CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 9 mars 2018
CERCLAB - DOCUMENT N° 8010
CA PARIS (pôle 5 ch. 6), 9 mars 2018 : RG n° 16/02579
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2018-003398
Extrait : « Considérant que BNP Paribas Personal Finance soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription pour s'opposer à la demande de Monsieur X. tendant à voir juger non écrite la clause d'indexation stipulée en devises dans son prêt en raison de son caractère abusif, soumise, selon elle, à la prescription quinquennale ;
Considérant que Monsieur X. ne réplique pas sur ce point mais prétend que la cour de cassation, dans les arrêts précités, a affirmé le caractère abusif de la clause d'indexation du contrat de prêt Helvet Immo ;
Considérant tout d'abord qu'il est inexact de soutenir que la cour de cassation a d'ores et déjà tranché la question du caractère abusif de la clause litigieuse ; qu'elle a seulement dit, en réponse aux moyens soutenus dans les pourvois, que les juges d'appel, qui n'avaient pas été saisis de telles demandes, auraient dû faire application de la jurisprudence de la CJCE dite « Pannon » (CJCE du 4 juin 2009 C-243/08) aux termes de laquelle « le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès lors qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet » et renvoyé les affaires devant la cour d'appel de Paris autrement composée pour qu'elle recherche d'office si les conditions sont réunies pour considérer comme abusive telle ou telle clause ;
Considérant, ensuite, qu'il y a lieu de préciser que la présente cour avait exclu de faire application de la jurisprudence « Pannon » précitée, et des dispositions de l'article L. 141-4 du code de la consommation, devenu l'article R. 632-1 dudit code, transposant la jurisprudence européenne en droit national, qui dispose que le juge écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat, car dans toutes les affaires où étaient en cause le même contrat de prêt et le même organisme prêteur et où l'emprunteur soutenait que la clause monnaie de compte constituait une clause abusive, qui, comme telle, devait être réputée non écrite, elle avait fait application des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives et résultant de la transposition en droit français de la Directive Directive 93/13 du Conseil en date du 5/4/1993, dans sa rédaction alors applicable, qui prévoit que « l'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible (...) » et de la jurisprudence de la CJCE qui définit les critères permettant aux juridictions nationales de se prononcer sur l'application de la Directive 93/13 aux clauses de monnaie de compte stipulées en devises dans les prêts internes, pour juger que dans les contrats de prêt Helvet Immo, la clause monnaie de compte définit l'objet principal du contrat et est rédigée de manière claire et compréhensible et donc qu'elle ne peut donner lieu à une appréciation de son caractère abusif ;
Considérant qu'ainsi qu'elle l'a énoncé dans l'arrêt du 11 août 2017, la cour a, compte tenu de l'intervention des deux arrêts de cassation précités, rouvert les débats pour faire respecter le principe de la contradiction et invité les parties à conclure sur le caractère abusif ou non de la clause d'indexation sur le franc suisse ;
Considérant que c'est dans ce cadre que la banque soulève la fin de non-recevoir tirée de la prescription, ce qu'elle est autorisée à faire en tout état de cause, en application de l'article 123 du code de procédure civile ;
Considérant qu'aucun texte ne prévoit, ni l'imprescriptibilité de l'action tendant à voir réputée non écrite une clause qui serait abusive, ni la possibilité, pour le co-contractant, d'agir par voie d'action pour faire déclarer abusive une clause d'un contrat, après l'expiration du délai de prescription ;
Considérant que le contrat est soumis aux dispositions de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, entrée en vigueur le 19 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile ;
Considérant que le délai de droit commun de la prescription extinctive pour les actions mobilières et personnelles, et du droit des contrats est de 5 ans ;
Considérant que le point de départ du délai est la date de conclusion du contrat, soit le 29 juillet 2008, date d'acceptation de l'offre de prêt par l'emprunteur ; que le délai quinquennal de prescription a donc expiré le 30 juillet 2013 de sorte que la demande formulée pour la première fois le 15 novembre 2017 est prescrite ;
Considérant que la fin de non-recevoir tirée de la prescription doit être accueillie et que la demande formée par Monsieur X. doit être déclarée irrecevable ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 6
ARRÊT DU 9 MARS 2018
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 16/02579 (22 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 décembre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – R.G. n° 13/13662.
APPELANT :
Monsieur X.
Né le [date] à [ville], Représenté par Maître Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, toque : R231
INTIMÉE :
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
RCS PARIS XXX, Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : J125, Ayant pour avocat plaidant Maître Philippe METAIS et M Maître e Ludovic MALGRAIN du LLP WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque : J002
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 janvier 2018, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Françoise CHANDELON, Présidente de chambre, M. Marc BAILLY, Conseiller, Madame Pascale GUESDON, Conseiller, qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Josélita COQUIN
ARRÊT : - Contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Françoise CHANDELON, présidente et par Madame Josélita COQUIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement rendu le 8 décembre 2015 par le tribunal de grande instance de Paris qui a dit que la société BNP Paribas Personal Finance a manqué à son obligation d'information lors de la conclusion du contrat Helvet Immo, a condamné BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur X. la somme de 2.500 euro à titre de dommages-intérêts, a débouté Monsieur X. de toutes ses autres demandes, a condamné BNP Paribas Personal Finance à payer à Monsieur X. la somme de 2.000 euro sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté par Monsieur Gérard B. à l'encontre de cette décision ;
Vu l'arrêt rendu le 11 août 2017 par la cour qui, à la suite des arrêts rendus le 29 mars 2017 (16-13.050 et 15-27.231) par la première chambre civile de la cour de cassation, a révoqué l'ordonnance de clôture, renvoyé l'affaire à la mise en état, invité les parties à conclure sur le caractère abusif ou non de la clause monnaie de compte au regard des dispositions de l'article L132-1 du code de la consommation, devenu L212-1 du même code en vertu de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 ;
Vu les conclusions signifiées le 15/11/2017 par Monsieur X., qui demande à la cour, vu les dispositions des articles 1147, 1907 du Code civil, L.313-1 et suivants du Code de la consommation, L 312- 2 et suivants du Code de la consommation, l'article L 132-1 du code de la consommation (devenu l'article L 212-1 du même code), de dire et juger recevable son appel, de constater que la clause d'indexation (sur le franc suisse) contenue dans le contrat de prêt est abusive, la dire non écrite, dire en conséquence que la clause d'indexation ne peut recevoir d'application, dire que l'emprunt doit être remboursé sur la base d'un capital emprunté de 87 700 euro (sans qu'il puisse être fait application de l'indexation sur le franc suisse), condamner la banque à établir un nouveau tableau d'amortissement, ayant pour base le remboursement d'un capital emprunté à hauteur de 87 700 euro (non indexé), et dire que l'ensemble des règlements effectués par les emprunteurs doivent s'imputer sur chaque échéance d'emprunt ainsi établie, l'emprunteur, pour l'avenir, n'étant redevable qu'à hauteur des échéances résultant du nouveau tableau d'amortissement établi sur la base du remboursement d'une somme en capital de 87 700 euro, de réformer la décision de première instance en ce qu'elle a jugé que la banque n'était pas tenue à une obligation de mise en garde, dire et juger que la BNP (sic dans tout le texte) a omis de mettre en garde le requérant contre les risques attachés à l'emprunt souscrit (opération spéculative), contre les risques d'endettement excessif, et contre l'inadaptation du contrat eu égard aux risques spécifiques qu'il génère, et condamner la banque à réparer le préjudice en résultant, de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a retenu que la BNP n'avait pas satisfait à son obligation d'information, de réformer la décision de première instance sur le montant des dommages-intérêts octroyés, de condamner la banque, à titre de réparation, à lui payer une somme de 48.961,97 euros, de dire et juger que le TEG mentionné dans l'offre de crédit est non conforme aux exigences de l'article L 312-8 du Code de la consommation, réformer en conséquence la décision de première instance, de dire en conséquence que cette offre ne satisfait pas aux exigences de l'article L 312-8 du Code de la consommation, en vigueur au jour où elle a été émise, prononcer la déchéance totale des intérêts du crédit litigieux, par application de l'article L 312-33 du Code de la consommation et condamner la banque à lui rembourser l'ensemble des intérêts versés par ses soins, d'annuler la clause d'intérêts conventionnels, dire et juger en conséquence qu'aux intérêts pratiqués par la banque doivent être substitués les intérêts au taux légal, réformer en conséquence la décision de première instance, de condamner la BNP à lui restituer les sommes indûment perçues correspondant, s'agissant des intérêts échus et d'ores et déjà réglés, à la différence entre les intérêts calculés au taux d'intérêt conventionnel et les intérêts calculés au taux légal, de condamner la banque à procéder, s'agissant des intérêts échus, à un recalcul des intérêts sur le capital emprunté après substitution du taux d'intérêt légal au taux d'intérêt conventionnel, de condamner la banque à lui payer les sommes correspondant à la différence entre les intérêts effectivement perçus (intérêts échus) et les intérêts tels que déterminés après que ce recalcul ait été effectué, s'agissant des intérêts à échoir, de dire et juger que le taux d'intérêt légal doit être substitué au taux d'intérêt conventionnel, de condamner la banque à procéder à l'établissement de nouveaux tableaux d'amortissements, annuellement, et après publication du décret fixant le taux légal pour chaque année, tableaux d'amortissements tenant compte de cette substitution, et assortir sa condamnation d'une astreinte de 100 euro par jour de retard à compter d'un délai de mois suivant la publication des décrets fixant le taux légal, de condamner la BNP à lui payer une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;
Vu les conclusions signifiées le 20/11/2017 par BNP Paribas Personal Finance qui demande à la cour, vu les articles 1147, 1907 du Code civil, L.313-1 et suivants, L. 312-2 et suivants du Code de la consommation, vu l'article L 132-1 du Code de la consommation, devenu L 212-1 du même code en vertu de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, d’infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit qu'elle a manqué à l'obligation d'information lors de la conclusion du contrat de prêt, de le confirmer en ce qu'il a débouté Monsieur X. du reste de ses demandes, sur la question des clauses abusives suite à la réouverture des débats, à titre principal, de dire et juger que la demande formée par Monsieur X. tendant à voir juger non écrite la clause d'indexation stipulée en devise dans son prêt en raison du caractère prétendument abusif de la clause d'indexation dont il allègue est prescrite, en conséquence, de juger Monsieur X. irrecevable en ses demandes, à titre subsidiaire, de dire et juger que la clause de monnaie de compte (ou d'indexation) définit l'objet principal du contrat et est rédigée de manière claire et compréhensible de sorte qu'elle échappe au contrôle des clauses abusives, de dire et juger que la clause de monnaie de compte (ou d'indexation) ne créé pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties de sorte qu'elle n'est pas abusive, en conséquence de débouter Monsieur X. de ses demandes au titre du caractère prétendument abusif de la clause d'indexation, en tout état de cause, de débouter Monsieur X. de l'intégralité de ses demandes, de condamner Monsieur X. au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;