CA RIOM (3e ch. civ. com.), 17 mars 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8865
CA RIOM (3e ch. civ. com.), 17 mars 2021 : RG n° 19/01793
Publication : Jurica
Extrait (argument des appelants) : « Les époux X. se prévalent notamment de trois moyens pour fonder leur demande en nullité : > l'existence d'une clause abusive figurant dans les deux contrats : « Pour satisfaire aux prescriptions du code de la consommation lors de la détermination du taux effectif global, sont ajoutés au taux d'intérêt conventionnel notamment le montant des frais de dossier, la prime d'assurance décès invalidité, les frais fiscaux, le coût des garanties. Les éléments non connus avec précision au moment de l'octroi du prêt, n'ont fait l'objet que d'une estimation. Le taux effectif global indiqué aux conditions financières et particulières, est calculé conformément à l'article L.313-1 du code de la consommation selon la méthode de calcul en vigueur à la date d'édition du document. » ; la clause qui n'est pas rédigée de façon claire et compréhensible constitue une clause abusive ».
Extrait (motifs) : 1/ « Les époux X. se contentent d'affirmer que le TEG est faux, sans expliquer en quoi le taux est erroné. La clause figurant dans les conditions générales qu'ils qualifient d'abusive, n'est qu'une reprise des termes de l'article R. 313-1 du code de la consommation. Par ailleurs, il y a lieu de considérer que l'information qui a été donnée à M. et Mme X. concernant le taux effectif global de ce prêt est conforme aux dispositions légales applicables. »
2/ « Comme énoncé précédemment, la clause figurant dans les conditions générales que M. et Mme X. qualifient d'abusive, n'est qu'une reprise des termes de l'article R. 313-1 du code de la consommation. »
COUR D’APPEL DE RIOM
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE
ARRÊT DU 17 MARS 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 19/01793. N° Portalis DBVU-V-B7D-FJDD. Sur APPEL d'une décision rendue le 14 août 2019 par le Tribunal de grande instance de CLERMONT-FERRAND (R.G. n° 18/01866 ch. 1 cab. 1)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré : Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller, M. François KHEITMI, Magistrat Honoraire, En présence de : Mme Christine VIAL, Greffier, lors de l'appel des causes et du prononcé.
ENTRE :
APPELANTS :
M. X.
[...], [...], Représentant : Maître Inna S., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
Mme Y. épouse X.
[...], [...], Représentant : Maître Inna S., avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/YY du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
ET :
INTIMÉE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE CENTRE FRANCE
Société coopérative à capital et personnel variables immatriculée au RCS de CLERMONT-FERRAND sous le n° XXX, [...], [...], Représentant : la SCP C. DE R. C. B. G. & ASSOCIES, avocats au barreau de CLERMONT-FERRAND
DÉBATS : Après avoir entendu en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, à l'audience publique du 21 janvier 2021, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame THEUIL-DIF, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRÊT : Prononcé publiquement le 17 mars 2021 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président, et par Mme Christine VIAL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Suivant acte authentique en date du 23 mai 2013 dressé par Maître Z., notaire à [ville C.], la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France (le CRÉDIT AGRICOLE) a consenti à M. et Mme X., pour l'acquisition de leur résidence principale située à [ville M.] (63), un prêt immobilier d'un montant de 48.090 euros au taux d'intérêt annuel révisable de 2,58 % sur une durée de 300 mois.
Aux termes de ce même acte, un prêt de 85.000 euros a été accordé d'une durée de 24 mois, avec un différé de 23 mois, une échéance de 92.835,80 euros devant être réglée à l'issue des 24 mois.
Puis, par acte authentique du 14 août 2014 établi par Maître W., notaire à [ville C.], le CRÉDIT AGRICOLE a consenti aux époux X., un prêt immobilier destiné à financer des travaux dans leur résidence principale, prêt d'un montant de 77.656 euros au taux d'intérêt annuel fixe de 2,85 %, sur une durée de 300 mois.
