CA LYON (1re ch. civ. B), 9 juin 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8446
CA LYON (1re ch. civ. B), 9 juin 2020 : RG n° 19/00391
Publication : Jurica
Extrait : « Attendu qu'il est précisé page 4 des conditions particulières de l'offre de prêt que le décompte des intérêts est effectué en considérant des mois de 30 jours au cours de la période, rapportés à une année de 300 jours, Attendu qu'il est allégué que le calcul sur une année de 360 jours aboutit à une sous-estimation au détriment de l'emprunteur du taux conventionnel de 0,04 % (page 6), ce qui entraînerait la nullité de la clause et la substitution du taux légal au taux conventionnel, qu'il est soutenu plus loin qu'il s'agirait d'une clause abusive en ce que l'emprunteur n'en comprendrait pas la portée, et que (page 14 paragraphe 4 des conclusions) le TEG serrait de 4 % (3,9744) et non de 3,91 %,
Attendu qu'il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve préalable et qui lui incombe, de l'erreur et d'autre part que cette erreur est supérieure à une décimale, Attendu que les deux taux de TEG mentionnés par l'appelant diffèrent de moins de 0,1 % et s'arrondissent tous deux à 4 % et l'erreur dans le taux conventionnel mentionnée étant de 0,04 % de sorte que l'erreur invoquée est inopérante. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE B
ARRÊT DU 9 JUIN 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/00391. N° Portalis DBVX-V-B7D-MERM. Décision du Tribunal de Grande Instance de LYON (4e ch.), Au fond, du 18 décembre 2018 : R.G. n° 15/14810.
APPELANTS :
Mme X. épouse Y.
Profession : assistante maternelle, née le [date] à [ville], [adresse], [...], Représentée par la SARL VJA AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 1132, Assistée de Maître Hervé B., avocat au barreau de NANCY
M. Y.
Profession : vendeur de matériel informatique, né le [date] à [ville], [adresse], Représenté par la SARL VJA AVOCATS, avocats au barreau de LYON, toque : 1132, Assisté de Maître Hervé B., avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
La CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES (CERA)
représentée par le Président de son Directoire demeurant es qualité audit siège [...], [...], Représentée par la SCP G.B.A.J., avocats au barreau de LYON, toque : 673
Date de clôture de l'instruction : 16 janvier 2020
Date de mise à disposition : 9 juin 2020
Composition de la Cour lors du délibéré : - Françoise CARRIER, président, - Florence PAPIN, conseiller, - Laurence VALETTE, conseiller
DÉCISION RENDUE SANS AUDIENCE :
Vu l'état d'urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience suite à l'accord des parties et en application de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale ; La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l'article 10 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l'article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 - C3/DP/202030000319/FC.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen, Signé par Florence PAPIN, conseiller, faisant fonction de président, en remplacement du président légitimement empêché et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DE L'AFFAIRE :
Selon acte sous seing privé en date du 27 septembre 2011, M. Y. et son épouse Mme X. (ci-après M. et Mme Y.) ont accepté une offre de prêt immobilier en devises émise le 14 septembre 2011 par la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES (ci-après CERA) portant prêt d'une somme de 436.000 francs suisses (Chf) remboursable sur 25 ans en 100 échéances trimestrielles d'amortissement de 6.144,94 Chf (6.746,62 Chf assurance comprise) au taux annuel fixe de 2.90 % et Taux Effectif Global de 3.91 %.
Ce concours octroyé aux fins d'acquisition immobilière à usage de résidence principale relève des articles L. 312-1 et suivants du Code de la Consommation, a été débloqué à concurrence de la seule somme de 400.089,80 Chf et est entré en amortissement le 10 décembre 2013.
Selon acte sous seing privé en date du 22 novembre 2018, les parties convenaient d'un avenant audit prêt prévoyant le remboursement de la somme de 341.385,34 Chf due au 10 décembre 2018 en 240 échéances trimestrielles d'amortissement de 5.638.82 Chf au taux annuel fixe de 2.90 % et Taux Annuel Effectif Global de 3.09 %.
M. et Mme Y. ont fait délivrer, le 26 novembre 2015, assignation à la CERA d'avoir à comparaître par-devant le Tribunal de Grande Instance de Lyon.
Par jugement du 18 décembre 2018, le tribunal de grande instance de LYON a débouté les demandeurs de leurs prétentions, les condamnant à payer à la concluante une somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens, déclarant :
- Irrecevable la demande en nullité de la stipulation d'intérêt conventionnel,
- Infondée l'action en déchéance du droit aux intérêts.
M. et Mme Y. ont interjeté appel et demandent à la Cour, aux termes de leurs dernières conclusions, de :
0.1. Les demandes tirées de la non-exécution du contrat par le prêteur :
Juger que le prêteur qui n'exécute pas le contrat, ni en ce qui concerne le taux des intérêts qu'il applique, ni en ce qui concerne la période de calcul des intérêts entre deux échéances de paiement, ne peut prétendre à plus que l'intérêt légal, faute de fondement contractuel à la perception des intérêts à un autre taux que ce lui que prévoit la loi ; Ordonner le retour à l'intérêt légal, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçu en sus de l'application de l'intérêt légal ;
0.2. Les demandes tirées de la non-exécution du contrat par le prêteur :
Juger à tout le moins que le prêteur doit être déchu du droit au intérêts contractuels dans la proportion de 17.959,09CHF correspondant aux intérêts qu'il a prélevés au titre d'une période de préfinancement non prévue par les dispositions contractuelles.
Subsidiairement, condamner le prêteur à répéter ladite somme, et condamner la Caisse prêteuse à la somme de 17.959,09 CHF à titre de dommages intérêts.
1. Les demandes en déclaration de clauses non écrites
Rappeler que la demande en déclaration de clause non écrite n'est pas une demande en annulation, et n'est pas enserrée dans des délais particuliers, le déséquilibre causé au préjudice du consommateur étant actuel en se plaçant au moment auquel le Tribunal a été saisi ;
Juger que les informations données à l'emprunteur sur le coût total de la dette par l'offre de crédit immobilier critiquée devant la Cour, sont incomplètes, incompréhensibles et ambigües, créant un déséquilibre significatif au détriment d'un consommateur profane normalement vigilant et que, privé par conséquent d'informations adéquates sur les caractéristiques essentielles de l'opération de crédit proposée, il n'a pas valablement consenti au coût global du prêt ni à l'obligation la dette ;
Juger spécialement que le recours à un diviseur de marché financiers de 360 jours pour calculer les intérêts produits par l'amortissement crée un déséquilibre manifeste au détriment du consommateur, puisqu'il renchérit le coût du crédit à l'insu de l'emprunteur ;
Déclarer cette stipulation abusive, et partant, non écrite ;
Ordonner que l'amortissement du capital mis à disposition sera poursuivi, sans qu'il y ait lieu à substitution d'un autre taux d'intérêt, la stipulation étant non écrite ;
Ordonner l'émission d'un nouveau tableau d'amortissement des sommes mise à la disposition de l'emprunteur, sur la durée conventionnelle de l'amortissement, expurgé des conséquences des stipulations abusives, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçues en sus de l'application de l'intérêt légal ;
2. Les demandes en nullité tirées du vice du consentement de l'emprunteur, et en restitution :
Juger subsidiairement que la stipulation d'intérêts conventionnelle est nulle ;
Ordonner le retour à l'intérêt légal, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçu en sus de l'application de l'intérêt légal ;
3. Les demandes en déchéance
Juger enfin que faute d'avoir intégré au calcul du taux effectif global les coûts exacts de la dette, charges auxquelles le prêteur a subordonné l'octroi du crédit, la déchéance des intérêts sera également prononcée, taux auquel l'intérêt au taux légal applicable pour l'année au cours de laquelle est intervenue l'acceptation de l'offre, sera substitué, et condamner le prêteur à restituer les sommes qu'il aurait reçu en sus de l'application de l'intérêt légal ;
Condamner en tout état de cause la banque à payer à l'emprunteur une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Laisser à sa charge les dépens de l'instance, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Yann V. - Avocat au Barreau de LYON.
[*]
La CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES demande à la cour, aux termes de ses dernières conclusions, de :
Vu les articles 31 et 122 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles 1907 et suivants, 2224 du Code Civil,
Vu les articles L. 312-8, L. 313-1, R. 313-1 et suivants du Code de la Consommation,
A titre principal
CONFIRMER le jugement déféré en ce qui concerne les points, objet de l'appel, et Y AJOUTANT :
CONDAMNER solidairement M. Y. et son épouse Mme X. à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens distraits au bénéfice de la SCP G.B.A.J., Avocat, sur son offre de droit.
A titre subsidiaire
DIRE ET JUGER M. Y. et Mme X. irrecevables et infondés en leurs prétentions.
