CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 11 janvier 2021

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 11 janvier 2021
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 1re ch. civ. sect. A
Demande : 19/02103
Décision : 4/21
Date : 11/01/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Numéro de la décision : 4
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 8731

CA COLMAR (1re ch. civ. sect. A), 11 janvier 2021 : RG n° 19/02103 ; arrêt n° 4/21 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La Sarl La Cour du Bailli demande que l'affaire soit renvoyée devant le tribunal de commerce de Nancy, pour que soit jugée la question de la validité de cette clause au regard des dispositions de l'article L. 442-6-1 du code de commerce sanctionnant le déséquilibre des obligations contractuelles.

Par arrêt avant dire droit du 20 juillet 2020, la cour de céans a dit que les demandes subsidiaires fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, devenu l'article 442-1 du code de commerce, relèvent du pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Nancy.

En effet, aux termes de l'article D. 442-3 du code de commerce, pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1, soit pour le ressort des cours d'appel de Besançon, Colmar, Dijon, Metz et Nancy, le tribunal de commerce de Nancy et en cas d'appel la cour d'appel de Nancy.

Ainsi, seul le tribunal de commerce de Nancy a pouvoir juridictionnel pour connaître de la demande de la Sarl La Cour du Bailli sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, devenu L. 442-1. La cour ne peut renvoyer cette demande à l'examen du tribunal de commerce de Nancy comme le demande la Sarl La Cour du Bailli dans la mesure où il n'est pas question d'une incompétence mais d'un défaut de pouvoir juridictionnel.

Faute pour la Sarl La Cour du Bailli d'avoir préalablement saisi la juridiction pouvant connaître d'une demande tendant à voir juger nulle la clause du contrat dont elle soutient qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les parties, cette demande sera déclarée irrecevable. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 11 JANVIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 1 A N° RG 19/02103. Arrêt n° 4/21. N° Portalis DBVW-V-B7D-HCMZ. Décision déférée à la Cour : 24 octobre 2017 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BELFORT.

 

APPELANTE :

SARL LA COUR DU BAILLI

prise en la personne de son représentant légal [...], [...], Représentée par Maître Patricia C.-G., avocat à la Cour

 

INTIMÉE :

SARL BLANCHISSERIE LINGENET

prise en la personne de son représentant légal [...], [...], Représentée par Maître Loïc R. de la SELARL ARTHUS, avocat à la Cour, Avocat plaidant : Maître M. R., avocat au barreau de MULHOUSE

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 modifié du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 novembre 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. ROUBLOT, Conseiller, et M. BARRE, Vice-Président placé, entendu en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme PANETTA, Présidente de chambre, M. ROUBLOT, Conseiller, M. BARRE, Vice-Président placé, qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

ARRÊT : - Contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile. - signé par Mme Corinne PANETTA, présidente et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits, procédure et prétentions des parties :

La Sarl La Cour du Bailli, société exploitant un hôtel restaurant à [ville B.], a conclu le 28 octobre 2011 avec la Sarl Blanchisserie Lingenet un contrat de location et d'entretien de linge d'hôtel pour une durée de trois ans renouvelables.

Par lettre recommandée avec accusé réception du 29 juillet 2016, la Sarl Blanchisserie Lingenet a dénoncé le contrat au motif que la Sarl La Cour du Bailli avait rendu impossible son exécution par son manque de coopération lors de la réception et de l'enlèvement du linge.

Par acte d'huissier délivré le 27 janvier 2017 à la Sarl La Cour du Bailli, la Sarl Blanchisserie Lingenet a saisi le tribunal de commerce de Belfort d'une demande d'indemnisation de son préjudice.

Par jugement rendu le 24 octobre 2017, le tribunal de commerce de Belfort a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- écarté l'exception d'incompétence territoriale,

- constaté la rupture du contrat aux torts de la Sarl La Cour du Bailli,

- condamné la Sarl La Cour du Bailli à payer à la Sarl Blanchisserie Lingenet la somme de 60.940,77 €, outre intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- débouté les parties du surplus de leurs prétentions,

- condamné la Sarl La Cour du Bailli à verser à la Sarl Blanchisserie Lingenet une indemnité de 2.000 € au titre des frais irrépétibles et à supporter les dépens.

