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CA RENNES (3e ch. com.), 16 février 2021

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (3e ch. com.), 16 février 2021
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 3e ch. com.
Demande : 20/03389
Décision : 21/78
Date : 16/02/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 24/07/2020
Numéro de la décision : 78
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CERCLAB - DOCUMENT N° 8800

CA RENNES (3e ch. com.), 16 février 2021 : RG n° 20/03389 ; arrêt n° 78 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Dans la mesure où la société Britexa fonde l'ensemble de ses demandes, non pas sur les dispositions de l'article L. 442-1 du code de commerce qui ne sont alléguées que par les sociétés F. et C., mais sur la violation, au visa de l'article 1147 du code civil, des obligations contractuelles incombant auxdites sociétés, c'est à bon droit que le président du tribunal de commerce de Quimper, juridiction désignée par la clause attributive de compétence insérée dans les contrats litigieux, s'est déclaré compétent pour statuer sur ces demandes.

Si les sociétés F. et C. entendent se prévaloir d'autres dispositions, notamment de celles prévues à l'article L. 442-1 du code de commerce, c'est à elles qu'il incombe de saisir la juridiction spécialement désignée par la loi pour en connaître.

Ainsi et en l'état actuel de la procédure, l'ordonnance par laquelle le magistrat quimpérois s'est déclaré compétent sera confirmée, et la demande d'irrecevabilité opposée par les sociétés F. et C. rejetée. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

TROISIÈME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU 16 FÉVRIER 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/03389. Arrêt n° 78/ N° Portalis DBVL-V-B7E-QZC4.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, rapporteur

GREFFIER : Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 12 janvier 2021

ARRÊT : contradictoire, prononcé publiquement le 16 février 2021 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

 

APPELANTE :

SARL BRITEXA

immatriculée au RCS de Quimper sous le n° XXX, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, [...], [...], Représentée par Maître Mikaël B., postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Mélanie C., plaidant, avocat au barreau de BREST

 

INTIMÉES :

SAS CLAUDE C.

immatriculée au RCS de La Roche-sur-Yon sous le n° YYY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, [...], [...], [...], Représentée par Maître Éric D. de la SCP G., D. & L., postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Sandrine B.-G., plaidant, avocat au barreau de CHARTRES

SASU M.F.

immatriculée au RCS de La Roche-sur-Yon sous le n° ZZZ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, [...] ; [...] ; Représentée par Maître Éric D. de la SCP G., D. & L., postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par Maître Sandrine B.-G., plaidant, avocat au barreau de CHARTRES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Les sociétés F. et C. exploitent deux abattoirs de canards à [ville S.].

La société Britexa, qui a son siège à [ville C.], exploite quant à elle, par l'intermédiaire de sa filiale, la société Kéraliou elle-même implantée dans le Morbihan, une activité de transformation de pattes de canard destinées au marché asiatique.

Afin de s'approvisionner, la société Britexa concluait avec les sociétés F. et C., respectivement les 9 novembre 2004 et 13 avril 2006, des contrats pour racheter la production de pattes de canards issue des deux abattoirs.

Ces contrats, d'une durée initiale d'un an, prévoyaient leur tacite reconduction chaque année pour une nouvelle durée identique, sauf dénonciation faite au moins six mois à l'avance, avec cette précision que le renouvellement serait « de droit » si la société Britexa procédait à des « achats conséquents » selon une quantité minimale à définir par voie d'avenant, à défaut de quoi les achats seraient dits « conséquents » s'ils représentaient plus de 70 % de la production de chacun des abattoirs.

Les contrats contenaient également une clause d'exclusivité au profit de la société Britexa, les sociétés F. et C. s'interdisant en effet d'écouler, directement ou indirectement, leur production de pattes de canard tant en Europe qu'en Asie.

Enfin, les parties convenaient d'attribuer compétence au tribunal de commerce de Quimper pour régler tout litige susceptible de survenir entre elles.

Ces contrats, exécutés sans difficulté depuis l'origine, allaient ainsi être renouvelés sans discontinuer jusqu'au début de l'année 2019, soit à une époque où le groupe volailler LDC venait de prendre le contrôle des sociétés F. et C.

Le 15 février 2019, la société F. notifiait à la société Britexa son intention de mettre fin au contrat à effet du 9 novembre suivant.

De même et le 25 avril 2019, la société C. adressait un courrier similaire à la société Britexa pour lui annoncer la fin de leurs relations à effet du 13 avril 2020.

Des discussions s'engageaient alors entre les parties, la société Britexa contestant le principe même de la résiliation des contrats en se prévalant d'un droit au renouvellement tant qu'elle-même respectait son obligation d'achat « conséquent », ce qui était le cas dans la mesure où elle avait toujours acheté l'intégralité de la production de pattes de canard issue des deux abattoirs.

Au contraire, les sociétés F. et C. maintenaient leur position, justifiant leur décision de résiliation par le fait que, selon elles, les contrats étaient rédigés d'une manière extrêmement favorable à la société Britexa et ce, au détriment de ses cocontractantes ; elles lui reprochaient également de ne plus respecter sa propre obligation d'approvisionnement puisque, depuis la fin du mois d'août 2019, la société Britexa avait cessé de prendre possession des stocks de pattes de canard pourtant mis à sa disposition.

En l'absence de règlement amiable du litige, et alors que les sociétés F. et C. maintenaient leur décision de résiliation aux dates précédemment notifiées, la société Britexa les faisait assigner en référé devant le président du tribunal de commerce de Quimper, sur le fondement d'un trouble manifestement illicite par violation de leurs obligations contractuelles, aux fins d'obtenir :

- d'abord la désignation d'un expert judiciaire pour évaluer le préjudice subi par la société Britexa du fait de cette résiliation,

- ensuite la condamnation de chacune des défenderesses au paiement d'une provision de 50.000 € à valoir sur l'indemnisation de ce préjudice,

- enfin la condamnation de la société F. à lui restituer un certain nombre de matériels que la société Britexa lui avait confiés dans le cadre de l'exécution du contrat.

Par ordonnance du 9 juillet 2020, le magistrat :

- renvoyait les parties à se pourvoir sur le fond devant la juridiction compétente ;

- cependant, dès à présent et par application de l'article 873 du code de procédure civile :

* se déclarait compétent ;

* déboutait la société Britexa de toutes ses demandes, fins et conclusions formées tant à l'encontre de la société F. que de la société C. ;

* déboutait les sociétés F. et C. du surplus de leurs demandes ;

* disait n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ni de part ni d'autre ;

* condamnait la société Britexa aux entiers dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 24 juillet 2020, la société Britexa interjetait appel de cette décision.

L'appelante notifiait ses dernières conclusions le 6 janvier 2021, les intimées les leurs le 22 décembre 2020.

La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 7 janvier 2021.

 

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

La société Britexa demande à la cour de :

Vu l'article 1147 ancien du code civil,

Vu les articles 872 et suivants du code de procédure civile,

Vu l'article 145 du code de procédure civile,

In limine litis, sur la compétence,

- constater que dans son assignation et ses écritures de première instance, la société Britexa évoque, non pas une rupture brutale des relations commerciales établies et une demande d'indemnisation à ce titre (article L. 442-1 du code de commerce), mais un préjudice découlant d'un manquement contractuel ;

- dès lors, dire et juger que le juge des référés du tribunal de commerce de Quimper était compétent ;

- confirmer la décision rendue sur ce point ;

Au fond, infirmant la décision rendue,

Sur la prétendue existence d'un déséquilibre significatif :

- dire et juger que si les sociétés F. et C. prétendent à l'existence d'un déséquilibre significatif, à leur détriment, dans les conventions passées avec la société Britexa, conventions dont il sera observé qu'elles ont régulièrement été renouvelées depuis plusieurs années, évoquant d'ailleurs les articles L. 442-1 et suivant du code de commerce, les sociétés n'ont cependant pas saisi la juridiction spéciale compétente sur ce point ;

- en conséquence, écarter l'ensemble de l'argumentaire des deux sociétés sur ce point ;

Sur les conventions passées :

- constater l'existence d'une clause de renouvellement de droit des conventions passées ;

- dire et juger la société Britexa démontre avoir acquis les productions de pattes de canard de manière continue auprès des sociétés F. et C. ;

- que les conventions ont été respectées et qu'en tout cas les sociétés F. et C. ne démontrent pas le contraire ;

- dire et juger dès lors, que les conventions ont été renouvelées et qu'il n'était pas loisible aux sociétés F. et C. de les dénoncer ;

- qu'en outre, les délais de préavis posés de manière arbitraire par les sociétés F. et C. n'ont pas été respectés par ces dernières ;

- dire et juger que les deux sociétés ont commis un trouble illicite et donc une voie de fait en notifiant la cessation des relations commerciales alors que le renouvellement de droit était acquis ;

Sur l'expertise :

- dire et juger que la société Britexa justifie d'un motif légitime à voir ordonner une expertise judiciaire ;

- ordonner une mesure d'expertise, confiée à tel expert qu'il plaira à la juridiction des référés de désigner, mais à tout le moins il devra s'agir d'un expert financier, avec possibilité de s'adjoindre un sapiteur, afin de chiffrer le préjudice financier, économique subi par la société Britexa du fait de la rupture des contrats ;

- dire que l'expert ainsi commis pourra se faire remettre tous documents utiles et recueillir toutes informations auprès des parties, des organismes bancaires ou de toute personne ou organisme dont il pourrait obtenir des informations utiles pour l'exécution de sa mission sans qu'il puisse se voir opposer un quelconque secret bancaire ou professionnel ;

- entendre tout sachant et les parties à la cause ;

- analyser les éléments remis ;

- dire que l'expert commis devra chiffrer les productions de pattes de canard des sociétés F. et C. et les achats effectués par la société Britexa, a minima sur les trois années antérieures à l'envoi des courriers de résiliation ;

- dire que l'expert devra ainsi vérifier :

* si les quantités minimales requises ont bien été acquises par la société Britexa ;

* si les sociétés F. et C. ont bien proposé à la société Britexa l'intégralité de leur production ou si, au contraire, une partie de cette production n'a pas été communiquée, ce qui permettra de vérifier si l'exclusivité a été respectée ;

- dire que l'expert devra évaluer le préjudice financier et économique allégué et qu'il devra définir et préciser les éléments retenus pour calculer la perte occasionnée par la rupture des contrats ;

- dire qu'il devra dresser un rapport après avoir adressé aux parties un pré-rapport et leur avoir laissé un délai pour présenter leurs observations ;

- fournir tous éléments utiles permettant à la juridiction du fond d'apprécier les responsabilités encourues ;

- débouter les sociétés F. et C. de leur demande de communication des comptes financiers et documents comptables ;

Sur la demande de provision :

- dire et juger qu'il est d'ores et déjà démontré que la société Britexa a été contrainte de procéder à des licenciements ;

- condamner dès à présent et in solidum les sociétés F. et Couthois à payer à la société Britexa une provision de 45.097,04 € à valoir sur son préjudice ;

Sur le prêt d'usage :

- ordonner à la société F. de restituer les machines qui ont été mises à sa disposition par la société Britexa dans un délai de 30 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, à peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard ;

- débouter les sociétés F. et C. de toutes leurs demandes plus amples et contraires ;

- les condamner chacune au paiement d'une somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- les condamner aux entiers dépens, qui comprendront ceux de première instance.

[*]

Au contraire, les sociétés F. et C. demandent à la cour de :

Vu les articles L. 442-1 et L. 441-2-4 du code de commerce,

Vu les articles 145 et 146 du code de procédure civile,

Vu l'article 873 du code de procédure civile,

A titre liminaire,

- constater le caractère irrecevable des demandes de la société Britexa devant le juge des référés du tribunal de commerce de Quimper, lequel n'avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur un litige relevant de l'article L. 442-1 du code de commerce ;

- infirmer en conséquence l'ordonnance en ce que le magistrat a commis un excès de pouvoir faute de pouvoir juridictionnel sur un litige relevant de la compétence spéciale dévolue à l'article L. 442-6 du code de commerce ;

- en conséquence, déclarer irrecevables les demandes de la société Britexa ;

A défaut,

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté la société Britexa de l'ensemble de ses demandes ;

- dire et juger que la demande formulée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne repose pas sur un motif légitime ;

- dire et juger que les demandes provisionnelles se heurtent à une contestation sérieuse ;

- en débouter la société Britexa ;

- condamner la société Britexa à verser aux sociétés F. et C. une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ainsi qu'une somme de 5.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

[*]

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la compétence du juge des référés du tribunal de commerce de Quimper pour statuer sur les demandes formées par la société Britexa :

Dans la mesure où la société Britexa fonde l'ensemble de ses demandes, non pas sur les dispositions de l'article L. 442-1 du code de commerce qui ne sont alléguées que par les sociétés F. et C., mais sur la violation, au visa de l'article 1147 du code civil, des obligations contractuelles incombant auxdites sociétés, c'est à bon droit que le président du tribunal de commerce de Quimper, juridiction désignée par la clause attributive de compétence insérée dans les contrats litigieux, s'est déclaré compétent pour statuer sur ces demandes.

Si les sociétés F. et C. entendent se prévaloir d'autres dispositions, notamment de celles prévues à l'article L. 442-1 du code de commerce, c'est à elles qu'il incombe de saisir la juridiction spécialement désignée par la loi pour en connaître.

Ainsi et en l'état actuel de la procédure, l'ordonnance par laquelle le magistrat quimpérois s'est déclaré compétent sera confirmée, et la demande d'irrecevabilité opposée par les sociétés F. et C. rejetée.

 

Sur la demande de la société Britexa tendant à voir constater l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 du code de procédure civile :

Se prévalant d'un droit au renouvellement des contrats d'approvisionnement qu'elle a conclus avec les sociétés F. et C., la société Britexa demande à la cour de juger que lesdites sociétés se sont rendues coupables d'un trouble manifestement illicite en résiliant ces contrats, quand bien même l'auraient-elles fait en respectant un préavis que le premier juge a estimé, d'ailleurs à tort, suffisant.

La cour ne partage pas cette analyse, rappelant en effet :

- qu'en dehors des situations régies par une loi spéciale, un contrat conclu pour une période déterminée et renouvelable ensuite d'année en année par tacite reconduction, sauf dénonciation adressée par l'une des parties à l'autre dans le respect du délai prévu au contrat, et qui s'est effectivement poursuivi au-delà de la période initialement convenue, conserve le caractère de contrat à durée déterminée ;

- que sauf abus, le refus de son renouvellement n'est pas fautif et n'ouvre pas droit à indemnité.

En d'autres termes, la société Britexa ne peut pas se prévaloir d'un droit absolu au renouvellement des contrats conclus avec les sociétés F. et C., quand bien même ces contrats auraient été renouvelés sans interruption depuis leur origine et quand bien même elle aurait elle-même respecté sa propre obligation d'approvisionnement afin de pouvoir bénéficier d'un nouveau renouvellement.

Ainsi et pour que soit un trouble manifestement illicite au sens de l'article 873 du code de procédure civile, il aurait fallu, soit que les sociétés F. et C. s'affranchissent des délais de préavis prévus aux contrats, soit qu'elles commettent un abus dans l'exercice de leur droit de résiliation.

Or, aucun de ces manquements n'est établi en l'occurrence, étant en effet observé :

- qu'alors que le contrat conclu avec la société F., initialement souscrit le 9 novembre 2004 pour une durée d'un an, s'était valablement renouvelé d'année en année et pour la dernière fois le 9 novembre 2018, ladite société a notifié à la société Britexa, par lettre du 15 février 2019, la résiliation du contrat à effet du 9 novembre suivant, ayant par là même respecté un délai de préavis amplement supérieur à celui prévu au contrat (plus de huit mois, au lieu des six exigés) ;

- qu'alors que le contrat conclu avec la société C., initialement souscrit le 13 avril 2006 pour une durée d'un an, s'était valablement renouvelé d'année en année et pour la dernière fois le 13 avril 2019, ladite société a notifié à la société Britexa, par lettre du 25 avril 2019, la résiliation du contrat à effet du 13 avril 2020, ayant par là même respecté un délai de préavis amplement supérieur à celui prévu au contrat (près de douze mois, au lieu des six exigés) ;

- que la société Britexa ne justifie pas en quoi, ce faisant, les sociétés F. et C. auraient abusé de leur droit de résiliation, celles-ci demeurant libres, par principe et sous réserve du respect des délais contractuels de préavis ou d'un abus de droit qu'il appartient à l'autre partie de démontrer, de mettre fin à des relations qui ne les satisfont plus.

Par ailleurs et contrairement à ses affirmations, la société Britexa n'établit pas que les sociétés F. et Couthois aient violé leurs obligations contractuelles pendant le délai de préavis.

En effet, l'appelante ne justifie pas, par les pièces qu'elle verse aux débats, que les sociétés intimées se soient affranchies de l'obligation d'exclusivité auxquelles elles demeuraient tenues pendant le délai de préavis, la société Britexa ne rapportant pas la preuve, en effet, que tout ou partie de leur production de pattes de canard ait été vendue à d'autres opérateurs.

Au contraire, la société C. justifie, au moyen d'un procès-verbal de constat d'huissier de justice dressé le 27 novembre 2019, que des stocks importants de pattes de canard issues de son abattoir attendaient, à cette date, que la société Britexa vienne en prendre possession, ce qu'elle s'abstenait de faire depuis plusieurs mois déjà.

En conséquence et en l'absence de faute contractuelle ou d'abus de droit pouvant être reproché aux sociétés F. et C., la demande de la société Britexa tendant à voir reconnaître l'existence d'un trouble manifestement illicite sera rejetée.

 

Sur la demande d'expertise judiciaire :

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Cependant, eu égard au contexte de l'affaire, caractérisé par l'absence de démonstration d'un trouble manifestement illicite imputable aux sociétés F. et C. dans l'exercice de leur droit de résiliation, alors par ailleurs que la société Britexa dispose de ses propres moyens comptables pour liquider les préjudices dont elle prétend pouvoir obtenir réparation devant la juridiction du fond, il n'existe pas de motif légitime à ordonner l'expertise sollicitée, qui est en effet inutile à la solution du litige.

L'ordonnance déférée sera confirmée en ce sens.

 

Sur la demande de provision :

En vertu de l'article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant en référé, peut accorder une provision au créancier dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Tel n'est pas le cas en l'espèce, dès lors en effet :

- que la société Britexa ne rapporte pas la preuve, du moins au stade du référé, de la faute qu'elle impute aux sociétés F. et C. dans la résiliation des contrats litigieux ;

- qu'elle ne justifie pas même, sa pièce n° 59 ne valant pas démonstration sur ce point, du lien de causalité entre la résiliation des contrats et les licenciements auxquels la société a procédé et dont elle réclame, à titre provisionnel, le remboursement du coût.

L'ordonnance sera encore confirmée en ce sens.

 

Sur la demande de restitution :

Le premier juge n'a pas statué expressément sur cette demande ; à tout le moins et s'il a pu le faire implicitement en déboutant la société Britexa « de toutes ses demandes, fins et conclusions », en revanche il n'a pas particulièrement motivé sa décision sur ce point.

Pour autant, la société Britexa ne rapporte pas la preuve, pas même devant la cour, du prêt à usage des machines qu'elle dit avoir mises à la disposition de la société F., étant en effet observé que pour tout justificatif de sa demande de restitution, elle se borne à produire le fichier des immobilisations de sa filiale, l'E. Kéraliou, en date du 31 décembre 2002 soit antérieurement même à la conclusion des contrats litigieux, ainsi qu'un devis d'équipement qui, même établi le 30 avril 2008 au nom de la société Britexa, ne démontre pas non plus qu'il s'agit des machines prétendument prêtées à la société F..

En conséquence et faute de démonstration du prêt allégué, la société Britexa sera déboutée de sa demande de restitution.

 

Sur les autres demandes :

En l'absence de démonstration d'un abus du droit d'agir de la société Britexa, notamment d'une intention de nuire à l'origine de cette action, les sociétés F. et C. seront déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Partie perdante, la société Britexa sera condamnée à payer à chacune des sociétés intimées une somme de 2.000 € au titre des frais exposés par elles en cause d'appel.

De même, la société Britexa supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

- y ajoutant :

* déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

* condamne la société Britexa à payer à la société F. une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

* condamne la société Britexa à payer à la société C. une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

* condamne la société Britexa aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Le greffier                             Le président