CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 23 janvier 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 9094
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 23 janvier 2019 : RG n° 16/15888
Publication : Jurica
Extrait : « La société Plaisir entend rechercher la responsabilité de la société OIA compte tenu de divers manquements qu'elle qualifie de « contractuels » à savoir, des manœuvres illégales et déloyales commises à l'occasion du renouvellement du contrat commercial du 1er août 2008, un abus du droit de cesser la relation commerciale et le caractère brutal de la relation commerciale établie, l'absence de bonne foi dans le cadre des négociations, un arrêt brutal des livraisons de commandes passées avant le 31 août 2010 et enfin un dénigrement auprès de ses clients. Il convient donc d'examiner les divers manquements allégués.
Sur les manœuvres déloyales et illégales commises par la société OIA à l'occasion du renouvellement du contrat commercial du 1er août 2008 et l'absence de bonne foi dans les négociations :
La société Plaisir soutient qu'au cours des négociations relatives au renouvellement du contrat du 1er août 2008, la société OIA a voulu lui imposer une augmentation disproportionnée du taux de commission sous la menace d'une rupture brutale des relations commerciales établies, violant ainsi les dispositions de l'article L. 442-6, I, 2° et 4° du code de commerce. Elle précise que la société OIA a tenté de lui faire accepter de nouvelles conditions commerciales inacceptables, ce qui caractérise sa mauvaise foi dans le cadre de fausses négociations et qu'elle a tout mis en 'uvre pour la soumettre à des obligations créant un déséquilibre significatif afin d'obtenir un avantage commercial disproportionné au regard du service fourni, soit un refus de son cocontractant d'accepter le renouvellement du contrat.
La société OIA réfute toutes ces accusations, arguant de l'existence de véritables négociations entamées dès février 2010 alors que la société Plaisir était déjà redevable de sommes importantes au titre de factures impayées, du caractère non abusif des conditions commerciales qu'elle a cherché à obtenir, et de l'accord des parties pour mettre fin à la relation contractuelle telle qu'elle existait en 2010 avant le terme du contrat.
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Il résulte de l'instruction du dossier les éléments suivants :
- le contrat du 1er août 2008, conclu pour une durée déterminée de deux ans, venait à échéance le 31 juillet 2010,
- en application de l'article 5.1 du contrat, qui fait la loi des parties, il ne pouvait être renouvelé que d'un accord exprès écrit des parties, lesquelles devaient, six mois avant son échéance, négocier les conditions de son renouvellement,
- par courrier du 25 janvier 2010, la société OIA a rappelé à la société Plaisir que le contrat arrivait à expiration le 31 juillet 2010 et l'a informée qu'elle entendait en revoir les conditions commerciales,
- les parties ont participé à des réunions de négociation qui se sont tenues les 19 février, 27 mai, et 7 juillet 2010,
- l'encours de la société Plaisir au 7 juillet 2010 s'élevait à 2.215.000 euros dont 1.523.000 euros à plus de 90 jours, délais de paiement prévus au contrat,
- à la suite de la réunion du 7 juillet 2010, la société OIA en a, par courriel (pièce appelante n°11), adressé un compte-rendu à la société Plaisir duquel il ressort que :
* les parties s'accordaient sur la nécessité de trouver un accord, le fonctionnement actuel n'étant plus acceptable pour les deux,
* les conditions d'un scénario dit n° 1 avaient été exposées,
* la société OIA estimait certaines conditions incontournables au renouvellement du contrat, à savoir principalement la mise en place d'un contrôle qualité au départ des produits, des garanties de paiement et la régularisation de l'encours au 31 août 2010 qui ne devait pas dépasser les 90 jours contractuels,
* une nouvelle réunion était planifiée au 31 août 2010, la société Plaisir devant alors avoir transmis ses décisions sur le scénario qu'elle préférait retenir et certains éléments concernant notamment les commandes et le sourcing,
