8795 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par clause – Prescription
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 8795 (20 décembre 2023)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN
SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT POSTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016 – LOI DE RATIFICA ON DU 20 AVRIL 2018 : ARTICLE 1171 DU CODE CIVIL
PRÉSENTATION PAR CLAUSE – PRESCRIPTION ET DÉLAIS DE RÉCLAMATION
Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2023)
Délai de forclusion à compter de l’événement préjudiciable (expert-comptable). Crée un déséquilibre significatif la clause qui ne peut être considérée comme instituant un délai raisonnable pour saisir le juge en imposant au client d’agir, à peine de forclusion, dans les trois mois « des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise » ; en effet, si cet évènement est porté tardivement à la connaissance du client, ce dernier ne disposera plus d'un délai raisonnable lui permettant de consulter un avocat et de bénéficier ainsi d'un accès à la justice ; les précédents judiciaires invoqués, notamment l’arrêt de la Cour de Riom du 18 septembre 2019, ne sont pas pertinents puisqu’en l’espèce les clauses litigieuses fixaient le point de départ à la date à laquelle le client avait eu connaissance du sinistre. CA Riom (3e ch. civ. com.), 6 décembre 2023 : RG n° 22/00949 ; arrêt n° 540 ; Cerclab n° 10598 (clause réputée non écrite ; action recevable comme intentée dans le délai de prescription de trois ans, mais rejetée au fond), infirmant sur ce point T. com. Montluçon, 18 mars 2022 : RG n° 2021/000134 ; Dnd (action forclose). § Les termes de cette clause ne peuvent pas non plus être considérés comme clairs puisqu’ils stipulent que le délai de prescription comme celui de forclusion ont le même point de départ. Même arrêt (texte de la clause : « La responsabilité civile du professionnel comptable ne peut être mise en jeu que dans une période contractuellement définie de trois années à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise. Les actions en responsabilité entre le professionnel comptable devront être formées dans un délai de 3 mois à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise à peine de forclusion. »).
Délai de forclusion à compter de la découverte du litige (expert-comptable). Sur la qualification de la clause : une clause qui a pour objet de fixer un terme à une action, stipule un délai de forclusion et non de prescription (Cass. com. 26 janvier 2016, n° 14-23285) ; une stipulation contenue dans les conditions générales d'une lettre de mission d'un expert-comptable imposant que « toute demande de dommages et intérêts » soit introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client a eu connaissance, doit s'analyser en un délai de forclusion contractuellement défini entre les parties et doit recevoir application (Cass. com. 30 mars 2016, n°14-24874). CA Riom (3e ch. civ. com.), 21 septembre 2022 : RG n° 21/00452 ; Cerclab n° 9843 (mission comptable pour une Earl agricole transparente fiscalement), sur appel de TJ Moulins, 12 janvier 2021 : RG n° 19/00153 ; Dnd.
Sur l’analyse de la clause sous l’angle de Conv. EDH : la CEDH vérifie l'existence d'un recours effectif au juge ; cette effectivité induit que l'intéressé a eu connaissance de la possibilité de saisir le juge et qu'il a disposé de la capacité et du temps lui permettant en pratique d'exercer ce droit ; il convient donc de vérifier que, une fois informé, par exemple d'une décision, l'intéressé, en capacité de le faire, a disposé d'un délai suffisant pour faire valoir ses droits : un délai de trois mois imparti pour agir en justice n'est pas en soi d'une brièveté telle qu'il restreigne l'accès au juge. CA Riom (3e ch. civ. com.), 21 septembre 2022 : RG n° 21/00452 ; Cerclab n° 9843 (mission comptable pour une Earl agricole transparente fiscalement ; N.B. art. 1171 inapplicable à une faute commise en 2013), sur appel de TJ Moulins, 12 janvier 2021 : RG n° 19/00153 ; Dnd. § V. aussi sans visa explicite du texte : CA Douai (3e ch.), 6 octobre 2022 : RG n° 21/04413 ; arrêt n° 22/348 ; Cerclab n° 9865 (contrat entre une infirmière libérale et une association de gestion et de comptabilité ; fin de non-recevoir admise pour la première fois en appel ; délai de trois mois ne portant pas atteinte au droit d’agir en justice dès lors qu'il s'agit d'un délai suffisant pour saisir le juge), sur appel de TJ Avesnes-sur-Helpe, 15 juin 2021 : RG n° 19/01019 ; Dnd.