Le tribunal de commerce a jugé que la clause attributive de compétence insérée dans le contrat devait trouver à s'appliquer.

Sur le fond, il a considéré que la Sarl La Cour du Bailli avait manqué à son obligation de coopération lors des réceptions et enlèvements du linge, empêchant la Sarl Blanchisserie Lingenet d'exécuter ses prestations et relevé que la Sarl La Cour du Bailli n'avait pas fait valoir son droit à rompre le contrat aux torts de la Sarl Blanchisserie Lingenet.

Il a en conséquence jugé que la rupture du contrat devait être prononcée aux torts exclusifs de la Sarl La Cour du Bailli et a fait application de la clause contractuelle de rupture anticipée.

Sur la demande reconventionnelle de la Sarl La Cour du Bailli, il a jugé que l'article 442-6 du code de commerce ne trouvait pas à s'appliquer et qu'elle ne rapportait pas la preuve suffisante pour qualifier et quantifier le préjudice allégué.

La Sarl Blanchisserie Lingenet a relevé appel de cette décision et par arrêt du 30 avril 2019 la cour d'appel de Besançon a infirmé le jugement rendu le 24 octobre 2017, statuant à nouveau a dit que le tribunal de commerce de Belfort était territorialement incompétent à l'effet de statuer sur le litige et vu l'article 90 du code de procédure civile a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Colmar pour qu'il soit statué au fond et sur les dépens de l'instance, a débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et a condamné la Sarl Blanchisserie Lingenet aux dépens de la présente instance d'appel.

Par arrêt avant dire droit du 20 juillet 2020, la cour d'appel de céans s'est déclarée compétente sur les demandes en principales, a dit que les demandes subsidiaires fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, devenu l'article L. 442-1 du code de commerce, relevaient du pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Nancy, a réservé les demandes et les dépens et a renvoyé l'affaire à une audience de mise en état.

[*]

Dans ses dernières conclusions du 5 novembre 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la Sarl La Cour du Bailli demande à la cour de déclarer recevable et bien fondé son appel, d'infirmer le jugement entrepris en totalité, de débouter la Sarl Blanchisserie Lingenet de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions, de dire et juger que la rupture du contrat est non seulement à son initiative, mais également à ses torts exclusifs, en conséquence, de condamner la Sarl Blanchisserie Lingenet à un montant de 15.000 € de dommages et intérêts, de condamner la Sarl Blanchisserie Lingenet à un montant de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

Subsidiairement, si la cour devait considérer que la concluante a commis une faute grave justifiant la rupture du contrat, elle demande de renvoyer l'examen des conséquences de cette rupture au vu des dispositions contractuelles devant le tribunal de commerce de Nancy, seul compétent pour arbitrer le moyen tiré des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce devenu L. 442-1 du code de commerce et de débouter la partie adverse de toutes conclusions plus amples ou contraires.

A l'appui de ses demandes elle fait notamment valoir qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du contrat et qu'au contraire, elle a connu des difficultés quant à l'exécution du contrat par la Sarl Blanchisserie Lingenet à partir de 2012 et qu'à partir du mois de décembre 2015, les difficultés se sont amplifiées : erreurs dans les bons de livraison entraînant un retard, problèmes de propreté et de qualité du linge, difficultés lors de l'enlèvement du linge sale ou dans la quantité du linge propre commandé et que malgré des réunions le 1er juin et le 7 juillet 2016, la situation a perduré.

Elle précise que ce n'est que suite à la réunion du 7 juillet 2016 qu'elle a pu obtenir une copie du contrat de la part de la Sarl Blanchisserie Lingenet.

Elle s'oppose à l'argumentation de la Sarl La Cour du Bailli selon laquelle elle aurait demandé que plus aucune livraison de linge propre n'intervienne, précisant qu'elle avait seulement demandé que les livraisons soient opérées alors que la lingerie était ouverte et dans les conditions prévues par les parties.

Elle expose que la Sarl Blanchisserie Lingenet ne rapporte pas la preuve d'un manquement grave de ses obligations contractuelles justifiant que soit prononcée la résolution du contrat et doit en conséquence l'indemniser du préjudice qu'elle lui a causé et demande l'allocation de dommages et intérêts, évoquant un trouble commercial.

