CA ROUEN (1re ch. civ.), 4 mars 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8372
CA ROUEN (1re ch. civ.), 4 mars 2020 : RG n° 18/01209
Publication : Jurica
Extrait : « Le partenaire commercial peut être défini comme celui avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales stables et établies dans le temps pour conduire une action quelconque, ce qui suppose une volonté réciproque d'effectuer des actes ensemble dans les activités de production, de distribution ou de services. En l'espèce, la société L'Amiral, qui exploite une péniche comme bar-discothèque et contracte avec une société chargée de vérifier les plans de conception des passerelles et la bonne exécution des travaux, ne peut être assimilée à un partenaire commercial au sens de l'article susvisé.
Il résulte de la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 qu'est seule réputée non écrite la clause limitative qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur.
En l'espèce, la responsabilité contractuelle de la Sas Apave a été retenue pour manquement à son obligation de conseil dans le choix du devis, ce qui constitue un manquement à une obligation essentielle du contrat. Toutefois, il n'apparaît pas que la clause limitative de responsabilité n'ait pas été librement négociée et acceptée par la société L'Amiral. De surcroît, la clause qui fixe un plafond d'indemnisation égal au double du montant des honoraires perçus au titre de la mission pour laquelle la responsabilité contractuelle de la société Apave est retenue n'est pas dérisoire et n'a pas pour effet de décharger par avance la société Apave du manquement à son obligation essentielle, en tant que contrôleur technique, de vérification des plans de conception et de certification de la bonne exécution des travaux.
Il s'en déduit que la clause limitative de responsabilité stipulée à l'article 6 de la convention de contrôle technique est applicable au présent litige. »
COUR D’APPEL DE ROUEN
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 4 MARS 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/01209. N° Portalis DBV2-V-B7C-HZLA. DÉCISION DÉFÉRÉE : TRIBUNAL DE COMMERCE DU HAVRE du 16 février 2018 : R.G. n° 2016/3923.
APPELANTE :
SELARL V., prise en sa qualité de Mandataire liquidateur de la SARL L'AMIRAL et de la SARL MURPHY'S
[adresse], représentée par Maître Christophe O., avocat au barreau du HAVRE
INTIMÉES :
Maître P., prise en sa qualité de Mandataire liquidateur de la SARL ACVR
[adresse], non constituée bien que régulièrement assignée par acte d'huissier de justice le 21 novembre 2018 remis à domicile
GAN ASSURANCES
[adresse], représentée par Maître Agathe L. de la SCP S. L. L. L., avocat au barreau du HAVRE
SAS APAVE NORD OUEST
[adresse], représentée par Maître Gilles LE B. de la SELARL PATRICE L. PHILIPPE F. GILLES LE B. & ASSOCI ES, avocat au barreau de ROUEN, postulant, assistée par Maître Arnaud N., avocat au barreau de PARIS, plaidant
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 8 janvier 2020 sans opposition des avocats devant Monsieur Yves LOTTIN, Président, rapporteur, en présence de Madame Audrey DEBEUGNY, Conseillère.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Monsieur Yves LOTTIN, Président de Chambre, Madame Audrey DEBEUGNY, Conseillère, Madame Juliette TILLIEZ, Conseillère.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme GIRARDEL, Greffier.
DÉBATS : A l'audience publique du 8 janvier 2020, où l'affaire a été mise en délibéré au 4 mars 2020.
ARRÊT : PAR DÉFAUT ; Prononcé publiquement le 4 mars 2020, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, signé par Monsieur Yves LOTTIN, Président de Chambre et par Madame GIRARDEL, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original
Exposé du litige :
La Sarl Murphy's, ayant pour activité la gestion de salles de spectacles, a acquis en Belgique à la fin du mois de décembre 2011 une péniche dénommée « La T. ».
Après mise aux normes et travaux d'aménagement, la péniche a été mise à la disposition de la Sarl L'Amiral, qui l'a exploitée pour exercer une activité de bar, discothèque et restauration [...] au [ville H.], sous l'enseigne « La T. », dans le cadre d'un bail commercial prenant effet au 1er octobre 2013.
Madame X. était associée et gérante de ces deux sociétés, tandis que M. Y. en était salarié, chargé du développement commercial et de l'événementiel.
Afin de permettre l'exploitation du fonds de commerce, la société L'Amiral a consulté la Sarl Acvr, spécialisée dans la conception, la réalisation et l'installation de passerelles reliant le bateau au quai.
