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CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 30 octobre 2018

Nature : Décision
Titre : CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 30 octobre 2018
Pays : France
Juridiction : Grenoble (CA), 1re ch. civ.
Demande : 16/04210
Date : 30/10/2018
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 2/09/2016
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7692

CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 30 octobre 2018 : RG n° 16/04210 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il ressort des longues écritures de la société BNP Paribas Personal Finance qu'elle reproche en réalité au jugement initial du 26 janvier 2016, dont elle n'a pas relevé appel, d'avoir fait une analyse juridiquement erronée du crédit renouvelable et de l'avoir condamnée à supprimer une clause non identifiée d'un contrat. Il lui appartenait, si elle estimait le jugement critiquable en droit et inexécutable en fait, de le contester par la voie de l'appel.

En l'espèce, il n'existe aucune contradiction entre les chefs du dispositif du jugement du 26 janvier 2016, le tribunal ayant considéré comme illicite ou abusif le fait de ne pas faire apparaître dans l'encadré légal le bien acquis et son prix au comptant. Et sa décision ne donne lieu qu'à une seule lecture, même si la société BNP Paribas Personal Finance considère que la disposition relative au point 5 procède d'une analyse erronée et contradictoire du crédit renouvelable.

Elle ne peut sous couvert d'une demande d'interprétation demander à la cour de modifier le jugement rendu. Le jugement du 28 janvier 2016 ne nécessite aucune interprétation, de sorte que le jugement du 28 juillet 2016 doit être infirmé en toutes ses dispositions. »

 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 OCTOBRE 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 16/04210. N° Portalis DBVM-V-B7A-IVGB. Appel d'un Jugement (N° R.G. 11.16.920) rendu par le Tribunal d'Instance de GRENOBLE en date du 28 juillet 2016 suivant déclaration d'appel du 2 septembre 2016.

 

APPELANTE :

LA SOCIÉTÉ BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro B XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître Bernard B., avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Maître Sébastien M.-G., avocat au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L'ISÈRE

représentée et plaidant par Maître Erwan T., avocat au barreau de GRENOBLE

 

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Hélène COMBES, Président de chambre, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Joëlle BLATRY, Conseiller, En présence de Monsieur B. Alexis, avocat stagiaire,

Assistées lors des débats de Madame Anne BUREL, Greffier

DÉBATS : A l'audience publique du 1er octobre 2018, Madame COMBES a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs observations. Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 28 janvier 2016, le tribunal d'instance de Grenoble a rendu un jugement dans une action en suppression de clauses abusives engagée par l'UFC 38 à l'encontre de la société BNP Paribas Personal Finance.

Le dispositif énonce notamment :

- Dit que sont abusives ou illicites dans les conditions précisées aux motifs les clauses des contrats de crédit renouvelable proposés par BNP Paribas Personal Finance qui : (...)

* 5) omet de préciser à l'encadré légal le bien acquis et son prix au comptant dans les hypothèses légales. (...)

- Ordonne à BNP Paribas Personal Finance de supprimer de son modèle type de contrat les clauses ci-dessus qui n'auraient pas depuis été supprimées, et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision, sous peine, passé ce délai, d'une astreinte d'un montant de 50 euros par jour de retard et par clause maintenue.'

La société BNP Paribas Personal Finance n'a pas relevé appel à l'encontre de ce jugement qui est devenu définitif.

Par requête du 25 mai 2016, la société BNP Paribas Personal Finance a sollicité l'interprétation du jugement en ce qui concerne le point n° 5.

Par jugement du 28 juillet 2016, le tribunal a :

Dit en tant que de besoin que le jugement du 28 janvier 2016 doit être interprété en ce sens que dans les contrats de crédit renouvelable proposé par la société BNP Paribas Personal Finance :

- est illicite, l'omission à l'encadré légal du bien acquis ou du service et son prix au comptant dans l'hypothèse où le consommateur se voit proposer un contrat de crédit renouvelable pour financer l'achat d'un bien ou d'un service particulier,

- il est interdit à l'avenir à la société BNP Paribas Personal Finance, dans l'hypothèse où le consommateur se voit proposer un contrat de crédit renouvelable pour financer l'achat d'un bien ou d'un service particulier, d'utiliser un modèle de contrat dans lequel à l'encadré légal est omise la mention du bien ou du service acquis et de son prix au comptant.

La société BNP Paribas Personal Finance a relevé appel le 2 septembre 2016.

Dans ses dernières conclusions du 2 juillet 2018, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de :

- Constater qu'il n'est pas possible de supprimer, réputer non écrite, et interdire à l'avenir une clause qui n'existe pas, et à tout le moins que la clause numéro 5 visée par le jugement du Tribunal d'instance de Grenoble du 28 janvier 2016, qui omettrait de mentionner le bien ou le service et son prix au comptant dans l'encadré contractuel, est indéterminée ;

- Constater qu'il existe une contradiction entre les chefs du jugement du Tribunal d'instance de Grenoble du 28 janvier 2016 relatifs à la clause numéro 5, qui retiennent, dans un premier temps, une conception large du crédit affecté comme étant compatible avec celle du crédit renouvelable en ce que les deux formes de crédit permettent l'acquisition de biens ou le financement de prestations, occultant ici le critère d'exclusivité de l'affectation du crédit affecté, et qui retiennent ensuite, dans un second temps, une conception étroite réintégrant le critère d'exclusivité de l'affectation, en relevant que le crédit renouvelable ne pourrait constituer un crédit affecté que dans l'hypothèse où il n'aurait servi qu'au financement exclusif d'un bien ou d'une prestation ;

- Constater qu'il en ressort que le jugement a retenu une compatibilité des notions de crédit affecté et de crédit renouvelable par le biais d'une conception large qu'il dément ensuite, faisant ressortir en réalité l'incompatibilité des deux notions ;

- Constater que le chef du jugement du 28 janvier 2016 laissant penser que le contrat de crédit pourrait avoir une nature juridique évolutive, crédit affecté, dans un premier temps, et crédit renouvelable, dans un second temps, est ambigu et impossible à mettre en œuvre ; Constater qu'il est, par ailleurs, contredit par la référence à l'arrêt de la Cour de cassation du 7 février 2006 et la référence à la situation dans laquelle l'emprunteur avait « initialement dans l'esprit » l'achat unique d'un bien qu'elle vise à expliciter, laissant penser qu'il convient de s'attacher à la volonté de l'emprunteur au moment où celui-ci a souscrit le contrat, et donc au consentement de celui-ci au moment de la signature du contrat, seul à même de permettre la qualification de l'acte ;

- Constater, au vu notamment de la contradiction de motifs et de l'impossibilité d'exécution caractérisées précédemment, que « les hypothèses légales » dans lesquelles le prêteur doit mentionner le bien ou la prestation, ainsi que son prix au comptant, visées par le jugement du 28 janvier 2016 dans son dispositif s'agissant de la clause numéro 5, sont indéterminées, le jugement ne précisant pas quelles sont ces hypothèses légales ;

- Dire et juger, en conséquence, que les chefs du dispositif du jugement du 28 janvier 2016 disant qu'est licite ou abusive la clause « 5) omet de préciser à l'encadré légal le bien acquis et son prix au comptant dans les hypothèses légales ; » et faisant injonction à la société BNP Paribas Personal Finance de supprimer la clause illicite ou abusive, la réputer non écrite et interdire son usage à l'avenir nécessitent d'être interprétés ;

- Dire et juger que l'interprétation retenue par le Tribunal d'instance de Grenoble dans son jugement du 28 juillet 2016 ne peut être adoptée, dès lors qu'elle conduit à un excès de pouvoir du Juge de l'interprétation et à une modification du dispositif du jugement interprété en élargissant le champ d'application des obligations mises à la charge de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE et en lui imposant de nouvelles obligations non prévues initialement et n'ayant pas fait l'objet de demande des parties ;

- Dire et juger que la disposition du jugement du 28 janvier 2016 enjoignant de supprimer la clause numéro 5 ne peut être interprétée « en ce sens que BNP Paribas Personal Finance ne peut proposer au consommateur, dans l'hypothèse visée, un contrat avec un encadré ne comportant pas le bien et son prix au comptant » et que la disposition faisant interdiction d'usage de la clause numéro 5 ne peut être interprétée en ce sens « qu'il est interdit l'usage par BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à l'avenir, dans l'hypothèse définie, de proposer un contrat ne mentionnant pas le bien ou le service et son prix au comptant », car une telle interprétation conduit à enjoindre à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE d'ajouter des précisions à son contrat, et donc d'ajouter une clause, et non de supprimer une clause ou d'en interdire l'usage, et conduit en conséquence à modifier le contenu de l'obligation imposée par le jugement du 28 janvier 2016 et à en imposer une nouvelle, ce alors même qu'aucune demande n'était formée par les parties devant le Tribunal visant à obtenir la condamnation de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à une telle obligation ;

Dire et juger que les « hypothèses légales » visées par le jugement du 28 janvier 2016 ne peuvent être interprétées comme étant constituées par « l'hypothèse où le consommateur se voit proposer un contrat de crédit renouvelable pour financer l'achat d'un bien ou d'un service particulier », dès lors que cette interprétation est contredite par certains motifs du jugement du 28 janvier 2016 et par les dispositions de l'article L. 311-8-1 du Code de la consommation auxquelles se réfère le Tribunal, dès lors que le Tribunal modifie le sens de certaines dispositions de son jugement en élargissant le champ d'application de l'hypothèse visée, ce qui conduit à étendre le champ d'application de l'obligation mise à la charge de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE par le jugement du 28 janvier 2016, et dès lors que cette interprétation conduit à une impossibilité matérielle et juridique d'exécution, l'établissement de crédit ne pouvant supprimer en cours d'exécution de son contrat des clauses y figurant, ce qui conduirait à faire figurer des clauses contraires à la réglementation applicable au crédit renouvelable ;

