CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 27 janvier 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8322
CA TOULOUSE (1re ch. sect. 1), 27 janvier 2020 : RG n° 18/01215 ; arrêt n° 72
Publication : Jurica
Extrait : « L'article 1.5 des conditions générales du contrat dispose par ailleurs que « lorsque le bailleur a l'intention de vendre le bien, il doit vous aviser que vous disposez, d'un délai de trente jours à compter de la résiliation du contrat pour présenter au bailleur un acquéreur faisant une offre écrit d'achat. Si le bailleur accepte l'offre, la valeur vénale du bien est le prix convenu entre l'acquéreur et lui ... » Il résulte de ce qui précède que cette possibilité de présenter un acquéreur potentiel auprès du bailleur était bien mentionnée dans le contrat initial, contrairement à ce que soutient Mme X. à ce sujet.
Toutefois il est également constant que dans le courrier de mise en demeure de payer en date du 4 février 2015, la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES si elle informe le locataire du risque d'une résiliation du contrat et de restitution du véhicule, ne l'avise pas du délai dont il dispose pour lui présenter un éventuel acquéreur et elle ne le fait pas davantage dans la lettre du 20 février 2015 prononçant la résiliation et la mettant en demeure de restituer le véhicule. Ce faisant la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES n'a pas respecté les dispositions types qu'elle a elle-même insérées dans la convention et l'absence d'information qui en a résulté pour Mme X., a bien créé un déséquilibre dans les conditions d'exécution du contrat.
Ce déséquilibre contractuel, n'est pas de nature cependant à justifier la sanction de la déchéance du droit à l'indemnité de résiliation. Dans le cadre de la jurisprudence qu'invoque Mme X. sur ce point (Cass. civ. I/12-18169) il s'agissait pour la Cour de cassation de se prononcer sur le caractère ou non abusif d'une clause concernant l'indemnité de résiliation qui exigeait avant même toute possibilité de revente du véhicule par le locataire, la restitution préalable de celui-ci, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En revanche le contrat prévoit que « les indemnités ci-dessus peuvent être soumises au pouvoir d'appréciation du tribunal » : Pour prendre en compte ce défaut d'information du consommateur le montant de l'indemnité de résiliation sera réduit à la somme de 3.983 €. Les sommes restant dues au titre de l'indemnité de résiliation à laquelle se rajoutent les loyers impayés s'élèvent par conséquent à : (22.940 + 2.157) - (19.916,67 + 3.983) = 1.197,33 €.
Mme X. sera par conséquent condamnée au paiement de cette somme. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
PREMIÈRE CHAMBRE SECTION 1
ARRÊT DU 27 JANVIER 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/01215. Arrêt n° 72. N° Portalis DBVI-V-B7C-MFPL. Décision déférée du 12 décembre 2017 - Tribunal d'Instance de TOULOUSE : RG n° 11-17-000141.
APPELANTE :
Madame X.
[adresse], Représentée par Maître Laurent F., avocat au barreau de TOULOUSE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de TOULOUSE)
INTIMÉ :
SA MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE
[adresse], Représentée par Maître Pascal C. de la SELARL C. & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, Représentée par Maître Caroline N., avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 octobre 2019, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant J.C GARRIGUES ET J.H DESFONTAINE, Conseillers, chargés du rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : S. BLUME, président, J.C. GARRIGUES, conseiller, J-H. DESFONTAINE, conseiller.
Greffier, lors des débats : C. PREVOT
ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties - signé par S. BLUME, président, et par C. PREVOT, greffier de chambre.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par contrat du 24 juin 2013, la SA MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE a consenti à Mme X. une location avec option d'achat relative à un véhicule MERCEDES CLASSE A, d'un prix TTC de 32.500 €, payable en 37 mois.
Par lettre recommandée réceptionnée le 6 mars 2015, la SA MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE a mis Mme X. en demeure de lui régler la somme de 25.455,13 € au titre du solde du contrat.
Le 23 septembre 2016, la SA MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE a fait assigner Mme X. afin d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes de :
- 5.538,46 € outre intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter de la première mise en demeure et une indemnité contractuelle de 8% des sommes dues,
- 500 € de dommages et intérêts,
- 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme X., citée par acte transformé en procès-verbal de recherches infructueuses, n'a pas comparu à l'audience du 27 février 2017.
Par jugement du 27 mars 2017, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 29 mai 2017.
A l'audience du 29 mai 2017, l'affaire a été renvoyée à l'audience du 24 octobre 2017 à la demande des parties.
Par jugement contradictoire en date du 12 décembre 2017, le Tribunal d'instance de Toulouse a :
- condamné Mme X. à payer à la SA MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE la somme de 4.400,38 € avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2016,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Mme X. au paiement des dépens de l'instance,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Mme X. a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 12 mars 2018.
DEMANDES DES PARTIES
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 juin 2018, Mme X., appelante, demande à la cour, au visa de l'article 1103 du code civil, des articles L. 312-40, D. 311-13 et D. 312-18 du code de la consommation et de l'article 700 du code de procédure civile de :
- rejeter toutes écritures adverses comme étant injustes et mal fondées,
- constater que la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE a manqué à une obligation contractuelle et légale,
- constater qu'elle a subi une perte de chance de vendre le véhicule à un meilleur prix,
- constater qu'un déséquilibre significatif entre les parties a été créé par la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE,
- constater que le prix initial du véhicule est de 27.173,91 € hors taxe,
En conséquence,
- débouter la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE de l'intégralité de ses demandes formées à son encontre,
- dire et juger que la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE lui doit la somme de 925,71 €,
- condamner la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE à lui payer la somme de 600 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes Mme X. fait en premier lieu grief au tribunal d'avoir pour calculer la prétendue créance de la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES et contrairement aux prescriptions de l'article D. 312-18 du code de la consommation, retenu le prix TTC du véhicule neuf dont s'agit au lieu du prix hors taxe. En retenant le prix HT, duquel sont déduits le prix de vente du véhicule et le montant des loyers versés on aboutit non pas à une créance de la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES à l'encontre de Mme X., mais bien à l'inverse, pour une somme de 925,71 €.
Mme X. fait valoir par ailleurs qu'en ne respectant pas les dispositions contractuelles prévoyant que le bailleur devait, dans l'hypothèse d'un projet de revente du véhicule, informer le loueur qu'il avait un délai d'un mois pour présenter un acquéreur potentiel, la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES en entravant l'exercice d'un droit reconnu a créé un déséquilibre significatif dans les relations contractuelles faisant obstacle à toute réclamation indemnitaire.
[*]
Dans ses dernières écritures transmises par voie électronique le 30 mai 2018, la SA MERCEDES BENZ FINANCIAL SERVICES FRANCE, intimée, demande à la cour, au visa de l'article 1103 du code civil, de :
- rejeter les demandes, fins et conclusions de Mme X.,
- confirmer le jugement rendu le 12 décembre 2017 par le Tribunal d'Instance de Toulouse en ce qu'il a reconnu que Mme X. lui restait redevable du reliquat de l'indemnité de résiliation,
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 5.538,46 € avec intérêts à taux légal,
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la capitalisation des intérêts, en vertu de l'article 1343-2 du code civil.
- ordonner l'exécution provisoire, en vertu de l'article 515 du code de procédure civile,
- condamner Mme X. aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de première instance.
A l'appui de ses conclusions, la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES fait valoir en premier lieu que le calcul de l'appelante est erroné : la valeur résiduelle hors taxe stipulée à l'article 1.5 du contrat, correspond au montant de l'achat hors taxes et non pas au prix d'achat du véhicule HT. Au terme de son calcul, la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES estime que Mme X. reste lui devoir la somme de 5.538,46 € outre les intérêts au taux légal.
La Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES soutient par ailleurs que Mme X. était parfaitement informée du délai pendant lequel elle était en mesure de faire connaître l'existence d'un acquéreur potentiel alors que la vente du véhicule est intervenue plus de trente jours après la résiliation du contrat. Et en toute hypothèse elle ne justifie pas avoir subi un préjudice fondé sur la perte de chance de vendre le véhicule à un meilleur prix, la clause de restitution immédiate ne pouvant être analysée comme une clause abusive empêchant l'exercice effectif par le preneur de cette faculté de présentation.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIVATION DE LA DÉCISION :
Il importe en premier lieu de rappeler que n'est pas remise en question la décision du premier juge de déclarer la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES déchue du droit aux intérêts dès lors qu'elle n'a pas été en mesure de communiquer au cours des débats la preuve de la fourniture à son cocontractant des informations permettant à l'emprunteur d'effectuer une comparaison entre les différentes offres lui permettant d'appréhender clairement l'étendue de ses obligations.
1) Sur le calcul des sommes qui resteraient dues par Mme X. au titre de l'indemnité de résiliation :
L'article 1.5 des conditions générales du contrat conformément aux dispositions de l'article D. 311-13 du code de la consommation, stipule qu’« en cas de défaillance de votre part (non-paiement des loyers ou non-respect d'une obligation essentielle du contrat), le bailleur pourra exiger une indemnité égale à la différence entre : - d'une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulée au contrat, augmentée de la valeur actualisée à la date de résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus; et - d'autre part, la valeur vénale hors taxes du bien restitué... La valeur vénale est celle obtenue par le bailleur s'il vend le bien restitué ou repris...’
Pour établir à la conclusion que Mme X. restait devoir à la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES la somme de 4.440,38 €, le tribunal a procédé au calcul suivant :
- montant des loyers payés : 15 x 545,53 = 8.182,95 + montant de la revente du véhicule : 19.916,67 = 28.099,62 € à soustraire de la valeur neuve TTC 32.500 = 4.400,38 €.
Conformément à ce que soutient l'appelante, ce calcul ne paraît pas conforme aux prescriptions contractuelles puisque le premier juge a retenu le prix neuf TTC, alors que seule la valeur résiduelle hors taxe devait être prise en compte.
En revanche conformément sur ce point aux conclusions du bailleur, il faut constater que la valeur résiduelle hors taxes, ne correspond pas au montant de l'achat HT du véhicule ce qui reviendrait à méconnaître la moins-value liée à son utilisation pendant plusieurs mois, mais au montant de l'option d'achat hors taxe au jour de la résiliation.
La Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES fait valoir que cette valeur résiduelle de rachat s'élève à la somme de 15.466 € qui doit ressortir du tableau des valeurs de rachat auquel fait référence l'article 2.5 des conditions générales et remis à Mme X. au moment de la souscription du contrat (mais non produit au débat). Cette dernière n'ayant pas contesté ce chiffre, la cour le tient pour acquis.
Dès lors au regard des stipulations de l'article 1.5 du contrat rappelées ci-dessus, l'indemnité de résiliation doit se calculer comme suit :
- valeur résiduelle hors taxes du bien stipulée au contrat, augmentée de la valeur actualisée à la date de résiliation, de la somme hors taxes des loyers non encore échus : 15.466 + 7.043,28 + TVA sur impayés (mentionnée également dans les dispositions susvisées) : 431,60 = 22.940 € diminuée de la valeur vénale hors taxes du bien restitué : 19.916,67 € = 3.023,33 €. A cette somme doit se rajouter le montant des loyers non réglés demandé par la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES dans son assignation introductive et non pris en compte par le tribunal dans son calcul, soit la somme de 2.157 €, ce qui permet d'aboutir à la somme de 5.180,33 €.
2) Sur le moyen tiré par Mme X. du déséquilibre contractuel :
L'article 1.5 des conditions générales du contrat dispose par ailleurs que « lorsque le bailleur a l'intention de vendre le bien, il doit vous aviser que vous disposez, d'un délai de trente jours à compter de la résiliation du contrat pour présenter au bailleur un acquéreur faisant une offre écrit d'achat. Si le bailleur accepte l'offre, la valeur vénale du bien est le prix convenu entre l'acquéreur et lui ... »
Il résulte de ce qui précède que cette possibilité de présenter un acquéreur potentiel auprès du bailleur était bien mentionnée dans le contrat initial, contrairement à ce que soutient Mme X. à ce sujet.
Toutefois il est également constant que dans le courrier de mise en demeure de payer en date du 4 février 2015, la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES si elle informe le locataire du risque d'une résiliation du contrat et de restitution du véhicule, ne l'avise pas du délai dont il dispose pour lui présenter un éventuel acquéreur et elle ne le fait pas davantage dans la lettre du 20 février 2015 prononçant la résiliation et la mettant en demeure de restituer le véhicule.
Ce faisant la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES n'a pas respecté les dispositions types qu'elle a elle-même insérées dans la convention et l'absence d'information qui en a résulté pour Mme X., a bien créé un déséquilibre dans les conditions d'exécution du contrat.
Ce déséquilibre contractuel, n'est pas de nature cependant à justifier la sanction de la déchéance du droit à l'indemnité de résiliation. Dans le cadre de la jurisprudence qu'invoque Mme X. sur ce point (Cass. civ. I/12-18169) il s'agissait pour la Cour de cassation de se prononcer sur le caractère ou non abusif d'une clause concernant l'indemnité de résiliation qui exigeait avant même toute possibilité de revente du véhicule par le locataire, la restitution préalable de celui-ci, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
En revanche le contrat prévoit que « les indemnités ci-dessus peuvent être soumises au pouvoir d'appréciation du tribunal » : Pour prendre en compte ce défaut d'information du consommateur le montant de l'indemnité de résiliation sera réduit à la somme de 3.983 €.
Les sommes restant dues au titre de l'indemnité de résiliation à laquelle se rajoutent les loyers impayés s'élèvent par conséquent à : (22.940 + 2.157) - (19.916,67 + 3.983) = 1.197,33 €.
Mme X. sera par conséquent condamnée au paiement de cette somme.
Sur les autres demandes :
Chaque partie devant être considérée comme ayant succombé à l'instance, elle gardera à sa charge les dépens qu'elle a exposés en première instance ou en appel.
Par ailleurs il est équitable de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Infirme le jugement entrepris,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne Mme X. à payer à la Société MERCEDES-BENZ FINANCIAL SERVICES au titre de l'indemnité de résiliation, la somme de 1.197,33 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et capitalisation de ces intérêts, conformément à l'article 1343-2 du code civil.
Dit que chaque partie gardera à sa charge les dépens qu'elle a engagés en première instance ou en appel.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 I° du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
C. PREVOT S. BLUME