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CA AMIENS (1re ch. civ.), 25 juin 2019

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. civ.), 25 juin 2019
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. civ.
Demande : 17/04501
Date : 25/06/2019
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7857

CA AMIENS (1re ch. civ.), 25 juin 2019 : RG n° 17/04501 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La constitution d'une réserve de propriété avec subrogation au profit du vendeur fait l'objet d'un document distinct du contrat de crédit, qui lui est annexé. Les emprunteurs ont été propriétaires des fonds empruntés dès la conclusion du contre. La société Cetelem n'a assuré que la remise matérielle des fonds au vendeur en vertu d'un mandat reçu des emprunteurs. Par suite, doit être réputée non écrite comme abusive la clause prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application de l'article 1250, 1°, ancien du code civil. »

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 JUIN 2019

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/04501. N° Portalis DBV4-V-B7B-GZZQ. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE D'AMIENS DU SEIZE OCTOBRE DEUX MILLE DIX SEPT.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTS :

Madame X. épouse Y.

sous curatelle renforcée de l'ASSOCIATION TUTELAIRE DE LA SOMME, née le [date] à [...], de nationalité Française (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS)

Monsieur Y.

sous curatelle renforcée de l'ASSOCIATION TUTELAIRE DE LA SOMME,né le [date] à [ville], de nationalité Française (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/YY du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AMIENS), Représentés par Me Marion C. substituant Me Angélique C. de la SCP C.-H., avocats au barreau d'AMIENS

 

ET :

INTIMÉE :

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Frédéric M. substituant Maître Franck D. de la SELARL D. ET ASSOCIÉS, avocats au barreau d'AMIENS

 

DÉBATS : A l'audience publique du 30 avril 2019, l'affaire est venue devant Mme Véronique BAREYT-CATRY, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 786 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 juin 2019. La Cour était assistée lors des débats de Mme Xharlotte RODRIGUES, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BAREYT-CATRY, Président de chambre, Président, M. Fabrice DELBANO, Président de chambre et M. Vincent ADRIAN, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Le 25 juin 2019, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BAREYT-CATRY, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Le 24 décembre 2014, M. Y. et Mme X. ont accepté l'offre préalable d'un crédit de 11.200 euros remboursable au taux nominal de 7,20 % l'an, affecté à l'acquisition d'un véhicule de marque Citroën, C4 Picasso.

Des échéances étant impayées, par lettre du 12 avril 2016, la société Cetelem a provoqué la déchéance du terme puis par lettres reçues le 18 mai 2016, a mis en demeure les emprunteurs de payer les sommes restant dues.

Les emprunteurs ont formé opposition à l'ordonnance d'injonction de payer qui leur a été signifiée.

Par jugement du 16 octobre 2017, le tribunal d'instance d'Amiens a :

- rejeté la demande des emprunteurs, fondée sur l'article 464 du code civil, en nullité du contrat de crédit ;

- ordonné la déchéance de la société BNP Paribas Personal Finance, aux droits de la société Cetelem, de son droit aux intérêts, en raison de l'absence de production des justificatifs de domicile et de revenus normalement obtenus des emprunteurs ;

- condamné solidairement M. et Mme Y. à payer à la banque la somme de 9.222,52 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2016 ;

- ordonné la restitution du véhicule financé à la banque, en l'absence de nullité de la subrogation du prêteur dans le bénéfice de la clause de réserve de propriété accordée au vendeur ;

- alloué 200 euros à la banque en application de l'article 700 du code de procédure civile.

M. Y. et Mme X. ont formé appel.

Vu leurs conclusions du 6 février 2018 aux termes desquelles ils sollicitent l'infirmation du jugement, l'annulation du contrat de crédit, la condamnation de la banque à leur rembourser les mensualités indument payées, subsidiairement, le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts de la banque et en tout état de cause, l'annulation de la clause de subrogation dans la réserve de propriété souscrite au profit de la banque, ce avec paiement d'une indemnité de procédure ;

Vu celles de la BNP Paribas Personal Finance du 4 mai 2018 qui demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du crédit, jugé valable la clause de subrogation dans la réserve de propriété et ordonné la restitution du véhicule, d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé sa déchéance du droit aux intérêts, étant en appel de produire les documents et en conséquence, de condamner les emprunteurs à lui payer la somme de 11.497,32 euros avec intérêts au taux contractuel de 7,2 % l'an à compter du 18 mai 2016, subsidiairement de les condamner à 9222,52 euros au titre de la créance de restitution du capital emprunté, avec paiement d'une indemnité de procédure. ;

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Sur la nullité du contrat de prêt :

Selon l'article 464 du code civil, les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de deux ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seul preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés. Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée.

Par ordonnances du 14 janvier 2016, M. Y. d'une part, Mme X. d'autre part, ont été placés sous sauvegarde de justice, puis par jugement du 18 juillet 2016, ils ont l'un et l'autre été placés sous mesure de curatelle renforcée.

Concernant M. Y., la mesure de sauvegarde de justice a été prononcée au vu d'un certificat médical du 21 décembre 2015 faisant état d'un retard mental de l'intéressé qui ne sait ni lire ni écrire et dont les capacités de jugement et de raisonnement sont limitées, le psychiatre concluant que l'intéressé est vulnérable et influençable.

Concernant Mme X., le certificat médical établi le même jour relève une déficience mentale légère, des acquisitions scolaires limitées, l'existence d'une personnalité frustre et des capacités d'interprétation limitées, Mme X. étant également décrite comme vulnérable et influençable.

Le médecin psychiatre ajoute que les deux époux, actuellement séparés voire divorcés, reconnaissent leurs difficultés dans la gestion du budget familial et sont demandeurs d'accompagnement et d'encadrement.

Ce sont ces constatations qui ont amené au prononcé de la mesure de curatelle renforcée.

L'état des capacités intellectuelles des emprunteurs, qui n'a pu évoluer en un an, compte tenu des caractéristiques soulignées aux certificats médicaux, était nécessairement apparent un an auparavant, lors de la conclusion du contrat de prêt. L'établissement de crédit Cetelem, qui a consenti le crédit, n'a pu que se rendre compte de la faiblesse intellectuelle des emprunteurs, ne serait-ce que parce que M. Y., qui ne sait ni lire ni écrire, n'a pu lire le contrat de crédit et les différentes annexes. Il sera ajouté que la fiche de renseignements faisant état de salaires de 700 euros par emprunteur, versé par l'ADAPEI, organisme permettant l'insertion des personnes handicapés, et le montant des prestations sociales perçues, s'élevant à 1968 euros, ne pouvaient que conforter le caractère patent de l'existence du handicap présenté par les emprunteurs.

Il sera ajouté que le même établissement de crédit connaissait les emprunteurs puisqu'il leur avait déjà consenti 6 mois auparavant (en juin 2014) un crédit pour l'achat d'un premier véhicule.

L'inaptitude des emprunteurs à préserver leurs intérêts était connue de l'établissement de crédit lors de la conclusion du prêt. Ce nouveau crédit est source de préjudice pour les emprunteurs qui se sont engagés dans une opération couteuse de remboursement pendant 7 ans d'un crédit à un taux onéreux de 7,2 % l'an.

Ces éléments justifient d'annuler le contrat de crédit. Les emprunteurs seront condamnés à rembourser le solde du capital prêté restant dû après déduction des sommes versées, soit la somme de 9222,52 euros.

 

Sur la clause de subrogation au profit du prêteur dans la réserve de propriété accordée au vendeur :

La constitution d'une réserve de propriété avec subrogation au profit du vendeur fait l'objet d'un document distinct du contrat de crédit, qui lui est annexé.

Les emprunteurs ont été propriétaires des fonds empruntés dès la conclusion du contre. La société Cetelem n'a assuré que la remise matérielle des fonds au vendeur en vertu d'un mandat reçu des emprunteurs.

Par suite, doit être réputée non écrite comme abusive la clause prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur en application de l'article 1250-1°, ancien du code civil.

L'intimée sera donc déboutée de sa demande de restitution du véhicule.

Il sera fait application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des appelants.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il condamne solidairement M. Y. et Mme X. à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 9.222,52 euros représentant le capital restant dû à restituer ;

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de crédit consenti le 24 décembre 2014 à M. Y. et Mme X. par la société Cetelem aux droits de laquelle se trouve la société BNP Paribas Personal Finance ;

Dit que les intérêts au taux légal sont dus sur la somme de 9.222,52 euros à compter du présent arrêt qui prononce la nullité du contrat de crédit ;

Déclare non écrite la clause du document distinct prévoyant la subrogation du prêteur dans la réserve de propriété du vendeur ;

Rejette en conséquence la demande de restitution du véhicule Citroën Picasso C4 ;

Rejette toutes autres demandes ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance à payer la somme de 2.000 euros à M. Y. et Mme X. en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Dit que les entiers dépens de première instance et d'appel seront supportés par la société BNP Paribas Personal Finance.

LE GREFFIER                                LE PRESIDENT