Deux passerelles étaient prévues, l'une pour l'accès principal et l'autre comme sortie de secours.
Après plusieurs propositions, les parties se sont accordées sur un devis d'un montant total de 18.160 € HT, soit 21.719,36 € TTC, qui prévoyait les tâches à la charge du maître d'ouvrage et celles à la charge de la société Acvr.
La Sas Apave Nord Ouest, contrôleur technique de construction, s'est vue confier par la société L'Amiral la vérification des plans de conception des passerelles et la certification de la bonne exécution des travaux.
Les travaux ont été effectués pendant le mois d'août 2013 pour un début d'activité le 27 septembre 2013.
Dès le mois d'octobre 2013, la société L'Amiral s'est plainte de l'apparition de désordres sur les passerelles, ce qui a donné lieu à l'établissement d'un constat d'huissier le 16 octobre 2013.
Par ordonnance du 15 janvier 2014, une expertise a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de commerce du Havre et confiée à M. B.
L'expert a déposé son rapport le 30 mai 2015.
Le 31 juillet 2015, le tribunal de commerce du Havre a prononcé la liquidation judiciaire de la société L'Amiral et désigné la Selarl V. en qualité de liquidateur.
Le 2 octobre 2015, cette même juridiction a prononcé la liquidation judiciaire de la société Acvr et désigné Maître P. en qualité de liquidateur.
Le 4 décembre 2015, le même tribunal a prononcé la liquidation judiciaire de la société Murphy's et désigné la Selarl V. en qualité de liquidateur.
Par acte d'huissier en date du 3 juin 2016, la Selarl V., en qualité de liquidateur des sociétés L'Amiral et Murphy's, a assigné la Sa Gan Assurance en qualité d'assureur de la Sarl Acvr et la société Apave Nord Ouest devant le tribunal de commerce du Havre aux fins de les voir condamner à réparer les préjudices subis par la société L'Amiral du fait des malfaçons constatées dans l'exécution des travaux et du défaut de conseil de ces deux sociétés.
Par jugement contradictoire rendu le16 février 2018, le tribunal de commerce du Havre a adopté le dispositif suivant :
- Reçoit la SELARL V., ès qualités, en sa demande, la déclare mal fondée,
- Déboute les parties de leurs autres ou plus amples demandes,
- Condamne la SELARL V., ès qualités, aux dépens, ceux visés à l'article 701 du Code de Procédure Civile étant liquidés à la somme de 100,27 €,
- Laisse à chacune des parties les frais qu'elle a exposés non compris dans les dépens.
Le 20 mars 2018, la Selarl V., agissant en qualité de liquidateur des sociétés L'Amiral et Murphy's, a partiellement interjeté appel du jugement en ce qu'il n'a « pas constaté la responsabilité concernant l'ensemble des malfaçons l'ensemble des préjudices allégués ».
La Sas Apave Nord Ouest a constitué avocat le 29 mars 2018.
La Sa Gan Assurances a constitué avocat le 11 mai 2018.
Le 30 octobre 2018, un avis d'irrecevabilité des conclusions a été adressé à la Sa Gan Assurances, aucune conclusion n'ayant été remise au greffe dans le délai imparti.
Par exploit d'huissier délivré à domicile le 21 novembre 2018, la Selarl V., agissant en qualité de liquidateur des sociétés L'Amiral et Murphy's, a assigné en intervention forcée Maître P. en qualité de liquidateur de la Sarl Acvr, qui n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 décembre 2019.
Prétentions et moyens des parties :
Pour l'exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions remises au greffe par la Selarl V. agissant en qualité de liquidateur de la Sarl L'Amiral et de la Sarl Murphy's le 3 décembre 2018 et aux dernières conclusions remises au greffe par la société Apave Nord Ouest (ci-après dénommée Apave) le 13 février 2019.
Leurs moyens seront examinés dans les motifs de l'arrêt.
La Selarl V. es-qualités demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a pas constaté les responsabilités recherchées concernant les malfaçons et a écarté l'ensemble des préjudices allégués.
