CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 17 février 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8806
CA MONTPELLIER (4e ch. civ.), 17 février 2021 : RG n° 18/01894
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Mme X. prétend que de nouvelles conditions générales lui ont été adressées par courrier le 31 mai 2012 dans lequel l'assureur lui adresse copie de ses courriers relatifs au sinistre, copie de l'avenant au certificat de souscription du 26 juillet 2010 volet Foyer et copie du contrat BNP Protection Professionnels volet Foyer.
La cour constate que l'assureur ne lui a pas envoyé copie desdites conditions générales, qu'il lui indique dans son courrier « Nous vous précisons qu'il s'agit des générales applicables à la date de souscription de vos avenants. Toutefois nous ne sommes pas en mesure de vous adresser les conditions paraphées par vos soins étant donné que celles-ci vous sont directement remises par votre agence bancaire lors de la souscription. Vous reconnaissez d'ailleurs avoir reçu préalablement et pris connaissance d'un exemplaire du présent avenant, des dispositions générales du contrat BNP PROTECTION, valant note d'information ainsi que du barème des cotisations. » Ainsi, il apparaît que seule Mme X., et éventuellement son agence bancaire, était en possession de nouvelles conditions générales paraphées par ses soins qui lui ont été remises par sa banque. Elle n'est manifestement pas en état de pouvoir produire son exemplaire.
Il en découle qu'en l'absence de référence précise à ces conditions générales visées dans le cadre de ces avenants, seules les conditions générales en date du mois d'octobre 2005 lui sont opposables (PIÈCE APPELANTE n° 43). »
2/ « Il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de Mme X., il s'agit bien d'une clause de cessation de garanties et non d'une clause d'exclusion. L'article L. 112-4 du code des assurances et la jurisprudence de la Cour de cassation ne trouvent donc pas à s'appliquer à son espèce. Pas plus que l'article L. 212-1 du code de la consommation qui, outre le fait qu'il a fait l'objet d'une création par ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne concerne que les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, Mme X. ayant contracté dans le cadre de son activité professionnelle. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/01894. N° Portalis DBVK-V-B7C-NTU3. Décision déférée à la Cour : Jugement du 9 JANVIER 2018, TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PERPIGNAN : R.G. n° 14/04805.
APPELANTE :
Madame X.
de nationalité Française, [adresse], [...], Représentée par Maître David D. de la SCP G. - D. - M., avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMÉE :
SA CARDIF ASSURANCE VIE
[...], [...], Représentée par Maître Fanny L. de la SELARL LEXAVOUE MONTPELLIER G., G., L., avocat au barreau de MONTPELLIER
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 décembre 2020, en audience publique, au moins un conseil s'étant opposé à ce que l'affaire soit jugée sans audience en vertu de l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-1400 du 18 novembre 2020, devant Madame Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries lors du délibéré de la cour composée de : M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, Mme Cécile YOUL-PAILHES, Conseillère, M. Frédéric DENJEAN, Conseiller.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvia TORRES
ARRÊT : - contradictoire - prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; - signé par M. Philippe SOUBEYRAN, Président de chambre, et par Mme Henriane MILOT, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 7 octobre 2009, la société LIBERTY VOYAGES représentée par sa gérante, Mme X., a souscrit deux contrats d'assurance auprès de la société CARDIF ASSURANCE VIE (ci-après : l'assureur), pour la couverture de divers risques au profit de Mme X.
Des avenants à ces deux contrats étaient signés le 26 juillet 2010.
Le 9 mai 2011, Mme X. était placée en arrêt de travail en raison d'un trouble aggravé du rythme cardiaque et d'une autre pathologie invalidante.
Sa demande de prise en charge au titre de la garantie incapacité temporaire de travail liée à la protection foyer était refusée le 21 novembre par l'assureur.
L'arrêt de travail était prolongé à plusieurs reprises.
Le 25 janvier 2012, la liquidation judiciaire de l'EURL LIBERTY VOYAGES était prononcée.
Une expertise médicale était ordonnée par le juge des référés le 30 janvier 2013 aux frais avancés de Mme X., mais faute de consignation, une ordonnance de caducité de la mesure d'expertise était rendue le 10 septembre 2013.
Par acte d'huissier en date du 3 décembre 2014, Mme X. faisait assigner l'assureur devant le tribunal de grande instance de PERPIGNAN aux fins d'obtenir la mise en œuvre des garanties souscrites à compter du 11 mai 2011 et le paiement d'indemnités outre la condamnation de l'assureur à lui payer des dommages-intérêts pour résistance abusive.
Par ordonnance en date du 18 février 2016, le juge de la mise en état, relevant que l'assureur reconnaissait lui devoir la somme de 27.996 euros au titre du contrat BNP protection des professionnels, protection du foyer, l'a condamné à payer ladite somme.
Par jugement en date du 9 janvier 2018, le tribunal de grande instance de PERPIGNAN a :
- condamné l'assureur à payer à Mme X. la somme de 27.996 euros en derniers ou quittances au regard de la provision du même montant allouée par le juge de la mise en état par ordonnance en date du 18 février 2016, majorée des intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2012,
- débouté Mme X. de sa demande en paiement au titre de la garantie incapacité temporaire de travail du contrat BNP protection professionnels protection de l'entreprise
- débouté Mme X. de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de la garantie parte totale et irréversible d'autonomie du contrat d'assurance BNP « protection professionnels protection de l'entreprise » et du contrat d'assurance BNP « protection professionnels protection foyer »
- débouté Mme X. de sa demande de dommages-intérêts
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné l'assureur aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire.
[*]
Vu la déclaration d'appel de Mme X. en date du 11 avril 2018,
Au de ses dernières conclusions en date du 29 décembre 2018, elle sollicite qu'il plaise à la cour de réformer la décision entreprise :
* à titre principal :
- sur la garantie incapacité de travail du contrat « protection du foyer », condamner l'assureur à lui payer une indemnité de 83.988 euros au titre de ladite garantie, sous déduction de la somme de 27.996 euros déjà versée,
- sur la garantie perte totale et irréversible d'autonomie prévue aux contrats « Protection du foyer » et « Protection de l'entreprise », prononcer la nullité de la clause prévoyant la cessation automatique des garanties en cas de cessation de l'activité professionnelle de l'assurée, même si cette cessation a une origine médicale, en ce qu'elle constitue une exclusion à application de la garantie perte totale et irréversible d'autonomie qui impose à l'intéressée l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle,
- condamner l'assureur à lui payer une indemnité de 100.000 euros en réparation des préjudices financiers et moraux subis en raison du refus de l'assureur d'exécuter le contrat,
* subsidiairement :
- désigner un expert pour savoir si son état de santé au 1er mai 2014 correspondait à la définition de la perte totale et irréversible d'autonomie prévue aux conditions générales du contrat, aux frais avancés de l'assureur,
- condamner l'assureur à lui payer une indemnité de 155.000 euros correspondant à la perte de chance d'exécuter la garantie perte totale et irréversible d'autonomie prévue au contrat « Protection du foyer » et « Protection de l'entreprise »,
* en toutes hypothèses :
- condamner l'assureur à lui payer :
* 105.000 euros au titre de la perte totale et irréversible d'autonomie prévue au contrat « Protection du foyer »,
* 50.000 euros au titre de la perte totale et irréversible d'autonomie prévue au contrat « Protection de l'entreprise », avec capitalisation des intérêts à compter du 16 avril 2014,
- condamner l'assureur à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
Au vu de ses dernières conclusions en date du 4 octobre 2018, l'assureur demande à la cour de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a considéré que les contrats de garantie n'avaient pas également cessé du fait de l'absence de paiement des cotisations,
- débouter Mme X. de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- condamner l'appelante à lui payer la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
Pour un plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 novembre 2020.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'opposabilité des conditions générales :
L'article 1315 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »
Mme X. a souscrit deux contrats d'assurance le 7 octobre 2009, assortis de conditions générales datant du mois d'octobre 2005.