* à cette date, les parties devraient avoir décidé quel scénario serait retenu sans exclure le fait qu'elles pourraient acter l'arrêt pur et simple des relations commerciales,
* si un accord sur les points listés était trouvé, la société OIA précisait : « Si tel est le cas, nous signerons un nouvel avenant prolongeant le contrat actuel jusqu'au 30 septembre de façon à nous permettre de travailler sur la version finale du nouveau contrat. Dans le cas contraire nos relations prendraient fin. Aucune nouvelle commande de la part de PLAISIR SELECTION ne serait alors prise par AUCHAN EXPORT à partir du 1er septembre 2010. »,
- un avenant a été conclu le 19 juillet 2010 prolongeant le contrat jusqu'au 31 août 2010,
- aucun accord n'ayant pu être trouvé à la réunion du 31 août 2010, par courriel du même jour intitulé « compte-rendu de la réunion du 31 août 2010 » (pièce appelante n°12) la société OIA a écrit : « (la société Plaisir) a indiqué en début de réunion ne pas avoir finalement de proposition à faire pour servir de base à un nouvel accord. Les deux parties ont donc convenu, conformément au contrat, à l'avenant et aux précédentes réunions, que le contrat et donc les relations commerciales qui en découlent, prenaient fin au 31 août 2010. (…) SNC OIA a rappelé qu'en cas de non-obtention d'un paiement partiel et de garanties suffisantes (…) et qu'eu égard aux non paiements constatés, les effets du principe de l'exception d'inexécution, lui permettaient de ne plus livrer à partir du 31 août les commandes passées mais non livrées à cette date. »
- les relations commerciales ont donc cessé le 31 août 2010.
Il ressort de ces éléments que tant le grief de soumission ou de tentative de soumission au visa de l'article L. 442-6-I-2° que celui d'obtention ou de tentative d'obtention sous la menace visé à l'article L. 442-6-I-4° du code de commerce ne sont établis.
En effet, d'une part, comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, les conditions de renouvellement du contrat considérées comme incontournables par la société OIA, à savoir une garantie bancaire et une diminution des encours, lesquels s'élevaient au 7 juillet 2010 à la somme conséquente de 2.215.000 euros dont 1.523.000 euros à plus des 90 jours prévus contractuellement, ainsi que la mise en place d'un contrôle qualité destiné à améliorer la qualité de services chez les clients japonais et à supprimer les non-conformités, ne présentaient pas un caractère manifestement abusif. De même, la demande d'alignement, par la société OIA, fournisseur de la société Plaisir, du taux de service ainsi que des conditions de paiement sur ceux des autres fournisseurs de la société Plaisir, ne constitue pas en soi une mesure discriminatoire. D'autre part, de véritables négociations ont eu lieu sur les conditions du renouvellement au cours desquelles chacune des parties a pu exposer et confronter ses points de vue et afin de permettre leur poursuite et de parvenir à un accord, la société OIA a accepté de proroger le contrat, venu à expiration le 31 juillet 2010, au 31 août 2010 par avenant du 19 juillet 2010, envisageant même de le proroger de nouveau, à cette date, au 30 septembre 2010 afin de mettre au point la version finale du nouveau contrat. Par ailleurs, la société Plaisir ne démontre ni même ne caractérise l'existence d'aucune menace, se contentant de se référer « à titre d'exemple » au courriel du 7 juillet 2010 examiné ci-dessus, lequel n'atteste de l'existence d'aucune pression ou chantage, le seul fait de rappeler qu'à défaut d'accord, le contrat ne serait pas renouvelé, ne constituant nullement une menace mais le rappel d'un fait objectif (le terme contractuel du contrat) issu d'un accord de volontés des parties. Enfin, aucun déséquilibre significatif n'est caractérisé.
Par suite, faute de démontrer l'existence de manœuvres déloyales et illégales et la mauvaise foi de la société OIA dans les négociations, la société Plaisir sera déboutée des demandes d'indemnisation formées à ce titre. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 23 JANVIER 2019