Elle demande à la cour de la déclarer recevable en son appel en intervention contre Maître P. en qualité de liquidateur de la Sarl Acvr et de condamner cette dernière solidairement avec les sociétés Gan Assurances et Apave à lui payer les sommes de :
- 300.000 €, sauf à parfaire, au titre des dommages et intérêts correspondant à la perte d'exploitation,
- 244.750 € au titre du remboursement de l'indemnité d'éviction,
- 220.000 € au titre du remboursement des prêts contractés par les sociétés L'Amiral et Murphy's,
- 250.000 €, sauf à parfaire, au titre de l'impossibilité de vendre la péniche au prix de réserve fixé en raison de l'état des passerelles,
- 6.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Apave conclut, à titre liminaire, à l'irrecevabilité des prétentions nouvelles de la Selarl V. es-qualités au titre du remboursement de l'indemnité d'éviction et du remboursement des prêts contractés par les sociétés L'Amiral et Murphy's.
A titre principal, elle sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Selarl V. es-qualités de ses demandes d'indemnisation.
Sur son appel incident, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la Selarl V. recevable à agir en qualité de liquidateur des sociétés L'Amiral et Murphy's et considéré qu'elle avait manqué à son devoir de conseil.
A titre subsidiaire, elle sollicite que sa responsabilité ne soit pas engagée au-delà du montant de 6.400 euros en application de la clause limitative de responsabilité stipulée dans la convention de contrôle technique et que la société Gan Assurances soit condamnée à la garantir intégralement de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
Elle sollicite enfin la condamnation de la Selarl V. es-qualités à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur ce, la Cour :
Sur la recevabilité de l'appel en intervention :
Aux termes des articles 554 et 555 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité. Ces mêmes personnes peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
En l'espèce, saisi par la société L'Amiral aux fins de déclaration de sa créance au passif de la société Acvr, par ordonnance du 24 octobre 2018, le juge commissaire du tribunal de commerce du Havre s'est déclaré incompétent pour statuer sur l'existence de malfaçons et sur les dommages et intérêts qui en résulteraient et a invité, en conséquence, le créancier représenté par Maître V. à mettre en cause les organes de la procédure collective de la société Acvr dans l'instance pendante devant la cour d'appel.
Dans ces conditions, l'appel en intervention forcée contre Maître P. en qualité de liquidateur de la Sarl Acvr sera déclarée recevable.
Sur l'intérêt et la qualité pour agir de la Selarl V. es-qualités :
La société Apave soulève l'absence d'intérêt et de qualité pour agir de la Selarl V. es-qualités au motif que les documents produits, relatifs aux sociétés Murphy's et L'Amiral en ce qui concerne la propriété de la péniche et les liens juridiques des sociétés entre elles, seraient confus voire inexistants.
Toutefois, il est établi au regard des jugements de procédure collective ci-dessus évoqués, du rapport comptable de Maître B. en qualité d'administrateur de la société L'Amiral, du bail commercial signé entre les sociétés L'Amiral et Murphy's et des devis versés aux débats que la société Murphy's est propriétaire de la péniche dénommée 'La T.', qu'elle y a fait réaliser des travaux d'aménagement en bar-discothèque et que, selon bail prenant effet le 1er octobre 2013, elle a mis la péniche à disposition de la société L'Amiral, laquelle a pris en charge la réalisation des passerelles en vue de l'exploitation de la péniche comme bar-discothèque.
Les premiers juges ont justement retenu que la Selarl V. es-qualités a qualité et intérêt à agir pour le compte de la société L'Amiral, maître d'ouvrage des passerelles litigieuses et pour le compte de la Sarl Murphy's, à la fois créancière des loyers impayés dus par la société L'Amiral qui invoque avoir fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire en raison de passerelles d'accès défaillantes, et propriétaire de la péniche.
Il y a donc lieu de confirmer le jugement du 16 février 2018 en ce qu'il a déclaré recevable l'action de la Selarl V. agissant en qualité de liquidateur des sociétés Murphy's et L'Amiral.
Sur la recevabilité des demandes d'indemnisation de la Selarl V. es-qualités au titre du remboursement de l'indemnité d'éviction et des prêts :
La société Apave soulève l'irrecevabilité des demandes d'indemnisation au titre du remboursement de l'indemnité d'éviction et des prêts contractés par les sociétés L'Amiral et Murphy's comme étant des prétentions nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile.
Aux termes des articles 564 et 565 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Mais les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l'espèce, la Selarl V. sollicitait en première instance la somme de 300 000 euros au titre des dommages et intérêts correspondant à la perte d'exploitation, ainsi que la somme de 250 000 euros au titre de l'impossibilité de vendre la péniche au prix de réserve fixé en raison de l'état des passerelles.
