CA DIJON (2e ch. civ.), 9 mai 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 7833
CA DIJON (2e ch. civ.), 9 mai 2019 : RG n° 17/01042
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2019-0075
Extrait : « Il s'en déduit que Madame X. établit par la production de pièces émanant de la société @ROBASE SYSTEMES elle-même que nonobstant les termes du procès-verbal du 17 juillet 2015, le site internet objet du contrat n'a été livré que courant novembre 2015 soit plus de 60 jours après la signature du contrat, lequel est de plein droit non avenu. »
COUR D’APPEL DE DIJON
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 9 MAI 2019
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/01042. N° Portalis DBVF-V-B7B-E2DN. Décision déférée à la Cour : au fond du 11 mai 2017, rendue par le tribunal de commerce de Dijon : R.G. n° 2016/09863.
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville] (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Dijon), Représentée par Maître Justine C., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 81
INTIMÉE :
SARL @ROBASE SYSTEMES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis : [adresse], Représentée par Maître Karine S., avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 103
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mars 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de : Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, Michel WACHTER, Conseiller, Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Elisabeth GUÉDON,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 9 mai 2019,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Françoise VAUTRAIN, Présidente de Chambre, et par Elisabeth GUÉDON, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 9 juin 2015, Madame X., en sa qualité d'auto-entrepreneur sous le nom commercial de X. PHOTOGRAPHIES, conclut avec la société @ROBASE SYSTEMES un « contrat de site internet » d'une « durée fixe et indivisible de 48 mois » portant sur les prestations suivantes : création du site, hébergement du site, soumission à référencement, nom du domaine, mise à jour trimestrielle du site, adresse e-mail, prestation de maintenance téléphonique ainsi que trois options dites module galerie, module privatif et module actualité.
Il prévoit le versement de frais d'ouverture de dossier d'un montant TTC de 450 euros payables en trois mensualités de 150 euros chacune et en 48 mensualités de 123,60 euros TTC.
Le 17 juillet 2015, X. PHOTOGRAPHIE représentée par Mademoiselle X. signe un procès-verbal de réception du site internet au terme duquel elle indique l'accepter ainsi que les prestations sans restriction ni réserve.
Les trois échéances des frais d'ouverture mises en paiement le 30 octobre 2015 et la première mensualité de 123,60 euros présentées à l'encaissement par la société @ROBASE SYSTEME font l'objet de rejets de la part de la banque, entraînant de la part de la société des mises en demeure de paiement en date des 4 décembre 2015 et 22 janvier 2016 (cette dernière par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 27 janvier 2016) ainsi que des échanges téléphoniques et par mail, puis le conseil de la société met de nouveau Mademoiselle X. en demeure de payer les arriérés et de reprendre le paiement des mensualités contractuelles par lettre recommandée avec avis de réception du 21 juin 2016 qui n'est pas retirée.
Par acte d'huissier du 16 décembre 2016, la société @ROBASE SYSTEMES assigne Madame X. devant le tribunal de commerce de Dijon aux fins d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme principale de 6.098,70 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 22 janvier 2016, outre une indemnité de 741 euros et 720 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tout avec exécution provisoire.
Madame X. ne comparaît pas devant le tribunal, lequel, par jugement du 11 mai 2017, la condamne à verser à la société @ROBASE SYSTEMES la somme principale de 6.098,70 euros TTC outre intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2016, et celle de 720 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et ordonne l'exécution provisoire.
La société est déboutée de sa demande d'indemnité de défraiement.
* * *
Madame X. fait appel par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel le 10 juillet 2017.
A sa requête, le premier président de la cour d'appel, par ordonnance de référé du 19 décembre 2017, ordonne la suspension de l'exécution provisoire compte-tenu de son absence de ressources.
Par conclusions n° 2 déposées le 18 janvier 2018, Madame X. demande à la cour d'appel de :
« Vu les articles 1217, 1347 et suivants du nouveau code civil,
Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,
- Recevoir Madame X. en son appel, fins et conclusions,
En conséquence,
A titre principal,
- Réformer le jugement entrepris dans son dispositif,
- Dire et juger que le contrat conclu entre les parties le 9 juin 2015 est non avenu,
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que le contrat créé des déséquilibres significatifs au détriment de Mademoiselle X.,
- Condamner la société @ROBAE SYSTEMES à verser la somme de 6.098,70 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice,
A titre infiniment subsidiaire,
- Réformer le jugement entrepris dans son dispositif,
- Accorder à Mademoiselle X. les plus larges délais de paiement,
En tout état de cause,
- Condamner la société @ROBASE SYSTEMES à verser à Madame X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du CPC,
- La condamner aux entiers dépens. ».
Par conclusions récapitulatives déposées le 25 février 2019, la Sarl @ROBASE SYSTEMES demande à la cour de :
« Vu les articles 1217, 1347 et suivants du code civil,
Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,
A titre principal,
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Dijon du 11 mai 2017 dans toutes ses dispositions,
- Débouter Madame X. de sa demande de nullité du contrat,
A titre subsidiaire,
- Dire que la Société AROBASE SYSTEMES n'a commis aucune faute et que le contrat n'est pas entaché de déséquilibre significatif,
En conséquence,
- Débouter Madame X. de sa demande d'indemnisation,
A titre infiniment subsidiaire,
Vu l'article 1343-5 du code civil,
- Débouter Madame X. de sa demande de délais de paiement,
- Condamner la même à verser à la Société AROBASE SYSTEMES la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux entiers dépens. ».
L'ordonnance de clôture est rendue le 26 février 2019.