- Procédant à l'interprétation du jugement du 28 janvier 2016, Dire et juger qu'il n'est pas possible de supprimer, réputer non écrite, et interdire à l'avenir une clause qui n'existe pas, que tel est le cas de la « clause » 5. visée dans le dispositif qui « omet de préciser à l'encadré légal le bien acquis et son prix au comptant dans les hypothèses légales », et qu'il convient, en conséquence, de considérer que si cette omission est illicite, pour autant les chefs du dispositif faisant injonction d'avoir à supprimer les clauses, de les réputer non écrites, et de les interdire à l'avenir n'ont pas d'objet la concernant et ne peuvent en conséquence lui être appliquées ; Si la Cour ne devait pas retenir cette interprétation, préciser les modalités d'exécution de ces dispositions ;

Constater qu'il ressort des motifs du jugement du 28 janvier 2016 que le Tribunal a entendu viser les hypothèses légales du détournement frauduleux de l'usage de la forme du crédit renouvelable dans des cas où c'est celle du crédit affecté qui aurait dû être utilisée ;

Dire et juger, à tout le moins, que la Cour dispose du pouvoir d'apprécier ce qu'il convient d'entendre par « hypothèses légales » au vu de la contradiction de motifs du jugement ;

DIRE ET JUGER, en conséquence, que le jugement du 28 janvier 2016 doit être interprété en ce que les « hypothèses légales » visées dans le chef du dispositif qui mentionne « 5) omet de préciser à l'encadré légal le bien acquis et son prix au comptant dans les hypothèses légales » correspondent à la situation dans laquelle, le crédit a été contracté, dans l'esprit de l'emprunteur, exclusivement pour l'achat d'un bien ou d'une prestation, et non aux fins de permettre d'autres utilisations, de sorte que le crédit aurait dû prendre la forme d'un crédit affecté comportant la mention dans l'encadré du bien acquis et de son prix au comptant, que cette situation ne peut être déterminée « a priori » mais seulement révélée - a posteriori - dans le cadre d'un litige particulier ;

Subsidiairement, si la Cour ne devait pas retenir cette interprétation,

PRÉCISER les « hypothèses légales » visées par le jugement du 28 janvier 2016 ;

- DEBOUTER l'UFC 38 de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

La CONDAMNER à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

 

Par uniques conclusions du 17 janvier 2017, l'UFC 38 conclut à la confirmation du jugement et réclame 3.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir que sous couvert d'une requête en interprétation, la société BNP Paribas Personal Finance tente de remettre en cause l'une des dispositions de la décision visée au point n° 5.

Elle réplique qu'il suffit à la société BNP Paribas Personal Finance, en supprimant la clause incomplète, de « remplir le trou » pour rédiger une clause complète, et donc conforme.

Elle fait valoir qu'il n'y avait pas lieu à interprétation du jugement à ce titre dès lors que le Tribunal qui constate le caractère irrégulier d'une disposition contractuelle ne peut effectivement qu'en ordonner sa suppression.

Que dès lors que l'illicéité de l'encadré est relevée par le jugement, il suffit à la société BNP Paribas Personal Finance pour supprimer cette illicéité, de compléter son encadré.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2018.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.

Il ressort des longues écritures de la société BNP Paribas Personal Finance qu'elle reproche en réalité au jugement initial du 26 janvier 2016, dont elle n'a pas relevé appel, d'avoir fait une analyse juridiquement erronée du crédit renouvelable et de l'avoir condamnée à supprimer une clause non identifiée d'un contrat.

Il lui appartenait, si elle estimait le jugement critiquable en droit et inexécutable en fait, de le contester par la voie de l'appel.

En l'espèce, il n'existe aucune contradiction entre les chefs du dispositif du jugement du 26 janvier 2016, le tribunal ayant considéré comme illicite ou abusif le fait de ne pas faire apparaître dans l'encadré légal le bien acquis et son prix au comptant.

Et sa décision ne donne lieu qu'à une seule lecture, même si la société BNP Paribas Personal Finance considère que la disposition relative au point 5 procède d'une analyse erronée et contradictoire du crédit renouvelable.

Elle ne peut sous couvert d'une demande d'interprétation demander à la cour de modifier le jugement rendu.

Le jugement du 28 janvier 2016 ne nécessite aucune interprétation, de sorte que le jugement du 28 juillet 2016 doit être infirmé en toutes ses dispositions.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, contradictoirement

- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

- Dit que le jugement du 28 janvier 2016 ne nécessite aucune interprétation.

- Laisse les dépens de l'instance à la charge de la société BNP Paribas Personal Finance.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

Signé par Madame COMBES, Président, et par Madame BUREL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT