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CA METZ (3e ch.), 11 octobre 2018

Nature : Décision
Titre : CA METZ (3e ch.), 11 octobre 2018
Pays : France
Juridiction : Metz (CA), 3e ch.
Demande : 15/03680
Décision : 18/00598
Date : 11/10/2018
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/11/2015
Numéro de la décision : 598
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8129

CA METZ (3e ch.), 11 octobre 2018 : RG n° 15/03680 ; arrêt n° 18/00598 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu qu'il est acquis que Monsieur et Madame X. ont signé à domicile, le 8 mai 2013, une offre préalable de crédit accessoire à une vente ou une prestation de services, ayant pour objet le financement d'une installation photovoltaïque fournie par la SARL GROUPE ENERGETIQUE DE FRANCE, dans le cadre d'une amélioration de l'habitat d'un montant de 20.000 euros qu'ils ont acceptée ;

Attendu que Monsieur et Madame X. refusant la proposition amiable de la banque, il n'y a pas de possibilité de conciliation entre les parties ;

Attendu que Monsieur et Madame X., acheteurs-emprunteurs, fondent leur demande en résolution du contrat de vente conclu le 8 mai 2013 sur le défaut de raccordement de l'installation photovoltaïque vendue et installée par la SARL GROUPE ENERGETIQUE DE FRANCE ;

Attendu qu'il résulte du bon de commande produit que les démarches administratives (Mairie, Consuel, EDF, ERDF) et le raccordement à ERDF incombaient à la SARL GROUPE ENERGETIQUE DE FRANCE au titre de ses obligations contractuelles ;

Attendu que la fourniture de la prestation doit correspondre à l'exécution complète de l'engagement contractuel souscrit par le vendeur ;

Attendu qu'il ressort des pièces produites que la prestation exécutée par la société venderesse ne correspond pas à une exécution complète de ses obligations contractuelles puisque le raccordement ERDF, lequel avait été expressément été mis à la charge de la SARL GROUPE ENERGETIQUE DE FRANCE selon le contrat de vente et faisait partie intégrante de la prestation commandée par Monsieur X., n'a pas été réalisé ;

Attendu que Monsieur et Madame X. justifient avoir adressé plusieurs mails à la société venderesse dès le 20 novembre 2013 pour se plaindre de l'absence de démarches administratives auprès du Consuel, rendant impossible le raccordement électrique ; que, par courrier du 9 janvier 2014, la SARL GROUPE ENERGETIQUE DE FRANCE confirmait à Monsieur X. avoir pris du retard « suite à différentes raisons administratives » ; qu'ils ont obtenu, par ordonnance du Juge des Référés du 26 août 2014, la condamnation de la société venderesse à procéder à toutes diligences utiles auprès du Consuel de nature à permettre la délivrance de l'attestation de conformité de l'installation requise en vue de son raccordement ; que la signification a été faite selon le procédé de l'article 659 du Code de procédure civile, la société GROUPE ENERGETIQUE de FRANCE étant introuvable au stade de la signification ; que le Consuel n'a pas été obtenu et le raccordement de l'installation à ERDF n'a pas été effectué par la société GROUPE ENERGETIQUE de FRANCE, radiée du registre du commerce et des sociétés selon annonce parue au BODACC le 7 janvier 2015, en violation de ses obligations contractuelles ;

Attendu qu'il est ainsi rapporté la preuve d'un manquement grave et réitéré du vendeur à ses obligations justifiant la résolution du contrat de vente conclu entre Monsieur et Madame X. et la SARL GROUPE ENERGETIQUE FRANCE ;

Attendu qu'en application de l'article L. 311-32 devenu L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé ; qu'il s'ensuit qu'en raison de la résolution du contrat principal de vente et de l'interdépendance des deux contrats, le contrat de prêt conclu avec la SA BANQUE SOLFEA doit également être annulé ;

Attendu que la résolution du contrat de crédit emporte, en principe, la restitution des prestations réciproques et notamment la restitution du capital prêté par l'emprunteur ; que, pour échapper à cette obligation, Monsieur et Madame X. invoquent le paiement direct fait par la banque à la SARL GROUPE ENERGETIQUE DE FRANCE ainsi que plusieurs fautes de la Banque SOLFEA dans le déblocage des fonds et l'octroi du crédit ;

Attendu que le contrat de prêt affecté est conclu entre la société SA BANQUE SOLFEA et les emprunteurs ; que la société GROUPE ENERGETIQUE DE FRANCE est tiers à ce contrat ; qu'elle est seulement le bénéficiaire du paiement du prix financé par le prêt contracté par Monsieur et Madame X. qui en sont les seuls débiteurs ; que le fait que les fonds prêtés n'aient pas transité par le patrimoine des emprunteurs et aient été versés directement au vendeur des biens financés à crédit ne dispense pas les emprunteurs de leur obligation à restitution, contrairement à ce qu'ils prétendent et à ce qui a été dit par le premier juge, s'agissant d'un crédit affecté à une vente assorti d'une obligation de paiement direct du prix par le prêteur au vendeur conformément à la convention des parties ; que Monsieur et Madame X. sont mal fondés à contester être les débiteurs du crédit qu'ils ont personnellement contracté ;

Mais attendu que le prêteur qui délivre les fonds au vendeur sans s'assurer que celui-ci a exécuté sa prestation de façon complète commet une faute le privant de la possibilité de se prévaloir du remboursement du capital prêté, ;

Attendu que l'attestation de livraison signée par Monsieur X. le 4 juin 2013 mentionne « Je soussigné M. X., atteste que les travaux objets du financement visé ci-dessus (qui ne couvrent pas le raccordement au réseau et les éventuelles autorisations administratives) sont terminés et sont conformes au devis. Je demande à la SA Banque Solfea de payer la somme de 20.000 euros représentant le montant du crédit à l'ordre de l'entreprise visée ci-dessus » ;

Attendu que ce document n'est pas conforme au bon de commande conclu entre Monsieur X. et la SARL GROUPE ENERGETIQUE DE FRANCE ayant pour objet la vente et l'installation de 12 panneaux photovoltaïques, un ondulateur, plus les démarches administratives (mairie, consuel, EDF, ERDF) ainsi que le raccordement ERDF ; qu'il ne porte que sur le matériel et exclut les prestations indissociables prévues au bon de commande ;

Attendu que le prêteur ne peut pas ignorer le contenu du contrat principal qu'il finance comprenant le branchement au réseau ERDF et les formalités administratives ; qu'il appartenait à la SA BANQUE SOLFEA, dans le cadre d'un crédit affecté de s'assurer, avant la délivrance des fonds, que la prestation de services avait été pleinement exécutée par le vendeur alors que l'attestation de fin de travaux mentionnait expressément qu'une partie de la prestation, à savoir le raccordement au réseau et les éventuelles autorisations administratives, n'avait pas été réalisée (Civ. 1ère, 6 juin 2018, 17-17.199 ; Civ. 1ère, 12 septembre 2018, 17-11.257) ;

Attendu qu'en débloquant les fonds sans s'être assurée que toute la prestation financée avait été exécutée par le vendeur-installateur, la SA BANQUE SOLFEA a commis une faute de nature à la priver du remboursement du capital prêté ;

Attendu que l'appelante ne peut soutenir que Monsieur et Madame X. ont commis une faute de nature à l'exonérer de sa propre faute alors que l'exécution incomplète de la prestation relève de la seule responsabilité de la SARL GROUPE ENERGETIQUE DE FRANCE et ne peut être imputée aux clients ; qu'elle ne peut pas plus leur reprocher d'avoir signé l'attestation de fin de travaux sur un document qu'elle a pré-rédigée excluant une partie de la prestation achetée et financée ;

Attendu que la sanction de la faute commise par le prêteur n'est pas l'engagement de sa responsabilité contractuelle, mais la privation de son droit à prétendre à la restitution du capital ; que cette sanction est exclusive de toute démonstration d'un préjudice subi par l'emprunteur et d'un lien de causalité avec la faute du prêteur ;

Attendu que la banque est ainsi mal fondée en toutes ses demandes et en sera déboutée ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE METZ

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2018