CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 24 avril 2019
CERCLAB - DOCUMENT N° 8110
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 24 avril 2019 : RG n° 16/22793
Publication : Jurica
Extrait (rappel des faits) : « La société Sogex est spécialisée dans la production d'énergie pour les collectivités publiques et autres acteurs industriels et commerciaux. Elle est notamment titulaire d'une concession de fournitures d'énergie auprès de la mairie de [ville V.]. Par contrat du 23 mars 2009, les sociétés Sogex et Bois 2 R Bretagne ont conclu un contrat de fourniture de combustibles bois pour la chaudière de [ville V.], pour une durée de 20 années, correspondant à la durée de la concession auprès de la mairie de [ville V.]. Aux termes de l'article 7 intitulé « Equation de révision des tarifs » une évolution du tarif est prévue basée sur une révision trimestrielle avec formule mathématique. La société Bois 2 R Bretagne a été dissoute et a fait l'objet d'une transmission universelle de patrimoine à la société Bois 2.
Par courrier du 16 septembre 2014, la société Sogex a fait sommation à la société Bois 2 d'exécuter la commande n°14/2/8R du 22 mai 2014, livrable le 26 mai 2014, visant la clause résolutoire de plein droit de l'article 8 du contrat.
Par acte du 1er septembre 2015, la société Sogex a assigné la société Bois 2 devant le tribunal de commerce de Rennes pour qu'il constate le jeu de la clause résolutoire et la résolution du contrat aux torts exclusifs de la société Bois 2 et qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 196.400 euros en réparation de son préjudice. »
Extraits (motifs) : 1/ « Sur la violation du contradictoire par le tribunal de commerce : La société Sogex soutient que le tribunal de commerce a violé le principe du contradictoire en invoquant d'office les dispositions de l'article L. 442-6-I, 1° et 2° du code de commerce sans inviter les parties à s'expliquer sur ce point. La société Bois 2 réplique que les moyens soulevés par le juge sont présumés, sauf preuve contraire, avoir été débattus contradictoirement à l'audience dans le cadre d'une procédure orale. * * *
La cour constate que, s'il est invoqué une violation du principe du contradictoire dans le corps des conclusions de la société Sogex, dans le dispositif de ses conclusions, qui seul lie la cour, aucune demande d'annulation du jugement n'est formulée. Dans ces conditions, la cour ne peut statuer sur cette demande n'étant pas saisie. »
2/ « L'article 8 intitulé « résiliation » du contrat du 23 mars 2009 est rédigé comme suit : « Il est expressément convenu qu'en cas de non-exécution par les parties de l'un quelconque de leurs engagements respectifs en cas de non-paiement à son échéance de l'une quelconque des factures convenues, le présent contrat sera résilié de plein droit un mois après mise en demeure délivrée par acte extrajudiciaire à l'autre partie de régulariser sa situation et contenant déclaration par le demandeur d'user du bénéfice de la présente clause. A peine de nullité ce commandement doit mentionner le délai d'un mois imparti au destinataire pour régulariser sa situation.
Cependant, les dispositions du paragraphe ci-dessus ne seront pas applicables dans le cas où le non-respect des obligations résiderait dans les causes étrangères à chacune des deux sociétés (arrêt définitif de la chaufferie bois, force majeure, intempéries…). ».
A titre liminaire, il convient de relever que la validité du contrat n'est pas contestée par la société Bois 2, ni celle de certaines clauses contractuelles, de sorte que la cour n'examinera que les conditions d'exécution du contrat, étant en outre précisé qu'il ne ressort nullement des pièces du dossier que la société Bois 2 ait été contrainte d'une quelconque façon par la société Sogex de signer ce contrat. En tout état de cause, les circonstances de la signature de ce contrat ne sont pas connues, alors que la société Bois 2, en qualité de professionnel, est en mesure de percevoir les conséquences d'une formule fixant les prix, du prix de base de 37 euros la tonne, et de la durée du contrat.
S'agissant des griefs de la société Bois 2 relatifs à l'exécution du contrat, la cour constate que celle-ci n'a jamais écrit à la société Sogex pendant toute la durée d'exécution du contrat pour lui signaler un problème relatif à l'application de la clause de révision de prix, étant d'ailleurs précisé qu'il apparaît que le prix a évolué, ce qui implique nécessairement un échange entre les parties sur ce point sans qu'il en soit justifié, ou sur la nécessaire augmentation du prix de manière plus significative compte tenu de l'augmentation du coût de la matière première.
Or, la société Bois 2 ne démontre pas les griefs invoqués, aucune pièce n'étant produite sur ce point en l'espèce. En outre, le fait qu'une clause de révision de prix liée à l'évolution du prix des matières premières soit prévue dans le contrat liant la société Sogex à la commune de [ville V.] ne peut établir sa déloyauté ou sa mauvaise foi dans l'exécution du contrat liant les sociétés Sogex et Bois 2.
Ne démontrant pas s'être plainte auprès de la société Sogex de l'insuffisance de prix pendant les 6 années d'exécution du contrat, elle ne peut valablement soutenir que cette dernière a manqué de loyauté à son égard dans le cadre de l'exécution du contrat, qu'elle a signé dans des conditions normales et en toute connaissance de cause en qualité de professionnel.
Dès lors, à défaut de demande de la part de la société Bois 2, il ne peut être reproché à la société Sogex d'avoir appliqué les prix contractuels.
Pour les mêmes motifs, le déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ne peut être utilement invoqué, aucune preuve d'une soumission ou d'une tentative de soumission par la société Sogex de la société Bois 2 n'étant établie, une des deux conditions définie par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce invoqué par la société Bois 2. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU24 AVRIL 2019