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CA LYON (3e ch. A), 3 décembre 2020

Nature : Décision
Titre : CA LYON (3e ch. A), 3 décembre 2020
Pays : France
Juridiction : Lyon (CA), 3e ch. civ.
Demande : 20/01135
Date : 3/12/2020
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. COM., 18 octobre 2023
Référence bibliographique : 6242 (L. 442-6, juridictions spécialisées)
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8693

CA LYON (3e ch. A), 3 décembre 2020 : RG n° 20/01135 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Le défaut de pouvoir juridictionnel de ces juridictions non spécialisées pour statuer sur un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6, qui constitue une fin de non-recevoir, conduit à l'irrecevabilité des demandes ainsi formées devant celle-ci. Les cours d'appel, autre que celle de Paris, ne pouvant statuer que dans la limite de leur propre pouvoir juridictionnel, conservent donc le pouvoir de statuer sur les demandes ne relevant pas de l'article L. 442-6.

En l'espèce, Aimargali ne discute pas expressément la décision du tribunal ayant retenue comme valable et acceptée la clause attributive de compétence figurant au contrat de location financière'en jugeant que Locam l'a dûment saisi du litige ; d'ailleurs, elle n'allègue pas spécifiquement des moyens de droit ou de fait à l'encontre de cette clause prise en tant que telle (contenu et opposabilité). En effet, si elle discute les conditions générales de vente comme non acceptées et donc inopposables, en particulier « une quelconque clause lui interdisant un quelconque recours du fait de l'interdépendance des contrats » au titre de laquelle elle invoque l'article L. 442-6, elle conclut clairement s'agissant de la clause attributive de compétence que celle-ci « est a priori opposable car figurant au recto du contrat ». De fait, elle critique cette clause uniquement à la lumière des dispositions de l'article L. 442-6 pour conclure qu'elle doit s'effacer au profit des règles impératives de compétence découlant de l'application de ce texte telles que prévues à l'article D. 442-3 (voir page 7 de ses écritures).

Ce faisant, elle se méprend dans son analyse lorsqu'elle revendique la compétence du tribunal de commerce de Marseille par l'application conjuguée des articles 42 du code de procédure civile et D. 442-3 du code de commerce ; en effet, les dispositions de l'article D. 442-3 n'instaurent pas des règles de compétence mais organisent le pouvoir juridictionnel de certaines juridictions ; ainsi, comme précisé ci-dessus, le défaut de pouvoir d'une juridiction non spécialisée ne constitue pas une exception d'incompétence mais une fin de non-recevoir.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les demandes présentées en première instance par Aimargali sur le fondement de l'article L. 442-6 en constatant le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Étienne pour en connaître, sans qu'il y ait lieu de statuer plus avant sur les autres moyens.

Le jugement déféré est infirmé en conséquence, son annulation ne se justifiant pas dès lors que les premiers juges n'ont pas examiné au fond les prétentions fondées sur l'article L. 442-6 et n'ont donc pas commis d'excès de pouvoir, et confirmé sur la clause attributive de compétence en l'absence de prétentions contraires, celle-ci trouvant à s'appliquer comme n'étant pas de même essence juridique que les dispositions énoncées à l'article D. 442-3 précité.

Il n'y a pas lieu d'évoquer le fond de l'affaire dans la mesure où Aimargali oppose à la demande en paiement de Locam des moyens fondés sur l'article L. 442-6 qui échappent au pouvoir juridictionnel de la cour, en soutenant en particulier que figure dans les conditions générales du contrat une clause créant un déséquilibre significatif entre les cocontractants. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE LYON

TROISIÈME CHAMBRE A

ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01135. N° Portalis DBVX-V-B7E-M3QF. Décision du : Tribunal de Commerce de SAINT-ÉTIENNE du 28 janvier 2020 : R.G. n° 2018j00507.

 

APPELANTE :

SAS LOCAM

[...], [...], Représentée par Maître Michel T. de la SELARL LEXI, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

 

INTIMÉE :

SAS AIMARGALI

[...], [...], Représentée par Maître Florence C. de la SELARL HORKOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 1058, Assistée de Maître Jean-Luc V. de la SELARL V., avocat au barreau de MONTPELLIER

 

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 22 octobre 2020

Date de mise à disposition : 3 décembre 2020

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Anne-Marie ESPARBES, président, - Hélène HOMS, conseiller, - Catherine CLERC, conseiller, assistés pendant les débats de Elsa MILLARY, greffier placé. A l'audience, Catherine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Anne-Marie ESPARBES, président, et par Elsa MILLARY, greffier placé, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 10 novembre 2014, la SAS Aimargali (Aimargali) a régularisé avec la société Locam-Location Automobiles Materiels (Locam) un contrat de location destiné à financer des luminaires de type leds commandés auprès de la société Home Master Led (HML) dans le cadre d'un « contrat d'éclairage économique » également signé le même jour qui prévoyait notamment une prestation de maintenance.

Aimargali et HML ont signé, aux dates respectives des 5 et 8 décembre 2014, un procès-verbal de livraison et de conformité établi à l'enseigne « bailleur : Locam SAS » relatif au matériel leds.

HML a été placée en redressement judiciaire le 26 avril 2017, lequel a été converti en liquidation judiciaire le 21 novembre 2017.

L'installation leds ayant présenté des dysfonctionnements durant l'été 2017 auxquels HML n'a pas donné suite malgré ses demandes d'interventions, Aimargali a cessé de payer les loyers à Locam à compter de décembre 2017.

Par courrier recommandé avec AR daté du 6 mars 2018 (réceptionné le 7 mars 2018) resté infructueux, Locam a mis en demeure Aimargali de s'acquitter du loyer impayé de décembre 2017 majoré de la clause pénale et des intérêts de retard, soit au total 9.628,79 euros, et ce, sous huitaine, à peine de déchéance du terme.

Suivant acte extrajudiciaire du 13 avril 2018, Locam a assigné Aimargali devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne en paiement des causes du contrat de location financière sans préjudice des frais irrépétibles et des dépens.

Par jugement du 28 janvier 2020, le tribunal de commerce précité a :

- dit que Locam l'a dûment saisi du litige l'opposant à Aimargali (clause attributive de compétence jugée valable et acceptée),

- constaté la volonté de Aimargali de fonder sa défense sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Lyon, juridiction spécialisée pour connaître des moyens de défense fondés sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- dit qu'il sera fait application de l'article 82 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu, en l'état, à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- réservé les dépens.

Par acte du 12 février 2020, Locam a relevé appel de ce jugement en ses seules dispositions ayant :

- renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Lyon, juridiction spécialisée pour connaître des moyens de défense fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- dit qu'il sera fait application de l'article 82 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu, en l'état, à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 19 février 2020, la présidente de la chambre a autorisé Locam à assigner à jour fixe Aimargali pour l'audience du 22 octobre 2020.

L'assignation à jour fixe a été délivrée le 25 février 2020 portant signification des conclusions fondées sur les articles L. 442-6, D. 442-3 du code de commerce, R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, 88 et 89 du code de procédure civile, par lesquelles Locam demande à la cour de :

- la recevoir en son appel,

- annuler ou à tout le moins réformer le jugement déféré en ce qu'il a renvoyé l'affaire devant le tribunal de commerce de Lyon comme en matière de compétence,

- évoquer l'affaire et inviter les parties à conclure sur le fond,

- réserver les dépens.

[*]

Par conclusions déposées le 24 mars 2020, au visa des articles 42, 46, 74, 75 et suivants du code de procédure civile, L. 442-1, L. 442-4, D. 442-3 du code de commerce, Aimargali demande à la cour de :

- la dire recevable en sa constitution,

- lui donner acte qu'elle entend invoquer les dispositions de l'article L. 442-1 du code de commerce dans sa défense au fond,

- juger que la clause attributive de compétence n'est pas opposable dans ces conditions, peu important qu'elle soit ou non valable par ailleurs,

- juger que les conditions générales de vente de Locam ne lui sont pas opposables,

- juger que le juge n'a pas à se prononcer sur les mérites ou les chances de succès du moyen de défense pour décliner sa compétence au profit d'un juge compétent pour en connaître,

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il se dit incompétent,

- infirmer le jugement déféré « en ce qu'il dit le tribunal de commerce de Lyon »,

- statuant à nouveau sur ce point,

- juger que le tribunal compétent est le tribunal de commerce de Marseille,

- renvoyer le dossier devant le tribunal de commerce de Marseille,

- juger que la cour d'appel de céans ne saurait évoquer le fond du dossier alors même qu'elle est saisie suite à une décision d'incompétence motivée par le fait qu'une des parties entend soulever des moyens sur lesquels ni le premier juge ni elles n'ont pas compétence pour statuer, sans violer le droit à un procès équitable et priver les deux parties de deux degrés de juridiction,

- juger que la cour d'appel de céans ne dispose pas du pouvoir juridictionnel pour

- évoquer le fond du dossier étant connu que l'une des parties a soulevé l'incompétence du premier juge en raison d'un moyen de défense relatif au déséquilibre des relations contractuelles,

à défaut,

la mettre en demeure d'avoir à conclure au fond,

- en tout état de cause,

- condamner Locam à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Locam fait grief aux premiers juges d'avoir retenu l'application des dispositions de l'article 82 du code de procédure civile pour renvoyer l'affaire au tribunal de commerce de Lyon, soutenant qu'il leur incombait de déclarer irrecevables les moyens tirés de l'article L. 442-6 du code de commerce et non pas de se déclarer incompétents ; elle entend voir la cour user de son pouvoir d'évocation pour statuer au fond sur sa demande en paiement.

Aimargali réplique que les conditions générales du contrat signé avec Locam ne lui sont pas opposables car non acceptées de sa part et que l'article L. 442-6 (devenu L. 442-1 nouveau depuis le 26 avril 2019) qu'elle invoque reconventionnellement au fond pour contrer l'une des clauses figurant dans ces conditions générales, a pour conséquence de rendre « inopposable la clause attributive de compétence, nonobstant une éventuelle validité dont l'analyse serait superfétatoire » ; elle se félicite d'avoir soulevé in limine litis en première instance, l'incompétence matérielle du tribunal de commerce de Saint-Étienne permettant ainsi à celui-ci de se dessaisir au profit du tribunal compétent dès lors qu'il n'avait pas compétence pour statuer sur les moyens fondés sur l'article L. 442-6.

En définitive, faisant une application conjuguée des articles 42 du code de procédure civile et D. 442-3 du code de commerce, elle soutient la compétence du tribunal de commerce de Marseille comme juridiction compétente dans le ressort de la cour d'appel de Nîmes (notamment) où se trouve son domicile, pour statuer sur l'article L. 442-6.

L'intimée s'oppose enfin à ce que la présente cour évoque le fond de l'affaire, faisant observer que seule la cour d'appel de Paris est compétente pour évoquer du fait que la compétence revient au tribunal de commerce de Marseille ; à défaut, elle conclut : « si par impossible la cour ne confirmait pas l'incompétence du tribunal de commerce de Saint-Étienne et ne disait pas celui de Marseille compétent, il devrait donc dans le jugement se déclarant compétent mettre en demeure la concluante de conclure au fond et renvoyer à telle audience qu'il lui plaira pour qu'il soit plaidé au fond sur les mérites de l'assignation ».

[*]

Il résulte en droit des articles L. 442-6 et D. 442-3 du code du commerce et R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, que seules les juridictions du premier degré spécialement désignées par le deuxième article sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l'application du premier, et que les recours formés contre les décisions rendues par ces juridictions spécialisées sont portés devant la cour d'appel de Paris, ceux formés contre les décisions des juridictions non spécialement désignées, quand bien même elles auraient statué sur de tels litiges, étant portés devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle elles sont situées.

Le défaut de pouvoir juridictionnel de ces juridictions non spécialisées pour statuer sur un litige relatif à l'application de l'article L. 442-6, qui constitue une fin de non-recevoir, conduit à l'irrecevabilité des demandes ainsi formées devant celle-ci.

Les cours d'appel, autre que celle de Paris, ne pouvant statuer que dans la limite de leur propre pouvoir juridictionnel, conservent donc le pouvoir de statuer sur les demandes ne relevant pas de l'article L. 442-6.

En l'espèce, Aimargali ne discute pas expressément la décision du tribunal ayant retenue comme valable et acceptée la clause attributive de compétence figurant au contrat de location financière'en jugeant que Locam l'a dûment saisi du litige ; d'ailleurs, elle n'allègue pas spécifiquement des moyens de droit ou de fait à l'encontre de cette clause prise en tant que telle (contenu et opposabilité).

En effet, si elle discute les conditions générales de vente comme non acceptées et donc inopposables, en particulier « une quelconque clause lui interdisant un quelconque recours du fait de l'interdépendance des contrats » au titre de laquelle elle invoque l'article L. 442-6, elle conclut clairement s'agissant de la clause attributive de compétence que celle-ci « est a priori opposable car figurant au recto du contrat ».

De fait, elle critique cette clause uniquement à la lumière des dispositions de l'article L. 442-6 pour conclure qu'elle doit s'effacer au profit des règles impératives de compétence découlant de l'application de ce texte telles que prévues à l'article D. 442-3 (voir page 7 de ses écritures).

Ce faisant, elle se méprend dans son analyse lorsqu'elle revendique la compétence du tribunal de commerce de Marseille par l'application conjuguée des articles 42 du code de procédure civile et D. 442-3 du code de commerce ; en effet, les dispositions de l'article D. 442-3 n'instaurent pas des règles de compétence mais organisent le pouvoir juridictionnel de certaines juridictions ; ainsi, comme précisé ci-dessus, le défaut de pouvoir d'une juridiction non spécialisée ne constitue pas une exception d'incompétence mais une fin de non-recevoir.

Il y a donc lieu de déclarer irrecevables les demandes présentées en première instance par Aimargali sur le fondement de l'article L. 442-6 en constatant le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint-Étienne pour en connaître, sans qu'il y ait lieu de statuer plus avant sur les autres moyens.

Le jugement déféré est infirmé en conséquence, son annulation ne se justifiant pas dès lors que les premiers juges n'ont pas examiné au fond les prétentions fondées sur l'article L. 442-6 et n'ont donc pas commis d'excès de pouvoir, et confirmé sur la clause attributive de compétence en l'absence de prétentions contraires, celle-ci trouvant à s'appliquer comme n'étant pas de même essence juridique que les dispositions énoncées à l'article D. 442-3 précité.

Il n'y a pas lieu d'évoquer le fond de l'affaire dans la mesure où Aimargali oppose à la demande en paiement de Locam des moyens fondés sur l'article L. 442-6 qui échappent au pouvoir juridictionnel de la cour, en soutenant en particulier que figure dans les conditions générales du contrat une clause créant un déséquilibre significatif entre les cocontractants.

 

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de Aimargali qui est déboutée de sa réclamation de frais irrépétibles tout comme en première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré, sauf en ses dispositions relatives à la clause attributive de compétence et l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit la SAS Aimargali irrecevable devant le tribunal de commerce de Saint-Étienne en sa demande fondée sur l'article L. 442-6 (devenu L. 442-1) du code de commerce,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à évoquer le fond de l'affaire,

Déboute la SAS Aimargali de sa demande d'indemnité de procédure en appel,

Condamne la SAS Aimargali aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,                               LA PRÉSIDENTE,