire des droits d’exploitation sur le format et le titre de cette émission, de sorte qu’avant de statuer sur les demandes, il appartenait à la juridiction saisie de se prononcer sur la titularité des droits revendiqués par la société TSE ; qu’elle en a déduit, à bon droit, que le tribunal de grande instance de Paris avait seul compétence pour connaître du litige ; que le moyen n’est pas fondé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Tout sur l’écran productions aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Ardis la somme de 3.000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit juin deux mille dix-huit.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la société Tout sur l’écran productions.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré recevable mais mal fondé le contredit formé contre le jugement du tribunal de commerce de Paris du 10 mai 2017, par lequel celui-ci s’était déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris pour connaître du litige opposant les sociétés TSE et Ardis,
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QUE
« Le contredit est motivé et a été remis au secrétariat de la juridiction qui a rendu la décision dans les 15 jours de celle-ci ; il doit être déclaré recevable conformément aux dispositions de l’article 82 du code de procédure civile ;
Aux termes de l’assignation délivrée le 25 mai 2016 à l’encontre de la société Ardis, la société Tout sur l’écran productions expose, au soutien de ses demandes de communication de pièces comptables et de condamnation à lui payer la moitié des sommes perçues par la partie assignée au titre de la vente à l’étranger du format de l’émission “Tout le monde en parle” vendu, qu’elle est copropriétaire de ce format ;
Il résulte des écritures échangées entre les parties au cours de la première instance que la société Tout sur l’écran production[s] soutient que la question de la copropriété des droits attachés au format « n’est pas débattue dès lors que sa réalité est d’ores et déjà établie », qu’elle demande seulement à la juridiction qu’elle a saisie de « constater » que le format vendu est sa copropriété pour en tirer la cause des demandes qu’elle forme à l’encontre de la société assignée ;
Toutefois, la société Ardis combat cette affirmation et développe dans ses écritures qu’elle serait seule titulaire des droits d’exploitation du format et du titre de l’émission ;
Dès lors, avant de statuer sur les demandes, la juridiction devra caractériser la titularité de droits de la société Tout sur l’écran productions sur le format litigieux ;
L’article L. 337-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « les actions civiles et les demandes relatives à la propriété littéraire et artistique, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale sont exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance déterminés par voie réglementaire » ; Le tribunal de grande instance de Paris fait partie des juridictions désignées ;
Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que le tribunal de commerce s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes au profit du tribunal de grande instance de Paris » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE
« Sur le mérite
Le litige porte sur le partage des recettes de l’émission TLMP prenant son fondement sur la réalité des droits de propriété intellectuelle dont chacune des parties se prévaut ;
Dans son assignation, TSE explicite clairement les fondements de ses prétentions en demandant au tribunal de « constater que le format vendu aux sociétés de production étrangères par la société Ardis est la copropriété de la société Tout sur l’écran » ;
Les contrats existants ne suffisent pas à établir s’il s’agit d’une collaboration intellectuelle ou simplement à l’exploitation de l’émission TLMP ;
L’article L. 211-10 du code de l’organisation judiciaire et l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle attribuent la compétence aux tribunaux de grande instance spécialement désignés pour trancher les litiges relevant de la propriété littéraire et artistique, ce qui est le cas de la présente affaire ;
En conséquence, le tribunal se déclarera incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
ALORS QUE la compétence du tribunal de grande instance, telle que fixée par l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle, suppose que les prétentions du demandeur portent sur l’application de dispositions relevant du droit des marques ou du droit d’auteur de sorte qu’en décidant que le tribunal de commerce était incompétent au profit du tribunal de grande instance, motif pris de ce que la société TSE tirait la cause de ses demandes de sa qualité de copropriétaire des droits sur le format de l’émission « Tout le monde en parle », laquelle était contestée par la société Ardis, qu’il ne pouvait dès lors être statué sur lesdites demandes sans caractériser la titularité des droits de la société TSE sur le format litigieux, et que les contrats existants ne suffisaient pas à établir s’il s’agissait d’une collaboration intellectuelle ou simplement à l’exploitation de l’émission, cependant que les prétentions de la société TSE, tendaient exclusivement à voir engager la responsabilité contractuelle de la société Ardis en raison de l’inexécution de son obligation de lui payer 50 % des recettes tirées de l’exploitation de l’émission, résultant des accords écrits et oraux conclus entre les parties, ainsi que du comportement constant de la société Ardis, et ne portaient donc nullement sur l’application de règles du droit de la propriété littéraire et artistique, la cour d’appel a violé l’article L. 331-1 du code de la propriété intellectuelle par fausse application.