CA ANGERS (ch. civ. A), 29 septembre 2020
CERCLAB - DOCUMENT N° 8576
CA ANGERS (ch. civ. A), 29 septembre 2020 : RG n° 17/00805
Publication : Jurica
Extrait : « Le contrat dont se prévaut l'appelante est un contrat garantie accident, l'objet du contrat défini aux conditions particulières produites par celle-ci étant une « assurance en cas d'accident corporel dans le cadre de la vie privée », ce contrat couvrant l'accident survenu au « sociétaire, son conjoint (tel que défini aux conditions générales) et toute personne à sa charge vivant de façon habituelle sous son toit. »
En application de ce contrat, Mme X. Y. est en droit d'obtenir diverses indemnisations du fait du décès de son conjoint, si celui-ci est intervenu de manière accidentelle.
Or, la notion d'accident nécessite un acte fortuit et non volontaire. C'est d'ailleurs cette définition qui est reprise aux conditions générales de la police d'assurance qui stipulent que l'accident est une « Atteinte corporelle, non intentionnelle de la part de la victime, conséquence directe et certaine de l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure. »
Mme X. Y. ne saurait valablement se prévaloir de l'absence de communication de l'original du contrat signé pour soutenir que cette définition n'a pas été portée à sa connaissance alors que la condition de garantie relative au caractère accidentel du décès résulte de l'intitulé même des conditions particulières. Par ailleurs, la définition de l'accident comprise dans les conditions générales n'est que la reprise de la définition commune générale de la notion d'accident de sorte que les conditions générales n'ajoutent rien aux conditions particulières. […]
En conséquence, la collision ayant conduit au décès de M. Y. n'était pas accidentelle mais volontaire de sorte que la garantie souscrite ne trouve pas à s'appliquer. Le jugement déféré ayant débouté Mme X. Y. de l'ensemble de ses demandes sera en conséquence confirmé. »
COUR D’APPEL D’ANGERS
CHAMBRE A CIVILE
ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2020
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 17/00805. N° Portalis DBVP-V-B7B-EDBE. Jugement du 10 avril 2017, Tribunal de Grande Instance d'ANGERS, n° d'inscription au R.G. de première instance 15/02459.
APPELANTE :
Madame X. veuve Y.
prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure N. Y., [...], [...] (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ANGERS), Représentée par Maître Noura A. L., avocat au barreau d'ANGERS
INTIMÉE :
Compagnie d'assurance MACIF prise en la personne de son représentant légal
[...], [...], Représentée par Maître Jean-Pierre B., avocat au barreau d'ANGERS
COMPOSITION DE LA COUR : Par avis de procédure sans audience (article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020) du 19 mai 2020, à laquelle les avocats ne se sont pas opposés, l'affaire a été mise en délibéré au 29 septembre 2020.
La Cour composée de : Madame SOCHACKI, Président de chambre, Madame BEUCHEE, Conseiller, Madame DE LA ROCHE SAINT ANDRE, Vice-président placé, a statué ainsi qu'il suit.
