CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA RIOM (3e ch. civ. com.), 10 juin 2020

Nature : Décision
Titre : CA RIOM (3e ch. civ. com.), 10 juin 2020
Pays : France
Juridiction : Riom (CA), 3e ch. civ. et com.
Demande : 18/01913
Date : 10/06/2020
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 27/09/2018
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8452

CA RIOM (3e ch. civ. com.), 10 juin 2020 : RG n° 18/01913 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le tribunal de commerce de Cusset a implicitement rejeté la demande de dommages et intérêts que la SARL G. avait déjà présentée devant lui, au motif du caractère abusif de la clause de résiliation en litige : le tribunal, sans statuer expressément sur ce chef de demande dans le dispositif du jugement, a énoncé en revanche dans les motifs que la SARL G. ne justifiait pas d'un préjudice quelconque et qu'il n'y avait pas lieu à dommages et intérêts.

Cependant selon l'article L. 442-6-III ancien du code de commerce, devenu l'article L. 442-4 du même code, les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 ancien sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ; l'article D. 442-3 du code de commerce, issu du décret du 11 novembre 2009, fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges, et désigne la cour d'appel de Paris pour connaître des appels des décisions rendues par ces juridictions. Le tribunal de commerce de Cusset ne figure pas parmi les juridictions de première instance pouvant connaître des litiges portant sur l'application de l'article L. 442-6 III du code de commerce ; ce tribunal n'avait donc pas le pouvoir de statuer sur le moyen de défense tiré par la SARL G. du caractère abusif de la clause du contrat en litige. Il appartient à la présente cour d'appel, bien qu'elle ne soit pas juridiction d'appel en la matière, de relever d'office l'excès de pouvoir commis par le tribunal de commerce, qui a statué sur une demande échappant à son pouvoir juridictionnel (Cass. com. 29 mars 2017, pourvoi n° 15-24241).

Au vu de cet excès de pouvoir, il y a lieu de rejeter comme irrecevable la demande de dommages et intérêts formée pour ce motif par la société appelante. »

 

COUR D’APPEL DE RIOM

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE RÉUNIES

ARRÊT DU 10 JUIN 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/01913. N° Portalis DBVU-V-B7C-FCDX. Sur APPEL d'une décision rendue le 4 septembre 2018 par le Tribunal de commerce de CUSSET (R.G. n° 2017001216).

COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, M. François KHEITMI, Conseiller, Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé.

 

ENTRE :

APPELANTE :

La société IMPRIMERIE G.

SARL immatriculée au RCS de Cusset sous le n° XXX, [...], [...], Représentant : Maître Luc M., avocat au barreau de CUSSET/VICHY

 

ET :

INTIMÉE :

La société KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS CENTRE LOIRE (anciennement SAS DACTYL BURO)

SAS immatriculée au RCS de Bourges sous le n° YYY, [...], [...], Représentant : la SCP H.-B.-C.-F., avocats au barreau de CUSSET/VICHY

 

DÉBATS : A l'audience publique du 4 mars 2020 Monsieur KHEITMI a fait le rapport oral de l'affaire, avant les plaidoiries, conformément aux dispositions de l'article 785 du CPC. La Cour a mis l'affaire en délibéré au 29 avril 2020 puis prorogé au 10 juin 2020 conformément aux mesures sanitaires prises lors de la crise du COVID 19.

ARRÊT : Prononcé publiquement le 10 juin 2020, par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

La SARL Imprimerie G. (la SARL G.) a conclu sous seing privé le 24 mai 2012, avec la SAS DACTYL BURO, un contrat de services ayant pour objet l'installation et la maintenance d'un matériel de copie, pour la période comprise entre le 24 mai 2012 et le 23 août 2017. La rémunération de l'entreprise prestataire était fixée, selon les Conditions générales du contrat, sous la forme d'une redevance facturée en fonction du nombre de copies, déterminé au moyen d'un relevé à communiquer pour le 25 de chaque mois.

Il était stipulé d'autre part qu'en cas de résiliation avant l'expiration du terme, le client devrait restituer le matériel, et payer à la SAS DACTYL BURO une indemnité égale à la totalité des sommes « dues ou à devoir jusqu'à la date d'expiration de la période initiale ou de la période de renouvellement en cours ».

Par lettre du 12 mai 2016, la SARL G. a fait connaître à la SAS DACTYL BURO que la photocopieuse ne fonctionnait plus depuis le 4 avril précédent, et que son enlèvement était prévu pour le mois de mai 2017. La SAS DACTYL BURO lui a répondu par une lettre du 17 juin 2016, pour lui indiquer qu'elle lui facturerait une indemnité de fin de contrat calculée sur la base de redevance moyenne des six premiers mois, multipliée par le nombre de mois restant à courir jusqu'au terme du contrat, soit dix-huit mois ; et elle lui a adressé ladite facture, émise le 16 juin 2016 pour la somme de 9.191,66 euros.

