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CA CAEN (2e ch. civ. com.), 27 septembre 2018

Nature : Décision
Titre : CA CAEN (2e ch. civ. com.), 27 septembre 2018
Pays : France
Juridiction : Caen (CA), 2e ch.
Demande : 16/02810
Date : 27/09/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/07/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7688

CA CAEN (2e ch. civ. com.), 27 septembre 2018 : RG n° 16/02810 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « En l'espèce, ainsi rédigée, la clause contraint l'assuré à participer seul aux investigations du médecin-expert désigné par l'assureur et ne l'autorise à se faire assister que s'il n'accepte pas l'état d'invalidité évalué. En outre, bien que la désignation unilatérale d'un médecin-expert par l'assureur soit contrebalancée par la possibilité offerte à l'assuré de recourir à son propre médecin en cas de désaccord sur les conclusions sur l'état d'invalidité, l'obligation qui lui est imposée de régler lui-même les frais afférents à la rémunération de ce second médecin, apparaît considérablement dissuasive. Il s'ensuit que la probabilité pour l'assureur d'être confronté à une critique professionnelle de l'évaluation faite par le médecin-expert qu'il a désigné est réduite.

En conséquence, la clause litigieuse tend à entraîner un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et doit donc être déclarée abusive conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation susvisé. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal d'instance de Caen a dit que la clause 7C, insérée au contrat « garantie accident » souscrit par Madame Y. auprès de la Macif, devait être réputée non écrite. »

2/ « Madame Y. sollicite la condamnation de la Macif au remboursement des frais afférents aux honoraires du Docteur B. qu'elle a désigné en qualité de second médecin-expert.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le seul anéantissement de la clause litigieuse ne suffit pas à justifier le règlement de ces honoraires par la Macif à défaut de dispositions relatives aux conditions de prise en charge des frais consécutifs par l'assureur dans la police d'assurance.

Néanmoins, Madame Y. transmet à la cour une note d'honoraire n° XX du Docteur B., en date du 21 juillet 2014, d'un montant de 480 euros dont elle s'est acquittée par chèque ainsi qu'une note d'honoraire n° YY, en date du 3 juin 2015, d'un montant de 1.800 euros réglé par son conseil. Dès lors, la demande de condamnation aux frais d'assistance à expertise sera appréciée au titre de celle relative aux frais irrépétibles.

Le jugement déféré doit, en conséquence, être réformé sur ce point. »

 

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 27 SEPTEMBRE 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/02810. N° Portalis DBVC-V-B7A-FTPT. ORIGINE : DÉCISION du Tribunal d'Instance de CAEN en date du 7 juillet 2016 - RG n° 11-16-000516.

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [date], représentée par Maître Catherine F., avocat au barreau de CAEN, assistée de Maître Rémy LE B., avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

LA MACIF - MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERCANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIÉS DE L'INDUSTRIE ET DU COMMERCE

N° SIRET : XXX, prise en la personne de son représentant légal, représentée et assistée de la SCP CREANCE F. H., avocat au barreau de CAEN

 

DÉBATS : A l'audience publique du 11 juin 2018, sans opposition du ou des avocats, Mme HEIJMEIJER, Conseiller, a entendu seule les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré

GREFFIER : Madame LE GALL, greffier

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme BRIAND, Président de chambre, Mme HEIJMEIJER, Conseiller, rédacteur, Mme GOUARIN, Conseiller, En présence de M. Jean-Charles M., Auditeur de justice.

ARRÊT prononcé publiquement le 27 septembre 2018 à 14h00 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour et signé par Mme BRIAND, président, et Madame LE GALL, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

A la suite d'un accident de luge dont elle a été victime le 25 février 2013, Madame Y. a sollicité auprès de la Macif la mise en œuvre de la garantie accident qu'elle avait souscrite.

Suite au rapport du Docteur A. fixant l'incapacité de Madame Y. à 5 %, la Macif a rejeté sa demande d'indemnisation.

Dans un rapport du 21 juillet 2014, le Docteur B. a, suite à un examen sollicité par Madame Y., fixé son incapacité à 12 %.

Par ordonnance de référé en date du 24 mars 2015, le tribunal de grande instance de Niort, saisi sur requête de Madame Y., a confié une mesure d'expertise au Docteur C., et condamné Madame Y. aux dépens de l'instance de référé.

Par ordonnance en date du 8 avril 2015, le Docteur D. a été désigné en lieu et place du Docteur C. aux fins de procéder à l'expertise.

Aux termes de son rapport en date du 24 mai 2015, le Docteur D. a fixé le déficit fonctionnel permanent global à 11 % dont 6 % s'agissant des douleurs thoraciques et 5 % s'agissant de la pathologie de l'épaule.

Suite au refus de la Macif de rembourser les sommes exposées au titre des frais liés aux interventions du Docteur B. et des frais de procédure, Madame Y. a fait assigner l'assureur devant le tribunal d'instance de Caen, par exploit du 14 mars 2016.

Par jugement du 7 juillet 2016, le tribunal d'instance de Caen a déclaré abusive la clause 7C figurant dans le contrat d'assurance conclu entre la Macif et Madame Y. en page 13, dit que cette clause est réputée non écrite, débouté Madame Y. de ses autres demandes et l'a condamnée aux dépens.

Madame Y. a relevé appel de cette décision par déclaration du 20 juillet 2016.

 

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe en date du 5 décembre 2016, la Macif a demandé à la cour de :

- La recevoir en son appel incident,

- Réformer le jugement en ce qu'il a déclaré abusive la clause 7C de la police d'assurance souscrite par Madame Y.,

- Confirmant le jugement pour le surplus,

- Débouter Madame Y. de toutes ses demandes, fins et prétentions,

- Donner acte à la Macif de son offre d'indemnisation,

- Condamner Madame Y. à payer à la Macif la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

 

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe en date du 1er février 2017, Madame Y. a demandé à la cour de :

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation,

Vu les articles 488, 695 et 696 du code de procédure civile,

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu le rapport d'expertise du Docteur D. en date du 24 mai 2015,

- Dire et juger Madame Y. recevable et bien-fondée en son appel, en toutes ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

* déclaré la clause de l'article 7C du contrat de garantie et relative à la prise en charge des frais d'expert par l'assuré abusive et non écrite,

- Infirmer pour tout le reste le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- Condamner la Macif à payer à Madame Y. la somme de 2.280 euros correspondant au remboursement des frais d'assistance à expertise,

- Condamner la Macif à payer à Madame Y. la somme de 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- Juger que les frais d'assistance à expertise sont inclus dans les frais non compris dans les dépens de l'article 700 du code de procédure civile,

Par conséquent,

- Condamner la Macif à payer à Madame Y. la somme de 3.780 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- Condamner la Macif à procéder à l'exécution du contrat d'assurance - garantie accident la liant à Madame Y. et à payer la somme de 4.918 euros au titre de l'option 12 dudit contrat,

- Condamner la Macif à payer à Madame Y. les dépens engagés au titre de la procédure de référé et s'élevant à un montant de 1.056,93 euros détaillé comme suit :

* honoraires du Docteur D., expert judiciaire : 600,00 euros

* frais d'huissier : 156,93 euros (90,49 + 66,44)

* honoraires de postulation : 300 euros,

- Débouter la Macif de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner la Macif aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Le B., représentée par Maître Rémy Le B., avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé complet des moyens développés.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 avril 2018.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur le caractère abusif de la clause 7C du contrat « garantie accident » :

Conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable à la cause, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. (...) Les clauses abusives sont réputées non écrites (...) ».

Madame Y. soutient que la clause 7C du contrat « garantie accident » souscrit auprès de la Macif est abusive au sens de l'article L. 132-1 précité et doit être réputée non écrite.

Aux termes de la clause litigieuse intitulée « Application de la garantie », il est stipulé :

« Nous vous invitons tout d'abord à vous reporter à l'article 4 relatif à la procédure à suivre en cas d'accident*.

Les indications qui suivent sont spécifiques à la garantie invalidité*.

L'état d'invalidité* est constaté par expertise médicale en dehors de toute considération du régime obligatoire auquel l'assuré* est affilié.

L'invalidité* est mesurée par un taux d'incapacité fixé par le médecin-expert en référence au dernier barème indicatif d'évaluation des taux d'incapacité en droit commun publié dans la revue « Le concours médical ». En cas d'invalidité* antérieure, le taux est déterminé par différence entre l'invalidité* antérieure et l'invalidité* postérieure à l'accident* garanti.

En cas de désaccord sur les conclusions du médecin-expert, vous pouvez désigner votre propre médecin qui procède avec celui qu'a désigné la Macif à une expertise commune. A défaut d'accord entre eux, ils choisiront un troisième pour départager. Dans l'impossibilité de désigner ce troisième expert, sa nomination sera faite par le Président du tribunal de grande instance de votre domicile sur simple demande de la partie la plus diligente, l'autre partie ayant été convoquée par lettre recommandée.

Chacune des parties paiera les frais et honoraires du médecin qu'elle a désigné et supportera par moitié ceux du troisième ».

En l'espèce, ainsi rédigée, la clause contraint l'assuré à participer seul aux investigations du médecin-expert désigné par l'assureur et ne l'autorise à se faire assister que s'il n'accepte pas l'état d'invalidité évalué.

En outre, bien que la désignation unilatérale d'un médecin-expert par l'assureur soit contrebalancée par la possibilité offerte à l'assuré de recourir à son propre médecin en cas de désaccord sur les conclusions sur l'état d'invalidité, l'obligation qui lui est imposée de régler lui-même les frais afférents à la rémunération de ce second médecin, apparaît considérablement dissuasive.

Il s'ensuit que la probabilité pour l'assureur d'être confronté à une critique professionnelle de l'évaluation faite par le médecin-expert qu'il a désigné est réduite.

En conséquence, la clause litigieuse tend à entraîner un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat et doit donc être déclarée abusive conformément à l'article L. 132-1 du code de la consommation susvisé.

Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal d'instance de Caen a dit que la clause 7C, insérée au contrat « garantie accident » souscrit par Madame Y. auprès de la Macif, devait être réputée non écrite.

Le jugement déféré doit donc être confirmé sur ce point.

 

Sur les frais d'assistance à expertise :

Madame Y. sollicite la condamnation de la Macif au remboursement des frais afférents aux honoraires du Docteur B. qu'elle a désigné en qualité de second médecin-expert.

Contrairement à ce que soutient l'appelante, le seul anéantissement de la clause litigieuse ne suffit pas à justifier le règlement de ces honoraires par la Macif à défaut de dispositions relatives aux conditions de prise en charge des frais consécutifs par l'assureur dans la police d'assurance.

Néanmoins, Madame Y. transmet à la cour une note d'honoraire n° XX du Docteur B., en date du 21 juillet 2014, d'un montant de 480 euros dont elle s'est acquittée par chèque ainsi qu'une note d'honoraire n° YY, en date du 3 juin 2015, d'un montant de 1.800 euros réglé par son conseil.

Dès lors, la demande de condamnation aux frais d'assistance à expertise sera appréciée au titre de celle relative aux frais irrépétibles.

Le jugement déféré doit, en conséquence, être réformé sur ce point.

 

Sur l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent :

Selon l'article 1134 du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ».

En l'espèce, Madame Y. demande la condamnation de l'assureur à lui verser la somme de 4.918 euros au titre de l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent.

La Macif s'y oppose au motif qu'elle a déjà proposé une telle indemnisation à l'assurée par courrier du 5 juin 2015, qu'elle a néanmoins refusée.

Aux termes de son rapport en date du 24 mai 2015, le Docteur D., expert judiciaire, a évalué le déficit fonctionnel permanent de l'assurée à 11 % selon le barème indicatif du concours médical, soit 6 % s'agissant des douleurs thoraciques et 5 % s'agissant de la pathologie de l'épaule, et a fixé la consolidation des blessures au 15 avril 2014.

Conformément à l'option 12 du contrat « Régime de Prévoyance Famille Accident », souscrit par Madame Y. auprès de la Macif, l'indemnisation de l'assurée peut intervenir à partir de 10 % d'incapacité.

L'appelante est donc fondée à solliciter l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent.

Conformément au barème de l’annexe A 9,845 du contrat d'assurance, Madame Y. peut ainsi obtenir la somme de 4.918 euros (11/100 x 11/100 x 344 x 10 x 9,845 x 12 + 1).

Il convient, dès lors, de condamner la Macif à verser à Madame Y. la somme de 4.918 euros au titre de l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent, le jugement déféré étant réformé en conséquence.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement dont appel doit également être réformé dans ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Partie perdante, la Macif est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, et condamnée à supporter les dépens de l'instance de référé, soit la somme de 1.056,93 euros correspondant aux frais d'expertise judiciaire (600 euros), d'huissier de justice (156,93 euros) et aux honoraires de postulation (300 euros), ainsi que les dépens de première instance et de la procédure d'appel.

Maître Rémy Le B., intervenant en qualité d'avocat plaidant et non d'avocat postulant, ne peut solliciter le bénéfice du droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser la charge de ses frais irrépétibles à Madame Y. à qui la Macif est condamnée à payer la somme de 3.780 euros, en ce compris les frais d'assistance à expertise à hauteur de 2.280 euros, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement rendu par le tribunal d'instance de Caen le 7 juillet 2016 dans toutes ses dispositions, sauf celles relatives à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, aux frais d'assistance à expertise, aux frais irrépétibles et aux dépens qui sont réformées,

Statuant à nouveau sur les dispositions réformées et y ajoutant,

Condamne la Macif à payer à Madame Y. la somme de 4.918 euros au titre de l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent,

Déboute la Macif de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Condamne la Macif à verser à Madame Y. la somme de 3.780 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Macif à supporter les dépens de l'instance de référé, soit la somme de 1.056,93 euros comprenant les frais d'expertise judiciaire (600 euros), les frais d'huissier de justice (156,93 euros) et les honoraires de postulation (300 euros), ainsi que les dépens de première instance et de la procédure d'appel.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT

N. LE GALL                         S. BRIAND