Chacun des époux disposait par ailleurs d'un compte courant ouvert dans les livres du CRÉDIT AGRICOLE.
Devant faire face à des difficultés financières, les époux X. ont sollicité la réduction des frais et commissions bancaires prélevés par le CRÉDIT AGRICOLE. Aucun accord amiable n'a pu aboutir.
Par ailleurs, la banque a adressé à M. et Mme X. plusieurs mises en demeure aux fins de solliciter la régularisation d'échéances impayées.
Par acte d'huissier du 3 mai 2018, M. X. et Mme Sandrine Y.-X. ont fait assigner le CRÉDIT AGRICOLE devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand aux fins à titre principal, d'entendre prononcer la nullité des stipulations d'intérêts contractuels n'indiquant pas le mode de calcul du taux de l'intérêt conventionnel. Subsidiairement, ils ont sollicité de :
- voir dire que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts pour les deux prêts,
- dire que la banque avait prélevé des frais et commissions bancaires disproportionnés,
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts sur le solde débiteur d'un compte bancaire ayant fonctionné à découvert,
- condamner la banque à réparer leurs préjudices, soit la somme de 22.242 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner la banque à rembourser les intérêts indûment perçus pour chacun des prêts.
Par jugement du 14 août 2019, le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand a :
- rejeté la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
- débouté M. et Mme X. de l'intégralité de leurs prétentions,
- condamné M. et Mme X. aux dépens.
[*]
M. X. et Mme Sandrine Y.-X. ont interjeté appel de cette décision le 11 septembre 2019.
Par conclusions déposées et notifiées le 13 janvier 2021, les appelants demandent à la cour, au visa des articles 1905, 1906, 1907, 1104 (1134 ancien), 1130 (1109 ancien) et suivants du code civil, L. 111-1, L. 313-1 et suivants du code de la consommation, L. 312-1-1 et L. 314-7 et suivants, R. 312-4-1 et suivants du code monétaire et financier, 564 du code de procédure civile, d'infirmer le jugement, et statuant à nouveau de :
à titre principal sur la nullité :
- déclarer irrecevables les écritures du CRÉDIT AGRICOLE ;
- juger nulles et de nul effet les stipulations contractuelles des prêts litigieux ;
- dire que le taux d'intérêt légal doit être substitué au taux conventionnel pour chacune des deux offres de prêt ;
- enjoindre au CRÉDIT AGRICOLE d'établir un nouveau décompte substituant le taux d'intérêt légal au taux conventionnel pour chacun des prêts, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 1er jour du mois suivant la signification de l'arrêt ;
- condamner le CRÉDIT AGRICOLE à leur restituer le différentiel entre le taux de l'intérêt légal applicable (0,04 % en 2013 et 2014) à la date du prêt du 13 mai 2013 et du prêt du 11 août 2014 et le taux conventionnel appliqué par l'établissement bancaire ;
- prononcer la fin de non-recevoir des demandes formulées par le CRÉDIT AGRICOLE ;
- débouter le CRÉDIT AGRICOLE de ses demandes, fins et prétentions ;
à titre subsidiaire : sur le défaut de conseil et le devoir de mise en garde de la banque :
- dire que le CRÉDIT AGRICOLE a commis des erreurs en consentant des prêts excessifs eu égard aux revenus des époux X.,
- prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts pour les deux crédits ;
en toutes hypothèses :
- juger que le CRÉDIT AGRICOLE a commis des manquements dans son devoir de conseil et de mise en garde ;
- dire que le CRÉDIT AGRICOLE a commis une résistance abusive ;
- dire que le CRÉDIT AGRICOLE a prélevé des frais et commissions bancaires disproportionnés ;
- prononcer la déchéance du droit aux intérêts courus sur le solde débiteur d'un compte bancaire ayant fonctionné à découvert ;
- juger qu'ils ont subi un préjudice financier d'un montant de 12.242 euros ;
- juger qu'ils ont subi un préjudice moral à hauteur de 10.000 euros ;
- condamner le CRÉDIT AGRICOLE à réparer l'intégralité des préjudices subis, soit la somme de 22.242 euros ;
- assortir le quantum alloué des intérêts légaux produits à compter de l'assignation, avec capitalisation ;
- condamner le CRÉDIT AGRICOLE à leur payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux dépens distraits au profit de Maître Inna S., avocat.
