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CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 27 juin 2019

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 27 juin 2019
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 2 ch. 2
Demande : 18/07576
Décision : 2019-226
Date : 27/06/2019
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/10/2014
Décision antérieure : CASS. COM., 14 février 2018, CASS. COM., 7 juillet 2021
Numéro de la décision : 226
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8115

CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 27 juin 2019 : RG n° 18/07576 ; arrêt n° 2019-226 

Publication : Jurica

 

Extrait : 1/ « Sur la clause limitative de responsabilité : Considérant que la société Delta Security Solutions fait valoir l'article 5.6 du contrat conclu avec la société Avenir Télécom, disposition contractuelle devant prévaloir sur l'obligation de résultat de l'installateur d'alarme et excluant sa responsabilité en l'absence de faute de sa part dans l'exécution de ses prestations, prouvée par le client ;

Que, rappelant que l'inapplicabilité de l'article L. 132-1 du code de la consommation a été définitivement tranchée par une disposition de l'arrêt du 25 octobre 2016 exclue de la cassation, elle poursuit l'infirmation du jugement ayant déclaré cette clause non écrite en application de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce ;

Qu'à cet égard, elle fait valoir l'absence de soumission ou de tentative de soumission de la société Avenir Télécom à cette clause, courante entre commerçants, en l'absence de rapports de force déséquilibrés, empêchant une partie de négocier dans ce secteur très concurrentiel, que la société Avenir Télécom n'établit pas, au vu de sa puissance économique comme ayant 160 établissements, 987 salariés, appartenant au groupe Télécom SA et détenant cinq filiales en Europe ;

Qu'elle en conclut que, par la signature du contrat, la société Avenir Télécom a nécessairement admis de supporter le risque de la preuve en cas d'absence de faute pour la réparation des dommages résultant du fonctionnement ou de l'absence de fonctionnement de l'installation ;

Que, subsidiairement, elle soutient l'absence de déséquilibre significatif, soit un abus contractuel et non un simple avantage au bénéfice d'une partie, alors que la clause impose la preuve d'une faute contractuelle et ne la dispense pas de l'exécution correcte de ses obligations, rappelant que la recommandation 97-01 de la commission des clauses abusives dont se prévaut la société Avenir Télécom n'est pas applicable au contrat souscrit avec un professionnel du stockage ;

Qu'elle fait valoir, à titre infiniment subsidiaire, que si une clause blâmable engage sa responsabilité selon l'article L. 442-6-I-2°, ce texte ne prévoit pas qu'elle soit réputée non écrite ;

Qu'elle réfute toute faute de sa part, que l'expertise, n'ayant pu déterminer la cause de l'échec de l'installation, n'a pas établie, pas plus que le défaut de conformité aux règles de l'art et aux dispositions contractuelles, toutes les hypothèses ayant été écartées par l'expert, lequel a relevé que sa défaillance concernant le réglage anti-masquage des détecteurs était dépourvue de lien de causalité avec le vol ;

Qu'elle souligne que la question de la fréquence des tests de communication téléphonique, soulevée par la société Covea Risks, n'a pas été soumise à l'expert, lequel n'a relevé aucune irrégularité à ce titre, et demande la confirmation du jugement sur ce point ;

Considérant que la société Avenir Télécom, la SCP D. A. et la SCP L. L. soutiennent l'application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, au motif que la clause limitative de responsabilité crée un déséquilibre significatif entre les obligations respectives des parties, lui reprochant la modification de la nature de l'obligation, ainsi transformée de résultat en moyens par l'exigence d'une faute prouvée excluant la garantie du déclenchement de l'alarme et considérée par la Commission des clauses abusives, dans sa recommandation n° 97-01, comme vidant de son contenu la prestation de télésurveillance ;

Qu'elles interprètent ainsi comme disproportionnées et vidant le contrat de ce qui en fait l'essence même les obligations, du client, au paiement et du prestataire, ne garantissant pas le déclenchement de l'alarme en cas d'intrusion ;

Que, sur la soumission, elles exposent que la proposition de mise en sécurité est un contrat d'adhésion, dont la présentation ne laissait aucune possibilité de négociation, les conditions financières proposées devant être signées par le client et les conditions générales de vente figurant au verso du contrat pré-rempli, avec pour seule option, celle de ne pas contracter ; qu'elles observent que la société Delta ne produit aucune pièce en faveur d'une négociation ;