Dans ses conclusions d'appelante, elle indique que Madame X. et son compagnon ont exploité pendant 17 ans l'établissement de nuit « D. », mais qu'ils ont fait l'objet d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique. A ce titre, ils expliquent avoir contracté d'importants crédits pour relancer leur activité sur une péniche, s'ajoutant à l'indemnité d'éviction d'un montant de 244.750 euros versée par la Ville H.
Les demandes réclamées au titre du remboursement de l'indemnité d'éviction et des prêts contractés par les sociétés L'Amiral et Murphy's sont nouvelles en appel et doivent être déclarées irrecevables sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.
Sur le principe de la responsabilité :
A titre liminaire, il convient d'indiquer que les dispositions du code civil auxquelles le présent arrêt est susceptible de se référer sont celles antérieures à l'ordonnance du 10 février 2016, celle-ci n'étant applicable qu'aux seuls contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.
- Sur les malfaçons :
La Selarl V. es-qualités fait valoir que le défaut de fixation des passerelles a créé un accès dangereux à la péniche, susceptible d'engager la responsabilité contractuelle des sociétés Acvr et Apave.
En l'espèce, il résulte du constat d'huissier réalisé le 16 octobre 2013 que les pieds de la passerelle principale et de la passerelle arrière ont été fixés directement dans la terre, sans qu'aucune chape de béton n'ait été coulée.
Aux termes de son rapport du 30 mai 2015, l'expert conclut qu'au regard des règles de l'art et des travaux commandés, les passerelles ont été globalement bien réalisées, à l'exception de certaines des fixations, réalisées dans le remblai et non dans le béton.
La responsabilité contractuelle de la société Acvr est donc engagée sur le plan technique au titre du défaut de fixation des passerelles de la péniche.
- Sur l'obligation de conseil
La société Apave reproche aux premiers juges d'avoir retenu un manquement à son obligation de conseil alors que :
- l'amarrage de la péniche n'entre pas dans la sphère des travaux soumis à son contrôle technique mais relève de la seule responsabilité du capitaine de la péniche,
- les opérations d'expertise ont permis de constater que la société L'Amiral utilisait les passerelles comme moyen d'amarrage alors que ces dernières n'étaient pas conçues pour immobiliser la péniche en lieu et place d'un amarrage,
- le devis choisi par la société L'Amiral prévoyait un supplément de 5565 euros pour l'option passerelles 'sans bouées d'amarrage', ce qui n'aurait pas constitué un amarrage sérieux et conforme de la péniche mais aurait consolidé la construction ; or il apparaît que la société L'Amiral n'a pas choisi cette option.
Toutefois, il résulte de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable au litige que :
'Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'.
L'obligation de conseil impose à celui qui a posé et fabriqué le bien litigieux d'analyser les besoins de son client, de lui indiquer la voie qui lui paraît la meilleure, de le pousser à l'adopter et de proposer des solutions adéquates en puissance, capacité et rapidité. Ce devoir de conseil a pour corollaire une certaine coopération du client qui doit prendre toutes les informations concernant le produit qui lui est proposé et préciser les éléments et paramètres de sa demande.
Aux termes de l'article L 111-23 du code de la construction et de l'habitation, le contrôleur technique a pour mission de contribuer à la prévention des différents aléas techniques susceptibles d'être rencontrés dans la réalisation des ouvrages. Il intervient à la demande du maître de l'ouvrage et donne son avis à ce dernier sur les problèmes d'ordre technique, dans le cadre du contrat qui le lie à celui-ci.
En l'espèce, il résulte des éléments versés aux débats que la société L'Amiral a été maître d'ouvrage de la conception et de la réalisation de deux passerelles destinées à permettre l'accès à la péniche et qu'elle a choisi un devis parmi trois propositions faites par la société Acvr, spécialisée dans ce type de travaux.
Il est établi que le choix du troisième devis par la société L'Amiral s'est révélé inadéquat, l'expert relevant d'une part que 'les fixations rigides à quai des passerelles, quand bien même elles auraient été correctement implantées par la SARL ACVR, n'auraient pas pu résister à la pression des mouvements du bateau dans le plan horizontal' et d'autre part que 'le choix d'un supplément pour le renforcement des passerelles sans bouées, probablement effectué par la SARL L'AMIRAL, ne constituait pas pour autant un amarrage de la péniche et n'a pas ou n'aurait pas pu empêcher les détériorations des fixations à quai'.