Sur l’analyse de la clause sous l’angle du déséquilibre significatif : L'éventuel déséquilibre entre les droits et obligations des parties s'apprécie in concreto au regard des parties et des circonstances en présence ; en l'espèce, s'agissant d'une clause de forclusion en matière d'expertise-comptable, la cour relève que l’association n'a aucune compétence dans ce domaine spécifique et que la mise en cause de la responsabilité de l'expert-comptable, professionnel règlementé, dans l'exercice de sa mission, requérait le recours préalable aux services d'un professionnel du chiffre pour analyser les critiques énoncées par le commissaire aux comptes ; la complexité des vérifications à effectuer, et l'investissement en temps nécessaire à cette fin, résultent sans conteste des indications du second expert-comptable que l’association a missionnée pour cela, laquelle précise en effet avoir passé 940 heures pour lui donner un avis circonstancié établissant les défaillances du premier ; dès lors, est abusive la clause litigieuse consistant, pour un professionnel de l'expertise-comptable, à imposer à un cocontractant profane de réunir les éléments techniques nécessaires dans un délai d'action réduit à trois mois au lieu du délai de droit commun de cinq ans, en ce qu’elle a pour effet de restreindre l'exercice effectif d'un recours par ce cocontractant profane, et de permettre corrélativement à l'expert-comptable d'échapper à l'engagement de sa responsabilité, ce sans qu'il soit fait valoir d'impératif particulier de nature à justifier cette réduction substantielle du délai d'action. CA Besançon (1re ch. civ. com.), 3 octobre 2023 : RG n° 21/01874 ; Cerclab n° 10422 (arrêt ne s’estimant saisi que de la fin de non-recevoir et renvoyant au tribunal pour statuer au fond), suite de CA Besançon (1re ch. civ. com.), 16 mai 2023 : RG n° 21/01874 ; Cerclab n° 10189, sur appel de T. com. Lons-le-Saulnier, 3 septembre 2021 : RG n° 2021J00009 ; Dnd.
En sens contraire : la clause instituant un délai de forclusion de trois mois pour agir en responsabilité contre l’expert-comptable, à compter de la date à laquelle la cliente a eu connaissance du sinistre, ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. CA Douai (3e ch.), 6 octobre 2022 : RG n° 21/04413 ; arrêt n° 22/348 ; Cerclab n° 9865 (contrat entre une infirmière libérale et une association de gestion et de comptabilité ; fin de non-recevoir admise pour la première fois en appel), sur appel de TJ Avesnes-sur-Helpe, 15 juin 2021 : RG n° 19/01019 ; Dnd.
Délai de réclamation : conformité de la chose vendue. Crée un déséquilibre significatif et est abusive la clause d’un contrat de vente qui impose à l'acheteur de retourner à ses frais la marchandise non conforme dans les 48 heures de la livraison, à peine de caducité du droit de s'en prévaloir ; cette clause qui, bien qu'elle figure dans un paragraphe consacré à la livraison, a pour seul effet de rendre exagérément difficile à l'acheteur de mettre en jeu la responsabilité contractuelle du vendeur pour défaut de livraison conforme, dépend en réalité d'un ensemble de stipulations extérieures à l'objet du contrat de vente qui a donné matière à la négociation et qui, dans les faits, ont été unilatéralement déterminées par le vendeur et soustraites à la négociation. CA Douai (ch. 2 sect. 1), 4 novembre 2021 : RG n° 19/04163 ; Cerclab n° 9232 (achats par une société d’événementiel d’écrans Led neufs devant être fabriqués en Chine ; arrêt notant que l'acheteur n'est pas de même spécialité que le vendeur ; conséquence : la livraison de matériels usagés n’étant pas conformes aux matériels neufs promis, alors que l'obligation de livrer un matériel neuf conformément au contrat était en l'espèce une obligation essentielle du vendeur, l’acheteur a exercé à bon droit l’exception d’inexécution pour l’exécution de son obligation de restitution des matériels prêtés), sur appel de T. com. Lille, 4 juin 2019 : RG n° 2018000127 ; Dnd.
Clauses réduisant la durée de la prescription. Absence de preuve d’un déséquilibre significatif de la clause de la clause réduisant la prescription à un an, qui s’applique aux deux parties. CA Paris (pôle 6 ch. 10), 10 février 2021 : RG n° 18/11116 ; Cerclab n° 8794 (contrat de travail à durée déterminée pour une fonction d’agent de service), sur appel de Cons. prud’h. Longjumeau, 5 septembre 2018 : RG n° 17/00208 ; Dnd. § N.B. Argument doublement surabondant – « en tant que de besoin » -, dès lors que l’arrêt a au préalable estimé que l’art. 1171 n’était pas applicable à un contrat conclu en 2012 et qu’au surplus, étant négociable, il ne s’agissait pas d’un contrat d’adhésion (ce qui semble impliquer une référence à la version de 2018).
En sens contraire : est abusive et réputée non écrite la clause d'aménagement conventionnelle de la prescription, qui réduit à une année le délai de la prescription pour les actions résultant de la conclusion, de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, du fait du déséquilibre significatif entre les parties qu’elle crée en raccourcissant certains délais légaux de prescription qui étaient normalement ouverts au salarié pour agir contre son employeur. CA Aix-en-Provence (ch. 4-5), 12 janvier 2023 : RG n° 20/03976 ; Cerclab n° 10020 (GIE créé pour mettre en commun les services et moyens administratifs, techniques et logistiques nécessaires à la réalisation de l'activité de plusieurs établissements médicaux et concluant un contrat de travail avec un directeur des services des soins infirmiers ; conséquence : actions du salariés jugées recevables ; N.B. l’arrêt a au préalable jugée la clause licite au regard de l’art. 2254 C. civ.), sur appel de Cons. prud'h. Cannes, 6 mars 2020 : RG n° 19/00276 ; Dnd.