A titre subsidiaire, s'il était jugé que sa responsabilité était engagée dans la rupture, elle fait valoir que le contrat est déséquilibré dans la mesure où il ne prévoit pas de modalités d'indemnisation de la Sarl La Cour du Bailli, alors que le mécanisme conventionnel prévoit une indemnité à sa charge en cas de résiliation du contrat pour non-exécution par le locataire, et demande le renvoi de l'affaire devant le tribunal de commerce de Nancy conformément à l'article L. 442-6-1 du code de commerce.

[*]

Dans ses dernières conclusions du 26 octobre 2020, auxquelles était joint un bordereau de communication de pièces récapitulatif, qui n'a fait l'objet d'aucune contestation, la Sarl Blanchisserie Lingenet demande à la cour de rejeter l'appel de la société La Cour du Bailli, en conséquence de confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Belfort le 24 octobre 2017, de condamner la société La Cour du Bailli à payer à la société Blanchisserie Lingenet la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la société La Cour du Bailli aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

A l'appui de ses demandes, elle expose notamment qu'avant l'arrivée d'un nouveau responsable au sein de la Sarl La Cour du Bailli, le contrat liant les parties s'est exécuté sans heurts. Elle précise que la Sarl La Cour du Bailli ne justifie pas des envois des courriers produits des 2 janvier 2013, 17 mai et 31 décembre 2015 censés démontrer l'existence de différends à ces périodes, certains n'ayant pas d'entête ou n'étant pas signés et souligne que la Sarl La Cour du Bailli n'a pas rompu le contrat qui a été tacitement renouvelé à sa première échéance triennale le 31 décembre 2013.

Elle relève qu'à compter du printemps 2016, à l'arrivée de sa nouvelle directrice, la Sarl La Cour du Bailli a refusé systématiquement les livraisons de linge sous des raisons fantaisistes, a demandé des changements d'horaires de livraison du linge et a supprimé des livraisons de linge propre tout en demandant des livraisons urgentes de linge en dehors des jours de tournées contractuellement prévus, qu'après une réunion le 1er juin 2016, elle lui a transmis un mail, s'étonnant de son insatisfaction soudaine et s'engageait à remédier à cette situation, qu'elle a accepté de modifier les horaires de livraison du lundi comme le demandait la Sarl La Cour du Bailli tout en lui précisant que ce changement ne pourrait être effectif que passé un délai de deux mois. Elle indique également que la Sarl La Cour du Bailli ne démontre pas que du linge troué ou taché lui aurait été livré.

Elle précise que la Sarl La Cour du Bailli l'a ainsi placée dans l'impossibilité absolue de pouvoir exécuter le contrat et que celle-ci avait en réalité conclu un contrat de location et de prestation de linge avec une autre société, la société Tip top, le 2 août 2016.

Elle demande en conséquence l'application de la clause contractuelle mettant à la charge du locataire une indemnité forfaitaire de résiliation égale au montant TTC des sommes qui auraient été facturées jusqu'à l'échéance du contrat calculé sur les six derniers mois et le rachat du stock mis à sa disposition et du stock constitué chez le loueur, précisant que cette clause ne créé pas au détriment de la Sarl La Cour du Bailli un déséquilibre, le contrat n'écartant pas le droit pour le locataire de réclamer des dommages et intérêts en cas de résiliation anticipée du contrat aux torts du loueur.

Enfin, elle fait valoir que l'article L. 442-6-I du code de commerce invoqué par la Sarl La Cour du Bailli n'est pas applicable à cette clause et qu'au surplus la sanction prévue par ce texte n'est pas systématiquement la nullité de la clause.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la Sarl La Cour du Bailli, elle expose que cette demande est dépourvue de fondement, qu'elle ne justifie pas d'une inexécution de sa part ni d'un quelconque préjudice.

[*]

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs conclusions respectives.

La clôture de la procédure a été prononcée le 18 novembre 2020.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 25 novembre 2020, à laquelle les parties ont développé leur argumentation.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs :

Sur le bien-fondé de la résiliation unilatérale du contrat par la Sarl Blanchisserie Lingenet du 29 juillet 2016 :

La Sarl Blanchisserie Lingenet a, par courrier du 29 juillet 2016, informé la Sarl La Cour du Bailli qu'elle résiliait le contrat de location et d'entretien de linge du 28 octobre 2011 en raison de refus systématiques de prise de possession des livraisons ou de restitution du linge sale sans motif.

La Sarl Blanchisserie Lingenet fait valoir que ces refus, ainsi que les demandes contradictoires de la Sarl La Cour du Bailli, soit des demandes de livraisons supplémentaires et urgentes, ont rendu impossible la bonne exécution de ses prestations. Elle fait également état de ce que la Sarl La Cour du Bailli n'a pas respecté les termes du contrat en contractant avec la société Tip-top.

La Sarl La Cour du Bailli expose qu'elle a eu à déplorer des difficultés avec son cocontractant dès l'origine, celles-ci s'accentuant à partir de 2015. Elle précise que la Sarl Blanchisserie Lingenet est à l'origine de la rupture en ayant livré du linge tâché, froissé, déchiré ou troué, en ayant commis des erreurs de livraison et en étant responsable de retard de livraison et d'écart entre la commande et le linge livré.

Conformément à l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.

Il est cependant constant que la gravité du comportement d'une partie à un contrat peut justifier que l'autre y mette fin de façon unilatérale, à ses risques et périls, peu important que le contrat soit à durée déterminée ou non.

La faute grave commise par le cocontractant, laquelle justifie la résiliation unilatérale, ne renvoie pas à la simple inexécution, au comportement simplement répréhensible d'une partie ou à son désintéressement pour le contrat ; il doit s'agir d'un manquement particulièrement caractérisé mettant gravement en péril les intérêts du créancier.

Par « contrat de location entretien de linge hôtel » signé le 28 octobre 2011 pour une durée de trois ans, renouvelable à l'échéance pour une durée égale, la Sarl Blanchisserie Lingenet met à disposition de la Sarl La Cour du Bailli un service de location comportant la fourniture d'un stock de linge nécessaire à ses besoins, le blanchissage ou nettoyage, l'entretien, la livraison et le ramassage du linge confié en dépôt. Pendant la durée du contrat la Sarl La Cour du Bailli s'interdit de louer ou faire entretenir à quelque autre entreprise que ce soit des équipements textiles de nature équivalente ou de même destination que ceux faisant l'objet du contrat, ledit contrat prévoyant une clause de résiliation de plein droit aux torts du locataire en cas de non-respect de la clause d'exclusivité passé un délai de quinze jours suivant mise en demeure.

Sans être contesté par la Sarl La Cour du Bailli, la Sarl Blanchisserie Lingenet précise que le contrat a pris effet le 26 mars 2012.

Si la Sarl La Cour du Bailli justifie d'incidents liés à des livraisons en décembre 2012 ainsi qu'en mai et décembre 2015, ces incidents apparaissent peu nombreux et la cour relève que la Sarl La Cour du Bailli a poursuivi ses relations contractuelles avec la Sarl Blanchisserie Lingenet.

La cour relève qu'il en est de même des erreurs de livraison invoquées par la Sarl La Cour du Bailli, soit des livraisons de linge destinées à d'autres sociétés qu'elle, qui apparaissent d'un nombre limité sur la durée du contrat puisqu'il est justifié de quatre erreurs au cours de l'année 2012, de cinq erreurs en 2012, de quatre erreurs en 2015 et de quatre erreurs en 2016.

La Sarl La Cour du Bailli fait en outre valoir que la Sarl Blanchisserie Lingenet lui aurait livré du linge tâché, froissé ou déchiré.

La Sarl La Cour du Bailli produit des photographies de linge annexées à des courriels en date du 14 juin et du 23 juin 2016 ainsi que les attestations de mesdames G., M. et H., femmes de chambre.

La cour observe que les trois attestations, produites par des salariés de la Sarl La Cour du Bailli, sont rédigées en des termes généraux identiques, sont dactylographiées pour deux d'entre elles, le témoignage de madame G. étant manuscrit mais son contenu étant le même que le document dactylographié. Ces trois attestations ne peuvent être retenues comme ayant une valeur probante.

Par ailleurs, les photographies ne permettent pas d'identifier le linge en cause.

La cour relève également que la Sarl La Cour du Bailli n'a pas donné suite à la proposition de la Sarl Blanchisserie Lingenet de faire un inventaire de linge le 1er juin 2016 conformément au courriel de la Sarl Blanchisserie Lingenet du 26 juillet 2016, ce qui aurait permis de faire un état des stocks, de la quantité et de la qualité du linge, l'article VII du contrat prévoyant un tel inventaire « chaque fois que le client ou le loueur le jugent utile ».

Il sera jugé au vu de ces éléments que, contrairement aux développements de la Sarl La Cour du Bailli, le contrat s'est exécuté sans qu'il puisse être reproché de manquements à la Sarl Blanchisserie Lingenet.

La Sarl Blanchisserie Lingenet reproche à la Sarl La Cour du Bailli d'avoir annulé des livraisons, d'avoir refusé des livraisons sans motif et parallèlement d'avoir fait des commandes en urgence et de ne pas avoir respecté son obligation d'exclusivité.

 

Sur les annulations de livraisons :

La Sarl Blanchisserie Lingenet justifie d'annulations de livraisons de la Sarl La Cour du Bailli qui étaient contractuellement programmées le 21 janvier 2016, le 10 juin 2016 et le 20 juin 2016, les annulations invoquées pour les livraisons des 22 juin et 27 juin concernant l'année 2012 et non pas l'année 2016 comme elle l'expose.

Comme elle le fait valoir, ces annulations ont désorganisé la tournée de ses livreurs.

 

Sur les refus de livraisons :

La Sarl Blanchisserie Lingenet produit un courriel du 31 mai 2016 selon lequel la livraison du 30 mai 2016 a été refusée ainsi qu'un courriel du 26 juillet 2016 relatif à un refus de livraison en date du 25 juillet 2016. Dans ce courrier, elle fait état d'une demande de la responsable de la Sarl La Cour du Bailli de ne plus effectuer de livraison de linge propre.

Le refus de la livraison par la Sarl La Cour du Bailli du 30 mai 2016, justifié par l'absence de son bon de livraison, ce qui n'a pas été contesté par la Sarl Blanchisserie Lingenet dans son courriel du 31 mai 2016, ne peut être qualifié de fautif, les conditions générales prévoyant que « l'échange de linge se fera obligatoirement accompagné d'un bordereau daté, signé et avec le cachet de l'établissement où seront notées les quantités ».

S'agissant du refus de livraison du 25 juillet 2016, la Sarl La Cour du Bailli le justifie par l'heure tardive d'arrivée du livreur, après 19 heures. La Sarl Blanchisserie Lingenet fait état de ce que le livreur serait passé à 18 h 20 et que la livraison aurait dès lors dû être acceptée.

La cour relève en premier lieu que les attestations de mesdames G., M. et H., femmes de chambre, sont toutes trois identiques, celles de mesdames M. et H., dactylographiées, n'étant pas conformes aux dispositions du dernier alinéa de l'article 202 du code de procédure civile. En outre, aucune des personnes ayant attesté n'était présente le 25 juillet 2016, les témoins reprenant les déclarations de madame B., leur responsable.

Ces attestations ne seront dès lors pas retenues comme probantes sur les faits survenus le 25 juillet 2016.

Le rapport d'activité du livreur produit par la Sarl Blanchisserie Lingenet montre la présence du livreur à Bergheim entre 18 h 21 et 18 h 42.

Ainsi, il est établi que la Sarl La Cour du Bailli a refusé la livraison du linge propre sans qu'il puisse être reproché à la Sarl Blanchisserie Lingenet une livraison tardive, après 19 heures. La Sarl La Cour du Bailli est également, dans ces conditions, mal fondée à reprocher un manque de linge du fait de son cocontractant.

La cour observe, s'agissant de l'information qui aurait été donnée au livreur de la Sarl Blanchisserie Lingenet le 25 juillet 2016 de ne plus effectuer de livraisons de linge propre, que par courriel du 27 juillet 2016, la Sarl La Cour du Bailli fait état d'une livraison intervenue le jour même. Il n'est en conséquence pas justifié de la demande de la Sarl La Cour du Bailli de mettre fin aux livraisons.

Si dans la lettre de résiliation du 29 juillet 2016, la Sarl Blanchisserie Lingenet, par l'intermédiaire de son conseil, fait état d'un nouveau refus de livraison le 29 juillet 2016, ce que celle-ci conteste, la Sarl Blanchisserie Lingenet ne produit aucun élément démontrant la réalité de ce refus, comme la production d'une attestation du livreur.

La Sarl Blanchisserie Lingenet justifie d'une commande supplémentaire du 15 juillet 2016 pour le même jour dans un contexte de refus de livraison, commande qu'elle n'a pas pu effectuer du fait de chauffeurs en maladie ou en congé.

 

Sur le non-respect de l'exclusivité du contrat :

La Sarl Blanchisserie Lingenet reproche à la Sarl La Cour du Bailli d'avoir eu recours à la société Tip-top pour des prestations de location et d'entretien de linge, en violation de la clause d'exclusivité du contrat.

La Sarl Blanchisserie Lingenet justifie de l'envoi d'un courriel le 26 juillet 2016 à la Sarl La Cour du Bailli lui indiquant que son livreur avait constaté, lorsqu'il s'est présenté pour livrer le linge propre le 25 juillet 2016, la présence de rolls de la société Tip-top.

Il n'est produit sur ce point aucune réponse de la Sarl La Cour du Bailli au courriel qui lui a été adressé le 26 juillet 2016.

Il ressort des éléments du dossier que la Sarl La Cour du Bailli a commandé du linge auprès de la société Tip-top selon bon de commande du 2 août 2016 et signé un contrat avec cette société le 24 août 2016.

La cour constate que le linge, objet du contrat entre la Sarl La Cour du Bailli et la société Tip-top, est différent en taille et en quantité du linge objet du contrat entre la Sarl La Cour du Bailli et la Sarl Blanchisserie Lingenet. Cette circonstance, soit un stock de linge conformément au contrat du 28 octobre 2011 qui n'était plus en adéquation avec les besoins de la Sarl La Cour du Bailli, est de nature à expliquer les annulations et les refus de livraison de la Sarl La Cour du Bailli et la présence de rolls de la société Tip-top dans les locaux de la Sarl La Cour du Bailli le 25 juillet 2016.

Si la Sarl La Cour du Bailli a finalisé un contrat avec la société Tip-top postérieurement à la résiliation du contrat la liant avec la Sarl Blanchisserie Lingenet, il ressort du courriel du 26 juillet 2016 et des circonstances énoncées ci-dessus qu'elle était en relation avec cette société alors qu'elle était toujours liée contractuellement à la Sarl Blanchisserie Lingenet.

Au regard de ces circonstances, la Sarl Blanchisserie Lingenet justifie de l'annulation de livraisons le 21 janvier 2016, le 10 juin 2016 et le 20 juin 2016, de refus de livraison le 25 juillet 2016 de la part de la Sarl La Cour du Bailli et parallèlement de la violation par celle-ci de la clause d'exclusivité du contrat. Ces manquements de la Sarl La Cour du Bailli sont suffisamment graves pour justifier l'inexécution de ses propres obligations.

La Sarl La Cour du Bailli ne justifie pas de manquements contractuels de la Sarl Blanchisserie Lingenet.

Il convient dès lors de prononcer la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la Sarl La Cour du Bailli.

La Sarl Blanchisserie Lingenet demande l'application de l'article II du contrat selon lequel 'dans l'hypothèse d'une dénonciation anticipée du contrat par le client ou de résiliation intervenue dans le cas du non-respect des conditions générales de vente, le client devra payer une indemnité forfaitaire de résiliation égale au montant TTC des sommes qui auraient été facturées jusqu'à l'échéance du présent contrat, et ce sur la base de la facturation mensuelle TTC des 6 derniers mois de facturation correspondant à une activité normale. Par ailleurs, la cessation du contrat entraîne restitution immédiate de tout le linge confié au client. En cas de non-restitution, les pièces manquantes feront l'objet d'une indemnité correspondant au préjudice subi à sa valeur à neuf'.

La Sarl La Cour du Bailli demande que l'affaire soit renvoyée devant le tribunal de commerce de Nancy, pour que soit jugée la question de la validité de cette clause au regard des dispositions de l'article L. 442-6-1 du code de commerce sanctionnant le déséquilibre des obligations contractuelles.

Par arrêt avant dire droit du 20 juillet 2020, la cour de céans a dit que les demandes subsidiaires fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, devenu l'article 442-1 du code de commerce, relèvent du pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Nancy.

En effet, aux termes de l'article D. 442-3 du code de commerce, pour l'application de l'article L. 442-6, le siège et le ressort des juridictions commerciales compétentes en métropole et dans les départements d'outre-mer sont fixés conformément au tableau de l'annexe 4-2-1, soit pour le ressort des cours d'appel de Besançon, Colmar, Dijon, Metz et Nancy, le tribunal de commerce de Nancy et en cas d'appel la cour d'appel de Nancy.

Ainsi, seul le tribunal de commerce de Nancy a pouvoir juridictionnel pour connaître de la demande de la Sarl La Cour du Bailli sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce, devenu L. 442-1. La cour ne peut renvoyer cette demande à l'examen du tribunal de commerce de Nancy comme le demande la Sarl La Cour du Bailli dans la mesure où il n'est pas question d'une incompétence mais d'un défaut de pouvoir juridictionnel.

Faute pour la Sarl La Cour du Bailli d'avoir préalablement saisi la juridiction pouvant connaître d'une demande tendant à voir juger nulle la clause du contrat dont elle soutient qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les parties, cette demande sera déclarée irrecevable.

La Sarl Blanchisserie demande la condamnation de la Sarl La Cour du Bailli à lui régler la somme de 60.940,77 €. Elle expose que la moyenne des six derniers mois de facturation est de 3.721,86 € TTC et que la valeur des articles en possession de la Sarl La Cour du Bailli est de 5.112,87 € TTC.

La cour relève qu'aucun élément n'est produit par la Sarl Blanchisserie Lingenet de nature à justifier le montant de l'indemnité réclamée.

Elle ne justifie pas du montant des six dernières factures transmises à la Sarl La Cour du Bailli, ni aucun document relatif à la valeur à neuf du linge qui n'aurait pas été restitué, étant relevé qu'elle ne produit aucun élément sur la nature des pièces manquantes non restituées par la Sarl La Cour du Bailli.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et la Sarl Blanchisserie Lingenet sera déboutée de sa demande indemnitaire.

 

Sur la demande de dommages et intérêts formulée par la Sarl La Cour du Bailli :

La Sarl La Cour du Bailli demande l'allocation de la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts aux motifs qu'elle aurait subi un trouble commercial causé par l'exécution défectueuse du contrat par ses soins, de frais entraînés en ayant recours à un pressing, des locations de chambres perdues, de la désorganisation du service de chambre, du service commercial et administratif.

La résiliation du contrat étant prononcée aux torts exclusifs de la Sarl La Cour du Bailli, sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la Sarl Blanchisserie Lingenet sera rejetée.

La cour relève au surplus et en tout état de cause que la Sarl La Cour du Bailli ne justifie pas de l'existence du trouble commercial invoqué et plus particulièrement de l'impossibilité de louer des chambres, ni du recours à un pressing pour laver et repasser le linge ou une désorganisation de ses services, la Sarl La Cour du Bailli ne produisant aucun élément de preuve de la baisse de son chiffre d'affaires, plaintes de clients ou factures de pressing, les attestations de mesdames G., M. et H., femmes de chambre, ne pouvant être retenues comme probantes comme étant rédigées dans les mêmes termes, sur le même modèle et ne respectant pas les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé en ce que la demande de dommages et intérêts présentée par la Sarl La Cour du Bailli a été rejetée.

 

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La Sarl La Cour du Bailli, qui succombe pour l'essentiel, sera condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile outre confirmation du jugement déféré sur cette question.

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la Sarl Blanchisserie Lingenet et de la Sarl La Cour du Bailli.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal de commerce de Belfort du 24 octobre 2017 sauf en ce que la Sarl La Cour du Bailli a été condamnée à payer à la Sarl Blanchisserie Lingenet la somme de 60.940,77 € augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation introductive d'instance,

Statuant à nouveau sur ce point,

Rejette la demande de la Sarl Blanchisserie Lingenet,

Y ajoutant,

Déclare la demande de renvoi de l'examen des conséquences de la rupture devant le tribunal de commerce de Nancy irrecevable,

Condamne la Sarl La Cour du Bailli aux dépens d'appel,

Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile tant au profit de la Sarl Blanchisserie Lingenet qu'au profit de la Sarl La Cour du Bailli.

La Greffière :                                   la Présidente :