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CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 25 novembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 25 novembre 2020
Pays : France
Juridiction : Montpellier (CA), 4e ch. civ.
Demande : 17/04606
Date : 25/11/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/08/2017
Référence bibliographique : 6638 (prêt immobilier, TEG)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8660

CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 25 novembre 2020 : RG n° 17/04606 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « L'article L. 312-33 du code de la consommation applicable aux faits, indique que le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l'article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l'article L. 312-26 pourra être déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Et il s'évince des dispositions de cet article dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, que la seule sanction civile possible de l'inobservation de ces dispositions est la perte, en totalité ou partie, du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, cette déchéance étant une sanction civile dont la loi laisse à la discrétion du juge tant l'application que la détermination.

Alors que ces dispositions sont d'ordre public, l'erreur entachant le taux effectif global d'un prêt immobilier peut être donc sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels dans la proportion laissée à l'appréciation du juge, sans qu'il soit possible, en cette matière, de fonder utilement une action de nullité du TEG sur le fondement des dispositions de l'article 1907 du code civil.

En effet, en vertu du principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales, et dès lors que la nullité automatique est une sanction plus sévère que la déchéance (laquelle peut être totale mais aussi partielle), les dispositions de droit spécial du code de la consommation seraient vidées de leur sens si l'on pouvait les contourner pour se fonder sur les dispositions générales du code civil.

Dès lors seule l'action en déchéance du droit aux intérêts est donc ouverte. »

2/ « Si l'article L. 312-33 du code de la consommation indique que le prêteur pourra être déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, cependant l'omission du taux de période ne permet nullement de préjuger de l'inexactitude du TEG mentionné par le contrat. En effet, puisqu'en matière de crédit immobilier où la périodicité est celle du mois normalisé de 365/12, le TEG annuel est obtenu en multipliant le taux de période par 12 mois, de sorte que le taux de période peut tout aussi facilement être obtenu en divisant le TEG par 12.

Et l'absence de communication du taux de période ne peut, par extension, être assimilée à une absence de fixation du taux nominal ou du TEG, et ne peut donc être sanctionnée comme telle. En effet, l'absence de communication du taux de période n'affecte pas en elle-même la validité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, et la communication du taux de période n'est donc pas une condition de validité de la stipulation du TEG, le taux de période n'ayant qu'une utilité probatoire permettant de vérifier, au regard du tableau d'amortissement pour chaque échéance, que le taux appliqué correspond bien à 1/12ème du TEG.

Ainsi, le défaut de mention du taux de période en l'espèce ne peut donc pas faire l'objet d'une sanction de déchéance des intérêts conventionnels, et c'est donc à tort que le premier juge a substitué l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel. »

 

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 17/04606. N° Portalis DBVK-V-B7B-NJN6. Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 AOUT 2017, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN : R.G. n° 16/01635.

 

APPELANTE :

Société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE

[...], [...], Représentée par Maître Julien C. substituant Maître Philippe C.-H., avocat postulant et plaidant, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...], Représenté par Maître Grégory A., avocat postulant ayant plaidé, avocat au barreau de MONTPELLIER et par Maître Sonia D., avocat plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

Madame Y. épouse X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...], Représentée par Maître Grégory A., avocat postulant ayant plaidé, avocat au barreau de MONTPELLIER et par Maître Sonia D., avocat plaidant, avocat au barreau d'AVIGNON

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 OCTOBRE 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Frédéric DENJEAN, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, M. Frédéric DENJEAN, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme Henriane MILOT

ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTION DES PARTIES :

Suivant un acte authentique en date du 3 juillet 2006 monsieur X. et madame Y. épouse X. ont acquis une propriété à usage agricole et d'habitation située à [ville R.] (Pyrénées Orientales) moyennant le prix de 315.000 €, et ils ont emprunté auprès de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE selon offre de prêt émise le 15 mai 2006 et acceptée le 26 juin 2006 le montant en capital de 155.000 € remboursable sur 180 mois au taux nominal fixe de 3,50 % et au taux effectif global de 4,1382 % l'an.