Les époux X. se prévalent notamment de trois moyens pour fonder leur demande en nullité :
> l'existence d'une clause abusive figurant dans les deux contrats : « Pour satisfaire aux prescriptions du code de la consommation lors de la détermination du taux effectif global, sont ajoutés au taux d'intérêt conventionnel notamment le montant des frais de dossier, la prime d'assurance décès invalidité, les frais fiscaux, le coût des garanties. Les éléments non connus avec précision au moment de l'octroi du prêt, n'ont fait l'objet que d'une estimation. Le taux effectif global indiqué aux conditions financières et particulières, est calculé conformément à l'article L.313-1 du code de la consommation selon la méthode de calcul en vigueur à la date d'édition du document. » ; la clause qui n'est pas rédigée de façon claire et compréhensible constitue une clause abusive ;
> le défaut d'information précontractuelle leur permettant de s'engager en connaissance de cause : la clause ne précise pas le mode de calcul du TEG leur permettant de donner un consentement éclairé et libre (or l'un des contrats avait un taux révisable), le contrat devant mentionner les montants en valeur absolue et sans renvoi à une opération de soustraction ; la fiche d'information pré-contractuelle n'est pas jointe ; l'échéancier figurant dans le contrat ne comporte pas les mentions obligatoires, ni de ligne de sous-total par année et d'une ligne supplémentaire en fin de tableau mettant en évidence le coût total du crédit ; le défaut d'information sur l'assurance a vicié le consentement des époux X. qui aurait pu procéder à la délégation de l'assurance et réduire le coût du prêt ;
> le caractère erroné du TEG : ils soutiennent s'agissant du prêt de 77.656 euros, que la banque annonce un TEG de 3,73 % alors que selon la Centrale de Financement, le TEG est de 3,70 %, le coût total de crédit est facturé à hauteur de 40.814,83 euros par le CRÉDIT AGRICOLE alors qu'il devrait être de 39.749,39 euros. En outre, la banque n'a pas produit le tableau d'amortissement définitif avec la date d'échéance et l'assurance du prêt, ce qui rend illisible leur engagement. S'agissant du prêt de 48.090 euros, ils n'ont reçu aucune information concernant la variation du taux alors qu'ils auraient dû être informés tous les ans. En outre, le taux est erroné.
[*]
Par conclusions déposées et notifiées le 14 janvier 2021, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France demande à la cour de confirmer le jugement au visa des articles L. 312-1 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige, 71, 72 et 564 du code de procédure civile, et de :
- débouter M. et Mme X., de la fin de non-recevoir soulevée au visa de l'article 564 du code de procédure civile quant à l'irrecevabilité de ses demandes ;
- juger irrecevable la demande de M. et Mme X. tendant à obtenir la nullité de la stipulation des intérêts conventionnels ;
- débouter M. et Mme X. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts, la preuve du caractère prétendument erroné du TEG n'étant pas établie ;
- débouter M. et Mme X. de leur demande de déchéance du droit aux intérêts au titre d'un prétendu défaut de conseil ou du devoir de mise en garde, d'une prétendue erreur ou du fonctionnement débiteur du compte pendant une durée supérieure à trois mois ;
- débouter M. et Mme X. de leurs demandes indemnitaires, aucun comportement fautif n'étant démontré, ni même l'existence d'un lien de causalité entre faute et préjudice invoqué ;
- débouter M. et Mme X. de toutes demandes plus amples ou contraires, et notamment au titre de la capitalisation des intérêts et de l'article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
[*]
La procédure a été clôturée le 20 janvier 2021.
Il sera renvoyé pour l'exposé complet des demandes et moyens des parties, à leurs dernières conclusions.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Sur l'irrecevabilité des conclusions et des demandes et de la banque :
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 janvier 2021.
Dans ces conditions, les conclusions du CRÉDIT AGRICOLE déposées et notifiées le 14 janvier 2021sont parfaitement recevables.
S'agissant de l'irrecevabilité des demandes, l'article 564 du code de procédure civile énonce qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Par ailleurs, l'article 71 du même code rappelle que constitue une défense au fond, tout moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire.
En l'espèce, le CRÉDIT AGRICOLE ne forme devant la cour que de « nouvelles prétentions » ayant pour objet de « faire écarter les prétentions adverses ». Il ne s'agit que de défenses au fond.
Les époux X. seront ainsi déboutés de leurs fins de non-recevoir.
Sur la demande principale en nullité des clauses d'intérêts contractuels :
Les époux X. se prévalent de trois moyens pour fonder leur demande en nullité des clauses d'intérêts conventionnels :
> l'existence d'une clause abusive figurant dans les deux contrats :
> le défaut d'information précontractuelle leur permettant de s'engager en connaissance de cause ;
> le caractère erroné du TEG.
Le CRÉDIT AGRICOLE soulève au préalable l'irrecevabilité de l'action en nullité fondée sur le caractère erroné du TEG, faisant valoir que la sanction applicable dans cette hypothèse est la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge.
La fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité d'une demande vise à sanctionner le droit d'action, sans examen au fond. La circonstance que la demande de M. et Mme X. puisse être juridiquement mal fondée dans la mesure où la sanction de l'irrégularité soulevée ne serait pas la nullité de la clause, mais la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, est une question de fond.
Le CRÉDIT AGRICOLE ne peut donc opposer une fin de non-recevoir, et la demande de M. et Mme X. en nullité des stipulations d'intérêts conventionnels en raison du caractère erroné du TEG est parfaitement recevable.
L'article L. 313-1 ancien du code de la consommation dans sa version applicable à la date des contrats de prêts, prévoit que pour la détermination du TEG du prêt, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels.
Toutefois, pour l'application des articles L. 312-4 à L. 312-8 anciens, les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le TEG défini ci-dessus, lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat.
L'article R. 313-1-I du code de la consommation en vigueur à la date de signature des prêts énonce que le calcul du TEG repose sur l'hypothèse que le contrat de crédit restera valable pendant la durée convenue et que le prêteur et l'emprunteur rempliront leurs obligations selon les conditions et dans les délais précisés dans le contrat de crédit. Pour les contrats de crédit comportant des clauses qui permettent des adaptations du taux d'intérêt et le cas échéant, des frais entrant dans le TEG mais ne pouvant pas faire l'objet d'une quantification au moment du calcul, le TEG est calculé en partant de l'hypothèse que le taux d'intérêt et les autres frais resteront fixes par rapport au niveau initial et s'appliqueront jusqu'au terme du contrat de crédit.
Selon l'article L. 313-2, le TEG doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt régi par « la présente section ».
Il appartient à l'emprunteur qui invoque l'irrégularité du TEG dans l'acte de prêt, de démontrer le caractère erroné de celui-ci.
S'agissant en premier lieu du prêt d'un montant de 48.090,00 euros figurant dans l'acte authentique du 23 mai 2013 :
Il est stipulé un TEG de 3,3407 % l'an, tenant compte du taux d'intérêt annuel initial considéré fictivement comme fixe (2,58 % l'an), ce qui est conforme aux dispositions de l'article R. 313-1-I rappelées ci-dessus.
L'acte notarié renvoie aux conditions générales du prêt, et en page 8 de ces conditions générales, il est précisé :
« TAUX EFFECTIF GLOBAL
Pour satisfaire aux prescriptions du code de la consommation, lors de la détermination du taux effectif global, sont ajoutés au taux d'intérêt conventionnel, notamment le montant des frais de dossier, la prime assurance décès invalidité, les frais fiscaux, le coût des garanties. Les éléments non connus avec précision au moment de l'octroi du prêt, n'ont fait l'objet que d'une estimation.
Le taux effectif global indiqué aux conditions financières et particulières, est calculé conformément à l'article L. 313-1 du code de la consommation selon la méthode de calcul en vigueur à la date d'édition du présent document. »
Ces dispositions sont également conformes à celles figurant à l'article R.313-1-I.
En page 3 de l'acte authentique, dans le paragraphe relatif au coût total du crédit, il est mentionné :
« Intérêts du crédit au taux de 2,5800 % l'an : 18.202,91 EUR
Coût de l'assurance décès invalidité obligatoire : 4.866,70 EUR
Frais fiscaux : 0,00 EUR
Frais de prise de garantie hypothécaire évalués à : 560 EUR
Coût du crédit : 23.846,41 EUR
Taux effectif global : 3,3407 % l'an
Taux effectif global en fonction de la périodicité mensuelle : 0,2784 %
Le taux effectif global est calculé sur la base du taux d'intérêt annuel initial considéré fictivement comme fixe.
Coût de l'assurance décès invalidité facultative : 4 866,73 EUR... ».
Ainsi que l'a énoncé le tribunal, figurent en annexe au contrat, des simulations de variation du taux d'intérêt du prêt. De même, les frais de notaire ont été pris en compte à hauteur de 560 euros sachant que les frais d'acte notarié établis en application du décret n° 78-262 du 8 mars 1978 ne sont pas pris en compte dans le calcul du TEG, tout comme les assurances facultatives.
Les époux X. se contentent d'affirmer que le TEG est faux, sans expliquer en quoi le taux est erroné.
La clause figurant dans les conditions générales qu'ils qualifient d'abusive, n'est qu'une reprise des termes de l'article R. 313-1 du code de la consommation. Par ailleurs, il y a lieu de considérer que l'information qui a été donnée à M. et Mme X. concernant le taux effectif global de ce prêt est conforme aux dispositions légales applicables.
S'agissant en second lieu du prêt d'un montant de 77.656,00 euros figurant dans l'acte authentique du 14 août 2014 :
Il est stipulé un TEG de 3,73 % l'an, et l'acte notarié renvoie lui aussi aux conditions générales du prêt qui reprennent en page 5 les stipulations concernant le TEG sus-mentionnées, dispositions qui ont été considérées comme étant conformes à celles figurant à l'article R. 313-1-I du code de la consommation.
En page 3 de l'acte authentique, dans le paragraphe relatif au coût total du crédit, il est mentionné :
« Intérêts du crédit au taux de 2,8500 % l'an : 31.011,42 EUR
Coût de l'assurance décès invalidité obligatoire : 7.860,00 EUR
Frais fiscaux : 0,00 EUR
Frais de dossier : 351,41 EUR
Frais de prise de garantie hypothécaire évalués à : 1.592,00 EUR
Coût du crédit : 40.814,83 EUR
Taux effectif global : 3,73 % l'an
Taux effectif global en fonction de la périodicité mensuelle : 0,31 % ».
Ainsi que l'a énoncé le tribunal, les époux X. ne sont pas fondés à soutenir que le mode de calcul du TEG n'est pas précisé, ni que ce taux serait erroné, l'argument fondé sur l'absence de remise d'un tableau d'amortissement faisant apparaître le coût de l'assurance n'étant pas de nature à vicier le TEG stipulé dans l'acte.
Ils se prévalent d'une pièce n°28 intitulée « Simulateur de tableau d'amortissement », document établi sur un site internet « La Centrale de Financement », qui selon eux prouve que le TEG n'était pas de 3,73 % l'an, mais de 3,70 % l'an. Les époux X. se contentent de reprendre les résultats chiffrés de ce document, qui plus est non contradictoire, sans la moindre explication de texte. En outre, l'écart invoqué n'est pas supérieur à la décimale.
