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CA AGEN (1re ch. civ.), 2 décembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA AGEN (1re ch. civ.), 2 décembre 2020
Pays : France
Juridiction : Agen (CA), 1re ch. civ.
Demande : 18/00817
Décision : 450-2020
Date : 2/12/2020
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 30/07/2018
Numéro de la décision : 450
Référence bibliographique : 5950 (domaine, assurance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8692

CA AGEN (1re ch. civ.), 2 décembre 2020 : RG n° 18/00817 ; arrêt n° 450-2020

Publication : Jurica

 

Extrait : « Mme X. invoque à tort les dispositions des articles L. 241-1 et R. 632-1 du code de la consommation, le contrat d'assurance qu'elle a souscrit étant une assurance pour les dommages nés de l'exercice de son activité professionnelle d'agricultrice et l'article liminaire du code de la consommation dispose que pour son application on entend par :

- consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; [...]

- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel.

Le tribunal a donc à juste titre fait application des conditions contractuelles pour évaluer l'indemnisation du préjudice de Mme X. »

 

COUR D’APPEL D’AGEN

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 2 DÉCEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/00817. Arrêt n° 450-2020. N° Portalis DBVO-V-B7C-CS6V.

LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,

 

ENTRE :

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité française, agricultrice, domiciliée : [...], [...], représentée par Maître Renaud D., avocat au barreau d'AGEN, APPELANTE d'un jugement du tribunal de grande instance d'AGEN en date du 23 janvier 2018, RG 16/00702, D'une part,

 

ET :

GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE

prise en la personne de ses représentants légaux demeurant audit siège [...], [...], [...], représentée par Maître Marie-Hélène T., membre de la SELARL AD-LEX, avocat au barreau d'AGEN, INTIMÉE, D'autre part

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été retenue le 22 juin 2020 sans audience en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, modifiée par l'ordonnance n° 2020-595 du 20 mai 2020, sans opposition dans le délai de quinze jours après message transmis aux conseils des parties par RPVA le 11 mai 2020.

La cour composée de : Claude GATÉ, Présidente de Chambre, Dominique BENON, Conseiller, Cyril VIDALIE, Conseiller, en a délibéré conformément à la loi,

Greffière : Lors des débats : Chantal BOILEAU, adjoint administratif faisant fonction

Lors de la mise à disposition : Nathalie CAILHETON

ARRÊT : prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Mme X., agricultrice, a souscrit auprès de la compagnie Groupama Centre Atlantique (ci-après dénommée Groupama), une assurance aux biens professionnels situés sur la commune de [ville F.], garantissant notamment le sinistre « événements naturels ».

Le 8 août 2014, la structure métallique de l'auvent du hangar de stockage de paille appartenant à Mme X. s'est rompue entraînant des dommages sur sa propriété.

Mme X. a déclaré ce sinistre auprès de sa compagnie d'assurances.

Les parties ont mandaté des cabinets d'experts différents qui ont rendu des conclusions divergentes.

Suivant ordonnance du 7 août 2015, Mme X., suite au refus de son assurance de l'indemniser, a obtenu en référé la désignation d'un expert judiciaire.

Ce dernier a déposé son rapport le 8 février 2016.

Par acte d'huissier du 24 mars 2016, Mme X. a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Agen la compagnie Groupama aux fins d'obtenir l'indemnisation de l'intégralité de son préjudice, soit une somme de 75.518,57 €, outre 5.000 € de dommages-intérêts pour résistance abusive et 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 23 janvier 2018, le tribunal a, avec exécution provisoire :

- dit que la compagnie Groupama doit sa garantie à Mme X.,

- condamné la compagnie Groupama à payer à Mme X. la somme de 17.541,66 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2016, date de l'assignation,

- débouté Mme X. de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné la compagnie Groupama à payer à Mme X. la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens en ce compris les frais d'expertise judiciaire,

- débouté la compagnie Groupama de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a notamment retenu qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire et des documents produits que la réalité de la tempête du 8 août 2014 est établie tout comme celle de vents supérieurs à 100 kilomètres/heure et que l'expert retient ces vents violents comme la cause unique du sinistre ; toutefois, l'estimation du coût des travaux par l'expert, qui n'est aucunement détaillée, ne peut être retenue, à l'inverse de l'évaluation du cabinet Polyexpert mandaté par la compagnie Groupama.

Par déclaration du 30 juillet 2018, Mme X. a relevé appel du jugement en ce que la compagnie Groupama a été condamnée à lui payer la somme de 17.541,66 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2016, et en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

 

PRÉTENTIONS ET MOYENS :

Aux termes de ses dernières conclusions du 15 avril 2019, conformes aux articles 910-4 et 954 du code de procédure civile, Mme X. demande à la Cour de réformer la décision déférée dans la limite de l'appel, débouter la compagnie Groupama de son appel incident et statuant à nouveau, condamner la compagnie Groupama à lui verser les sommes de :

- 141.540 € TTC à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de droit au taux légal à compter de la demande en justice ;

- 5.000 € au visa de l'article 1382 du code civil en réparation du préjudice subi par suite de sa résistance abusive ;

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens y compris les frais d'expertise judiciaire dont Mme X. a fait l'avance.

Elle fait valoir que :

- sur la garantie de la compagnie Groupama :

* par référence d'une part au principe selon lequel il y a lieu de prendre en considération la commune intention des parties contractantes plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes du contrat, et d'autre part à l’article L. 211-1 (anciennement L.133-2) du code de la consommation, la jurisprudence rappellent que « les clauses des contrats proposés par les professionnels aux non-professionnels et consommateurs doivent être présentées et rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute, elles s'interprètent dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel » : en l'espèce, la clause est ambigüe et peu claire s'agissant « des constructions ou couverture de qualité comparable à celles des bâtiments » ;

* cette clause qui a l'apparence d'une clause de condition de la garantie constitue en réalité au vu de l'interprétation qu'en fait Groupama, une exclusion de la garantie puisqu'elle prive l'assuré du bénéfice de celle-ci en considération de circonstances particulières de garantie du risque : étant peu claire, incertaine, non apparente, comme l'exigent les articles L. 113-1 et L. 112-4 du code des assurances, elle est nulle, sinon inopposable à l'assuré ;

* GROUPAMA ne peut réduire les conditions de la garantie à la preuve de réalisation du risque en prétendant qu'elle ne doit pas la garantie au motif qu'une attestation de la station météo la plus proche n'a pas été produite : la preuve est libre et peut être apportée par tous moyens de la réalisation du risque.

* l'expertise judiciaire démontre, avec l'ensemble des pièces produites (attestation climatologique, bulletin climatique et articles de presse) la réalisation du risque c'est-à-dire l'existence de vents forts d'une vitesse supérieure à plus de 100 km/h ;

* dans la mesure où la tempête du 8 août 2014 s'est matérialisée par le biais de rafales, celles-ci ont eu une intensité variable, compte tenu de la topographie des lieux (ex : effet couloir) : ce n'est pas parce que la station météorologique la plus proche a relevé des vents inférieurs à 100 kms que des rafales supérieures à 100 kms/h ne se sont pas produites. Ceci explique que suivant le passage des rafales, certains arbres ou toitures aient été arrachés et d'autres non.

* dans son rapport, l'expert judiciaire et son sapiteur confirment l'absence de choc sur la structure métallique, apportant donc un démenti à la thèse élusive de garantie développée par la compagnie Groupama ; le sapiteur précise que le bâtiment avait été dimensionné pour reprendre la charge de couverture et les charges climatiques en vigueur lors de la construction de l'ouvrage soit une pression du vent à une vitesse de 103 km/h (normale) et 136 km/h (extrême), ce qui démontre donc que localement sur la commune de Fongrave les rafales ont été largement supérieures à 100 km/h puisque le bâtiment s'est effondré ;

* la compagnie, en exigeant que la preuve de la réalisation du risque soit limitée à un document précis, prive d'effet utile la garantie ;

- sur le quantum d'indemnisation des dommages :

* aucune transaction n'a été conclue entre les parties dans la mesure où, d'une part, Groupama a contesté sa garantie et, d'autre part, Mme X. a estimé que le coût de remise en état serait largement supérieur ;

* s'il est exact que le rapport de l'expert judiciaire comporte une erreur puisque n'était pas joint en annexe le détail de l'estimation de chiffrage des travaux de remise en état de l'immeuble, il est un fait que le rapport d'expertise reprend le chiffrage du préjudice et que l'appelante n'a pas à subir les conséquences de l'erreur de l'expert ;

* le rapport du cabinet Polyexpert n'apporte pas de précision essentielle quant aux postes de préjudice ; Mme X. a fait chiffrer, sous le contrôle d'une maîtrise d'œuvre, le détail des travaux devant être réalisés ; ce détail reprend tous les postes du cabinet Polyexpert mais y ajoute de nouveaux postes de travaux dans la mesure où l'entreprise qui va les effectuer n'entend pas engager sa responsabilité par suite en premier lieu d'un défaut de respect des normes et règles de l'art et en second lieu d'une reprise partielle des travaux insuffisante ; le montant du dommage est égal à la valeur de la chose au jour du sinistre ;

* réduire l'indemnisation sur la base des matériaux de démolition au motif que la vétusté est supérieure à 50 % revient à porter atteinte au principe indemnitaire posé par l'article L. 121-1 du code des assurances ; il s'agit d'une clause abusive en ce qu'elle limite la garantie de façon excessive ;

* il ne résulte d'aucune mention que les conditions générales et les conditions du tableau de garantie aient été acceptées ni connues avant la conclusion du contrat de sorte que c'est à tort que le tribunal a retenu un montant d'indemnisation fondé sur les clauses figurant dans lesdits documents ;

* de même, c'est à tort que le tribunal a cru devoir calculer la franchise de 10 % sur le montant total de l'indemnité soit la somme de 1.685,74 € déduite du montant de l'indemnisation sans tenir compte du plafond de la franchise soit 1,52 de l'indice FFB (915,80), lequel était fixé à 1.392,01 € ;

- sur la résistance abusive : la compagnie d'assurances n'a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits, connaissant fort bien la cause de son engagement et les circonstances de fait ayant présidé aux dégâts constatés, à savoir une tempête.

[*]

La compagnie Groupama, par uniques conclusions du 24 janvier 2019, demande à la Cour de :

- à titre principal,

* infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Agen en ce qu'il a jugé acquise la garantie de Groupama pour les dommages subis par le hangar de Mme X.,

* statuant à nouveau sur ce point, juger que la garantie de la compagnie Groupama ne saurait être mobilisée,

* débouter Mme X. de l'intégralité de ses demandes ;

- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour jugerait acquise la garantie, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a liquidé le préjudice de Mme X. à la somme de 17.541,66 € et en ce qu'il l'a déboutée de la demande formulée au titre d'une prétendue résistance abusive ;

- en tout état de cause, condamner Mme X. à payer à la compagnie Groupama la somme de 1.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de Maître Marie-Hélène T. membre de la SELARL AD-LEX conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient que :

- sur sa garantie :

* les sinistres allégués ne concernent pas des « bâtiments de constructions et de couverture comparables au hangar assuré » contrairement à ce que prévoit le contrat d'assurance ;

* si le maire de la commune de [ville F.] atteste qu'un orage s'est produit dans la nuit du 8 au 9 août 2014, il indique cependant que les dommages concernaient des pertes de récoltes, des arbres arrachés ou cassés, non des bâtiments ;

* l'expert n'a pas pris la peine de mentionner que la propriété agricole comporte une multitude de bâtiments et il est dès lors surprenant dans ces conditions que seul le hangar ait été endommagé, uniquement en outre au niveau de la charpente de l'auvent sans aucun arrachage ou soulèvement des plaques ;

* Mme X., qui n'a jamais justifié qu'un certain nombre de bâtiments dans la commune des biens sinistrés ou dans les communes avoisinantes, de construction et de couverture de qualité comparable à celle des bâtiments assurés, auraient été détruits, brisés ou endommagés, ne pouvait en aucune façon se prévaloir de la garantie souscrite auprès de la compagnie Groupama, étant précisé que la maison d'habitation des époux X., qui se trouve à 60 mètres du hangar, a une structure qui n'a rien de comparable avec un hangar ;

* le tribunal en réalité a fait une abstraction totale de ce premier élément ; il lui appartenait de vérifier, en cas de contestation et à titre de complément de preuve, que Mme X. justifiait « par une attestation de la station la plus proche de la météorologie nationale indiquant une vitesse supérieure à plus de 100 km/h au moment du sinistre » ;