Conformément à la convention de contrôle technique versée aux débats, la société Apave devait vérifier les plans de conception, certifier la bonne réalisation des travaux et donner un avis sur les problèmes qui concernent la solidité des passerelles et la sécurité des personnes, ce qui impliquait de vérifier la concordance entre les plans proposés par la société Acvr et le projet d'attache de la péniche, contrairement à ce qu'affirme la société Apave.
Les premiers juges ont retenu, à juste titre, que les sociétés Acvr et Apave auraient pu et dû avertir la société L'Amiral que le choix qu'elle faisait de deux passerelles, fixées de façon rigide au quai, exigerait un amarrage de la péniche extrêmement ferme et rigoureux, de sorte que la fixation des passerelles ne pâtisse en aucune façon des mouvements imposés au bateau, et que même alors, le risque de déformation des fixations ne serait pas totalement écarté, qu'elles étaient détentrices de cette information, qu'elles auraient dû déconseiller le choix du devis adopté par la société L'Amiral et qu'aucun document ne démontre qu'elles l'aient fait.
La société Apave ne peut soutenir devant la cour que sa responsabilité contractuelle n'est pas engagée au motif qu'elle a émis un avis défavorable sur la fixation des passerelles dans son rapport de visite du 12 octobre 2013, soit postérieurement à l'apparition des désordres. En effet, lors de sa visite du 23 août 2013, elle avait d'abord émis un avis favorable sur la conformité des passerelles aux plans, après en avoir vérifié les liaisons, ce qui est rappelé par la société Acvr dans son courrier du 29 octobre 2013.
Enfin, le courriel de M. B., daté du 4 septembre 2013, informant la société L'Amiral de la nécessité de réaliser un amarrage correct est intervenu après le choix du devis et les travaux sur la péniche, ce qui ne déchargeait pas les sociétés Acvr et Apave de leur obligation de conseil à l'égard de la société L'Amiral.
Dans ces conditions, le manquement des sociétés Apave et Acvr à leur obligation de conseil est démontré.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a retenu le principe d'une responsabilité de la société Gan Assurances, venant aux droits de la Sarl Acvr, et de la société Apave, dans le dommage survenu à certaines fixations des passerelles.
Sur le préjudice de perte d'exploitation :
Pour mettre en jeu la responsabilité d'un contractant ou de son assureur, il est nécessaire qu'existent un préjudice et un lien de causalité entre le manquement allégué et ce préjudice.
En l'espèce, le défaut de fixation des passerelles a nécessairement désorganisé l'exploitation de la péniche en tant que bar-discothèque, la société L'Amiral n'ayant pu offrir de manière constante un accès sécurisé à ses clients.
La cour considère que le préjudice d'exploitation invoqué par les organes des procédures collectives des sociétés Murphy's et L'Amiral, qui a amené à la liquidation judiciaire de ces dernières, est au moins en parte lié à l'existence de passerelles d'accès défaillantes, de sorte que le lien de causalité entre le préjudice de perte d'exploitation et la responsabilité des sociétés Apave et Acvr pour malfaçon et manquement à l'obligation de conseil est établi.
Pour justifier le montant de son préjudice, la Selarl V. es-qualités produit aux débats un rapport de Maître B. en qualité d'administrateur judiciaire de la société L'Amiral, du 22 juin 2015, intitulé 'rapport comportant un bilan économique et social et une demande de liquidation judiciaire' dont elle déduit que les pertes d'exploitation seraient de l'ordre de 240 000 euros, sauf à parfaire et seraient dues au mauvais accès à la péniche.
Toutefois, dans ce rapport, Maître B. compare le chiffre d'affaires réalisé par la société L'Amiral depuis l'ouverture de la procédure collective à celui qui était envisagé dans le prévisionnel établi par le cabinet d'expertise comptable lors de l'ouverture de la procédure de sauvegarde, soit 240 000 euros et se contente d'indiquer que le chiffre d'affaires réalisé est loin du chiffre d'affaires prévisionnel, ce qui est insuffisant pour justifier le montant du préjudice sollicité.
L'appelante verse également aux débats une attestation du cabinet d'expertise comptable Lerick Colibert Haussetete aux termes de laquelle il évalue 'le manque à gagner provoqué par la dangerosité de la passerelle' pendant la T. Jacques V., soit du 20 octobre au 3 novembre 2013, jours auxquels il ajoute ceux où le vent a soufflé à plus de 50 km/h créant des risques d'instabilité'. Affirmant que la journée a une valeur retenue de 1200 € HT, il parvient au résultat de 89 jours à 1200 € HT soit 221 300 euros, chiffre sur lequel il applique un taux de marge brut moyen de 78% pour aboutir à un total de 172 600 €.