Qu'elles soulignent que l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce n'exige pas une dépendance économique entre les parties, sa dimension ne la plaçant pas toujours en position de négocier alors que la prestation du fournisseur était essentielle pour son activité, que les compétences des parties n'étaient pas symétriques et que le prestataire est un leader du secteur ;

Considérant que les sociétés MMA rappellent que, si la disposition relative au déséquilibre significatif entre les parties, créé par la clause litigieuse, n'a pas été censurée par la Cour de cassation, l'existence d'une tentative de soumission ou d'une soumission de la société Avenir à cette clause reste dans le débat ;

Qu'à cet égard, elles soulignent le caractère de contrat d'adhésion, pré-imprimé, de la convention, dont les clauses n'ont pas été négociées, démontrant ainsi la soumission de la société Avenir Télécom à la clause litigieuse et demandent la confirmation du jugement l'ayant déclarée non écrite ;

* * *

Considérant qu'aux termes de l'article L. 442-6 du code de commerce, I - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, (...) 2°) de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;

Que, selon l'article 1.1 du contrat de prestations de services, Les obligations du prestataire sont celles d'un prestataire de service sur lequel pèse une obligation de moyen et aux termes de l'article 5.6, Les obligations du prestataire sont exclusivement limitées aux prestations énumérées dans le présent contrat. Sa responsabilité ne saurait être engagée pour des dommages résultant du fonctionnement de l'installation ou de son non-fonctionnement pour quelque cause que ce soit (…) en l'absence d'une faute dûment prouvée par le client dans l'exécution des prestations prévues dans le présent contrat ;

Que, nonobstant le caractère pré-rempli des clauses du contrat qui ne suffit pas à prouver la soumission ou la tentative de soumission au sens de l'article L. 442-6 précité, il convient de rechercher si la société Avenir Télécom, laquelle s'est reconnue au contrat comme professionnelle, en matière de logistique et donc de stockage, disposait ou non d'un pouvoir réel de les négocier ;

Qu'à cet égard, le rapport de force entre les parties, compte tenu de leur taille, de leur poids économique et de leur présence sur le marché ne traduit pas un déséquilibre économique, aucun élément n'étant produit en faveur d'un risque encouru par la société Avenir Télécom en cas de refus de la clause litigieuse ;

Que la soumission ou tentative de soumission de la société Avenir Télécom à des conditions créant un déséquilibre significatif entre les parties n'est pas établie et que, par infirmation du jugement, l'application de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce sera écartée ».

2/ « Considérant que selon l'article 1131 ancien du code civil, L'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet ;

Considérant qu'en limitant la réparation du préjudice au cas de faute prouvée du prestataire, la clause litigieuse fait porter la charge de l'aléa d'un dysfonctionnement inexpliqué à l'acquéreur, en répartissant expressément le risque et la limitation de responsabilité qui en résulte, mais n'exclut pas son indemnisation, dans des conditions qui ne sont pas dérisoires ;

Qu'en effet, la clause prévue à l'article 5.6, librement négociable et acceptée par la société Avenir Télécom, n'a pas pour effet de décharger par avance la société Delta du manquement à une obligation essentielle lui incombant ou de vider de toute substance cette obligation, mais seulement de fixer une condition à son indemnisation ;

Qu'elle organise ainsi la répartition du risque et la limitation de responsabilité qui en résulte, mais ne prive pas la société Avenir Télécom de toute contrepartie et n'a donc pas pour effet de vider de toute substance l'obligation essentielle incombant à la société Delta ;

Qu'aucune faute, au surplus lourde, ne pouvant résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, n'a été relevée à l'encontre de la société Avenir Télécom, l'expert émettant des hypothèses, notamment l'intervention d'un préposé, sans pouvoir les confirmer, la question des tests de contrôle de l'installation n'étant pas même évoquée au cours de l'expertise et dénuée d'effet en l'espèce, au vu du bon fonctionnement de l'alarme ;

Qu’il s'ensuit que, cette stipulation n'ayant pas pour effet de vider de toute substance l'obligation essentielle de bon fonctionnement de l'installation, sa contrariété avec la portée de l'engagement de la société Delta n'est pas établie ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 2 CHAMBRE 2

ARRÊT DU 27 JUIN 2019