La SARL G. s'étant refusée à payer cette somme, la SAS DACTYL BURO a saisi le tribunal de commerce de Cusset, selon une forme de procédure non précisée par les parties, aux fins d'obtenir paiement d'une somme de 9.683,66 euros.

Le tribunal de commerce, suivant un jugement contradictoire du 4 septembre 2018, a fait droit à la demande principale de la SAS DACTYL BURO en condamnant la SARL G. à lui payer la somme susdite, outre les intérêts au taux légal majorés de 3 % à compter du 17 juin 2016, et une somme de 1.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL G., par une déclaration reçue au greffe de la cour le 27 septembre 2018, a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions.

Elle conclut à la réformation du jugement, et au rejet de toutes les demandes de la SAS DACTYL BURO, aux motifs que l'indemnité ne saurait s'appliquer, faute de résiliation, et que la société adverse ne rapporte pas la preuve du montant de sa créance. La SARL G. demande que la SAS DACTYL BURO soit elle-même condamnée, vu le caractère abusif de ladite clause, à lui payer une somme de 9.191,66 euros à titre de dommages et intérêts. Elle expose que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les parties au contrat, et qu'elle est dès lors prohibée par l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, en ce qu'elle impose à l'entreprise utilisatrice une indemnité équivalant à seize mois de consommation, alors que la machine ne fonctionne pas.

La société KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS CENTRE LOIRE (la société KONICA), déclarant venir aux droits de la SAS DACTYL BURO, conclut à la confirmation du jugement. Elle rappelle que sa demande principale se fonde sur l'article 4 des Conditions générales du contrat, qui stipule le paiement d'une indemnité en cas non seulement de résiliation, mais aussi entre autres de non utilisation de la machine. Elle déclare qu'elle a calculé la somme qu'elle demande conformément au contrat, sur la base de la moyenne mensuelle des six premiers mois d'utilisation, comme il résulte du décompte qu'elle a établi. Elle conteste d'ailleurs la demande de la société adverse de voir déclarer cette clause abusive, soulevant d'abord la prescription de cette demande, et contestant ensuite, surabondamment sur le fond, l'existence même d'une clause abusive : elle expose que l'immobilisation du matériel inutilisé, qui se déprécie rapidement, lui cause un préjudice important, qui exclut tout déséquilibre significatif entre les parties.

L'ordonnance de clôture, a été prononcée le 14 novembre 2019.

Il est renvoyé, pour l'exposé complet des demandes et observations des parties, à leurs dernières conclusions déposées le 5 et le 12 septembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Sur l'action en paiement de la société KONICA :

La clause en litige, figurant à l'article 4 des Conditions générales de maintenance, annexées au contrat du 24 mai 2012 et paraphées par les représentants des deux parties, est ainsi rédigée : « Une facturation minima sera fixée au terme des six premiers mois d'utilisation, basée sur la consommation moyenne de cette période. Les facturations suivantes ne sauraient être inférieures à celle fixée au terme des six premiers mois. La facturation sera également due en cas déménagement, de résiliation du contrat, de non utilisation de la machine ou en cas de rebut, jusqu'au terme du contrat ».

Cette clause, claire et explicite, met à la charge du client le versement d'une redevance jusqu'au terme du contrat en cas de résiliation, ou de non utilisation de la machine ; la SARL G., dans sa lettre du 12 mai 2016, informant la SAS DACTYL BURO que la machine objet du contrat n'était plus en fonctionnement depuis le 4 avril précédent, que son enlèvement était prévu en mai 2017, et que le relevé de copies que la société prestataire venait de recevoir resterait le dernier, a clairement exprimé sa volonté de mettre un terme aux relations entre les parties, et donc de résilier le contrat. Elle a d'ailleurs confirmé cette décision par une autre lettre du 25 mai 2016, en réponse à la demande de paiement de la société prestataire, en lui déclarant « par la présente la résiliation du contrat de maintenance à son échéance contractuelle en date du 23 août 2017 ».

La SAS DACTYL BURO était donc en droit, vu cette résiliation, de demander à la SARL G. paiement de la redevance en cause.

La société prestataire, après avoir d'abord calculé et demandé à la société cliente une indemnité de résiliation de 19 046,49 euros, fixée en application d'un autre article des Conditions générales (l'article 9), a réclamé en définitive à la SARL G. la redevance prévue à l'article 4, sur la base de la consommation moyenne des 6 premiers mois d'utilisation, multipliée par le nombre de mois restant à courir jusqu'au terme de la période contractuelle, soit une somme de 9 191,66 euros, indiquée dans sa lettre du 17 juin 2016. La société KONICA explicite le mode de calcul de cette somme, fixée sur la base de la consommation moyenne des six premiers mois : 1 900 copies noir et blanc par mois en moyenne mensuelle, et 7 543 copies couleur. Ces derniers chiffres sont conformes au relevé historique d'utilisation que produit la société intimée, et qui mentionne que la SARL G. a réalisé pendant les six premiers mois 11 403 copies noir et blanc et 45 258 copies couleur, chiffres non contestés de manière argumentée par la SARL G., et qui révèlent des moyennes mensuelles de 11 403 : 6 = 1 900 et de 45 258 : 6 = 7 543 copies (pièce n° 6 de la SAS DACTYL BURO).

La SARL G. ne conteste pas que les prix unitaires, que la SAS DACTYL BURO a appliqués à ces consommations pour fixer la redevance en cause (0,006017 euros par copie noir et blanc, 0,0549 euros par copie couleur), étaient conformes à ceux pratiqués pendant les six premiers mois du contrat, de sorte que la moyenne mensuelle facturée s'établit à 11,43 et à 414,11 euros hors taxe par mois, comme énoncé dans la lettre du 17 juin 2016 ; il s'ensuit que la SAS DACTYL BURO était en droit de demander paiement de la redevance, calculée sur cette base mensuelle, rapportée aux dix-huit mois qui restaient à courir, entre le dernier relevé concernant le mois de mars 2016, et le terme du contrat en août 2017.

La SARL G. ne fait d'ailleurs état ni d'un manquement de la société prestataire à ses obligations, ni d'un cas de force majeure qui l'aurait empêchée de faire usage de la machine et de poursuivre l'exécution du contrat ; c'est à bon droit que le tribunal l'a condamnée à payer l'indemnité en cause, appliquée conformément au contrat. Le jugement sera confirmé de ce chef.

 

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SARL G. :

L'article L. 442-6-I-2° ancien du code de commerce, invoqué par la SARL G., dispose que tout producteur, commerçant ou industriel engageait sa responsabilité, s'il soumettait ou tentait de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Le tribunal de commerce de Cusset a implicitement rejeté la demande de dommages et intérêts que la SARL G. avait déjà présentée devant lui, au motif du caractère abusif de la clause de résiliation en litige : le tribunal, sans statuer expressément sur ce chef de demande dans le dispositif du jugement, a énoncé en revanche dans les motifs que la SARL G. ne justifiait pas d'un préjudice quelconque et qu'il n'y avait pas lieu à dommages et intérêts.

Cependant selon l'article L. 442-6-III ancien du code de commerce, devenu l'article L. 442-4 du même code, les litiges relatifs à l'application de l'article L. 442-6 ancien sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret ; l'article D. 442-3 du code de commerce, issu du décret du 11 novembre 2009, fixe la liste des juridictions de première instance appelées à connaître de ces litiges, et désigne la cour d'appel de Paris pour connaître des appels des décisions rendues par ces juridictions.

Le tribunal de commerce de Cusset ne figure pas parmi les juridictions de première instance pouvant connaître des litiges portant sur l'application de l'article L. 442-6 III du code de commerce ; ce tribunal n'avait donc pas le pouvoir de statuer sur le moyen de défense tiré par la SARL G. du caractère abusif de la clause du contrat en litige.

Il appartient à la présente cour d'appel, bien qu'elle ne soit pas juridiction d'appel en la matière, de relever d'office l'excès de pouvoir commis par le tribunal de commerce, qui a statué sur une demande échappant à son pouvoir juridictionnel (Cass. com. 29 mars 2017, pourvoi n° 15-24241).

Au vu de cet excès de pouvoir, il y a lieu de rejeter comme irrecevable la demande de dommages et intérêts formée pour ce motif par la société appelante.

Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il est conforme à l'équité d'allouer à la SAS DACTYL BURO une somme de 1.500 euros pour les frais d'instance irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et par ceux non contraires des premiers juges :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à la disposition des parties au greffe de la juridiction ;

Déclare irrecevable la demande de dommages et intérêts présentée par la SARL Imprimerie G. ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SARL Imprimerie G. à payer à la SAS KONICA MINOLTA BUSINESS SOLUTIONS CENTRE LOIRE une somme de 1.500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la SARL Imprimerie G. aux dépens d'appel.

Le Greffier,                           Le Président,