Deux avenants à ces contrats ont été signés le 26 juillet 2010.
Mme X. prétend que de nouvelles conditions générales lui ont été adressées par courrier le 31 mai 2012 dans lequel l'assureur lui adresse copie de ses courriers relatifs au sinistre, copie de l'avenant au certificat de souscription du 26 juillet 2010 volet Foyer et copie du contrat BNP Protection Professionnels volet Foyer.
La cour constate que l'assureur ne lui a pas envoyé copie desdites conditions générales, qu'il lui indique dans son courrier « Nous vous précisons qu'il s'agit des générales applicables à la date de souscription de vos avenants. Toutefois nous ne sommes pas en mesure de vous adresser les conditions paraphées par vos soins étant donné que celles-ci vous sont directement remises par votre agence bancaire lors de la souscription. Vous reconnaissez d'ailleurs avoir reçu préalablement et pris connaissance d'un exemplaire du présent avenant, des dispositions générales du contrat BNP PROTECTION, valant note d'information ainsi que du barème des cotisations. »
Ainsi, il apparaît que seule Mme X., et éventuellement son agence bancaire, était en possession de nouvelles conditions générales paraphées par ses soins qui lui ont été remises par sa banque. Elle n'est manifestement pas en état de pouvoir produire son exemplaire.
Il en découle qu'en l'absence de référence précise à ces conditions générales visées dans le cadre de ces avenants, seules les conditions générales en date du mois d'octobre 2005 lui sont opposables (PIÈCE APPELANTE n° 43).
Sur la prise en charge de l'incapacité temporaire de travail :
* Au titre du contrat Protection de l'entreprise :
Mme X. prétend, à ce titre, obtenir le paiement d'une somme de 3.750 euros par mois à compter de son premier arrêt de travail et jusqu'à la liquidation de son entreprise soit la somme totale de 33.750 euros.
Le contrat souscrit le 26 juillet 2010 prévoyait uniquement la garantie « Décès - Perte totale et irréversible d'autonomie pour un capital assuré de 50.000 euros ».
Elle a souhaité étendre sa garantie aux cas d'incapacité temporaire de travail et le 5 mai 2011, a fait une demande de modification de son contrat en ce sens.
L'assureur justifie de ce qu'il lui a adressé une lettre de relance en date du 22 juin 2011 l'avertissant que n'ayant pas reçu réponse à sa demande d'éléments permettant d'étudier sa demande, elle sera classée sans suite dans un délai d'un mois suivant la présente, une lettre en date du 27 juillet 2011 l'informant du classement sans suite de sa demande et le 30 juillet 2012 un courrier récapitulant ses garanties, sa demande et la suite réservée à cette demande.
Mme X., en l'absence de contrat le prévoyant, ne saurait prétendre à une garantie qu'elle n'a pas souscrite.
* Au titre du contrat Protection du foyer :
A ce titre, Mme X. demande le paiement de la somme de 83.988 euros pour 33 mensualités.
Les conditions du contrat initial (PIÈCE APPELANTE n° 1) prévoyaient une garantie pour Incapacité temporaire de travail « toutes causes ».
L'avenant au contrat (PIÈCE APPELANTE n° 3) prévoyait une garantie pour « Incapacité temporaire de travail pour une indemnité mensuelle de 2.333 euros (correspondant à 77,77 euros par jour) après une franchise absolue de 30 jours d'arrêt de travail.
Les conditions générales du contrat applicables (PIÈCE APPELANTE n° 43) précisent au chapitre 6.2 « Risques garantis Risques exclus - a) Risques garantis :
La garantie incapacité temporaire totale de travail a pour objet, en cas d'arrêt de travail de l'assuré consécutif à une maladie ou à un accident de la vie privée ou de la vie professionnelle, sous réserve des exclusions mentionnées ci-dessus, le versement d'indemnités journalières pendant 12 mois au maximum. […]
La garantie incapacité de travail temporaire totale de travail longue maladie et invalidité permanente totale a pour objet, et en cas d'arrêt de travail de l'assuré consécutif à une maladie ou à un accident de la vie privée ou de la vie professionnelle, sous réserve des exclusions mentionnées ci-dessous, le versement d'une indemnité journalière pendant 36 mois au maximum, puis le versement d'une rente en cas d'invalidité permanente totale. »
Mme X. affirme que rien dans le contrat ne permet de retenir la garantie incapacité temporaire totale de travail plutôt que la garantie temporaire totale longue maladie qui lui ouvre droit aux 36 mensualités qu'elle réclame.
Il apparaît cependant que le 5 novembre 2011 elle a souhaité modifier l'étendue de sa garantie, faisant passer l'indemnité mensuelle due de 2.333 euros à 3.750 euros, démontrant ainsi qu'elle savait n'avoir contracté que pour la « garantie de base » pour incapacité temporaire totale de travail.
Faute pour elle, de démontrer en outre, que pour la période pendant laquelle elle demande la garantie, soit du 9 mai 2011 au 1er mai 2014, elle était atteinte d'une longue maladie dont le diagnostic n'était pas encore posé, et de ne pas avoir finalisé la modification de son contrat, comme vu précédemment dans le cadre de la discussion relative au contrat Protection de l'entreprise, il ne pouvait être fait droit à sa demande.
Sur la prise en charge de la perte totale et irréversible d'autonomie :
A ce titre, et sur la base des garanties BNP Protection de l'entreprise et Protection du foyer, Mme X. demande le versement de 105.000 euros et 50.000 euros.
Les conditions générales (PIECE APPELANTE n° 43) précisent au chapitre 4.3 Cessation des garanties pour la garantie Protection de l'entreprise comme pour la garantie protection du foyer :
« Les garanties cessent au plus tard :
Dans tous les cas :
- en cas de cessation des paiements des cotisations conformément à l'article L. 113-3 du code des assurances
- en cas de cessation de l'activité professionnelle salariée de l'assuré. Le souscripteur est tenu d'en informer son agence BNP PARIBAS ou SPB. »
Il y a lieu de constater que, contrairement aux affirmations de Mme X., il s'agit bien d'une clause de cessation de garanties et non d'une clause d'exclusion. L'article L. 112-4 du code des assurances et la jurisprudence de la Cour de cassation ne trouvent donc pas à s'appliquer à son espèce. Pas plus que l'article L. 212-1 du code de la consommation qui, outre le fait qu'il a fait l'objet d'une création par ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, ne concerne que les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, Mme X. ayant contracté dans le cadre de son activité professionnelle.
Mme X. a déclaré à l'assureur la survenue d'un sinistre au titre de l'invalidité totale et définitive par lettre recommandée reçue le 22 avril 2014. Sa situation de perte totale d'autonomie a été constatée le 1er mai 2014 suivant.
La cour, comme le premier juge, constate que l'assureur, qui est dans l'incapacité de produire un justificatif démontrant qu'il a procédé à la procédure de résiliation du contrat, ne peut donc soutenir que le contrat s'est trouvé résilié du fait de l'absence de paiement des cotisations par l'assurée.
En revanche, le contrat s'est trouvé résilié de fait, sans autre formalité, par le placement de l'entreprise de Mme X. en liquidation judiciaire le 25 janvier 2012. Cette dernière a donc, de ce fait, cessé toute activité à cette date, sans qu'il y ait lieu de rechercher si sa maladie est à l'origine de cette liquidation.
Sur la demande indemnitaire :
Mme X. ayant été déboutée de ses demandes principales, elle ne démontre pas l'existence d'un préjudice justifiant une indemnisation. Elle sera en conséquence déboutée de ses demandes.
Sur les demandes accessoires :
Succombant à l'action, Mme X. sera condamnée aux entiers dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR statuant, contradictoirement, par arrêt mis à disposition
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
CONDAMNE Mme X. à payer à la SA CARDIF ASSURANCE VIE la somme de MILLE euros (1.000 €) sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNE Mme X. aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT