CA PARIS (pôle 1 ch. 10), 11 février 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8860
CA PARIS (pôle 1 ch. 10), 11 février 2021 : RG n° 20/09894
Publication : Jurica
Extrait : « La société civile immobilière soutient que la déchéance du terme a été prononcée sans mise en demeure préalable et de mauvaise foi.
Cependant, c'est à bon droit que le premier juge, dont l'intimée s'approprie les motifs, a retenu que les conditions générales de l'acte de prêt prévoyaient (page 9), en cas de non-paiement d'une échéance à bonne date, l'exigibilité immédiate de toutes les sommes restant dues, sans sommation ni mise en demeure préalables, que cette clause dispensant le prêteur d'une mise en demeure préalable ne saurait être considérée comme abusive au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, dès lors que cette clause était expressément prévu à l'acte de prêt et ne conféraient pas au professionnel un pouvoir discrétionnaire mais sanctionnaient de plein droit l'inexécution par l'emprunteur de son obligation essentielle de paiement des échéances à bonne date, étant ajouté que la clause litigieuse ne prive pas l'emprunteur de la faculté de contester en justice le bien-fondé de la déchéance du terme.
Par ailleurs, comme l'a justement retenu le premier juge, la société civile immobilière ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de ce que la banque avait connaissance de la situation de santé du gérant de l'appelante et aurait appliqué de mauvaise foi la clause de déchéance du terme prévue à l'acte de prêt. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 1 CHAMBRE 10
ARRÊT DU 11 FÉVRIER 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/09894. N° Portalis 35L7-V-B7E-CCCGZ. Décision déférée à la cour : jugement du 18 juin 2020 - Juge de l'exécution de Paris – R.G. n° 19/00171.
APPELANTE :
SCI AVENIR
en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, N° SIRET : XXX [...], [...], représentée par Maître Alexandre B. de la Selarl Bfb Avocats, avocat au barreau de Paris, toque G0169
INTIMÉE :
SA BANQUE POPULAIRE VAL DE FRANCE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège N° SIRET : YYY, [...], [...], représentée par Maître Yves-marie R. de la Selarl R. & associes, avocat au barreau de Paris, toque : P0209, ayant pour avocat plaidant Maître Justin B., Selarl R. & associes, avocat au barreau de Paris, toque : P0209
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 janvier 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Emmanuelle Lebée, conseillère faisant fonction présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme Emmanuelle Lebée, conseillère faisant fonction de présidente de chambre, M. Gilles Malfre, conseiller, M. Bertrand Gouarin, conseiller.
Greffière, lors des débats : Mme Juliette Jarry
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par M Bertrand Gouarin, conseiller, la présidente empêchée et par Juliette Jarry, greffière, présente lors de la mise à disposition
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte notarié du 27 septembre 2013, la Banque Populaire Val-de-France (la banque) a consenti à la société civile immobilière Avenir (la société civile immobilière) un prêt d'un montant de 230.000 euros, au taux d'intérêt de 3,05 % l'an, remboursable sur 180 mois.
Les conditions générales de ce prêt prévoyaient, en cas de non-paiement d'une échéance à bonne date, l'exigibilité immédiate de toutes les sommes restant dues, sans sommation ni mise en demeure préalables.
En raison d'échéances impayées, la banque a, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue par la société civile immobilière le 31 décembre 2014, prononcé la déchéance du terme de ce prêt.
En exécution de cet acte notarié, la banque a fait délivrer à la société civile immobilière, le 12 février 2019, un commandement de payer valant saisie immobilière, publié le 29 mars 2019.
Suivant acte d'huissier du 17 mai 2019, la banque a fait assigner la société civile immobilière devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris aux fins, notamment, de voir ordonner la vente forcée des biens immobiliers appartenant au saisi, situés [...].
Par jugement du 18 juin 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a, notamment, rejeté la demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière, déclaré irrecevables l'exception de nullité de la stipulation du taux des intérêts conventionnels et l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, mentionné que le montant retenu pour la créance de la banque est de 231.692,82 euros en principal et intérêts au 16 novembre 2018, autorisé la société civile immobilière à s'acquitter de cette somme en deux versements, le premier d'un montant de 193.333,28 euros devant intervenir dans le délai d'un mois suivant la date de signification de sa décision, le second soldant la dette en principal et intérêts devant intervenir dans le délai de six mois suivant la date de signification de sa décision, dit qu'à défaut d'un des deux versements à sa date, la totalité du solde dû sera exigible et que la banque pourra sur simple demande présentée au greffe reprendre la procédure de saisie immobilière, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société civile immobilière aux dépens.
Selon déclaration du 18 juillet 2020, la société civile immobilière a interjeté appel de cette décision.
Le 7 août 2020, l'appelante a été autorisée à faire assigner à jour fixe pour l'audience de la cour d'appel de Paris du 20 janvier 2021.
Par acte d'huissier du 29 août 2020, la société civile immobilière a fait assigner à jour fixe la banque devant cette cour.
Une copie de cette assignation a été remise au greffe de la cour avant la date de l'audience.
[*]
La société civile immobilière, outre des demandes de « constater » ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il y a lieu de statuer, demande à la cour d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du commandement de payer valant saisie immobilière, en ce qu'il a déclaré irrecevables l'exception de nullité de la stipulation du taux des intérêts conventionnels et l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, en ce qu'il a mentionné que le montant retenu pour la créance de la banque est de 231.692,82 euros en principal et intérêts au 16 novembre 2018, en ce qu'il a dit qu'à défaut d'un des deux versements à sa date, la totalité du solde dû sera exigible et que la banque pourra sur simple demande présentée au greffe reprendre la procédure de saisie immobilière et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens, statuant à nouveau, de prononcer la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels du prêt litigieux, de prononcer la substitution du taux légal au taux d'intérêt conventionnel et d'ordonner l'imputation des intérêts indument perçus jusqu'à la date du « jugement à intervenir », déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû, d'enjoindre à la banque, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du « jugement à intervenir », de produire un nouveau décompte prenant en compte cette substitution et cette imputation, à titre subsidiaire, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts à hauteur du taux d'intérêt légal et d'ordonner l'imputation des intérêts indument perçus jusqu'à la date du « jugement à intervenir », déduction faite des intérêts légaux alors échus, sur le capital restant dû, d'enjoindre à la banque, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du « jugement à intervenir », de produire un nouveau décompte prenant en compte cette substitution et cette imputation, en conséquence, de débouter la banque de ses demandes, de dire et juger que le contrat de prêt litigieux devra continuer à être exécuté selon les termes initiaux mais dans la limite de la nullité de la clause d'intérêt conventionnel ou de la déchéance du droit aux intérêts, de prononcer la nullité du commandement du 12 février 2019, d'annuler tous les actes de procédure subséquents à ce commandement, d'ordonner la radiation dudit commandement aux frais de la banque, de condamner celle-ci à lui payer la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts, en tout état de cause, de dire que la somme de 27.522,14 euros s'imputera sur le capital restant dû, de réduire les intérêts de retard à la somme d'un euro symbolique, de l'autoriser à procéder à la vente amiable des biens saisis au prix minimal de 450.000 euros, de suspendre la procédure de saisie immobilière et de condamner l'intimée à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
Par dernières conclusions du 17 septembre 2020, la banque demande à la cour de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions, y ajoutant, d'ordonner la vente forcée des biens immobiliers visés au commandement, subsidiairement, au cas où la vente amiable serait autorisée par la cour, de fixer le prix minimum auquel les biens pourraient être vendus et, en tout état de cause, de condamner l'appelante à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que les dépens seront employés en frais privilégiés de vente dont distraction au profit de son conseil.
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Pour plus ample exposé du litige, il est référé aux dernières écritures des parties.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Sur la validité de la déchéance du terme :
La société civile immobilière soutient que la déchéance du terme a été prononcée sans mise en demeure préalable et de mauvaise foi.
Cependant, c'est à bon droit que le premier juge, dont l'intimée s'approprie les motifs, a retenu que les conditions générales de l'acte de prêt prévoyaient (page 9), en cas de non-paiement d'une échéance à bonne date, l'exigibilité immédiate de toutes les sommes restant dues, sans sommation ni mise en demeure préalables, que cette clause dispensant le prêteur d'une mise en demeure préalable ne saurait être considérée comme abusive au regard de l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 du code de la consommation, dès lors que cette clause était expressément prévu à l'acte de prêt et ne conféraient pas au professionnel un pouvoir discrétionnaire mais sanctionnaient de plein droit l'inexécution par l'emprunteur de son obligation essentielle de paiement des échéances à bonne date, étant ajouté que la clause litigieuse ne prive pas l'emprunteur de la faculté de contester en justice le bien-fondé de la déchéance du terme.
Par ailleurs, comme l'a justement retenu le premier juge, la société civile immobilière ne rapporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, de ce que la banque avait connaissance de la situation de santé du gérant de l'appelante et aurait appliqué de mauvaise foi la clause de déchéance du terme prévue à l'acte de prêt.
Sur la recevabilité de la contestation du taux effectif global :
La société civile immobilière fait valoir que le taux effectif global est calculé sur la base d'une année de 360 jours et non sur une année civile, que ce taux n'est pas proportionnel au taux de période et que les frais de notaire ont été d'un montant plus élevé (4.559,59 euros) que celui pris en compte dans le calcul du taux effectif global (2.246,60 euros).
Contrairement à ce que soutient l'appelante, le premier juge, dont l'intimée s'approprie les motifs, a estimé à juste titre que la prescription de l'action en nullité de la stipulation d'intérêt comme de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels est quinquennale, qu'elle commence à courir du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le taux effectif global, qu'en l'espèce, tant l'offre que l'acte de prêt mentionnaient de manière explicite les éléments de calcul du taux effectif global et, partant, le coût total du crédit, que la société civile immobilière n'a eu recours à une aide extérieure, aucun document d'analyse ou expertise pour relever des irrégularités affectant ce taux, de sorte que l'emprunteur était en mesure de déceler ces erreurs à la date de conclusion du prêt litigieux, soit le 27 septembre 2013, alors qu'il n'a soulevé cette exception que par conclusions du 12 septembre 2019 et que ses demandes à ce titre sont irrecevables.
La demande de dommages-intérêts formée par la société civile immobilière sera, en conséquence, rejetée.
Sur le montant de la créance :
Contrairement à ce que soutient l'appelante, il ressort des pièces produites que les versements d'un montant total de 27.522,14 euros effectués par elle après le prononcé de la déchéance du terme ont été imputés sur les intérêts, conformément aux dispositions de l'article 1343-1 du code civil.
Contrairement à ce que fait valoir la société civile immobilière, les intérêts de retard d'un montant de 26.484,12 euros réclamés par la banque ne constituent pas une clause pénale d'un montant manifestement excessif dès lors qu'elle a pour objet d'indemniser la perte financière résultant pour le prêteur de l'exigibilité anticipée des fonds prêtés.
Les demandes formées de ces chefs par l'appelante seront donc rejetées.
Sur la demande de délais de paiement :
Le premier juge a accordé à la société civile immobilière des délais de paiement au motif que celle-ci justifiait que la vente de l'un de ses biens immobiliers devait lui permettre d'apurer la majeure partie de sa dette.
La société civile immobilière ne discute pas l'octroi de délais de paiement par le premier juge et sollicite l'infirmation du jugement dont appel seulement s'agissant des modalités des délais de paiement accordés, en ce qu'il a dit qu'à défaut d'un des deux versements à sa date, la totalité du solde dû sera exigible et que la banque pourra sur simple demande présentée au greffe reprendre la procédure de saisie immobilière.
À hauteur d'appel, la société civile immobilière se borne à demander à la cour, statuant à nouveau, de l'autoriser à procéder à la vente amiable des biens saisis.
La banque expose que la société civile immobilière n'a pas respecté les délais de paiement accordés par le jugement entrepris, signifié le 6 juillet 2020, dès lors que le versement d'un montant de 153 333,28 euros en date du 3 août 2020 était d'un montant inférieur à celui prévu par cette décision et a été effectué par le gérant de la société civile immobilière et non par cette dernière, au moyen d'un acompte en compte courant dont l'intimé conteste la régularité, de sorte qu'elle demande la reprise de la procédure de saisie immobilière par la vente forcée des biens saisis.
Toutefois, au dispositif de ses dernières conclusions qui seul saisit la cour, l'intimée sollicite la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, y compris celles accordant à l'emprunteur des délais de paiement, se bornant à demander à la cour, «'y ajoutant'», d'ordonner la vente forcée des biens saisis.
En l'état des demandes des parties, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé à la société civile immobilière des délais de paiement, les modalités de ces délais fixées par le premier juge devant être approuvées en ce qu'elles sont conformes aux engagements du débiteur, société civile immobilière propriétaire d'autres biens immobiliers que ceux saisis, ainsi qu'aux intérêts du créancier poursuivant.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions et les demandes d'autorisation de vente amiable et de vente forcée seront rejetées.
La société civile immobilière, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Rejette toutes autres demandes ;
Condamne la société civile immobilière Avenir aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;
Dit n'y avoir lieu de prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
la greffière le président