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8795 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par clause – Prescription

Nature : Synthèse
Titre : 8795 - Code civil - Sanction directe des déséquilibres significatifs - Art. 1171 C. civ. (Ord. 10 février 2016 – L. ratif. 20 avril 2018). – Présentation par clause – Prescription
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 8795 (8 octobre 2025)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE CIVIL ET EN DROIT COMMUN

SANCTION DIRECTE DES DÉSÉQUILIBRES SIGNIFICATIFS - DROIT POSTÉRIEUR À L’ORDONNANCE DU 10 FÉVRIER 2016 – LOI DE RATIFICA ON DU 20 AVRIL 2018 : ARTICLE 1171 DU CODE CIVIL

PRÉSENTATION PAR CLAUSE – PRESCRIPTION ET DÉLAIS DE RÉCLAMATION

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2025)

 

Délai de forclusion à compter de l’événement préjudiciable (expert-comptable). Crée un déséquilibre significatif la clause qui ne peut être considérée comme instituant un délai raisonnable pour saisir le juge en imposant au client d’agir, à peine de forclusion, dans les trois mois « des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise » ; en effet, si cet évènement est porté tardivement à la connaissance du client, ce dernier ne disposera plus d'un délai raisonnable lui permettant de consulter un avocat et de bénéficier ainsi d'un accès à la justice ; les précédents judiciaires invoqués, notamment l’arrêt de la Cour de Riom du 18 septembre 2019, ne sont pas pertinents puisqu’en l’espèce les clauses litigieuses fixaient le point de départ à la date à laquelle le client avait eu connaissance du sinistre. CA Riom (3e ch. civ. com.), 6 décembre 2023 : RG n° 22/00949 ; arrêt n° 540 ; Cerclab n° 10598 (clause réputée non écrite ; action recevable comme intentée dans le délai de prescription de trois ans, mais rejetée au fond), infirmant sur ce point T. com. Montluçon, 18 mars 2022 : RG n° 2021/000134 ; Dnd (action forclose). § Les termes de cette clause ne peuvent pas non plus être considérés comme clairs puisqu’ils stipulent que le délai de prescription comme celui de forclusion ont le même point de départ. Même arrêt (texte de la clause : « La responsabilité civile du professionnel comptable ne peut être mise en jeu que dans une période contractuellement définie de trois années à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise. Les actions en responsabilité entre le professionnel comptable devront être formées dans un délai de 3 mois à compter des évènements ayant causé un préjudice à l'entreprise à peine de forclusion. »). § Dans le même sens : T. com. La Roche-sur-Yon (3e ch.), 28 janvier 2025 : RG n° 2024001447 ; Cerclab n° 24164 (en fixant un délai de forclusion de trois mois débutant à compter « des événements ayant causé un préjudice à l’entreprise », l’expert-comptable impose un déséquilibre significatif à son client qui n’est pas un professionnel du chiffre ; ce délai, très court, débute en effet dès la réalisation de la mauvaise écriture comptable et non pas à compter de la révélation de celle-ci, et ce, alors même que pour la déceler, il est nécessaire d’avoir recours à un professionnel du chiffre et à son analyse ; la clause restreint donc le droit au recours effectif de façon disproportionnée et permet à l’expert-comptable d’échapper à sa responsabilité, sans motif légitime ; soupçons en février et octobre 2022, confirmés par une analyse d’un nouvel expert-comptable en décembre 2023).

Délai de forclusion à compter de la découverte du litige (expert-comptable). V. plus généralement, Cerclab n° 24327.

* Décisions admettant l’existence d’un déséquilibre significatif. L'éventuel déséquilibre entre les droits et obligations des parties s'apprécie in concreto au regard des parties et des circonstances en présence ; en l'espèce, s'agissant d'une clause de forclusion en matière d'expertise-comptable, la cour relève que l’association n'a aucune compétence dans ce domaine spécifique et que la mise en cause de la responsabilité de l'expert-comptable, professionnel règlementé, dans l'exercice de sa mission, requérait le recours préalable aux services d'un professionnel du chiffre pour analyser les critiques énoncées par le commissaire aux comptes ; la complexité des vérifications à effectuer, et l'investissement en temps nécessaire à cette fin, résultent sans conteste des indications du second expert-comptable que l’association a missionnée pour cela, laquelle précise en effet avoir passé 940 heures pour lui donner un avis circonstancié établissant les défaillances du premier ; dès lors, est abusive la clause litigieuse consistant, pour un professionnel de l'expertise-comptable, à imposer à un cocontractant profane de réunir les éléments techniques nécessaires dans un délai d'action réduit à trois mois au lieu du délai de droit commun de cinq ans, en ce qu’elle a pour effet de restreindre l'exercice effectif d'un recours par ce cocontractant profane, et de permettre corrélativement à l'expert-comptable d'échapper à l'engagement de sa responsabilité, ce sans qu'il soit fait valoir d'impératif particulier de nature à justifier cette réduction substantielle du délai d'action. CA Besançon (1re ch. civ. com.), 3 octobre 2023 : RG n° 21/01874 ; Cerclab n° 10422 (arrêt ne s’estimant saisi que de la fin de non-recevoir et renvoyant au tribunal pour statuer au fond), suite de CA Besançon (1re ch. civ. com.), 16 mai 2023 : RG n° 21/01874 ; Cerclab n° 10189, sur appel de T. com. Lons-le-Saulnier, 3 septembre 2021 : RG n° 2021J00009 ; Dnd.

* Décisions excluant l’existence d’un déséquilibre significatif. V. en sens contraire : la clause instituant un délai de forclusion de trois mois pour agir en responsabilité contre l’expert-comptable, à compter de la date à laquelle la cliente a eu connaissance du sinistre, ne crée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. CA Douai (3e ch.), 6 octobre 2022 : RG n° 21/04413 ; arrêt n° 22/348 ; Cerclab n° 9865 (contrat entre une infirmière libérale et une association de gestion et de comptabilité ; fin de non-recevoir admise pour la première fois en appel), sur appel de TJ Avesnes-sur-Helpe, 15 juin 2021 : RG n° 19/01019 ; Dnd. § V. aussi : CA Rennes (3e ch. com.), 24 octobre 2023 : RG n° 21/04305 ; arrêt n° 447 ; Cerclab n° 10517 (absence de caractère abusif de la clause qui ne remet pas en question la possibilité d'engagement par le client de la responsabilité de la société et de l’expert-comptable, ne faisant qu'instituer un délai pour introduire l'action, lequel est inséré dans des limites raisonnables et permettant un accès réel au juge), sur appel de T. com. Quimper, 25 juin 2021 : Dnd. § Dans le même sens : TJ Lyon (ch. 9), 17 janvier 2025 : RG n° 21/08546 ; Cerclab n° 24240 (« toute demande de dommages-intérêts ne pourra être produite que pendant une période de trois ans commençant à courir le premier jour de l’exercice suivant celui au cours duquel est né le sinistre correspondant à la demande. Celle-ci devra être introduite dans les trois mois suivant la date à laquelle le client aura eu connaissance du sinistre » ; la durée de ce délai, trois mois à compter de la connaissance du sinistre par le client, est suffisante pour permettre à celui-ci de saisir le juge).

V. aussi, pour un contrat conclu avant l’entrée en vigueur du texte : si la lettre de mission peut s'analyser en l'espèce comme un contrat d'adhésion qui n'a pas été négocié, il a toutefois été accepté sans réserve et le déséquilibre résultant de la restriction du droit d'agir à compter de la révélation du sinistre n'apparaît pas significatif eu égard aux parties en présence, qui sont des professionnels et non des consommateurs ; dès lors la sanction édictée par l’art. 1171 C. civ., dans sa version issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ou appliquée en jurisprudence avant l'entrée en vigueur de ce dernier texte n'a pas à être mise en œuvre. CA Paris (pôle 5 ch. 8), 16 septembre 2025 : RG n° 22/19745 ; Cerclab n° 24318 (arrêt visant l’art. 2220 C. civ.), sur appel de TJ Paris (1re ch. 3e sect.), 17 octobre 2022 : RG n° 15/06682 ; Dnd.

Délai de réclamation : conformité de la chose vendue. Crée un déséquilibre significatif et est abusive la clause d’un contrat de vente qui impose à l'acheteur de retourner à ses frais la marchandise non conforme dans les 48 heures de la livraison, à peine de caducité du droit de s'en prévaloir ; cette clause qui, bien qu'elle figure dans un paragraphe consacré à la livraison, a pour seul effet de rendre exagérément difficile à l'acheteur de mettre en jeu la responsabilité contractuelle du vendeur pour défaut de livraison conforme, dépend en réalité d'un ensemble de stipulations extérieures à l'objet du contrat de vente qui a donné matière à la négociation et qui, dans les faits, ont été unilatéralement déterminées par le vendeur et soustraites à la négociation. CA Douai (ch. 2 sect. 1), 4 novembre 2021 : RG n° 19/04163 ; Cerclab n° 9232 (achats par une société d’événementiel d’écrans Led neufs devant être fabriqués en Chine ; arrêt notant que l'acheteur n'est pas de même spécialité que le vendeur ; conséquence : la livraison de matériels usagés n’étant pas conformes aux matériels neufs promis, alors que l'obligation de livrer un matériel neuf conformément au contrat était en l'espèce une obligation essentielle du vendeur, l’acheteur a exercé à bon droit l’exception d’inexécution pour l’exécution de son obligation de restitution des matériels prêtés), sur appel de T. com. Lille, 4 juin 2019 : RG n° 2018000127 ; Dnd.

Clauses réduisant la durée de la prescription. Absence de preuve d’un déséquilibre significatif de la clause de la clause réduisant la prescription à un an, qui s’applique aux deux parties. CA Paris (pôle 6 ch. 10), 10 février 2021 : RG n° 18/11116 ; Cerclab n° 8794 (contrat de travail à durée déterminée pour une fonction d’agent de service), sur appel de Cons. prud’h. Longjumeau, 5 septembre 2018 : RG n° 17/00208 ; Dnd. § N.B. Argument doublement surabondant – « en tant que de besoin » -, dès lors que l’arrêt a au préalable estimé que l’art. 1171 n’était pas applicable à un contrat conclu en 2012 et qu’au surplus, étant négociable, il ne s’agissait pas d’un contrat d’adhésion (ce qui semble impliquer une référence à la version de 2018).

En sens contraire : est abusive et réputée non écrite la clause d'aménagement conventionnelle de la prescription, qui réduit à une année le délai de la prescription pour les actions résultant de la conclusion, de l'exécution et de la rupture du contrat de travail, du fait du déséquilibre significatif entre les parties qu’elle crée en raccourcissant certains délais légaux de prescription qui étaient normalement ouverts au salarié pour agir contre son employeur. CA Aix-en-Provence (ch. 4-5), 12 janvier 2023 : RG n° 20/03976 ; Cerclab n° 10020 (GIE créé pour mettre en commun les services et moyens administratifs, techniques et logistiques nécessaires à la réalisation de l'activité de plusieurs établissements médicaux et concluant un contrat de travail avec un directeur des services des soins infirmiers ; conséquence : actions du salariés jugées recevables ; N.B. l’arrêt a au préalable jugée la clause licite au regard de l’art. 2254 C. civ.), sur appel de Cons. prud'h. Cannes, 6 mars 2020 : RG n° 19/00276 ; Dnd. § Doit être réputée non écrite la clause qui réduit le délai pour agir en responsabilité contre le prestataire à 12 mois à compter du fait générateur, dès lors que, mêle si cet aménagement contractuel de la durée de prescription est autorisé par l’art. 2254 C. civ., dès lors qu’au regard de la jurisprudence (Cass. civ. 1re, 13 mars 2024, n° 22-12.345), la prescription d'une action ne peut être réduite conventionnellement à moins d'un an à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’agir, alors que la clause litigieuse soumet l'action du client à une prescription d'un an à compter d’un point de départ fixe, la date de survenance du fait générateur. T. com. Tours (4e sect.), 24 janvier 2025 : RG n° 2022006331 ; Cerclab n° 24173 (mise en place de nouveaux serveurs informatiques, physiques et virtuels, et d’un système de gestion des sauvegardes ; N.B. le fondement juridique n’est pas explicitement précisé et semble être l’art. 2254, même si le jugement utilise ensuite l’art. 1171).

Sur le droit applicable : l’art. L. 1471-1 C. trav. dispose que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit, cependant, en application de l'art. L. 1221-1 du même code, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun comprenant celles prévues par l'art. 2254 C. civ. qui, d'une part dispose que « la durée de prescription peut être abrégée ou allongée par accord des parties, sans toutefois être réduite à moins d'un an », d'autre part exclut un tel aménagement de la prescription dans deux hypothèses limitativement énumérées à savoir, l'action en répétition du salaire et l'action en réparation du préjudice résultant de la discrimination, qui ne correspondent pas à l'action en requalification d'un CDD en CDI. CA Paris (pôle 6 ch. 8), 10 avril 2025 : RG n° 23/02185 ; Cerclab n° 23720 (contrat de travail à durée déterminée d’un journaliste), sur appel de Cons. prud. Paris, 2 décembre 2022 : RG n° F22/08007 ; Dnd. § L'art. L. 1121-1 C. trav. selon lequel « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché », s'applique aux clauses relatives aux droits et libertés du salarié dans le cadre de la réalisation de sa prestation de travail et non à l'aménagement de la prescription par les parties à un contrat de travail qui est autorisé.