Par assignation du 15 mars 2016 les emprunteurs ont sollicité la nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel en application des articles 1147 et 1907 du Code civil, et L. 312-7 et suivants, L. 313-1 et suivants, R. 313-1 et R. 132-1 du Code de la consommation, de voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, de voir ordonner la substitution de l'intérêt au taux légal en vigueur au jour de la souscription du crédit immobilier, et de voir ordonner la restitution des intérêts trop perçus.

Par jugement en date du 17 août 2017 le tribunal de grande instance de PERPIGNAN a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité de la stipulation contractuelle relative aux intérêts conventionnels, soulevée par la banque, a déclarée l'action des emprunteurs recevables, a constaté que les emprunteurs présentent à titre subsidiaire une demande tendant à voir prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt litigieux à hauteur du taux d'intérêt légal de l'année 2006 depuis la souscription du prêt ; a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, a condamné la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE à restituer à monsieur X. et madame Y. les intérêts conventionnels indûment perçus correspondant à la différence entre les intérêts au taux contractuel indus et les intérêts au taux légal en vigueur en 2006 dus depuis la dernière échéance de remboursement du prêt soit le 10 août 2006, a dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, a dit que la banque devra établir un avenant au contrat de prêt et un nouveau tableau d'amortissement intégrant le taux légal en vigueur en 2006 en lieu et place du taux conventionnel, a dit n'y avoir lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte, a débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires, a dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire, a condamné la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE prise en la personne de son représentant légal à payer à monsieur X. et madame Y. la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens de l'instance, et a accordé à Maître Arnaud T. avocat le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En date du 22 août 2017 la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE a interjeté un appel total.

En date du 27 septembre 2017 la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE a établi un décompte de remboursement anticipé arrêté au 27 septembre 2017 mentionnant un capital remboursé par anticipation de 29.768,63 €, dont le règlement a été effectué par monsieur X. et madame Y. épouse X. par versement en date du 27 septembre 2017 sur leur compte chèque ouvert dans cette banque.

[*]

Vu les conclusions en date du 4 novembre 2019 de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE, auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif, aux fins à titre principal de constater que les époux X. ont volontairement et sans réserve exécuté le prêt litigieux, et d'infirmer par conséquent le jugement entrepris en ce qu'il les a déclaré recevables en leur action; jugeant à nouveau dire et juger les époux X. irrecevables en leur action eu égard à l'exécution volontaire et intégrale de l'acte de prêt, en tant que de besoin infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action et l'a dite recevable, et jugeant à nouveau de dire l'action prescrite ; à titre subsidiaire, sur le taux effectif global, dire que le taux effectif global ne peut être sanctionné par la nullité de la stipulation d'intérêt, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que le coût des parts sociales et les intérêts intercalaires devaient être inclus dans le calcul du taux effectif global, dire et juger que le taux effectif global n'est pas erroné, et confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'erreur affectant prétendument le taux effectif global est inférieure à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du Code de la consommation et débouté les époux X. de leurs demandes de ce chef ; sur le taux de période, infirmer le jugement entrepris, dire que l'omission du taux de période ne peut être sanctionnée et débouter par conséquent les époux X. de leurs demandes de ce chef ; à titre subsidiaire sur ce point dire que la sanction encourue ne peut être que la déchéance partielle du droit aux intérêts et dire qu'aucun préjudice ne résulte de l'omission du taux de période ; à titre très subsidiaire sur ce point dire que l'omission du taux de période ne peut consister qu'en la perte d'une chance de ne pas contracter, et que l'indemnisation ne peut être égale aux intérêts conventionnels dus au prêteur en vertu du contrat de prêt, et réduire par conséquent les prétentions des époux X. à de plus justes proportions ; sur le calcul des intérêts infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les intérêts ont été calculés sur la base de l'année lombarde et dire que les intérêts ont été calculés selon les modalités prescrites par les dispositions du code de la consommation et notamment la notion de mois normalisé, dire que les époux X. ne démontrent pas que les intérêts auraient été calculés sur la base de l'année lombarde et dire le cas échéant que la sanction applicable n'est pas la nullité de la stipulation d'intérêt, et débouter les époux X. de leurs demandes de ce chef ; en tout état de cause sur ce point confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'erreur affectant prétendument le taux effectif global est inférieure à la décimale prescrite par l'article R. 313-1 du code de la consommation et débouter les époux X. de leurs demandes de ce chef ; en toutes hypothèses condamner solidairement monsieur X. et madame Y. épouse X. à payer la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de l'instance.

[*]

Vu les conclusions en date du 13 novembre 2018 de monsieur X. et madame Y. épouse X., auxquelles il est expressément référé pour complet exposé des motifs et du dispositif, aux fins de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé recevable et bien fondée l'action introduite par les époux X., a condamné la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE à restituer à monsieur X. et madame Y. les intérêts conventionnels indûment perçus correspondant à la différence entre les intérêts au taux contractuel indus et les intérêts au taux légal en vigueur en 2006 dus depuis la dernière échéance de remboursement du prêt soit le 10 août 2006, et à payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et les entiers dépens de l'instance ; statuant de nouveau, prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels et la substitution de l'intérêt au taux légal en vigueur au jour de la souscription du crédit immobilier en 2006 depuis la souscription du prêt jusqu'à la date de remboursement anticipé du prêt, et ordonner la restitution de la somme de 18.252,22 € correspondant aux intérêts trop perçus arrêtés à la date du 20 janvier 2016 ; à titre subsidiaire sur la sanction applicable, de prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels du prêt litigieux à hauteur du taux d'intérêt légal de l'année 2006 depuis la souscription du prêt querellé jusqu'à la date de remboursement anticipé du prêt, d'ordonner la restitution de la somme de 18.252,22 € correspondant aux intérêts trop perçus arrêtés à la date du 20 janvier 2016 (somme à parfaire) ; en tout état de cause, débouter la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE de toutes ses demandes, fins et conclusions, ordonner l'exécution provisoire, et condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL SUD MÉDITERRANÉE à payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Grégory A. avocat sur son affirmation de droit.

[*]

Vu l'ordonnance de clôture en date du 19 décembre 2019.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

SUR L'EXÉCUTION DE L'ACTE DE PRÊT :

Aux termes de l'article 1182 du Code civil l'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation, et la confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés.

En l'espèce les époux X. ont réglé volontairement à la banque la somme de 29.768,63 € le 27 septembre 2017, donc postérieurement à l'appel diligentée par celle-ci le 22 août 2017 contre le jugement de premier ressort du 17 août 2017 leur ayant donné gain de cause concernant le non-paiement des intérêts au taux conventionnel.

Or ce versement n'a constitué qu'un règlement spontané du seul capital restant dû au mois de septembre 2017, comme il ressort du tableau d'amortissement produit aux débats en pièce 7 par la banque, mais nullement l'exécution volontaire des intérêts au taux conventionnel déjà contesté.

Dès lors la prêteuse ne peut prétendre que la totalité du prêt dont les intérêts conventionnels a été réglée de façon volontaire par les emprunteurs, alors même que ceux-ci lui avaient déjà réclamé préalablement au versement du solde du capital restant dû, et de façon non équivoque, le remboursement de la totalité des intérêts déjà versés au taux conventionnel en sus du capital, ces derniers n'ayant alors pas renoncé de manière expresse à leur contestation du paiement des intérêts au taux conventionnel, toujours d'actualité du fait de cet appel.

Dès lors la demande de la banque de dire les époux X. irrecevables en leur action, eu égard à l'exécution volontaire et intégrale de l'acte de prêt prétendue volontaire, mais ce qui est inexact, sera donc rejetée.

 

SUR LA PRESCRIPTION :

L'article 1304 ancien du code civil applicable aux faits, mentionne que dans tous les cas où l'action en nullité d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ainsi, en cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou lorsque tel n'est pas le cas, la date de la révélation de celle-ci à l'emprunteur.