Greffier lors du prononcé : Madame LEVEUF
ARRÊT : contradictoire ; Prononcé publiquement le 29 septembre 2020 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Geneviève SOCHACKI, Président de chambre, et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu le jugement, frappé du présent appel, rendu le 10 avril 2017 par le tribunal de grande instance d'Angers, qui a :
- débouté Mme X. Y. de ses demandes,
- condamné Mme X. Y. aux dépens,
- dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire ;
Vu la déclaration d'appel total du 14 avril 2017 de Mme X. Y., agissant en son nom propre et ès qualités de représentant légal de sa fille à l'encontre de la compagnie d'assurances MACIF ;
[*]
Vu les dernières conclusions de Mme X. Y., agissant en son nom propre et ès qualités de représentant légal de sa fille N. Y., appelant, en date du 18 février 2020, et tendant, au visa des articles 6, 108, 1119 du code civil, du code général des impôts, de l'article L. 132-1 du code de la consommation, du code des assurances, de la loi du 10 juillet 1991, à :
- dire et juger son appel recevable et bien fondé et en conséquence,
- réformer le jugement dont appel,
- déclarer la clause litigieuse nulle,
- à tout le moins la déclarer inapplicable,
- dire que le décès de M. Y. est accidentel,
- dire que les garanties du contrat RPFA, régime de prévoyance familiale accident, sont applicables,
- condamner la compagnie d'assurances MACIF au paiement des sommes suivantes :
* 89.861 euros à son bénéfice personnel,
* 4.128 euros au titre de la rente annuelle en sa qualité de représentant légal de sa fille,
* 2.929 euros au titre du remboursement des frais d'obsèques,
- condamner la compagnie d'assurances MACIF aux entiers dépens et à payer, en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique, une somme de 4.000 euros ;
[*]
Vu les dernières conclusions de la compagnie d'assurances MACIF, intimée, en date du 17 février 2020, tendant, au visa des articles 215 alinéa 1 et 1315 du code civil, 700 du code de procédure civile, à :
A titre principal en cause d'appel,
- dire et juger en cause d'appel que le décès de M. Y. le 9 avril 2014 ne résulte pas de faits accidentels mais volontaires,
- en conséquence, dire et juger que les garanties du contrat régime de prévoyance familiale accident litigieux ne sont pas applicables au décès de M. Y.,
- débouter Mme X. Y., agissant en son nom personnel et ès qualités de représentante légale de sa fille mineure N., de ses entières demandes comme étant irrecevables et non fondées,
A titre subsidiaire et infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- débouter Mme X. Y. agissant en son nom personnel et en tant que représentant légal de sa fille N., de toutes ses prétentions et demandes en cause d'appel,
Dans tous les cas,
- condamner Mme X. Y. à lui payer la somme de 4.800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Mme X. Y. aux entiers dépens ;
[*]
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 19 février 2020 ;
Vu la suppression de l'audience du 30 mars 2020 selon décision de M. le premier président de la cour d'appel d'Angers en date du 16 mars 2020 compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l'article 4 de la loi 2020-290 du 23 mars 2020 et l'orientation de l'affaire vers la procédure sans audience par application des dispositions des articles 4 et 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété ;
Vu l'absence d'opposition des parties suite à l'avis de procédure sans audience transmis le 19 mai 2020 ;
Vu les dossiers déposés par les parties ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur quoi, la cour :
Mme X. Y., alors épouse de M. Mouad F., a souscrit auprès de la compagnie d'assurances MACIF un contrat de garantie accident dit « Régime de Prévoyance Familiale Accident », à compter du 7 novembre 2012 et jusqu'au 31 mars 2016, avec renouvellement annuel automatique.
Le 9 avril 2014, M. Y. a percuté le véhicule de Mme X. Y. et est décédé des suites de cette collision.
Mme X. Y. a sollicité de la compagnie d'assurances MACIF le versement prévu en cas de décès du conjoint. La compagnie d'assurances MACIF a refusé ce versement par courrier du 23 juillet 2014, considérant que le versement n'était dû que lorsque le conjoint vivait sous le même toit de façon constante avec le sociétaire, ce qui n'était pas le cas de M. Y.
Par acte d'huissier du 24 juillet 2015, Mme X. Y., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de sa fille mineure N. Y. a fait assigner la compagnie d'assurances MACIF devant le tribunal de grande instance d'Angers d'une demande en paiement du capital décès, de la rente annuelle au profit de sa fille N. et de remboursements des frais d'obsèques.
Par le jugement déféré, le tribunal a notamment retenu que le contrat prévoyait de manière claire que le bénéfice du capital décès était conditionné au fait que la personne décédée soit le conjoint de l'assuré et qu'il y ait entre eux une cohabitation effective ; que Mme X. Y. était séparée de son époux de sorte que c'est à bon droit que l'assureur avait refusé le versement des sommes sollicitées.
Le 14 avril 2017, Mme X. Y. a interjeté appel total de la décision.
L'affaire a été retenue à l'audience du 2 septembre 2019 et, par arrêt avant-dire droit du 22 octobre 2019, la présente cour a ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur la demande d'exécution du contrat régime de prévoyance familiale accident présentée par Mme X. Y. eu égard aux circonstances ayant mené au décès de son époux.
Au soutien de ses prétentions, Mme X. Y. fait valoir que le contrat prévoyait une assurance en cas de décès du conjoint ; que la clause limitant l'indemnisation de ce décès au conjoint avec lequel il existe une vie commune doit être déclarée nulle alors qu'elle est contraire à l'ordre public lequel prévoit que la communauté de vie des époux peut n'être qu'occasionnelle.
Elle ajoute qu'il s'agit d'une condition d'exclusion de garantie trop imprécise et générale ; que les conditions générales de l'assurance exigeant une communauté de vie constante sont en contradiction avec celles précisant qu'il ne doit pas y avoir de séparation de corps ou de fait ; que cette exclusion de garantie doit donc être annulée.
Elle soutient que la clause lui imposant de rapporter la preuve du contenu du contrat d'assurance est abusive en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation ; qu'il appartenait à la compagnie d'assurances MACIF de rapporter la preuve de la communication des conditions générales d'assurance ; qu'en conséquence cette clause n'est pas applicable.
Elle ajoute que l'assureur ne démontre pas lui avoir communiqué cette clause qui lui est donc inopposable.
Elle répond que la compagnie d'assurances MACIF ne démontre pas une absence de vie commune qui ne saurait résulter de la seule situation d'adultère ; qu'en réalité les époux avaient encore déclaré un domicile commun en 2014 ; que c'est son père qui s'est chargé d'organiser les obsèques de son époux ; qu'elle-même gérait les formalités administratives d'obtention d'un titre de séjour pour son époux ; qu'aucune procédure de divorce n'était engagée ; que la situation due aux violences qu'elle subissait constitue un cas de force majeure.
Elle soutient qu'aucune clause du contrat ne prévoyait d'exclusion dans le cas où la personne décédée est à l'origine de l'accident ; qu'une telle exclusion serait d'ailleurs nulle ; que c'est elle qui est bénéficiaire de la garantie et qu'elle n'est pas à l'origine de l'accident ; qu'il n'y a pas de faute intentionnelle de M. Y. dont il n'est pas démontré qu'il ait voulu les conséquences de l'accident à savoir son propre décès.
Elle répond que les sommes qu'elle réclame ne constituent pas des estimations mais les sommes que l'assureur s'était engagé à verser.
Au soutien de ses prétentions, la compagnie d'assurances MACIF indique que la mort de M. Y. n'est pas accidentelle mais résulte de faits volontaires ; qu'en effet M. Y. a provoqué lui-même la collision ; que dans ces conditions la garantie ne trouve pas à s'appliquer.
Elle ajoute que la garantie décès ne jouait que pour un conjoint avec lequel il existait une cohabitation effective ; que les termes du contrat sont parfaitement clairs et valides. Elle fait valoir que la notion de cohabitation effective ainsi imposée est en conformité avec la loi et la jurisprudence en application de l'article 215 alinéa 1 du code civil ; qu'en l'espèce il y a eu une réelle séparation suite aux violences conjugales, situation qui diffère de celle dans laquelle les conjoints ont deux domiciles distincts pour des raisons professionnelles. Elle répond que cette clause de garantie est valide dès lors qu'il n'existe aucune discordance entre les clauses particulières et générales ; que les dispositions de l'article 1119 du code civil n'ont donc pas vocation à s'appliquer ; que la clause est conforme aux règles de droit en vigueur.
Elle ajoute que Mme X. Y. ne saurait valablement solliciter l'application de la garantie tout en excluant certaines clauses du contrat, qui forme un tout.
Elle soutient qu'en application de l'article 1315 du code civil c'est à Mme X. Y. qui se prétend garantie par le contrat de prouver l'existence et le contenu de ce contrat ; que peu importe que les documents qu'elle produit n'aient pas été signés par celle-ci dès lors que c'est elle qui demande l'application de ce contrat ; que Mme X. Y. a eu connaissance des conditions générales et particulières du contrat alors que les clauses particulières comportaient une clause de renvoi aux conditions générales.
Elle répond qu'il est établi que Mme X. Y. était séparée de son époux depuis le 1er janvier 2014 comme démontré par les éléments du dossier ; que l'avis d'imposition est indifférent alors que juridiquement le couple était toujours marié ; qu'elle se prévaut de la situation de fait marqué par une absence de cohabitation pour conclure que la garantie ne s'applique pas.
Elle ajoute que les montants sollicités ont été établis dans le cadre d'une étude personnalisée, qui ne constitue pas un document contractuel ; que les montants prévus ne peuvent être établis qu'avec les justificatifs de revenus qui n'ont jamais été adressés par Mme X. Y. ; qu'en conséquence elle ne peut qu'être déboutée de ses demandes.
Sur l'application de la garantie décès :
Le contrat dont se prévaut l'appelante est un contrat garantie accident, l'objet du contrat défini aux conditions particulières produites par celle-ci étant une « assurance en cas d'accident corporel dans le cadre de la vie privée », ce contrat couvrant l'accident survenu au « sociétaire, son conjoint (tel que défini aux conditions générales) et toute personne à sa charge vivant de façon habituelle sous son toit. »
En application de ce contrat, Mme X. Y. est en droit d'obtenir diverses indemnisations du fait du décès de son conjoint, si celui-ci est intervenu de manière accidentelle.
Or, la notion d'accident nécessite un acte fortuit et non volontaire. C'est d'ailleurs cette définition qui est reprise aux conditions générales de la police d'assurance qui stipulent que l'accident est une « Atteinte corporelle, non intentionnelle de la part de la victime, conséquence directe et certaine de l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure. »
Mme X. Y. ne saurait valablement se prévaloir de l'absence de communication de l'original du contrat signé pour soutenir que cette définition n'a pas été portée à sa connaissance alors que la condition de garantie relative au caractère accidentel du décès résulte de l'intitulé même des conditions particulières. Par ailleurs, la définition de l'accident comprise dans les conditions générales n'est que la reprise de la définition commune générale de la notion d'accident de sorte que les conditions générales n'ajoutent rien aux conditions particulières.
En l'espèce, le dossier pénal produit par l'assureur fait apparaître que c'est volontairement que M. Y. a percuté le véhicule dans lequel se trouvait Mme X. Y. ainsi que mentionné dans le procès-verbal de transport des constatations et des mesures prises et dans le compte rendu d'enquête. Mme X. Y. était elle-même formelle sur ce point lors de son audition du 10 avril 2010 au cours de laquelle elle a indiqué que M. Y. n'était pas d'accord avec leur séparation, qu'au moment des faits M. Y. qui la suivait en voiture l'avait percutée à un feu ; qu'il avait ensuite fait marche arrière et l'avait à nouveau percutée ; qu'elle avait démarré au feu vert et qu'il l'avait poursuivie en continuant à la percuter par l'arrière ; qu'il l'avait ensuite percutée par le côté puis qu'il l'avait percutée une dernière fois par l'arrière, que son véhicule s'était alors soulevé et avait été projeté dans l'abri de bus. Cette version était confirmée par le passager du véhicule M. Z.
Il est indifférent que M. Y., lors de son action initiale visant à percuter le véhicule de Mme X. Y., n'ait pas nécessairement souhaité se tuer lui-même dès lors que cet acte est volontaire et que c'est suite à cette collision que le véhicule a « fini sa course dans la façade d'une maison », ainsi que mentionné dans la description des faits de la police (Pièce 3/3) et que M. Y. est décédé.
En conséquence, la collision ayant conduit au décès de M. Y. n'était pas accidentelle mais volontaire de sorte que la garantie souscrite ne trouve pas à s'appliquer. Le jugement déféré ayant débouté Mme X. Y. de l'ensemble de ses demandes sera en conséquence confirmé.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
Mme X. Y. succombant, elle a été valablement condamnée aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile de sorte que la décision en ce sens sera confirmée et la cour, y ajoutant, la condamnera aux dépens de la procédure d'appel et rejettera sa demande sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique.
L'équité commande par ailleurs de débouter la compagnie d'assurances MACIF de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Y ajoutant,
Condamne Mme X. Y. aux entiers dépens d'appel lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle ;
Déboute Mme X. Y. de sa demande sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;
Déboute la compagnie d'assurances MACIF de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
C. LEVEUF G. SOCHACKI