* Mme X. n'a jamais été en mesure de rapporter la preuve sollicitée puisque les vents enregistrés par la station météorologique atteignaient dans la nuit du 8 au 9 août 2014 seulement une vitesse comprise entre 56 et 74 km/h ;

* au demeurant, l'expert S., dans son rapport, confirme qu'une attestation de Météo France a précisé que des vents de 70 à 80 km/h ont été enregistrés ; il est toutefois regrettable que ce document n'ait jamais été communiqué dans son intégralité ;

* l'expert judiciaire ne s'est pas d'avantage expliqué sur l'origine des désordres ; il s'est contenté de reprendre les conclusions du cabinet S., sapiteur ;

* si le vent avait soufflé à plus de 136 km/h, il n'aurait pas endommagé une partie seulement de l'auvent, et c'est à juste titre que l'expert C. a relevé que le vent n'aurait pas pu engendrer de telles déformations sans affecter le reste de la couverture et notamment sans soulever les plaques en fibro ciment alors qu'il a constaté que tel n'avait pas été le cas ;

* de la même façon, si le vent avait soufflé avec une telle intensité, il aurait endommagé les bâtiments d'exploitation situés à côté du hangar litigieux ce qui n'a pas été le cas non plus ;

* le bulletin climatique ne dit rien de particulier sur la nuit du 8 au 9 août 2014 et certainement pas que des vents ont soufflé à plus de 100 voire 136 km/h ;

* le document émanant de l'Association climatologique de la Moyenne Garonne et du Sud-ouest fait état d'une conclusion au vu de « clichés photographiques avec des arbres broyés » dont on ignore tout et qui en tout état de cause concernent des arbres et non pas des bâtiments agricoles, du type de celui de Mme X., situés à proximité de celui-ci ;

* les attestations produites par cette dernière, qui justifient certes d'un épisode venteux, qui n'a jamais été remis en cause, sont également inopérantes à démontrer que les conditions prévues au contrat, ci-dessus rappelées, sont réunies ;

* l'expert judiciaire a également évoqué le fait que des parties d'ouvrages structurelles auraient été détruites non par l'effet d'une quelconque tempête mais par oxydation antérieurement à la venue de l'orage du 8 août 2014 ; cet élément démontre que la structure du bâtiment était déjà fragilisée, bien avant la date du sinistre, ce que le tribunal n'a pas pris en compte, l'expert n'ayant de son côté tiré aucune conséquence de ses propres constatations ;

- sur le montant du préjudice :

* le tribunal a fait une juste appréciation de l'évaluation du montant des travaux ;

* la démolition intégrale du bâtiment et sa reconstruction ne sont pas d'actualité, étant rappelé que seul l'auvent de stabulation s'est partiellement affaissé côté ouest ; quelles que soient les explications que donne Mme X., il ne s'agit pas d'un sinistre total ;

* la vétusté du bâtiment dans son ensemble ne justifie pas à elle seule que Groupama puisse être tenue à la prise en charge des travaux réclamés par Mme X. sur la base d'un devis qui n'a jamais été discuté et qui a été rédigé 4 ans après les faits ;

* le tribunal a fixé le montant des travaux conformément à l'accord intervenu entre les parties ; en effet, l'expert C. avait de son côté chiffré le coût des travaux (sous réserve des garanties pouvant être accordées) et ce de façon contradictoire avec l'expert de Mme X. et contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal, l'expert S. a bien signé un accord sur le montant puisqu'il a signé le « PV de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages » ;

* conformément au tableau des montants de garanties et des franchises applicables, il est prévu que si la vétusté déterminée par l'expert est supérieure à 50 %, l'indemnité est alors calculée sur la base des matériaux évalués au coût des matériaux de démolition ;

* les frais de démolition sont plafonnés à 15 % du montant des dommages.

- sur la résistance abusive : la position adoptée par la compagnie Groupama est tout à fait justifiée au vu des éléments ci-dessus rappelés.

[*]

La Cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties fait expressément référence à la décision entreprise et aux dernières conclusions déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mai 2020.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

1/ Sur la garantie :

L'article L. 113-1 du code des assurances dispose que « Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police ».

La garantie de l'assureur peut être écartée par le jeu d'une exclusion conventionnelle de garantie qui doit être distinguée de l'absence d'une condition de la garantie.

Il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie. Mais la condition de garantie doit être claire et précise comme une exclusion.

Il est constant qu'une clause d'exclusion de garantie ne peut être formelle et limitée au sens de l'article précité dès lors qu'elle doit être interprétée.

Enfin la clause qui prive l'assuré de garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque s'analyse en une clause d'exclusion et non comme une condition de mise en œuvre de la garantie souscrite.

En l'espèce, les conditions générales du contrat définissent pages 10 et 11 les événements assurables et sont garantis au titre des « événements naturels non exceptionnels » :

- les dommages matériels directs subis par les bâtiments assurés et leur contenu provoqués par :

* la tempête :

- l'action du vent ou le choc d'un corps renversé ou projeté par le vent, lorsque celui-ci a une intensité telle qu'il détruit, brise ou endommage un certain nombre de bâtiments dans la commune des biens sinistrés ou dans les communes avoisinantes, de construction et de couverture de qualité comparable à celle des bâtiments assurés. En cas de contestation et à titre de complément de preuve, vous devrez produire une attestation de la station la plus proche de la météorologie nationale indiquant une vitesse supérieure à plus de 100 km/h au moment du sinistre. » ...

Mme X. fait à juste titre valoir que cette clause édicte en réalité une exclusion de garantie, imprécise qui ne lui est pas opposable.

En effet subordonner la garantie à la destruction, au bris ou à l'endommagement « d'un certain nombre de bâtiments dans la commune ou les communes avoisinantes » laisse indéterminé le nombre de bâtiments à partir duquel l'assureur admet devoir sa garantie ; ensuite la notion de « qualité comparable » est tout aussi imprécise en l'absence de quelque référence que ce soit par exemple à la nature des matériaux des bâtis, et surtout suppose qu'il existe « dans la commune ou les communes avoisinantes » sans indication du périmètre de ces dernières, des bâtiments « de qualité comparable », ce qui est un présupposé en l'absence duquel il peut ne jamais y avoir garantie.

En conséquence, et par application du principe ci-dessus rappelé selon lequel la clause qui restreint la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque, et donc de survenance du sinistre, ne saurait être qualifiée de condition, la clause du contrat en litige doit donc être qualifiée de clause édictant une exclusion de garantie, non conforme aux dispositions légales quant aux restrictions édictées qui sont donc réputées non écrites et inopposables à Mme X.

Par suite la discussion sur la vitesse du vent le 8 août 2014 devient sans utilité pour la solution à donner au litige, l'événement climatique n'étant pas en lui-même contesté, et Groupama doit sa garantie pour le sinistre survenu. Le jugement sera confirmé sur ce point.

 

2/ Sur l'indemnisation :

Aux termes de l'article L. 113-5 du code des assurances, « lors de la réalisation du risque ou à l'échéance du contrat, l'assureur doit exécuter dans le délai convenu la prestation déterminée au contrat et ne peut être tenu au-delà ».

Le tribunal a écarté le chiffrage de l'expert judiciaire en relevant qu'il n'était pas détaillé et que la référence que faisait l'expert au rapport du sapiteur sur ce point était erronée puisque ce document annexé ne comportait aucune évaluation des travaux de reprise.

Il sera observé, avec la compagnie Groupama, qu'il ne ressortait pas de la mission du cabinet S. de se prononcer sur cette question, sa mission étant rappelée en page 4 de son rapport : « étude diagnostic solidité de la charpente métallique […] le but étant de vérifier la solidité à froid de la structure et de déterminer si elle est correctement dimensionnée en tenant compte des règles de calculs et des charges climatiques en date de la construction de l'ouvrage ».

Il est encore précisé : « notre rapport ne constitue pas un descriptif des travaux de réparation à réaliser. ».

Mais le rapport S. détaille chaque partie de la construction et des dommages survenus par l'effet du vent (pages 28 et suivantes notamment).

Ces constatations rejoignent celles effectuées par les experts de chaque partie.

L'expert a indiqué : « Les dommages au bâtiment à ossature métallique de type treillis, à usage de stockage de matériel agricole et diverses récoltes notamment de paille, est constitué de 7 portiques en cornière articulés avec poteaux IPN. La couverture est constituée de plaques ondulées de type fibrociment, lesquelles vu leur ancienneté sont probablement contaminées par la présence de fibres d'amiante. La partie de fermes en console, en façade ouest/sud-ouest, est partiellement effondrée ».

Au vu des photographies jointes, le bâtiment de type hangar est majoritairement ouvert et présente un affaissement d'une partie de la couverture.

Le rapport du sapiteur S. annexé permet d'exclure une défaillance de la structure métallique puisqu'il indique que « celle-ci a été correctement dimensionnée afin de reprendre les charges et contraintes en vigueur à l'époque de la construction du bâtiment. Il n'a pas été constaté de détérioration par chocs d'éléments de la structure métallique ».

Il a également été relevé des parties d'ouvrages structurels partiellement détruites par l'oxydation antérieurement au sinistre du 8 août 2014, les photographies jointes aux rapports en attestent.

L'expert judiciaire a chiffré le préjudice de Mme X. de la façon suivante :

- Travaux de remise en état de la structure + couverture = 31.332,14 €

- Dépose couverture en place (procédure produits amiantés comprenant divers transports et destruction à la torche au plasma) = 330 m² x 90,00 € = 29.700,00 €

Soit un total de 61.032,14 € HT ou avec la taxe sur la valeur ajoutée de 12.206,43 €, un total de 73.238,57 € pour une durée de travaux évaluée à 8 semaines.

Au terme de son rapport l'expert de la compagnie Groupama, le cabinet P. a chiffré les travaux de reprise à la somme de 28.130,50 €, en retenant un abattement pour vétusté de 70 % pour la réfection de la couverture en fibro-ciment, de 50 % pour la réfection de la charpente métallique, soit à déduire 11.273,10 €, pour un total à revenir à l'assurée de 16.857,40 €, notant s'agissant de l'évaluation de l'expert judiciaire à 61.032,14 € qu'elle comportait la prise en charge de frais de traitement des déchets à la charge de Mme X. (loi amiante).

La compagnie Groupama demande subsidiairement la confirmation du jugement se référant à un accord entre les experts amiables qu'elle produit.

Mme X. fait valoir que le chiffrage de P. n'est pas davantage détaillé quant aux travaux à réaliser sur la couverture chiffrés à valeur à neuf à 5.883 €, sur la réfection de la charpente chiffrée à 14.310 €, le reste de l'indemnité concernant la location d'une nacelle pour 640 € et la remise en place du câble électrique pour 760 €, soit pour le préjudice immobilier 21.593 €, une somme de 6.537,50 € devant indemniser les frais de démolition et déblais.

Mme X. présente devant la Cour une demande d'indemnisation à hauteur de 141.540 € TTC arguant d'une impossibilité technique et juridique à une reprise partielle, aucune des entreprises sollicitées ne souhaitant en prendre la responsabilité au regard du respect des normes et règles de l'art. Elle ajoute que la valeur à prendre en compte est « la valeur d'usage de la chose, c'est à dire le prix que l'assuré devrait débourser pour se procurer une chose identique, de même nature, de même utilité compte tenu de la vétusté ».

Elle critique le tribunal de n'avoir pas écarté d'office comme abusive par application des articles L. 241-1 et R. 632-1 du code de la consommation la clause selon laquelle « si la valeur déterminée est supérieure à 50 % l'indemnité est calculée sur la base des matériaux de démolition » se prévalant de la recommandation n° 85-04 du 20 septembre 1985 de la Commission des clauses abusives. Elle soutient également qu'elle n'avait pas la capacité de comprendre la portée en limitation d'indemnité du Tableau des montants des garanties et des franchises dont elle affirme n'avoir pas eu connaissance avant la conclusion du contrat, document qu'elle n'a de surcroît pas signé.

Mme X. a souscrit un contrat d'assurance « Dommages aux biens professionnels » n° 0072XX22, auprès de la compagnie Groupama le 6 février 2014.

Les conditions personnelles mentionnent qu'elles complètent les Conditions Générales « exploitant » référence EXPL DAB 03, le Tableau des montants de Garantie et des Franchises (référence GCA 200881), la ou les Convention(s) Spéciale(s) mentionnées dans les clauses particulières ainsi que les statuts de la Caisse locale, ce dont il résulte que le contrat d'assurance est constitué des conditions particulières, des conditions générales de la police d'assurance et du Tableau des montants de Garantie et des Franchises.

Les garanties souscrites par Mme X. aux termes des conditions particulières sont détaillées par rubriques avec, pour chacune d'elles, les modalités de calcul de l'éventuelle franchise applicable et le renvoi aux conditions générales pour la limite de garantie par référence à l'indice de souscription de la Fédération française du bâtiment (FFB) de 915,800.

Ainsi pour les évènements naturels garantis, la franchise est de 10 % des dommages avec « mini 0,45FFB et maxi 1,52 FFB » et la limite est « valeur réelle », laquelle est la valeur à neuf, déduction faite de la vétusté estimée par expertise selon la définition des conditions générales.

Le Tableau des montants de Garantie énonce clairement s'agissant de la protection des biens pour les bâtiments que « si la vétusté déterminée par l'expert est supérieure à 50 % l'indemnité est calculée sur la base des matériaux évalués au coût des matériaux de démolition ».

Mme X. invoque à tort les dispositions des articles L 241-1 et R 632-1 du code de la consommation, le contrat d'assurance qu'elle a souscrit étant une assurance pour les dommages nés de l'exercice de son activité professionnelle d'agricultrice et l'article liminaire du code de la consommation dispose que pour son application on entend par :

- consommateur : toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ; [...]

- professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu'elle agit au nom ou pour le compte d'un autre professionnel.

Le tribunal a donc à juste titre fait application des conditions contractuelles pour évaluer l'indemnisation du préjudice de Mme X.

Nonobstant l'absence de détail du chiffrage des travaux par l'expert B., l'assureur fait de façon pertinente observer qu'il ne peut être tenu au titre du contrat à indemniser les frais liés à la présence d'amiante, ce qui ramène l'évaluation par l'expert judiciaire de l'indemnité à 31 332,14 €.

Pour justifier du montant de sa demande Mme X. produit un devis de la société Castel & Fromaget duquel il résulte qu'elle sollicite le coût de la réfection totale du bâtiment avec notamment terrassement et fondation d'un nouveau bâtiment.

Ce devis ne peut qu'être écarté comme dépassant les conditions contractuelles de la garantie souscrite rappelées ci-dessus.

A défaut d'autre pièce probante, l'évaluation retenue par le tribunal sur la base du document établi au contradictoire des parties correspond à une juste réparation du préjudice subi par Mme X. sauf à tenir compte du plafond de la franchise prévu au contrat de 1,52 de l'indice FFB 915,80, soit 1.392,01 €.

Le jugement sera en conséquence infirmé dans cette seule limite et la compagnie Groupama condamnée à payer à Mme X. la somme de 15.465,39 €, outre 2.280 € au titre des frais d'honoraires de l'expert amiable missionné par Mme X. l'intimé ne contestant pas ce chef de condamnation, soit un total de 17.745,39 € de dommages-intérêts.

 

3/ Sur la résistance abusive de GROUPAMA :

C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le tribunal a débouté Mme X. de sa demande de dommages-intérêts. Pas plus en appel qu'en première instance elle ne caractérise le préjudice que lui aurait causé la compagnie d'assurance en déniant sa garantie.

 

4/ Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

La décision du tribunal compte tenu de l'issue du litige doit être confirmée et succombant au principal, la compagnie Groupama sera condamnée aux dépens d'appel conformément à l'article 696 du code de procédure civile et à payer à Mme X. la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance d'Agen du 23 janvier 2018 SAUF en ce qu'il a condamné GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE à payer à Mme X. la somme de 17.541,66 € à titre d'indemnité contractuelle, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2016, date de l'assignation,

STATUANT A NOUVEAU

CONDAMNE GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE à payer à Mme X. la somme de 17.745,39 € à titre d'indemnité contractuelle, avec intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2016, date de l'assignation,

Y AJOUTANT

CONDAMNE GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE à payer à Mme X. la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE GROUPAMA CENTRE ATLANTIQUE aux dépens d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Claude GATÉ, présidente de chambre, et par Nathalie CAILHETON, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière,                                     La Présidente,

Nathalie CAILHETON                   Claude GATÉ