Les premiers juges ont justement retenu que ce document ne s'accompagne d'aucune explication, la société L'Amiral n'apportant aucun élément nouveau devant la cour à cet égard.
Dans ses conclusions, la Selarl V. es-qualités indique que pendant plusieurs années, Madame X. et son compagnon avaient exploité 'avec succès' un fonds de commerce de bar-pub sous l'enseigne « Le D. » [ville H.} mais que le transfert de la clientèle escompté lors de l'ouverture de « La T. » n'a pas eu lieu, ce qui est relaté dans le jugement prononçant la liquidation de la société L'Amiral.
Ainsi, si les difficultés liées au transfert de la clientèle expliquent en partie la liquidation judiciaire de la société L'Amiral, ainsi qu'il ressort du rapport de Maître B. déjà cité, elles ne présentent aucun lien avec les manquements reprochés aux sociétés Apave et Acvr.
Il ressort de ce rapport que la défaillance de la société résulte de plusieurs causes qui se sont conjuguées, dont un niveau d'activité insuffisant lié au mauvais transfert de la clientèle de l'ancien établissement « Le D. », le coût important des travaux d'aménagement, les conditions climatiques du mois d'octobre 2013 et les difficultés de passerelle d'accès.
La perte d'exploitation évaluée à 300.000 euros n'est qu'en partie la conséquence de la défectuosité de la passerelle.
La cour évalue le poste de préjudice imputable aux sociétés Acvr et Apave au titre de la défaillance de la passerelle à la somme de 60.000 euros et le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur le préjudice de moins-value de la péniche :
La Selarl V. es-qualités fait valoir que la péniche a été vendue aux enchères pour le prix de 100.000 euros alors qu'elle avait fait l'objet d'une estimation « prudente » d'après le commissaire-priseur Maître R. à hauteur de 350.000 euros, ce qui représente une moins-value de 250.000 euros sur le prix de vente. Elle soutient que la détérioration des passerelles a découragé les acheteurs éventuels de toute visite de la péniche.
Effectivement, la péniche a fait l'objet d'une vente aux enchères, avec un prix de réserve à 350.000 euros mais aucun acheteur ne s'étant présenté, la vente s'est faite sans mise à prix de départ et s'est conclue à la somme de 100.000 euros.
Cependant, la Selarl V. ne rapporte pas la preuve que le défaut de fixation des passerelles ait empêché les visites et soit à l'origine de la moins-value de la péniche alors que, au contraire, des travaux ont été réalisés sur les passerelles à la demande du commissaire-priseur pour sécuriser l'accès à la péniche et que le 9 décembre 2014, à la date où le défaut de fixation des passerelles était connu, la commission de sécurité a donné un avis favorable à l'accès de la péniche en indiquant que les passerelles ne présentaient pas de risque particulier pour l'évacuation du public.
De surcroît, les premiers juges ont retenu, à juste titre, qu'aucun document actant la renonciation d'éventuels acheteurs ou l'impossibilité de visiter la péniche n'est versé aux débats, la société L'Amiral n'apportant aucun élément nouveau devant la cour à cet égard.
Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la Selarl V. de sa demande d'indemnisation au titre de la moins-value de la péniche.
Sur la mise en œuvre de la clause limitative de responsabilité et le partage de responsabilité :
La Sarl Apave fait valoir que figure dans ses conditions générales d'intervention une clause limitant sa garantie à deux fois le montant des honoraires demandés pour ladite intervention, dès lors que l'article L. 111-24 du code de la construction et de l'habitation ne trouve pas application. Elle indique qu'en l'espèce, la limite serait de 6.400 euros.
La Selarl V. soutient que cette clause est abusive, en ce qu'elle crée un déséquilibre entre les droits et obligations des parties en application de l'article L. 442-6-I du code de commerce.
Or, il résulte de l'article L. 442-6 I du code de commerce dans sa version applicable au litige que :
« Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Le partenaire commercial peut être défini comme celui avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales stables et établies dans le temps pour conduire une action quelconque, ce qui suppose une volonté réciproque d'effectuer des actes ensemble dans les activités de production, de distribution ou de services.