En conséquence,
DÉBOUTER M. Y. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE-ALPES.
CONDAMNER solidairement M. Y. et Mme X. à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES une somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les entiers dépens distraits au bénéfice de la SCP G.B.A.J., Avocat, sur son offre de droit.
A titre très subsidiaire
Vu l'article L. 312-33 du Code de la Consommation,
DIRE ET JUGER n'y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES.
A défaut,
LIMITER la déchéance du droit aux intérêts de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES à 1.00 euros.
En tout état de cause,
DÉBOUTER M. Y. et Mme X. de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE-ALPES pour la période postérieure à l'entrée en vigueur de l'avenant le 10 décembre 2018.
DÉBOUTER M. Y. et Mme X. de l'ensemble de leurs autres prétentions à l'encontre de la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur l'étendue de la saisine :
Attendu qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Attendu que ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir « constater » ou « donner acte » ; que la cour n'a pas à y répondre,
Attendu que la cour mentionne le caractère particulièrement confus des conclusions des appelants qui s'apparentent plus à un catalogue de jurisprudence,
* Sur le calcul des intérêts sur une année de 360 jours :
Attendu qu'il est précisé page 4 des conditions particulières de l'offre de prêt que le décompte des intérêts est effectué en considérant des mois de 30 jours au cours de la période, rapportés à une année de 300 jours,
Attendu qu'il est allégué que le calcul sur une année de 360 jours aboutit à une sous-estimation au détriment de l'emprunteur du taux conventionnel de 0,04 % (page 6), ce qui entraînerait la nullité de la clause et la substitution du taux légal au taux conventionnel, qu'il est soutenu plus loin qu'il s'agirait d'une clause abusive en ce que l'emprunteur n'en comprendrait pas la portée, et que (page 14 paragraphe 4 des conclusions) le TEG serrait de 4 % (3,9744) et non de 3,91 %,
Attendu qu'il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve préalable et qui lui incombe, de l'erreur et d'autre part que cette erreur est supérieure à une décimale,
Attendu que les deux taux de TEG mentionnés par l'appelant diffèrent de moins de 0,1 % et s'arrondissent tous deux à 4 % et l'erreur dans le taux conventionnel mentionnée étant de 0,04 % de sorte que l'erreur invoquée est inopérante,
* Sur l'absence d'application du contrat :
Attendu que se fondant sur une expertise judiciaire de M. V. opérée à la demande d'« une caisse d'épargne », il est soutenu que le prêteur compte les mois non pas en 30 jours mais en 30,4375 jours et les années pour 365,25 jours, n'appliquant ni la loi ni le contrat,
Attendu que cependant l'expertise évoquée est relative à un autre dossier, qu'il appartient aux appelants de rapporter la preuve, qui leur incombe, de leurs allégations ce qu'ils ne font pas, que dès lors ce moyen est rejeté,
* Sur l'absence de communication à l'emprunteur de la durée de la période appliquée pour le calcul des intérêts entre deux échéances de paiement :
Attendu qu'il est soutenu que cette absence de précision concernant la durée de la période est d'autant plus grave que cette période est stipulée pour 30 jours seulement comptés 30,4375,
Attendu qu'il résulte clairement du tableau d'amortissement que la périodicité de remboursement est trimestrielle, et page 4 des conditions particulières de l'offre de prêt que le décompte des intérêts est effectué en considérant des mois de 30 jours au cours de la période, rapportés à une année de 300 jours, que dès lors ce moyen manque en fait,
* Sur la période de préfinancement :
Attendu qu'il est soutenu qu'alors que le contrat ne prévoit pas de période de préfinancement, et qu'ils n'en souhaitaient pas, le tableau d'amortissement définitif en prévoit une de 26 mois, que la sanction qui doit être appliquée est la déchéance du droit aux intérêts contractuels et subsidiairement des dommages et intérêts du même montant,
Attendu que cependant ce moyen manque en fait le paragraphe 7 des conditions générales paraphées par eux prévoyant une période de préfinancement, que s'ils ne souhaitaient pas une telle période, il appartenait aux appelants de ne pas signer l'offre,
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Attendu que M. et Mme Y. sont condamnés aux dépens et à payer à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme en toutes ses dispositions la décision entreprise,
Condamne M. et Mme Y. à verser à la CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DE RHONE ALPES une indemnité de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. et Mme Y. aux dépens de l'appel qui seront recouvrés par le conseil de la partie adverse conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Déboute les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER Pour LA PRÉSIDENTE empêchée