CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 21 janvier 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8740
CA AIX-EN-PROVENCE (ch. 1-9), 21 janvier 2021 : RG n° 19/01604 ; arrêt n° 2021/48
Publication : Jurica
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-9
ARRÊT DU 21 JANVIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/01604. Arrêt n° 2021/48. N° Portalis DBVB-V-B7D-BDWFN. ARRÊT AU FOND. Décision déférée à la Cour : Jugement du Juge de l'exécution de MARSEILLE en date du 15 janvier 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le R.G. n° 18/08214.
APPELANTE :
SA DELTA SECURITY SOLUTIONS
demeurant [adresse], représentée par : Maître Laurence F.- L., avocat postulant inscrite au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Maître Denis D., avocat plaidant inscrit au barreau de BORDEAUX substitué par Maître Julia V., avocate au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Maître Jean-Pierre L. Agissant en sa qualité de mandataire judiciaire du redressement judiciaire de la SA AVENIR TELECOM
demeurant [adresse], représenté par : Maître Roselyne S.-T. de la SCP B.S.-T.J., avocat postulant inscrit au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Maître Corinne M., avocat plaidant inscrite au barreau de PARIS, substituée par Maître Bertrand G., avocat au barreau de MARSEILLE
SA AVENIR TELECOM
Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [adresse], représentée par : Maître Roselyne S.-T. de la SCP B.S.-T.J., avocat postulant inscrit au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Maître Corinne M., avocat plaidant inscrite au barreau de PARIS, substituée par Maître Bertrand G., avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 novembre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sylvaine ARFINENGO, Président, et Madame Pascale POCHIC, Conseiller, chargés du rapport. Madame Sylvaine ARFINENGO, Président, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Sylvaine ARFINENGO, Président, Madame Pascale POCHIC, Conseiller, Monsieur Dominique TATOUEIX, Magistrat honoraire.
Greffier lors des débats : Monsieur Nicolas FAVARD.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 Janvier 2021.
ARRÊT : contradictoire, Prononcé par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2021. Signé par Madame Sylvaine ARFINENGO, Président et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Par jugement en date du 9 septembre 2014, le tribunal de commerce de Bobigny a condamné la société DELTA SECURITY SOLUTIONS à verser la somme de 53.679,33 € à la société AVENIR TELECOM qui l'avait assignée devant cette juridiction aux fins de condamnation au paiement d'une somme de 553.274,30 € à titre de dommages et intérêts.
Le 5 novembre 2014, la société DELTA SECURITY SOLUTIONS a procédé au paiement de cette somme.
Par jugement en date du 4 janvier 2016, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société AVENIR TELECOM.
Le 3 février 2016, la société DELTA SECURITY SOLUTIONS a déclaré une créance à titre provisionnel de 53.779,83 €.
Par arrêt en date du 25 octobre 2016 rendu sur appel de la société DELTA SECURITY SOLUTIONS, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du 9 septembre 2014 sauf sur le quantum et statuant à nouveau, a condamné la société DELTA SECURITY SOLUTIONS à payer à la société AVENIR TELECOM la somme de 434.412,22 € outre intérêts à la société.
Le 15 décembre 2016, la société DELTA SECURITY SOLUTIONS a procédé au paiement d'une somme de 389.927 € entre les mains du mandataire judiciaire de la société AVENIR TELECOM.
Par jugement du 10 juillet 2017, le tribunal de commerce de Marseille a arrêté le plan de redressement de la société AVENIR TELECOM par voie de continuation sur 10 ans.
Par ordonnance du 18 juillet 2017 statuant sur la contestation de la créance de 53.779,83 € déclarée le 3 février 2016 par la société DELTA SECURITY SOLUTIONS, le juge commissaire a prononcé un sursis à statuer en l'attente de l'arrêt à intervenir de la Cour de Cassation.
Par arrêt en date du 14 février 2018 rendu sur pourvoi formé par la société DELTA SECURITY SOLUTIONS, la Cour de Cassation a cassé et annulé l'arrêt du 25 octobre 2016, sauf en ce que, confirmant le jugement, il écarte l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, a remis en conséquence sur les autres points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et à renvoyer les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
Le 29 mars 2018, la société DELTA SECURITY SOLUTIONS a sollicité auprès du mandataire judiciaire de la société AVENIR TELECOM la restitution de la somme de 389.927 € versée en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 octobre 2016 et subsidiairement, a déclaré une créance de ce montant au passif de la société, à titre conservatoire.