En l'espèce, la société L'Amiral, qui exploite une péniche comme bar-discothèque et contracte avec une société chargée de vérifier les plans de conception des passerelles et la bonne exécution des travaux, ne peut être assimilée à un partenaire commercial au sens de l'article susvisé.
Il résulte de la jurisprudence antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 qu'est seule réputée non écrite la clause limitative qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur.
En l'espèce, la responsabilité contractuelle de la Sas Apave a été retenue pour manquement à son obligation de conseil dans le choix du devis, ce qui constitue un manquement à une obligation essentielle du contrat.
Toutefois, il n'apparaît pas que la clause limitative de responsabilité n'ait pas été librement négociée et acceptée par la société L'Amiral.
De surcroît, la clause qui fixe un plafond d'indemnisation égal au double du montant des honoraires perçus au titre de la mission pour laquelle la responsabilité contractuelle de la société Apave est retenue n'est pas dérisoire et n'a pas pour effet de décharger par avance la société Apave du manquement à son obligation essentielle, en tant que contrôleur technique, de vérification des plans de conception et de certification de la bonne exécution des travaux.
Il s'en déduit que la clause limitative de responsabilité stipulée à l'article 6 de la convention de contrôle technique est applicable au présent litige.
S'agissant du montant de l'indemnisation, la Sas Apave indique que la limite serait de 6.400 € (3.200 € HT x 2).
Cependant, en l'absence de précisions dans la clause, il convient de fixer le plafond d'indemnisation au double du montant des honoraires TTC perçus par la société Apave, soit la somme de 7.654,40 euros (3.827,20 € TTC x 2).
La Sas Apave demande que la société Gan Assurances soit condamnée à la garantir intégralement de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
Toutefois, eu égard aux circonstances des faits, il y a lieu de dire que la part de responsabilité de la société Apave est de 30% dans le préjudice subi par la société L'Amiral.
Sur les autres demandes :
Les dispositions du jugement entrepris relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile seront confirmées.
La société Apave Nord Ouest sera déboutée de sa demande faite en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à ce titre à la Selarl V. es-qualités la somme mentionnée au dispositif.
Les sociétés Gan Assurances et Apave seront condamnées à payer les dépens de première instance et d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, par défaut, et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel en intervention forcée de la Selarl V., agissant en qualité de liquidateur des sociétés L'Amiral et Murphy's, à l'encontre de Maître P. en qualité de liquidateur de la société Acvr,
Déclare irrecevables les demandes nouvelles de la Selarl V., agissant en qualité de liquidateur des sociétés L'Amiral et Murphy's, faites au titre du remboursement de l'indemnité d'éviction et du remboursement des prêts contractés,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception de celle ayant débouté la Selarl V., agissant en qualité de liquidateur de la société L'Amiral, de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice de perte d'exploitation,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Déclare Maître P. en qualité de liquidateur de la Sarl Acvr et la société Apave Nord Ouest solidairement responsables du préjudice subi par la société L'Amiral,
Fixe la créance de la société L'Amiral, représentée par son liquidateur la Selarl V., à la somme de 60 000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société Acvr,
Condamne solidairement la société Gan Assurances et la société Apave Nord Ouest, cette dernière dans les limites de la somme de 7.654,40 euros, à payer solidairement avec la liquidation judiciaire de la société Acvr la somme de 60.000 euros à la Selarl V. en qualité de liquidateur de la société L'Amiral,
Dit que la part de responsabilité de la société Apave Nord Ouest dans le préjudice de perte d'exploitation subi par la société L'Amiral est de 30 % et que celle de la société Acvr est de 70% ;
Condamne la société Gan Assurances à garantir la société Apave Nord Ouest de toute somme versée à la Selarl V. en qualité de liquidateur de la société L'Amiral excédant sa part de responsabilité ainsi fixée,
Condamne solidairement la société Gan Assurances et la société Apave Nord Ouest à payer à la Selarl V. en qualité de liquidateur de la société L'Amiral une indemnité de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la Sas Apave Nord Ouest de sa demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la Selarl V. en qualité de liquidateur des sociétés L'Amiral et le Murphy's de sa demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de Maître P. en qualité de liquidateur de la société Acvr,
Condamne solidairement la Sa Gan Assurances et la Sas Apave Nord Ouest à payer les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, avec droit de recouvrement direct au profit des avocats en ayant fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président