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CASS. CIV. 3e, 3 décembre 2020

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 3e, 3 décembre 2020
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 3
Demande : 19-19670
Décision : 20-913
Date : 3/12/2020
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:C300913
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 913
Référence bibliographique : 6417 (contrat de séjour, nature juridique)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8727

CASS. CIV. 3e, 3 décembre 2020 : pourvoi n° 19-19670 ; arrêt n° 913

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de chose ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 3 DÉCEMBRE 2020

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : Y 19-19.670. Arrêt n° 913 FS-P+B+R+I.

DEMANDEUR à la cassation : Société Pacifica

DÉFENDEUR à la cassation : Association de résidences foyers

Président : M. Chauvin (président). Avocat(s) : SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Rousseau et Tapie.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

La société Pacifica, dont le siège est [adresse], a formé le pourvoi n° Y 19-19.670 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Reims (chambre civile, 1re section), dans le litige l'opposant à l'association de résidences foyers, dont le siège est [adresse], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Parneix, conseiller, les observations de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Pacifica, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de l'association de résidences foyers, et l'avis de Mme Morel-Coujard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 octobre 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Parneix, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Barbieri, Jessel, David, conseillers, Mme Collomp, MM. Béghin, Jariel, Mmes Schmitt, Aldigé, conseillers référendaires, Mme Morel-Coujard, avocat général, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 30 avril 2019), le 14 juin 2007, l'association de résidences foyers (l'Arfo), qui gère des logements pour les personnes retraitées, a conclu avec Mme X. un contrat de séjour portant sur la mise à disposition d'un appartement et de services annexes.

2. Le 9 juillet 2011, un incendie, survenu dans ce logement, s'est propagé à d'autres appartements et aux parties communes de l'immeuble et a causé le décès de Mme X.

3. Soutenant que l'occupante des lieux était responsable du sinistre sur le fondement de l'article 1733 du code civil, l'Arfo a assigné l'assureur de celle-ci, la société Pacifica, en indemnisation de son préjudice.

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Examen du moyen :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Enoncé du moyen :

4. La société Pacifica fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande, alors « que le contrat de séjour par lequel une maison de retraite s'oblige à héberger une personne âgée et à fournir des prestations hôtelières, sociales et médicales n'est pas soumis aux règles du code civil relatives au louage de choses ; qu'en décidant que le contrat de séjour conclu entre Mme X. et l'Association de Résidences Foyers était un contrat de louage d'immeuble et en appliquant par suite la présomption de responsabilité établie par l'article 1733 du code civil, la cour d'appel a violé ce texte par fausse application et l'article 1709 du code civil. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu l'article 1709 du code civil :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

5. Aux termes de ce texte, le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

6. Pour condamner la société Pacifica à réparer le dommage, l'arrêt retient que le contrat a pour objet principal de mettre à la disposition de l'occupante un logement et une cave à titre exclusif en contrepartie d'une redevance couvrant le loyer et les charges de chauffage, d'eau et d'électricité et que les prestations complémentaires portant sur le service des repas, le dispositif d'alarme et les animations sont facultatives et ne présentent qu'un caractère accessoire, de sorte que ce contrat de séjour est assimilable à un bail et que l'occupant des lieux est présumé responsable de l'incendie par application de l'article 1733 du code civil.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

7. En statuant ainsi, alors que le contrat de séjour au sens de l'article L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles est exclusif de la qualification de contrat de louage de chose, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 avril 2019 par la cour d'appel de Reims ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;

Condamne l'association de résidences foyers aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille vingt.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Pacifica.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est reproché à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné la Compagnie Pacifica à payer à l'Association de Résidences Foyers (ARFO) la somme de 27.157,41 euros en réparation de son préjudice, outre des frais irrépétibles ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs que l'article 1733 du code civil dispose que le preneur répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine ; que les appelants considèrent que le contrat qui liait l'ARFO à Mme X n'était pas un contrat de location, mais un contrat de séjour, lequel se caractérise par le fait qu'outre l'hébergement, il est proposé au résident un système d'alarme, de la restauration et des animations ; que toutefois, ce contrat avait bien pour objet de mettre à la disposition de Mme X un appartement à titre de résidence principale, ainsi qu'une cave, le tout à titre privatif, en contrepartie de quoi elle était redevable d'une redevance mensuelle couvrant le loyer, le chauffage, l'eau et l'électricité ; qu'il est d'ailleurs significatif que la convention signée entre l'ARFO et Mme X emploie le mot de « loyer » ; que les prestations complémentaires portant sur le service des repas ou le dispositif d'alarme (et à plus forte raison les animations) étaient facultatives et n'avaient qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet principal de la convention qui était le fourniture d'un logement en contrepartie d'un loyer ; que dès lors, la convention portant à titre principal sur la fourniture d'un logement en contrepartie du paiement d'un « loyer » et des charges est assimilable à un contrat de bail et il n'y a pas lieu d'écarter l'application de l'article 1733 précité ; que cet article du code civil crée une présomption de responsabilité du locataire ou de l'occupant en cas d'incendie, sauf pour lui à prouver le cas fortuit ou la force majeure, ou un vice de construction, ou encore que le feu a été communiqué par une maison voisine ; que les appelants, qui se bornent à soutenir que la cause de l'incendie n'est pas établie de façon certaine, n'invoquent aucune de ces circonstances pour voir écarter la présomption de responsabilité qui pèse sur l'occupante, Mme X ; que par conséquent, par l'effet de la présomption établie par l'article 1733, le responsabilité de Mme X est pleinement engagée et, subséquemment, la garantie de ses ayants droit et de son assureur est également engagée ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors 1°) que le contrat de séjour par lequel une maison de retraite s'oblige à héberger une personne âgée et à fournir des prestations hôtelières, sociales et médicales n'est pas soumis aux règles du code civil relatives au louage de choses ; qu'en décidant que le contrat de séjour conclu entre Mme X. et l'Association de Résidences Foyers était un contrat de louage d'immeuble et en appliquant par suite la présomption de responsabilité établie par l'article 1733 du code civil, la cour d'appel a violé par fausse application ce texte et l'article 1709 du code civil ;

Alors 2°) et en tout état de cause, qu'il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause ; que la cour d'appel a énoncé que le contrat avait pour objet de mettre à la disposition de Mme X un appartement à titre de résidence principale, une cave, à titre privatif, en contrepartie d'une redevance mensuelle couvrant le loyer, le chauffage, l'eau et l'électricité, que les prestations complémentaires portant sur le service des repas ou le dispositif d'alarme (et à plus forte raison les animations) étaient facultatives et étaient accessoires par rapport à l'objet principal de la convention, la fourniture d'un logement en contrepartie d'un loyer, de sorte que la convention était assimilable à un contrat de bail ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a dénaturé le contrat de séjour clair et précis dont elle n'a pas cité tous les termes, qui précisait avoir été conclu conformément « à la loi du 2 janvier 2002, rénovant l'action sociale et médico-sociale, articles L. 311-4 du code de l'action sociale et des familles, au décret n° 2004-1274 du 26 novembre 2004, relatif au contrat de séjour ou document individuel de prise en charge » et avoir pour objet « de définir les objectifs d'accompagnement, les conditions de séjour et d'accueil, ainsi que les conditions de facturation ou de participation financière du résident » (art. 1), avec pour « objectifs généraux » d'offrir « des appartements réservés aux personnes âgées, seules, ou en couple, capables de vivre de façon autonome dans un logement indépendant, mais ayant besoin occasionnellement d'être aidées », que l'ARFO avait pour objectif « d'accompagner le résident dans le respect de son autonomie et en vue de son bienêtre », « que l'équipe qui encadre le résident a pour mission de promouvoir l'autonomie par des actions dynamiques » et de « veiller à la coordination des services proposés », qu'« une rencontre sera organisée chaque année, entre les personnes présentes au moment de l'élaboration du contrat. L'objectif sera de vérifier la bonne adéquation des prestations fournies vis-à-vis de la situation du résident, une réactualisation pourra ainsi être réalisée », qui comportait une « Description des prestations (…) assurées, dès l'admission, par les responsables de la résidence, les hôte(sses) aide à vivre, les agents d'entretien et agents relais » comprenant 1°) un logement, 2°) un système d'alarme qui « permet au résident d'appeler, en cas de nécessité 24h/24 et 7 jours /7, le personnel de garde », 3°) la restauration (« l'ARFO propose des repas suivant différentes modalités »), 4°) la coordination (« le personnel coordonnera la mise en place de services d'aide extérieure, utiles au bien-être et au confort du résident »), et 5°) l'animation (« le résident peut profiter dans la résidence, d'une salle commune, dans lequel se trouvent jeux de sociétés, une télévision, une bibliothèque Des activités socioculturelles sont organisées ») ; que la cour d'appel, qui n'a pas pris en compte l'ensemble des clauses du contrats, a dénaturé par omission le contrat de séjour du 14 juin 2007 et a méconnu le principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.