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CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 25 septembre 2018

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 25 septembre 2018
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 5
Demande : 17/11124
Décision : 2018/167
Date : 25/09/2018
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 6/06/2017
Numéro de la décision : 167
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8013

CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 25 septembre 2018 : RG n° 17/11124 ; arrêt n° 2018/167 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que Mme X. affirme que l'article 3 de la notice, qui permet à l'assureur d'accepter le risque avec réserve, est une clause abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation dès lors qu'elle lui confère un avantage injustifié ; Qu'ainsi que le relèvent les intimés, le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ne peut pas résulter du droit de l'assureur, inhérent au contrat d'assurance, d'accepter ou non de garantir certains risques en considération des informations qui lui ont été données et l'article 3 de la notice d'information ne fait que décrire la procédure d'admission et de rappeler ce droit ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 5

ARRÊT DU 25 SEPTEMBRE 2018

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/11124. Arrêt n° 2018/167 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 mai 2017 - Tribunal de Grande Instance de Paris : R.G. n° 15/04371.

 

APPELANTE :

Madame X.

née le [date] à [ville], Représentée par Maître Ali S. de la SCP S. & M., avocat au barreau de PARIS, toque : J076

 

INTIMÉES :

MUTUELLE GÉNÉRALE DE L'EDUCATION NATIONALE (MGEN)

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège, N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Philippe L. de la SCP L. ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0027

SA CNP ASSURANCES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, N° SIRET : YYY, Représentée par Maître Thierry L., avocat au barreau de PARIS, toque : D0845

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 juin 2018, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Christian BYK, Conseiller, Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, Madame Anne LACQUEMANT, Conseillère, zen application de l'ordonnance de Madame la première Présidente de la Cour d'appel de Paris en date du 5 janvier 2018.

Greffier, lors des débats : Madame Catherine BAJAZET

ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par Monsieur Christian BYK, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame Catherine BAJAZET, Greffier présent lors de la mise à disposition.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Madame X. a contracté quatre crédits immobiliers auprès de la Caisse d'Epargne Provence-Alpes-Corse :

- un prêt Primo Écureuil Modulable n° 24XX47 de 120.376 euros, le 18 octobre 2005 destiné à rembourser un crédit octroyé par cette banque en août 2002,

- un prêt livret Épargne Logement n° 258YY0 de 3.902 euros en octobre 2009,

- un prêt Primo Écureuil Modulable n° 258ZZ1 de 25.460,87 euros en octobre 2009,

- un prêt Primolis 3 phases n° 258WW2 d'un montant de 40.484,35 euros en octobre 2009.

A l'occasion de ces prêts, elle a adhéré au contrat d'assurance collective 1970R couvrant les risques décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité totale de travail souscrit par sa mutuelle, la société Mutuelle Générale de l'Education Nationale (la MGEN) auprès de la société CNP Assurances, les attestations de garantie délivrées, précisant s'agissant de l'incapacité temporaire de travail : « exclusion totale de la garantie sauf si elle résulte d'un accident corporel ».

Placée en congés de maladie du 25 janvier 2010 au 24 janvier 2014, date de sa mise à la retraite et reconnue travailleuse handicapée, à compter du 14 décembre 2010, Mme X. a tenté de mobiliser la garantie incapacité temporaire de travail, le 8 janvier 2013. La MGEN lui a opposé un refus de garantie en l'absence d'accident corporel, position confortée par la décision du médiateur de l'assureur, le 7 août 2013.

C'est dans ce contexte que, par acte extra-judiciaire en date du 23 février 2015, Mme X. a fait assigner la MGEN et la SA CNP ASSURANCES devant le tribunal de grande instance de Paris, qui, par jugement du 19 mai 2017, l'a déboutée de ses demandes, l'a condamnée aux dépens et a rejeté les demandes des défenderesses au titre des frais irrépétibles.

Le 6 juin 2017, Mme X. a interjeté appel et, aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 31 août 2017, elle demande à la cour, infirmant le jugement déféré, de juger que la SA CNP ASSURANCES lui doit sa garantie au titre des garanties souscrites pour garantir les quatre prêts contractés auprès de la Caisse d'épargne Provence Alpes Corse, et ce à compter du 25 avril 2010, au constat à titre principal, que l'exclusion de garantie ne lui est pas opposable et à titre subsidiaire, que la dépression subie suite à l'agression de son fils constitue le risque garanti.

Encore plus subsidiairement, elle réclame la condamnation de la MGEN au paiement, en réparation des pertes de chance de ne pas souscrire ces contrats et d'être garantie en cas d'ITT consécutive à une maladie, de dommages et intérêts égaux à 90 % des indemnités d'assurance qui auraient dû être versées par la CNP ASSURANCES, et ce, du 25 avril 2010 à la fin de période de garantie.

En tout état de cause, elle soutient le débouté des demandes des intimées et leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, à une indemnité de procédure d'un même montant en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 octobre 2017, la MGEN soutient la confirmation du jugement et réclame la condamnation de Mme X. au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle recherche la garantie de la SA CNP ASSURANCES au titre de toutes les condamnations qui interviendraient à son égard à titre de dommages et intérêts, des frais irrépétibles et des dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 octobre 2017, la SA CNP ASSURANCES demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, à titre subsidiaire, de dire que toute éventuelle prise en charge des échéances de prêt ne pourra s'effectuer que dans les termes et limites contractuels et au profit de la Caisse d'Epargne Provence Alpes Corse, sollicitant la condamnation de Mme X. au paiement d'une indemnité de procédure de 2000 euros et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La clôture a été ordonnée le 28 mai 2018.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR,

Considérant que Mme X. prétend que l'exclusion de garantie qui figure non au bulletin d'adhésion ou à la notice d'information mais à la lettre d'acceptation de l'assureur qu'elle n'a pas contresignée, lui est inopposable faute d'acceptation de sa part ; que les intimées rappellent le périmètre de la garantie et l'opposabilité à Mme X. des exceptions contenues dans l'attestation d'assurance, l'article 3 prévoyant que l'acceptation de l'assureur peut être faite avec réserves, en excluant certaines pathologies et/ou garanties ; que la MGEN dit avoir notifié à Mme X. des conditions d'entrée dans l'assurance ;

Considérant que Mme X. fonde sa réclamation sur les dispositions de l'article L. 312-9 alinéa 1 du code des assurances (en réalité du code de la consommation) dont elle cite les termes de façon tronquée ;

Qu'en effet, ce texte énonce : « lorsque le prêteur offre à l'emprunteur ou exige de lui l'adhésion à un contrat d'assurance collective qu'il a souscrit en vue de garantir (souligné par la cour) en cas de survenance d'un des risques que ce contrat définit, soit le remboursement total ou partiel du montant du prêt restant dû, soit le paiement de tout ou partie des échéances dudit prêt, les dispositions suivantes sont obligatoirement appliquées (...) » ;

Or, en l'espèce, Mme X. a adhéré au contrat d'assurance collective souscrit non par le prêteur (la caisse d'épargne) mais par la MGEN, mutuelle dont elle est membre ; que dès lors, le texte précité est inapplicable et elle ne peut pas prétendre que la restriction figurant au certificat de garantie lui serait inopposable en application du 2° de l'alinéa 1 de cet article, qui impose l'acceptation par l'assurée de toute modification apportée à la définition des risques garantis après la remise de la notice d'information ;

Que cette acceptation n'est nullement exigée par l'article L. 141-4 du code des assurances qui définit les obligations du souscripteur de la police d'une assurance de groupe, qui précise les modalités de l'information des adhérents lors des modifications apportées à leurs droits et obligations et institue le droit pour ceux-ci de dénoncer leur adhésion à cette occasion ;

Considérant que la demande d'adhésion à l'assurance des prêts soumis à la signature de Mme X. ne constitue que la soumission du risque à l'assureur, que celui-ci peut accepter ou non, ce que l'article 3 de la notice d'information vient rappeler ; que ce texte précise que « l'acceptation peut être donnée avec réserves est à dire en excluant certains risques ou certaines garanties » ;

Que la SA CNP ASSURANCES a fait usage de cette faculté à l'occasion de la notification de son acceptation du risque, en excluant la garantie incapacité temporaire de travail sauf en cas d'accident corporel, Mme X. n'ayant jamais contesté avoir été destinataire et avoir reçu les attestations de garantie ;

Considérant que Mme X. affirme que l'article 3 de la notice, qui permet à l'assureur d'accepter le risque avec réserve, est une clause abusive au sens de l'article L. 212-1 du code de la consommation dès lors qu'elle lui confère un avantage injustifié ;

Qu'ainsi que le relèvent les intimés, le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ne peut pas résulter du droit de l'assureur, inhérent au contrat d'assurance, d'accepter ou non de garantir certains risques en considération des informations qui lui ont été données et l'article 3 de la notice d'information ne fait que décrire la procédure d'admission et de rappeler ce droit ;

Considérant que contrairement aux allégations de Mme X., la dépression nerveuse réactionnelle à l'agression de son fils ne constitue par un accident corporel, qui se définit comme une lésion de l'organisme provoquée par l'action soudaine et violente d'une cause extérieure et indépendante de la volonté de la victime, ce qui le distingue de la maladie qui est une altération de la santé (y compris mentale), des fonctions vitales des êtres vivants ;

Que Mme X., ne peut pas mobiliser la garantie incapacité temporaire de travail au titre de l'affection psychiatrique dont elle souffre ;

Considérant qu'il s'évince de ce qui précède que la restriction de garantie figurant en caractères très apparents aux attestations de garantie est opposable à l'assurée et exclut qu'elle puisse prétendre à la prise en charge d'une affection psychiatrique, la décision déférée devant être confirmée sur ces points ;

Considérant que Mme X. prétend que la MGEN a manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil ;

Que les attestations d'assurance adressées par la MGEN à Mme X. et que celle-ci produit précisent les conditions de chacune des garanties souscrites : décès, perte totale et irréversible d'autonomie et incapacité totale de travail dont il est dit s'agissant du contrat de 2005, qu'elle est 'exclue sauf si elle résulte d'un accident corporel ; que s'agissant des contrats de 2009, il est précisé « exclusion totale de la garantie sauf si elle résulte d'un accident corporel », ces mentions figurant en caractères très apparents (en majuscules ou en gras) ;

Que de plus, la formulation choisie, qui met en avant l'absence de garantie, est dépourvue d'ambiguïté et Mme X. ne peut pas prétendre qu'elle était dans l'illusion d'une garantie, dès lors, qu'elle demeurait couverte en cas d'accident, de décès et d'invalidité permanente et absolue ;

Que Mme X. avance également une inadéquation des garanties souscrites à sa situation personnelle, dont elle dit qu'elle imposait une couverture de la maladie, en incapacité de travail ou en invalidité or, à supposer que la MGEN n'ait pas fourni une information exhaustive à Mme X. quant à l'étendue de la couverture offerte par son contrat et ne se soit pas préoccupée de son adéquation à sa situation, il ne demeure pas moins que le risque qui s'est réalisé est consécutif à une dépression nerveuse et il ressort du questionnaire de santé rempli par Mme X. que celle-ci avait déjà souffert de cette affection psychiatrique, ce qui rend improbable l'acceptation d'un assureur de couvrir le risque (qui s'est réalisé) ; que le préjudice allégué est hypothétique ; que la décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle déboute Mme X. de son action en responsabilité ;

Considérant que Mme X. partie perdante sera condamnée aux dépens d'appel, sa situation financière telle qu'elle peut être appréciée en raison de son admission à l'aide juridictionnelle commande de la dispenser du remboursement des frais irrépétibles des intimées ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe,

Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris, le 19 mai 2017 ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme X. aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                    LE CONSEILLER

F.F. de Président