CASS. CIV. 3e, 14 juin 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 7694
CASS. CIV. 3e, 14 juin 2018 : pourvoi n° 17-14365 ; arrêt n° 597
Publication : Legifrance ; Bull. civ.
Extraits : 1/ « ayant relevé que le bail stipulait que les copreneurs étaient tenus solidairement et indivisiblement de son exécution et que tout congé ne pouvait être valablement donné que simultanément par l’ensemble des preneurs et retenu que Mme X. avait expressément renoncé au droit de rompre seule le contrat, la cour d’appel a exactement déduit, de ces motifs non critiqués, que celle-ci restait tenue de la totalité des loyers impayés jusqu’à la résiliation du bail ».
2/ « Qu’en statuant ainsi, sans constater que le bail prévoyait que la clause de solidarité s’appliquait au paiement de l’indemnité d’occupation consécutive à la résiliation du bail, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 JUIN 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : 17-14365. Arrêt n° 597.
DEMANDEUR à la cassation : Madame X.
DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur et Madame Y.
M. Chauvin (président), président. Maître Le Prado, SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat(s).
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Angers, 27 octobre 2015), que M. et Mme Y., propriétaires d’une maison d’habitation donnée à bail à M. A. et à Mme X., leur ont délivré un commandement de payer visant la clause résolutoire, puis les ont assignés en acquisition de cette clause et en paiement d’un arriéré locatif et d’indemnités d’occupation ; que Mme X., se prévalant du congé délivré par elle le 27 juin 2009, a demandé le rejet des demandes formées à son encontre ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que Mme X. fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à M. et Mme Y. la totalité de la dette locative, solidairement avec M. A. ;
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Mais attendu qu’ayant relevé que le bail stipulait que les copreneurs étaient tenus solidairement et indivisiblement de son exécution et que tout congé ne pouvait être valablement donné que simultanément par l’ensemble des preneurs et retenu que Mme X. avait expressément renoncé au droit de rompre seule le contrat, la cour d’appel a exactement déduit, de ces motifs non critiqués, que celle-ci restait tenue de la totalité des loyers impayés jusqu’à la résiliation du bail ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l’article 1202 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016 ;
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu que la solidarité ne se présume point ; qu’il faut qu’elle soit expressément stipulée ;
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Attendu qu’après avoir constaté que Mme X. avait quitté les lieux, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que les deux copreneurs sont tenus solidairement de payer aux bailleurs une indemnité d’occupation à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération des lieux ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Qu’en statuant ainsi, sans constater que le bail prévoyait que la clause de solidarité s’appliquait au paiement de l’indemnité d’occupation consécutive à la résiliation du bail, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il condamne Mme X. au paiement d’une indemnité d’occupation à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération des lieux, l’arrêt rendu le 27 octobre 2015, entre les parties, par la cour d’appel d’Angers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Orléans ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens :
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-huit.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour Mme X.
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné solidairement M. A. et Mme X. à payer à M. Y. et Mme Y. la somme de 32.224,56 euros pour solde de location, avec intérêts au taux légal sur 21.467,34 euros à compter du 18 octobre 2013, et à compter du 27 octobre 2015 sur le surplus ainsi qu’une indemnité d’occupation provisionnelle et mensuelle égale au montant des loyers et des charges à compter d’octobre 2013 jusqu’à la libération effective des lieux et d’avoir rejeté les demandes de Mme X. ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Mme X. expose que selon courrier recommandé avec avis de réception du 27 juin 2009, dont elle n’a conservé que l’avis, elle a donné congé et quitté les lieux ; que le 10 juin 2010, les bailleurs lui ont fait délivrer, à sa nouvelle adresse, un commandement de payer une somme de 2.421,50 euros ; que par courrier du 24 décembre 2010, elle a rappelé son départ à l’agent immobilier ; que le 13 décembre 2012, il lui a été fait commandement, à sa nouvelle adresse, de payer une somme de 15.164,70 euros ; que le 29 juillet 2013, il lui a été fait commandement de payer, à l’adresse du logement litigieux, de payer une somme de 16.583,87 euros ; qu’elle soutient la nullité du commandement de payer du 29 juillet 2013 pour ne lui avoir pas été délivré à sa nouvelle adresse, pourtant connue des intimés, irrégularité lui causant grief puisqu’elle l’a mise dans l’impossibilité d’agir ; qu’elle considère les bailleurs irrecevables en leur demande de constat de résiliation du bail et irrecevables en leur