Le 27 juillet 2018, la société DELTA SECURITY SOLUTIONS a fait délivrer un commandement aux fins de saisie vente pour paiement d'une somme de 389.927 € en principal en vertu de l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 14 février 2018.
Par exploit en date du 1er août 2018, la SA AVENIR TELECOM et Maître Jean-Pierre L. ès-qualités ont fait assigner la société DELTA SECURITY SOLUTIONS devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir prononcer la nullité du commandement et la condamnation de cette dernière au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par jugement du 15 janvier 2019 dont appel du 25 janvier 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Marseille a :
- Prononcé la nullité du commandement aux fins de saisie vente signifié le 27 juillet 2018 par la SAS DELTA SECURITY SOLUTIONS à l'encontre de la SAS AVENIR TELECOM en exécution de l'arrêt de la Cour de cassation en date du 14 février 2018.
- Condamné la SAS DELTA SECURITY SOLUTIONS à payer à la SAS AVENIR TELECOM la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamné la SAS DELTA SECURITY SOLUTIONS aux entiers dépens.
Le juge de l'exécution énonce en ses motifs :
- si la créance de restitution est née de l'arrêt de cassation du 14 février 2018, son fait générateur est constitué du paiement réalisé en décembre 2016 par la société DELTA SECURITY SOLUTIONS en exécution de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 octobre 2016,
- ledit fait générateur étant intervenu au cours de la période d'observation, soit postérieurement au jugement d'ouverture du 4 janvier 2016, la créance de 389.927 € est une créance postérieure mais elle ne peut être qualifiée de créance postérieure privilégiée au sens de l'article L. 622-17 du code de commerce puisqu'elle n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure ni en contrepartie d'une prestation fournie pendant la période d'observation, de sorte qu'elle est soumise à la discipline de la procédure collective.
[*]
Vu les dernières conclusions déposées le 17 décembre 2019 par la SA DELTA SECURITY SOLUTIONS, appelante, aux fins de voir :
- Rabattre la clôture et à défaut, rejeter les conclusions et la pièce n° 13 des intimées communiquées le 13 décembre 2019 ;
- Infirmer le jugement attaqué dans toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
- Dire et juger que la créance de restitution de la société DELTA 25 est née avec l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2018 rendu après que le jugement du 10 juillet 2017 du Tribunal de Commerce de MARSEILLE ait mis fin à la procédure de redressement judiciaire de la société AVENIR TELECOM ;
En conséquence,
- Dire et juger que la créance de restitution de DELTA 2S de 389.927 € au principal contre AVENIR TELECOM est exigible et exécutoire ;
- Dire et Juger que la société DELTA 2S est bien fondée à recourir à des voies d'exécution forcée pour son recouvrement ;
- Dire que le commandement aux fins de saisie vente signifié le 27 juillet 2018 par la SCP R. G. S. U., Huissiers de Justice, à la société AVENIR TELECOM est licite et qu'il produit tous ses effets ;
- Débouter AVENIR TELECOM et Maître L. de la SCP L. et L. de l'ensemble de leurs demandes ;
- Les débouter de leur demande subsidiaire de délais et à titre subsidiaire dire qu'AVENIR TELECOM devra s'acquitter de la dette en six mensualités à compter de l'arrêt et qu'à défaut de règlement de Tune d'entre elle, l'intégralité sera exigible ;
- Les condamner conjointement et solidairement à verser à DELTA 2S la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
La SA DELTA SECURITY SOLUTIONS fait valoir :
- que le fait générateur de sa créance est constitué par la décision infirmative et non par le paiement et que ladite créance, dont elle a toujours reconnu qu'elle ne bénéficie pas des privilèges de l'article L. 622-17 du code de commerce, n'est pas une créance postérieure au jugement d'ouverture mais une créance postérieure à l'adoption du plan de redressement et qui n'est pas, en tant que telle, soumise à la procédure collective et à ses règles,
- que le paiement de 389.927 € effectué le 15 décembre 2016 est nul et de nul effet par application de l'article 625 al 3 du code de procédure civile, de sorte que réputé n'ayant jamais existé, la restitution des fonds ne peut être entravée par la règle d'interdiction des poursuites,
- que la créance de 389.927 € a bien été déclarée dans les 2 mois de l'arrêt de la Cour de cassation,
- que le sursis à statuer prononcé par ordonnance du juge commissaire du 18 juillet 2017 ne peut concerner que la créance initiale et pas celle née postérieurement à cette décision et constatée par un titre exécutoire distinct,
- que les difficultés financières à venir mises en avant par les intimés relèvent du domaine de l'hypothèse, de sorte que la demande de délais de paiement doit être rejetée.
[*]
Vu les dernières conclusions déposées le 13 décembre 2019 par la SA AVENIR TELECOM et Jean-Pierre L. ès-qualités de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la SA AVENIR TELECOM, intimés, aux fins de voir :
A titre principal,
- Confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution de Marseille le 15 janvier 2019, en ce qu'il a prononcé la nullité du commandement de payer aux fins de saisie vente signifié le 27 juillet 2018 par la société DELTA SECURITY SOLUTIONS à la société AVENIR TELECOM ;
En conséquence :
- Dire et juger que le commandement de payer aux fins de saisie vente signifié le 27 juillet 2018 à la demande de la société DELTA SECURITY SOLUTIONS à la société AVENIR TELECOM est nul pour vice de fond ;
- Prononcer la nullité dudit commandement de payer aux fins de saisie vente signifié le 27 juillet 2018 et de toute mesure d'exécution forcée subséquente ;
A titre subsidiaire,
- Dire que la société AVENIR TELECOM pourra se libérer des sommes dues à l'égard de la société DELTA SECURTTY SOLUTIONS en 24 mensualités égales, la première mensualité devant intervenir dans le mois suivant la signification de la décision à intervenir ;
En toute hypothèse,
- Débouter la société DELTA SECURITY SOLUTIONS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
- Condamner la société DELTA SECURITY SOLUTIONS au paiement de la somme de 7.000 € à l'égard de la société AVENIR TELECOM au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, en sus des condamnations de première instance et la condamner aux entiers dépens.
La SA AVENIR TELECOM et Jean-Pierre L. ès-qualités, font valoir :
- que le fait générateur de la créance ne s'entend pas comme de l'arrêt de cassation mais de l'arrêt d'appel et du paiement consécutif, de sorte qu'elle est née après le jugement d'ouverture mais ne l'étant pas pour les besoins de la période d'observation ou en contrepartie d'une prestation fournie pendant cette période, elle ne relève pas de l'article L 622-17 du code de commerce et ne peut donc faire l'objet d'un paiement préférentiel,
- qu'en outre, la créance de 389.927 €, déclarée le 29 mars 20189, ne l'a pas été dans les deux mois de l'arrêt de la cour d'appel.
- que le litige ayant été considéré comme une instance en cours par le juge commissaire, la société DELTA SECURITY SOLUTIONS ne pouvait engager des mesures d'exécution forcée,
- que sa situation précaire, alors qu'elle vient d'obtenir un plan de continuation, justifie l'octroi d'un délai de paiement de 24 mois.
[*]
Vu l'ordonnance de clôture du 17 décembre 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Attendu que la cassation a pour effet d'anéantir l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt attaqué et dès lors que ledit arrêt avait été exécuté, qu'il y a eu paiement, une distinction doit être nécessairement opérée entre l'arrêt de cassation qui fait simplement naître l'obligation de restitution, et le paiement intervenu en exécution de l'arrêt attaqué, lequel constitue le fait générateur de la créance de restitution, de sorte que c'est à la date dudit paiement que s'apprécie la soumission ou non de la créance aux règles de la procédure collective ;
Et attendu que le paiement du 15 décembre 2016 étant intervenu pendant la période d'observation, entre le jugement du 4 janvier 2016 prononçant le redressement judiciaire de la société AVENIR TELECOM et le jugement du 10 juillet 2017 arrêtant le plan de redressement, et que la créance de restitution n'est pas née pour les besoins du déroulement de la procédure ni en contrepartie d'une prestation fournie pendant la période d'observation, son règlement est soumis aux règles de la procédure collective ;
Que c'est dès lors à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité du commandement aux fins de saisie vente délivré le 27 juillet 2018 à l'encontre de la SAS AVENIR TELECOM en vertu de l'arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2018 pour restitution de la somme de 389.927 € ;
Que le jugement dont appel doit être en conséquence confirmé en toutes ses dispositions ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes ;
Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples ;
Condamne la société DELTA SECURITY SOLUTIONS aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT