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CASS. CIV. 1re, 25 novembre 2020

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 25 novembre 2020
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 19-18786
Décision : 20-713
Date : 25/11/2020
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:C100713
Nature de la décision : Cassation avec renvoi
Mode de publication : Legifrance
Numéro de la décision : 713
Référence bibliographique : 6456 (transport ferroviaire de personnes)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8775

CASS. CIV. 1re, 25 novembre 2020 : pourvoi n° 19-18786 ; arrêt n° 713

Publication : Legifrance ; Bull. civ.

 

Extrait : « Vu les articles 1135 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 1112-2-1 à L. 1112-3 et L. 2151-1 et suivants du code des transports :

13. Les obligations incombant à la SNCF au titre de la mise en conformité du matériel roulant aux normes destinées à en permettre l'accès aux personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite, notamment quant à la dimension des couloirs et des toilettes, sont régies par les dispositions du code des transports susvisées.

14. Pour déclarer la SNCF responsable, lors de l'exécution du contrat de transport, d'une atteinte à la dignité de M. X. et la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le transporteur ferroviaire est tenu, à l'égard des voyageurs, d'une obligation générale de soins et doit leur assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort, et que l'inconfort généré par l'inaccessibilité des toilettes caractérise une atteinte à la dignité et un manquement à l'obligation du transporteur ferroviaire d'assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène.

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait préalablement constaté que la SNCF justifiait avoir mis en place un schéma directeur d'accessibilité des services ferroviaires nationaux (SDNA), élaboré en concertation avec les associations de personnes handicapées et souscrit au schéma des Ad'AP (Agenda d'adaptabilité programmée) en réalisant un schéma intégré pour SNCF Mobilités et pour SNCF Réseau, pour le compte de l'Etat, validé le 29 août 2016, et avait ainsi respecté ses obligations légales quant à la mise aux normes progressive des voitures destinée à assurer l'accessibilité des couloirs et des toilettes dans les trains aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : N 19-18786. Arrêt n° 713 FS-P+I.

DEMANDEUR à la cassation : Société SNCF Voyageurs

DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.

Président : Mme Batut (président). Avocat(s) : SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Delvolvé et Trichet.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

La société SNCF Voyageurs, venant aux droits de l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF Mobilités, dont le siège est [adresse], a formé le pourvoi n° N 19-18.786 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2019 par la cour d'appel de Toulouse (3e chambre), dans le litige l'opposant à M. X., domicilié [adresse], défendeur à la cassation.

M. X. a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le Défendeur des droits a présenté des observations écrites en application de l'article 33 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société SNCF Voyageurs, de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de M. X., et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, M. Girardet, Mme Teiller, MM. Avel, Mornet, Mmes Kerner-Menay, Darret-Courgeon, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, M. Lavigne, avocat général, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

 

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Faits et procédure :

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 27 juin 2019), M. X., atteint d'un handicap qui l'oblige à se déplacer en fauteuil roulant, a, par acte du 19 septembre 2017, assigné l'établissement public à caractère industriel et commercial SNCF Mobilités, aux droits duquel vient la société SNCF Voyageurs (la SNCF) en réparation du préjudice constitué, lors de voyages en train effectués au cours de l'année 2016, par le fait d'avoir été placé dans l'allée centrale et par l'impossibilité d'accéder aux toilettes et au bar.

 

Examen des moyens :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, qui est préalable :

Enoncé du moyen

2. M. X. fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande visant à voir juger que la SNCF a manqué à ses obligations légales en matière d'accessibilité de ses équipements de transport aux personnes en situation de handicap, alors « que si, s'agissant de l'entrée en vigueur de certaines des dispositions du règlement n° 1371/2007 du 23 octobre 2007 applicable à compter du 3 décembre 2009, les États membres pouvaient accorder des dérogations aux opérateurs ferroviaires, pour une durée de cinq ans renouvelable deux fois, une seule dérogation avait été mise en place en France, par l'article L. 2151-2 du code des transports, son renouvellement devant être pris par décret ; que ces décrets n'ont, toutefois, pas été adoptés, de sorte qu'à compter du 4 décembre 2014 les dispositions de ce règlement étaient applicables dans leur intégralité ; qu'en refusant de déclarer opposables à la SNCF les articles 22 à 24 du règlement du 23 octobre 2007, la cour d'appel a violé ces dispositions par refus d'application. »

 

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

 

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 2, paragraphes 4 et 5, et 22 à 24 du règlement CE n° 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, L. 2151-2 et L. 1112-2-1 à L. 1112-3 du code des transports :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

3. Selon l'article 2, paragraphes 4 et 5, de ce règlement, entré en vigueur le 3 décembre 2009, un Etat membre peut déroger à ses dispositions à l'exception des articles 9, 11, 12, 19, 20, paragraphe 1, et 26 en ce qui concerne, d'une part, les services ferroviaires urbains, suburbains et régionaux, d'autre part, les services ferroviaires intérieurs de transport de voyageurs pendant une période ne dépassant pas cinq ans, renouvelable deux fois pour une période maximale de cinq ans à chaque fois.

4. Les articles 22 à 24 de ce règlement mettent à la charge des entreprises ferroviaires et des gestionnaires des gares une obligation d'assistance dans les gares et à bord des trains et définissent les conditions auxquelles est fournie cette assistance.

5. L'article L. 2151-2 du code des transports dispose :

« Les services publics de transport ferroviaire de voyageurs urbains, départementaux ou régionaux réalisés sur le réseau ferroviaire tel que défini à l'article L. 2122-1 sont soumis à l'application des seuls articles 9, 11, 12, 19, 26 ainsi que du I de l'article 20 du règlement précité. Les autres services intérieurs de transport ferroviaire de voyageurs sont soumis à l'application des seuls articles 9, 11, 12, 19, 26 ainsi que du I de l'article 20 du même règlement pour une période de cinq ans. Celle-ci peut être renouvelée, par décret, deux fois par période maximale de cinq ans. A l'issue de cette période, l'ensemble des dispositions du même règlement est applicable à ces services. »

6. En vertu des articles L. 1112-2-1 et L. 1112-2-2 du code des transports, issus de l'ordonnance n° 2014-1090 du 26 septembre 2014, la SNCF dispose d'un délai maximum de neuf ans à compter du 29 août 2016, date de l'approbation du schéma directeur d'accessibilité - agenda d'accessibilité programmée, pour mettre en oeuvre, notamment, les mesures destinées à assurer l'accessibilité du matériel roulant aux personnes handicapées et à mobilité réduite. Enfin, selon l'article L. 1112-3 du même code, si tout matériel roulant acquis lors d'un renouvellement ou à l'occasion de l'extension des réseaux est accessible aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, le matériel roulant routier, guidé et ferroviaire en service le 13 février 2015 peut être exploité après cette date.

7. Dès lors que ces dispositions ne visent pas les articles 22 à 24 du règlement précité et qu'aucun décret n'a renouvelé le délai de cinq ans prévu à l'article L. 2151-2 du même code, ces articles du règlement étaient applicables aux services de transport ferroviaire à la date des voyages en cause.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

8. Pour écarter l'existence d'un manquement de la SNCF à ses obligations légales en matière d'assistance aux personnes en situation de handicap et rejeter la demande de M. X., l'arrêt retient que les articles 22 à 24 du règlement ne sont pas opposables à la SNCF.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

Et sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche :

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Enoncé du moyen

10. La SNCF fait grief à l'arrêt de la déclarer responsable, lors de l'exécution du contrat de transport, d'une atteinte à la dignité de M. X. et de la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors « que, si le contrat oblige non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi, le juge ne peut rattacher une obligation à un contrat à titre accessoire qu'à la condition que cette obligation n'ait pas été déjà édictée par l'usage ou le législateur ; qu'en matière de transport ferroviaire, le législateur a défini, par une loi du 11 février 2005, complétée par une ordonnance du 26 septembre 2015, relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, ratifiées par une loi du 5 août 2015, les obligations à la charge des transporteurs ferroviaires en matière d'accessibilité de ses services aux personnes handicapées ; qu'à ce titre, il a notamment prévu la mise en place d'un calendrier précis et matériellement réalisable, ainsi que des plans de financement, sous la forme d'un « schéma directeur d'accessibilité – agenda d'accessibilité programmée », établi en concertation avec les associations de personnes handicapées ; qu'en l'espèce, après avoir considéré que la SNCF avait respecté les obligations imposées par la loi en la matière, la cour d'appel a néanmoins jugé que le transporteur ferroviaire était tenu, à l'égard des voyageurs, d'une « obligation générale de soins et doit leur assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort » ; qu'elle a considéré que M. X. ayant réglé ses billets pour un prix identique aux autres voyageurs, n'avait pas accès à toutes les prestations annexes au contrat de transport, et que l'inconfort généré par l'inaccessibilité des toilettes caractérisait une atteinte à la dignité et un « manquement à l'obligation de la SNCF mobilités d'assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène » ; qu'en édictant ainsi une « obligation générale de soins et doit leur assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort », tandis que les modalités d'accessibilité des personnes handicapées aux transports ferroviaires, y compris en matière d'hygiène et de confort, sont encadrées par la loi, la cour d'appel a violé l'article 1135 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1194 du même code. »

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Réponse de la Cour :

Recevabilité du moyen :

11. La recevabilité du moyen est contestée en défense, en raison de sa nouveauté.

12. Le moyen, né de la décision attaquée, est recevable.

 

Bien-fondé du moyen :

VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée)                                       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Vu les articles 1135 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 1112-2-1 à L. 1112-3 et L. 2151-1 et suivants du code des transports :

 

CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause)                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

13. Les obligations incombant à la SNCF au titre de la mise en conformité du matériel roulant aux normes destinées à en permettre l'accès aux personnes handicapées ou dont la mobilité est réduite, notamment quant à la dimension des couloirs et des toilettes, sont régies par les dispositions du code des transports susvisées.

 

RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

14. Pour déclarer la SNCF responsable, lors de l'exécution du contrat de transport, d'une atteinte à la dignité de M. X. et la condamner à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt retient que le transporteur ferroviaire est tenu, à l'égard des voyageurs, d'une obligation générale de soins et doit leur assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort, et que l'inconfort généré par l'inaccessibilité des toilettes caractérise une atteinte à la dignité et un manquement à l'obligation du transporteur ferroviaire d'assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène.

 

CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION                                                        (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

15. En statuant ainsi, alors qu'elle avait préalablement constaté que la SNCF justifiait avoir mis en place un schéma directeur d'accessibilité des services ferroviaires nationaux (SDNA), élaboré en concertation avec les associations de personnes handicapées et souscrit au schéma des Ad'AP (Agenda d'adaptabilité programmée) en réalisant un schéma intégré pour SNCF Mobilités et pour SNCF Réseau, pour le compte de l'Etat, validé le 29 août 2016, et avait ainsi respecté ses obligations légales quant à la mise aux normes progressive des voitures destinée à assurer l'accessibilité des couloirs et des toilettes dans les trains aux personnes handicapées ou à mobilité réduite, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare le juge judiciaire incompétent pour prononcer une injonction à l'encontre de SNCF Mobilités et renvoie M. X. à mieux se pourvoir, l'arrêt rendu le 27 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt.

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société SNCF Voyageurs

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré SNCF Mobilités responsable, lors de l'exécution du contrat de transport, d'une atteinte à la dignité de M. X., et d'avoir condamné SNCF Mobilités à verser à M. X. la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE le contrat de transport de voyageurs est un contrat d'entreprise générateur d'une obligation de résultat mise à la charge du transporteur quant à l'arrivée à la destination et à l'heure convenues ; que le transporteur ferroviaire a également, au regard des voyageurs, une obligation générale de soins et doit leur assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort ; que l'exécution matérielle du transport stricto sensu, relève du régime de la responsabilité contractuelle ; que si la SNCF justifie avoir mis en place un schéma directeur d'accessibilité des services ferroviaires nationaux (SDNA), élaboré en concertation avec les associations de personnes handicapées et a souscrit au schéma des Ad'AP (Agenda d'adaptabilité programmée) en réalisant un schéma intégré pour SNCF Mobilités et pour SNCF Réseau, pour le compte de l'État, validé le 29 août 2016, il est néanmoins établi que les billets réglés par M. X., pour un prix identique à celui des autres voyageurs, ne lui permettent pas l'accès à toutes les prestations annexes au contrat de transport à la différence des voyageurs valides. Et, l'inconfort généré par l'inaccessibilité des toilettes caractérise une atteinte à la dignité et un manquement à l'obligation de SNCF Mobilités d'assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, ce d'autant que le dernier alinéa de l'article L. 2151-2 du code des transports susvisés prévoit que le présent article ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente pour l'organisation d'un service public ferroviaire de transport de voyageurs décide d'appliquer tout ou partie des dispositions non obligatoires de ce règlement ; que le préjudice résultant de ce manquement sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts (arrêt, p. 14 § 3 et 4) ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°) ALORS QUE si le contrat oblige non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi, le juge ne peut rattacher une obligation à un contrat à titre accessoire qu'à la condition que cette obligation n'ait pas été déjà édictée par l'usage ou le législateur ; qu'en matière de transport ferroviaire, le législateur a défini, par une loi du 11 février 2005, complétée par une ordonnance du 26 septembre 2015, relative à la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des transports publics, des bâtiments d'habitation et de la voirie pour les personnes handicapées, ratifiées par une loi du 5 août 2015, les obligations à la charge des transporteurs ferroviaires en matière d'accessibilité de ses services aux personnes handicapées ; qu'à ce titre, il a notamment prévu la mise en place d'un calendrier précis et matériellement réalisable, ainsi que des plans de financement, sous la forme d'un « schéma directeur d'accessibilité – agenda d'accessibilité programmée », établi en concertation avec les associations de personnes handicapées ; qu'en l'espèce, après avoir considéré que la SNCF avait respecté les obligations imposées par la loi en la matière (arrêt, p. 11 et 12), la cour d'appel a néanmoins jugé que le transporteur ferroviaire était tenu, à l'égard des voyageurs, d'une « obligation générale de soins et doit leur assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort » (arrêt, p. 14 § 3) ; qu'elle a considéré que M. X. ayant réglé ses billets pour un prix identique aux autres voyageurs, n'avait pas accès à toutes les prestations annexes au contrat de transport, et que l'inconfort généré par l'inaccessibilité des toilettes caractérisait une atteinte à la dignité et un « manquement à l'obligation de la SNCF Mobilités d'assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène » (arrêt, p. 14 § 4) ; qu'en édictant ainsi une « obligation générale de soins et doit leur assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort », tandis que les modalités d'accessibilité des personnes handicapées aux transports ferroviaires, y compris en matière d'hygiène et de confort, sont encadrées par la loi, la cour d'appel a violé l'article 1135 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1194 du même code ;

2°) ALORS QUE, EN TOUT HYPOTHESE, le contrat de transport ferroviaire oblige le transporteur à assurer, d'une part, le transport de ses clients, d'autre part, leur sécurité ; qu'il ne prévoit aucune obligation générale de soins lui imposant d'assurer un transport dans des « conditions normales d'hygiène et de confort » ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1134, 1135 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenus les articles 1103, 1194 et 1231-1 du même code ;

3°) ALORS QU'à supposer que le contrat de transport ferroviaire comporte une obligation générale de soins imposant au transporteur d'assureur un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort au profit des personnes en situation de handicap, cette obligation ne peut être que de moyens ; que sa mise en oeuvre dépend en effet, d'une part, de l'ancienneté et de l'adaptabilité des équipements de la ligne empruntée, d'autre part, de la nature du handicap de la personne transportée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que SNCF Mobilités avait manqué à son « obligation générale de soins et [d']assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort » dès lors qu'il était établi « que les billets réglés par M. X., pour un prix identique à celui des autres voyageurs, ne lui permettent pas l'accès à toutes les prestations annexes au contrat de transport à la différence des voyageurs valides » et que « l'inconfort généré par l'inaccessibilité des toilettes caractérise une atteinte à la dignité et un manquement à l'obligation de SNCF Mobilités d'assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène » (arrêt, p. 14 § 3 et 4) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher comme elle y était invitée (concl., p. 14, 17 § 4 et 5 et p. 22), si la SNCF proposait un service d'accessibilité à ses trains aux personnes en fauteuil roulant, via une application, la possibilité de commander au bar et d'utiliser un bouton pour qu'un chef de bord apporte la commande à la personne concernée et n'était pas tenue à une mise aux normes d'accessibilité des trains visés par M. X. dans sa réclamation, mis en service avant 2005, notamment s'agissant de l'accès aux toilettes, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1231-1 du même code ;

4°) ALORS QUE, SUBSIDIAIREMENT, le juge est tenu de respecter et de faire respecter le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, pour considérer que SNCF Mobilités avait manqué à son « obligation générale de soins et [d']assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort », la cour d'appel a notamment jugé que « le dernier alinéa de l'article L. 2151-2 du code des transports susvisé prévoit que le présent article ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente pour l'organisation d'un service public ferroviaire de transport de voyageurs décide d'appliquer tout ou partie des dispositions non obligatoires de ce règlement » (arrêt, p. 14 § 4 in fine) ; qu'aucune des parties n'invoquait dans ses écritures l'application de l'article L. 2151-2 du code des transports ni ne soutenait que ce texte aurait permis d'imposer une telle obligation à SNCF Mobilités ; que la cour d'appel, qui a relevé un moyen d'office, sans inviter les parties à présenter préalablement leurs observations sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile et le principe de la contradiction ;

5°) ALORS QUE, EN TOUTE HYPOTHESE, l'article L. 2151-2 du code des transports précise, d'une part, les dispositions du règlement n°1371/2007 applicables aux voyageurs urbains, départementaux ou régionaux à compter de son insertion dans le droit national soit le 4 décembre 2009 (al. 1), d'autre part, les dispositions de ce même règlement applicables aux autres services intérieurs de transport ferroviaire de voyageurs pendant une période transitoire de cinq ans, renouvelable deux fois, à l'issue de laquelle l'ensemble du règlement doit être appliqué (al. 2) ; que, durant cette période transitoire, il était permis à l'autorité compétente, à titre de simple faculté, d'appliquer tout ou partie des dispositions du règlement non encore obligatoires ; qu'en l'espèce, pour considérer que SNCF Mobilités avait manqué à son « obligation générale de soins et [d']assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort », la cour d'appel a jugé que « le dernier alinéa de l'article L. 2151-2 du code des transports susvisé prévoit que le présent article ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente pour l'organisation d'un service public ferroviaire de transport de voyageurs décide d'appliquer tout ou partie des dispositions non obligatoires de ce règlement » (arrêt, p. 14 § 4 in fine) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que l'article L. 2151-2 du code des transports, qui se borne à offrir une simple faculté d'application des dispositions non obligatoires du règlement pendant la période transitoire, ne pouvait fonder une telle obligation, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1231-1 du même code et l'article L. 2151-2 du code des transports ;

6°) ALORS QUE le principe de non-discrimination n'est pas méconnu lorsque la différence de traitement est justifiée par la différence de situation entre les personnes concernées ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que SNCF Mobilités avait manqué à son « obligation générale de soins et [d']assurer un transport dans des conditions normales d'hygiène, de sécurité et de confort » dès lors qu'il était établi « que les billets réglés par M. X., pour un prix identique à celui des autres voyageurs, ne lui permettent pas l'accès à toutes les prestations annexes au contrat de transport à la différence des voyageurs valides » (arrêt, p. 14 § 4) ; qu'en se prononçant, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 20), si SNCF Mobilités proposait, à titre gratuit, aux personnes à mobilité réduite, un service dénommé « Accès Plus » permettant notamment l'accueil en gare, et l'accompagnement de ces personnes dans les matériels roulants jusqu'à ou depuis leur place dans le train afin de les aider à y embarquer/débarquer et la fourniture de toutes les informations utiles pour préparer leur voyage, par exemple réserver l'un des espaces dédiés aux voyageurs en fauteuil roulant ou solliciter des prestations d'accueil et d'accompagnement jusqu'à la place dans le train, ce dont il résultait que le prix acquitté par M. X. pour son billet lui donnait l'accès à des services dédiés aux personnes à mobilité réduite, auxquels n'avaient pas accès les clients ne présentant aucune difficulté de mobilité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1231-1 du même code ;

7°) ALORS QUE le juge est tenu de motiver sa décision ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a alloué une somme de 5.000 € à M. X. au titre du « préjudice résultant » du manquement imputé à SNCF Mobilités (arrêt, p. 14 § 4) ; qu'en se prononçant ainsi, sans préciser en quoi le préjudice allégué consistait, la cour d'appel a privé sa décision de motifs, en violation de l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. X.

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. X. de sa demande visant à voir juger que la SNCF avait manqué à ses obligations légales en matière d'accessibilité de ses équipements de transport aux personnes en situation de handicap,

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Aux motifs propres que le règlement européen 1371/2007 concernait les droits et obligations des voyageurs ferroviaires relatifs à la notion d'accessibilité et aux droits de la personne handicapée à un accès non discriminatoire au transport ; qu'il était d'application immédiate en vertu de l'article 288 du traité de fonctionnement de l'union européenne ; qu'en effet, selon cet article, pour l'accomplissement de leur mission, les institutions européennes pouvaient adopter, aux termes de l'article 288 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), des règlements, directives, décisions ou encore des recommandations ou avis ; que ces différents actes constituaient ce que l'on appelle le droit dérivé (…) ; que le champ d'application du règlement, entré en vigueur le 3 décembre 2009, visait l'ensemble des transports ferroviaires de personnes, tant à l'intérieur d'un État membre (« services ferroviaires intérieurs ») qu'au sein de l'Union européenne et ce pour tous les types de services ferroviaires (services réguliers et services occasionnels, courte et longue distance, urbains, suburbains et régionaux) ; que l'article 2 § 3 prévoyait qu'à partir de l'entrée en vigueur du présent règlement, les articles 9, 11, 12, et 19, l'article 20, paragraphe 1, et l'article 26 s'appliquaient dans l'ensemble de la Communauté à tous les services ferroviaires de transport de voyageurs ; que ces dispositions d'application impérative, relatives à certains droits minimums, étaient : le droit à la disponibilité des billets et des réservations (article 9), la responsabilité du transporteur à l'égard du voyageur (article 11), le droit au transport des personnes handicapées à mobilité réduite (article 19 et 20 § 1), ainsi que les mesures relatives à la sécurité personnelle des voyageurs (article 26) ; que l'article 19 était relatif à la mise en place de règles d'accès non discriminatoires applicables au transport de personnes handicapées et de personnes à mobilité réduite, avec la participation active d'organisations représentatives des personnes handicapées et des personnes à mobilité réduite (alinéa 1), à l'absence de supplément pour leurs réservations et leurs billets et à l'interdiction de refuser une réservation ou d'émettre un billet pour une personne handicapée ou une personne à mobilité réduite ou requérir qu'une telle personne soit accompagnée par une autre personne (alinéa 2) ; que l'article 20 § 1 prévoyait la communication aux personnes handicapées et aux personnes à mobilité réduite, sur demande, d'informations sur l'accessibilité des services ferroviaires ainsi que sur les conditions d'accès au matériel roulant conformément aux règles d'accès visées à l'article 19, paragraphe 1, et sur les équipements à bord ; que M. X. justifiait désormais en cause d'appel avoir utilisé le service Accès plus (pièces 19 à 21) ; qu'ainsi que le soulignait SNCF Mobilités, il démontrait ainsi qu'avait été mis en oeuvre l'article 20 § 1 susvisé ; que les articles 2 § 4 et 5, disposaient que, sauf en ce qui concernait les dispositions visées au paragraphe 3, un État membre pouvait, selon des modalités transparentes et non discriminatoires, octroyer une dérogation pendant une période ne dépassant pas cinq ans, renouvelable deux fois pour une période maximale de cinq ans à chaque fois, à l'application des dispositions du présent règlement en ce qui concernait les services ferroviaires intérieurs, urbains, suburbains et régionaux de transport de voyageurs ; qu'ainsi les articles 22 sur l'assistance dans les gares, 23 sur l'assistance à bord (définie comme les efforts faits, dans la mesure du raisonnable, pour permettre à une personne handicapée ou à une personne à mobilité réduite d'avoir accès aux mêmes services à bord du train que ceux dont bénéficient les autres voyageurs si son handicap est tel ou sa mobilité était réduite à un point tel qu'elle ne peut avoir accès à ces services de façon autonome et sûre), 24 sur les conditions de l'assistance n'étaient pas d'application impérative à la date de l'arrêté et relevaient de la possibilité de dérogation édictée à l'article 2 ainsi que l'avait justement retenu le tribunal,

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                               (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Alors, d'une part, que si, s'agissant de l'entrée en vigueur de certaines des dispositions du règlement n° 1371/2007 du 23 octobre 2007 applicable à compter du 3 décembre 2009, les États membres pouvaient accorder des dérogations aux opérateurs ferroviaires, pour une durée de cinq ans renouvelable deux fois, une seule dérogation avait été mise en place en France, par l'article L. 2151-2 du code des transports, son renouvellement devant être prise par décret ; que ces décrets n'ont, toutefois pas été adoptés, de sorte qu'à compter du 4 décembre 2014, les dispositions de ce règlement étaient applicables dans leur intégralité ; qu'en refusant de déclarer opposables à la SNCF Mobilités les articles 22 à 24 du règlement du 23 octobre 2007, la cour d'appel a violé ces dispositions par refus d'application,

Alors d'autre part et subsidiairement, qu'en se bornant à relever la possibilité pour les États membres de retarder l'entrée en vigueur de certaines dispositions du règlement du 23 octobre 2007 et en statuant sans préciser le fondement juridique la conduisant à considérer qu'une telle dérogation avait bien été accordée à la SNCF dans la mise en œuvre de ce règlement, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 12 du code de procédure civile.