Et il convient d'établir que les consommateurs disposaient des compétences financières nécessaires pour leur permettre de déceler par eux-mêmes, à la simple lecture de l'acte de prêt, les erreurs affectant le calcul du TEG.

De même, le délai de l'action en nullité pour erreur ne court que du jour où cette erreur a été découverte, et non simplement soupçonnée.

En l'espèce, si l'analyse financière faite le 9 février 2016 par monsieur Z. analyste financier, et versée contradictoirement aux débats par les emprunteurs, mentionne que le taux effectif global revendiqué par le prêteur déroge aux conditions posées et s'en trouve de ce fait erroné, cependant ce taux effectif global a bien été mentionné dans l'offre de prêt signée, à l'inverse du taux de période qui lui n'a nullement été indiqué dans cette convention.

Or si cette absence apparaît à la simple lecture de l'offre de prêt immobilier signée par les emprunteurs, et que l'examen de la convention est susceptible de révéler l'absence de taux de période, ce n'est néanmoins pas le cas concernant l'erreur affectant le TEG dont l'inexactitude n'apparaissait pas à la seule lecture de cette offre de prêt.

Ainsi, les emprunteurs qui ne sont pas professionnels de la banque, mais seulement technicien aéronautique pour l'emprunteur et sans emploi pour l'emprunteuse, n'ont nécessairement pas disposé des compétences financières nécessaires pour leur permettre de déceler par eux-mêmes, à la simple lecture de l'acte de prêt, les éventuelles erreurs affectant le calcul du TEG, puisque l'intervention d'un tiers ayant les compétences pour réaliser les opérations mathématiques complexes a été nécessaire pour vérifier le calcul du TEG présenté par la banque.

Dès lors le juge de premier ressort qui a justement constaté que ni l'acte notarié, ni les conditions particulières de l'offre de prêt acceptée par les emprunteurs ne pouvaient permettre à ces derniers de s'interroger sur le mode de calcul du taux effectif global, a valablement précisé que seules les investigations effectuées par la société d'expertises et d'analyses mandatée par les demandeurs ont permis à ces derniers de se convaincre des irrégularités qu'ils invoquent, et a donc conformément décidé que l'action engagée n'est pas prescrite et recevable.

 

SUR L'ACTION EN NULLITÉ :

L'article L. 312-33 du code de la consommation applicable aux faits, indique que le prêteur qui ne respecte pas l'une des obligations prévues aux articles L. 312-7 et L. 312-8, à l'article L. 312-14, deuxième alinéa, ou à l'article L. 312-26 pourra être déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Et il s'évince des dispositions de cet article dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 mars 2014, que la seule sanction civile possible de l'inobservation de ces dispositions est la perte, en totalité ou partie, du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, cette déchéance étant une sanction civile dont la loi laisse à la discrétion du juge tant l'application que la détermination.

Alors que ces dispositions sont d'ordre public, l'erreur entachant le taux effectif global d'un prêt immobilier peut être donc sanctionnée exclusivement par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts conventionnels dans la proportion laissée à l'appréciation du juge, sans qu'il soit possible, en cette matière, de fonder utilement une action de nullité du TEG sur le fondement des dispositions de l'article 1907 du code civil.

En effet, en vertu du principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales, et dès lors que la nullité automatique est une sanction plus sévère que la déchéance (laquelle peut être totale mais aussi partielle), les dispositions de droit spécial du code de la consommation seraient vidées de leur sens si l'on pouvait les contourner pour se fonder sur les dispositions générales du code civil.

Dès lors seule l'action en déchéance du droit aux intérêts est donc ouverte.

 

SUR LE TAUX EFFECTIF GLOBAL :

L'article L. 313-1 du code de la consommation dispose que, dans tous les cas, pour la détermination du taux effectif global du prêt, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.

Et l'article R. 313-1 du même code précise que le résultat du calcul est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale.

Or en l'espèce, comme l'a justement motivé le premier juge, il apparaît au regard du rapport d'analyse mathématique produit par les demandeurs, que l'erreur engendrée par la non intégration ni des frais de souscription des parts sociales ni des intérêts intercalaires, reste cependant nettement inférieure à la décimale prescrite par l'article ci-dessus rappelé, puisque le taux effectif global en intégrant ces postes est de 4,1544 % alors que le taux mentionné par le prêteur est de 4,1382 %.

Ainsi le premier juge a valablement indiqué que dans ces conditions, l'exigence de précision d'au moins une décimale posée par R. 313-1 du Code de la consommation est respectée.

 

SUR LE CALCUL DES INTÉRÊTS :

En application des dispositions du code de la consommation applicable au litige, le taux d'intérêt conventionnel doit être mentionné par écrit dans l'acte de prêt consenti à un consommateur et doit, comme le taux effectif global, être calculé sur la base d'une année civile.

Et si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non contradictoire réalisée à la demande de l'une des parties.

Or en l'espèce, les emprunteurs se contentent de produire un document qui déduit, par extrapolation d'une base de calcul des intérêts sur une année dite lombarde, mais sans pour autant démontrer nullement que l'application d'un diviseur 360, ce qui est en sus contestée par la banque, a eu une incidence sur le montant des intérêts dus, dès lors qu'ils sont décomptés mensuellement et non jour par jour comme il ressort du contrat de prêt.

Ainsi, la seule analyse financière produite par les emprunteurs ne peut suffire à valoir de preuve selon laquelle le taux effectif global aurait été calculé sur la base d'une année bancaire de trois cent soixante jours, alors même qu'aucune clause de l'offre de crédit ne stipule le calcul de l'intérêt sur une telle base annuelle.

Dès lors ce moyen sera rejeté.

 

SUR LE TAUX DE PÉRIODE :

Si l'article L. 312-33 du code de la consommation indique que le prêteur pourra être déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, cependant l'omission du taux de période ne permet nullement de préjuger de l'inexactitude du TEG mentionné par le contrat.

En effet, puisqu'en matière de crédit immobilier où la périodicité est celle du mois normalisé de 365/12, le TEG annuel est obtenu en multipliant le taux de période par 12 mois, de sorte que le taux de période peut tout aussi facilement être obtenu en divisant le TEG par 12.

Et l'absence de communication du taux de période ne peut, par extension, être assimilée à une absence de fixation du taux nominal ou du TEG, et ne peut donc être sanctionnée comme telle.

En effet, l'absence de communication du taux de période n'affecte pas en elle-même la validité de la stipulation de l'intérêt conventionnel, et la communication du taux de période n'est donc pas une condition de validité de la stipulation du TEG, le taux de période n'ayant qu'une utilité probatoire permettant de vérifier, au regard du tableau d'amortissement pour chaque échéance, que le taux appliqué correspond bien à 1/12ème du TEG.

Ainsi, le défaut de mention du taux de période en l'espèce ne peut donc pas faire l'objet d'une sanction de déchéance des intérêts conventionnels, et c'est donc à tort que le premier juge a substitué l'intérêt légal à l'intérêt conventionnel.

En conséquence le jugement sera confirmé sur la recevabilité de l'action, et infirmé en ses autres dispositions.

L'article 696 du code de procédure civile énonce que la partie perdante est condamnée aux dépens ; il conviendra donc de condamner in solidum monsieur X. et madame Y. épouse X. qui succombent aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Selon l'article 700 du même code le Juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, et en l'espèce il n'apparait pas inéquitable de condamner in solidum monsieur X. et madame Y. épouse X. à payer la somme de 1.500 € sur ce fondement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant contradictoirement,

Rejette la demande d'irrecevabilité sur le fondement de l'exécution volontaire,

Confirme le jugement sur la recevabilité de l'action des emprunteurs,

Infirme le jugement en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

Déboute monsieur X. et madame Y. épouse X. de leurs demandes,

Condamne in solidum monsieur X. et madame Y. épouse X. aux entiers dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum monsieur X. et madame Y. épouse X. à payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER                                LE PRÉSIDENT