demande de résiliation du bail, demande nouvelle en cause d’appel ; qu’il est de principe, énoncé à l’article 114 du code de procédure civile, que la nullité d’un acte d’huissier ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public ; qu’il est certain que le commandement de payer doit remplir les exigences de l’article 648 du code précité en mentionnant le domicile du destinataire ; que cependant, Mme X. qui invoque une impossibilité d’agir ne prétend pas que s’il lui avait été remis à son adresse réelle elle aurait pu se libérer en réglant la dette ; qu’il faut donc considérer qu’elle ne justifie pas du grief causé par l’irrégularité et rejeter son exception de nullité ; que l’action des intimés en constat de la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire suite au commandement de payer infructueusement délivré le 29 juillet 2013 est recevable et c’est à raison que le premier juge a constaté cette acquisition à la date du 29 septembre 2013, ordonné l’expulsion de M. A. et de tous occupants de son chef ; que l’appelante fait plaider le droit fondamental du locataire à rompre le contrat à tout moment moyennant préavis et considère que la clause du bail, article 2.3.2 « En cas de pluralité de preneurs tout congé ne pourra être valablement donné que simultanément par l’ensemble des preneurs », entravant ce droit, doit être déclarée nulle ; que cependant, en signant le bail, Mme X. et M. A. ont accepté son article 2.11, duquel il résulte qu’en leur qualité de copreneurs, ils seront tenus solidairement et indivisiblement à son exécution ; qu’en consentant à l’indivisibilité du bail, Mme X. a expressément renoncé au droit de rompre seule le contrat, ce qui ne constitue pas une entrave à sa liberté mais une protection des droits du copreneur contre le bailleur qui serait autrement fondé à faire résilier le bail en cas de départ de l’autre ; que de plus, il est de jurisprudence assurée que seul le congé de tous les copreneurs met fin au bail, celui qui a donné congé restant tenu des obligations locatives au moins jusqu’au terme du bail ; que l’exception de nullité ne peut donc qu’être rejetée ; que Mme X., laquelle réclame une indemnité de ce montant, ne peut contester devoir la somme de 32.224,56 euros pour solde de location ; qu’elle sera condamnée solidairement avec M. A. au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal sur 21.467,34 euros à compter de l’assignation du 18 octobre 2013, à compter de ce jour sur le surplus ; que pour réclamer des dommages et intérêts équivalents au montant de la dette locative, Mme X. prétend que les intimés ont commis une faute en laissant s’accumuler la dette ; que s’il est certain que M. et Mme Y. ne peuvent s’abriter derrière l’inertie de l’agent immobilier auquel ils avaient donné mandat de gérer le logement, Mme X., laquelle rappelle les précédents commandements délivrés, ne peut contester les démarches entreprises pour tenter de recouvrer leur dette ; que c’est à raison que le premier juge l’a déboutée de sa demande » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « sur la situation de Madame X., dans cette affaire, il n’est pas contesté que Madame X. était co-signataire du bail de 2007, quand bien même qu’elle ait quitté les lieux et envoyé son congé, elle était tenue par la clause du bail 2.3.2 qui stipule que « en cas de pluralité de preneurs tout congé ne pourra être valablement donné que simultanément par l’ensemble des preneurs » ; que quant à la validité de cette clause, outre le fait qu’elle ne fait pas partie des cas prévus dans l’article 4 de la loi du 6 juillet 1989, et, sachant que ladite loi est d’ordre public, il n’empêche pas que des clauses particulières y dérogent, lorsqu’elles sont licites ; qu’or, il sera relevé que la défenderesse ne démontre en quoi cette clause serait illicite ; qu’en effet, dans la mesure où deux personnes souscrivent ensemble et solidairement un bail, il est normal qu’elles doivent sous la même solidarité défaire ce qu’elles ont conclu, et, qu’à tout le moins, en l’espèce, Monsieur A. ait donné son accord pour une reprise du bail à son seul nom ; que de plus, la loi de 1989 qui n’envisage que le cas d’un preneur, ne fait aucune restriction à la rédaction de clauses particulières prévoyant le cas des co-preneurs ; que dès lors, il sera admis que la clause, objet de ce litige est valide et elle recevra donc application ; qu’aussi, Madame X. sera tenue solidairement à la dette locative et aux conséquences des impayés ; qu’enfin, il sera retenu qu’il importe peu que le dernier commandement ait été délivré à l’adresse de la location, car il lui sera rappelé qu’elle a fait l’objet de deux autres commandements en 2010 et 2012 à deux adresses différentes, sans qu’elle y ait fait droit, notamment en 2012, et, étant observé qu’elle ne démontre pas s’être manifestée ensuite pour donner son adresse actuelle ; qu’en dernier lieu, il sera rappelé que les condamnations des défendeurs étant solidaires ou in solidum, il n’y a pas lieu de condamner Monsieur A. de garantir Madame X., les règles relatives à la solidarité s’appliquant dans cette affaire ; que sur la demande principale, sur la recevabilité de l’action, en application de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, l’assignation est régulièrement notifiée à la DDCS de la SARTHE – AR du 22 octobre 2013 ; qu’il est également produit la décision de la commission des expulsions du 30 juin 2014, l’avis de refus de prise en charge FSL du 15 janvier 2014 ; que dès lors, l’action des bailleurs sera déclarée recevable ; que sur l’acquisition de la clause résolutoire, un commandement de payer reproduisant la clause résolutoire insérée dans le bail, ainsi que les termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 modifié par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998, et ceux de l’article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990, est délivré aux locataires par acte d’huissier en date du 13 décembre 2012 pour Madame X., et ensuite, à étude d’huissier le 29 juillet 2013, pour les deux locataires ; qu’or, à ce jour, il n’est pas établi que les locataires ont réglé l’intégralité de la dette dans le délai prévu par la loi, ni qu’ils ont présenté des délais de paiement, ceux-ci n’étant proposé que lors des débats ; qu’aussi, il convient donc de considérer que la clause résolutoire est acquise au profit des bailleurs depuis le 29 septembre 2013 ; que sur la demande d’expulsion et de paiement des arriérés locatifs et d’une indemnité d’occupation et les demandes de délais de paiement, qu’il résulte des éléments fournis à l’audience par le demandeur, à savoir l’engagement de location, ainsi qu’un décompte de créance, et, un relevé détaillé de compte arrêté au 3 juillet 2014, que les locataires possèdent une dette conséquente puisque le paiement des loyers n’est pas honoré depuis 2009 ; qu’or, les défendeurs ne donnent aucune garantie de reprendre le paiement du loyer courant et d’apurer leur dette, puisque des délais de paiement sur 24 mois de la dette dépasse les ressources mensuelles de Monsieur A. ; qu’au surplus, il lui sera rappelé qu’en cas d’adoption d’un plan de surendettement, il lui sera appliqué les modalités de paiement prévues dans ledit plan ; que quant à Madame X., celle-ci ne justifie pas plus se trouver en mesure de s’acquitter de la dette solidaire sur 24 mois, puisqu’elle ne fournit aucun justificatif de ses ressources actuelles et de sa situation financière ; qu’elle sera donc également déboutée de sa demande de délais de paiement ; que dès lors, il sera admis que cette situation autorise que soit ordonnée l’expulsion de Monsieur A. et, celle de tous occupants de son chef, dans les délais prévus par la loi ; qu’à défaut de départ volontaire, il pourra être procédé à son expulsion, et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique, telle que prévue par les dispositions légales ; (…) que Monsieur A. et Madame X. seront, également, tenus solidairement de payer, une indemnité d’occupation mensuelle provisionnelle, compensant l’occupation postérieure du logement loué, égale au montant du loyer et des charges qui auraient été payées si le bail s’était poursuivi, et, ce à compter du mois d’octobre 2013 » ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°/ ALORS QUE le copreneur solidaire, qui donne congé au bailleur, s’oppose par là même à la tacite reconduction du bail à son égard et n’est dès lors pas tenu du paiement solidaire des loyers et charges dus au titre d’un renouvellement du bail, qui ne peut lui être opposable ; qu’en l’espèce, Mme X. faisait valoir, dans ses conclusions d’appel, que le bail du 9 mars 2007 avait été conclu pour une durée de 3 ans (cf. conclusions, p. 3, § 1), qu’elle avait donné congé au bailleur le 27 juin 2009 (cf. conclusions, p. 3, § 3), soit antérieurement à la tacite reconduction du bail, et qu’à cette date elle n’occupait plus le bien loué (Idem.) ; qu’en fixant la résolution du bail au 29 septembre 2013 et en condamnant solidairement Mme X. au paiement de la somme de 32.224,56 euros pour solde de location, soit au titre des loyers dus non seulement en exécution du bail initial mais également des baux renouvelés les 9 mars 2010 et 9 mars 2013 motif pris qu’en consentant à l’indivisibilité du bail, Mme X. a expressément renoncé au droit de rompre seule le contrat, sans constater que le congé donné par Mme X. le 27 juin 2009 ne pouvait pas valoir opposition à la tacite reconduction du bail à son égard, la cour d’appel, qui a confondu les modalités de résiliation d’un contrat conclu solidairement et celles dans lesquelles il peut être tacitement reconduit aux mêmes clauses et conditions, a violé les articles 1134, 1200 et 1202 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;
2°/ ALORS QUE l’engagement solidaire souscrit pas des copreneurs ne survit pas, sauf stipulation expresse contraire, à la résiliation du bail ; qu’une indemnité d’occupation est due en raison de la faute quasi-délictuelle commise par celui qui se maintient sans droit ni titre dans les lieux ; qu’en condamnant Mme X., dont elle a constaté qu’elle avait quitté les lieux antérieurement à la résiliation du bail, « solidairement » avec M. A. à payer aux bailleurs une indemnité d’occupation pour la période courant du 29 septembre 2013, date de la résiliation du bail, jusqu’au départ effectif de M. A., sans constater que le bail prévoyait une solidarité entre les copreneurs pour le paiement d’une telle l’indemnité d’occupation, la cour d’appel a violé les articles 1134, 1200 et 1202 du code civil dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.