En application des articles 455 et 634 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, à leurs dernières conclusions susvisées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION :
Il doit être relevé liminairement que Madame X. ne conteste pas avoir signé le 9 juin 2015 le contrat de site internet, ni la régularité de la formation de ce contrat.
Invoquant les dispositions de l'article 2 (et non pas 1.7.2 comme indiqué par erreur dans ses écritures) « prise d'effet du contrat- condition suspensive » des dispositions générales du contrat selon lesquelles « L'absence de mise en ligne par la société @ROBASE SYSTEMES des services sus désignés dans les soixante jours de la signature du contrat vaudra notification implicite au client de la décision de rejet du dossier : le contrat sera alors de plein droit non avenu et ne pourra servir de fondement à une quelconque obligation et/ou responsabilité à la charge de l'une ou l'autre des parties et ce sans que la société @ROBASE SYSTEMES ne soit tenue à aucune notification à l'égard du client. », Madame X. soutient que le contrat ayant été signé le 9 juin 2015, le site aurait dû être mise en ligne au plus tard le 9 août 2015 et qu'il ne l'a été que le 17 novembre suivant alors même qu'elle ne s'y attendait plus ; qu'il s'en déduit que le contrat est non avenu.
Or Madame X. ne conteste pas avoir signé le 17 juillet 2015 le procès-verbal de réception du site internet aux termes duquel elle déclarait :
- avoir pris connaissance de la mise en ligne de son site internet composé de la charte graphique et de l'arborescence à l'adresse www.x-photographies.fr,
- avoir librement choisi le contenu et en être à ce titre seule responsable,
- être titulaire de l'ensemble des droits de propriété intellectuelle nécessaires à l'utilisation du contenu du site Internet en son sein,
- s'engager à effectuer un contrôle du bon fonctionnement du site une fois par semaine et dans l'hypothèse d'un dysfonctionnement s'engage à en informer la société @ROBASE SYSTEMES sans délai,
- s'engager à solliciter toute modification éventuelle dans un délai de 72 heures suivant la signature du présent procès-verbal de réception,
- avoir contrôlé son bon fonctionnement,
- en conséquence accepter le site INTERNET et les prestations sans restriction ni réserve.
Il doit être relevé que ce procès-verbal est rédigé en termes parfaitement clairs et dénués de toute ambiguïté et que Madame X., étudiante à l'université, disposait des capacités lui permettant d'en comprendre la portée.
L'appelante soutient qu'elle a signé ce document sans avoir pris la peine de le détailler en pensant avoir régularisé définitivement par cette signature le contrat de création de son site et à la demande expresse du conseiller en charge de son dossier, lequel a abusé de sa crédulité et de sa méconnaissance du monde des affaires pour pallier sa propre incapacité à livrer en temps et heure le site commandé.
La société @ROBASE SYSTEMES invoque pour sa part le caractère parfaitement clair du procès-verbal de réception.
Toutefois, elle n'explique pas pour quelles raisons les frais d'ouverture du dossier qui, selon le contrat, devaient être payés dans les 8 jours de la signature du contrat et faire l'objet d'une facturation distincte, et qui au terme d'une mention manuscrite ont vu leur paiement être fixé « en trois fois », n'ont donné lieu à la mise en règlement de trois paiements de 150 euros qu'à une seule et même date, soit celle du 30 octobre 2015.
Elle n'explique pas plus pour quelle raison, alors que le contrat prévoit en son article 2 in fine que la première mensualité sera prélevée « à compter de la mise en ligne du site », elle n'a transmis à sa cliente un échéancier de ces mensualités que courant novembre 2015 avec un premier paiement devant intervenir le 15 novembre 2015.
Les explications de la société selon lesquelles le mail du 17 novembre 2015 adressé à Madame X. serait une réponse à une demande de modification ou de mise à jour de son site ne sont pour leur part guère plausibles dès lors que le contrat prévoit que, pour obtenir une mise à jour trimestrielle, le client doit en faire une demande écrite - qui en l'espèce n'est pas produite -, et que les termes employés par la représentante de la société dans ce message ne correspondent manifestement pas à une réponse à une demande de mise à jour d'un site ouvert depuis un trimestre. A juste titre l'appelante relève sur ce point que l'indication par la société du fait que le site est en ligne et visible à l'adresse www.x-photographies.fr et l'invitation faite à la cliente de contacter la signataire du courrier pour fixation d'un rendez-vous afin d'apporter les éventuelles corrections quant au contenu et assurer sa formation à son utilisation ne sont cohérentes qu'avec une mise en ligne venant de se faire, et non pas avec un site en ligne depuis 4 mois.
Quant aux échanges de mail et de conversations téléphoniques invoqués par la société, ils ne concernent que le défaut de paiement des échéances et ne permettent nullement d'en déduire que le site fonctionnait effectivement depuis plusieurs mois.
Il s'en déduit que Madame X. établit par la production de pièces émanant de la société @ROBASE SYSTEMES elle-même que nonobstant les termes du procès-verbal du 17 juillet 2015, le site internet objet du contrat n'a été livré que courant novembre 2015 soit plus de 60 jours après la signature du contrat, lequel est de plein droit non avenu.
Le jugement ne peut dans ces conditions qu'être infirmé en toutes ses dispositions et l'intimée déboutée de l'ensemble de ses prétentions.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Dijon en date du 11 mai 2017,
Statuant à nouveau,
Constate que le contrat conclu entre les parties le 9 juin 2015 est non avenu,
Déboute en conséquence la Sarl @ROBASE SYSTEMES de l'intégralité de ses demandes,
Condamne la Sarl @ROBASE SYSTEMES aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de leurs frais irrépétibles.
Le greffier, Le président,