Comme énoncé précédemment, la clause figurant dans les conditions générales que M. et Mme X. qualifient d'abusive, n'est qu'une reprise des termes de l'article R. 313-1 du code de la consommation.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a énoncé que :
- les époux X. seraient déboutés de leur demande tendant à l'annulation de la clause d'intérêts contractuel et la substitution du taux d'intérêt légal depuis la souscription du prêt ;
- ils n'étaient pas davantage fondés à solliciter le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts pour le même motif.
Sur les demandes subsidiaires :
Sur le devoir de conseil et de mise en garde du prêteur :
Il résulte de l'article 1147 ancien du code civil, devenu l'article 1231-1, que le banquier est tenu à l'égard de ses clients, emprunteurs profanes d'un devoir de mise en garde et, il incombe à la banque de rapporter la preuve qu'elle a satisfait à ce devoir.
Le devoir de mise en garde impose à la banque de se renseigner sur les capacités financières et la situation personnelle de l'emprunteur afin de pouvoir l'alerter sur les risques du crédit. Ce risque s'apprécie au moment de la conclusion du contrat. Toutefois, il appartient à l'emprunteur de rapporter la preuve qu'à l'époque de la souscription du crédit litigieux, sa situation imposait l'accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde.
Le tribunal a débouté les époux X. de leurs demandes fondées sur le manquement du prêteur à son devoir de mise en garde, considérant qu'ils ne démontraient pas qu'ils se trouvaient dans une situation financière difficile voire précaire au moment de la souscription des deux prêts, ni que leur taux d'endettement était excessif car ils ne versaient aux débats que leurs avis d'imposition 2016 et 2017.
Le tribunal a ajouté qu'il ne pourrait être davantage fait droit à leurs demandes sur le fondement de l'erreur, ceux-ci n'expliquant pas quelle erreur les aurait déterminés à accepter un prêt, le prétendu caractère disproportionné des prêts consentis par le CRÉDIT AGRICOLE par rapport à leurs ressources au moment de la souscription de l'offre n'étant pas démontré.
Au visa de l'article 1110 ancien du code civil (sur l'erreur) et de l'article L. 312-16 du code de la consommation prévoyant que le prêteur doit vérifier la solvabilité de l'emprunteur et consulter notamment à cette fin le FICP, ils concluent que le financement était disproportionné par rapport à leurs ressources.
Deux observations doivent être faites : en premier lieu, les époux X. n'expliquent toujours pas quelle erreur les aurait déterminés à accepter un prêt. En second lieu, ils visent un article du code de la consommation (l'actuel article L. 312-16) qui ne concerne que les crédits à la consommation, et non les crédits immobiliers.
Sur la question du caractère disproportionné de leurs engagements, question permettant également de répondre sur le moyen du manquement au devoir de mise en garde, il convient d'observer que les époux X. produisent en appel leurs avis d'imposition 2014 (revenus 2013) et 2015 (revenus 2014).
L'emprunt de 48.090,00 euros figurant dans l'acte authentique du 23 mai 2013 prévoyait 24 mensualités de 103,39 euros, 275 mensualités de 231,20 euros et 1 mensualité de 231,55 euros. S'ajoutaient à ces mensualités, les assurances, à savoir 32,44 euros pendant 227 mois, 32,45 euros pendant 3 mois et 32,46 euros pendant 69 mois.
L'emprunt ayant été signé le 23 mai 2013, les époux X. auraient dû produire leur avis d'imposition 2013 portant sur les revenus 2012, seul élément pouvant être connu de la banque à ce moment-là.
Toutefois, le CRÉDIT AGRICOLE produit, annexées à l'acte authentique, les pièces concernant les ressources de la famille communiquées au moment de la souscription du prêt : M. X. avait alors fait état et justifié d'un montant de revenus au cours de l'année 2012 de 32.808,42 euros, soit 2.734,03 euros par mois, se décomposant de la manière suivante : 9.770,87 euros Pôle Emploi (intermittence spectacle), 13.390 euros (MAD Production (prestation artistique), 5.871,55 euros salaires nets (cachets artistiques) et 3.773 euros salaires nets auto-entreprise.
Le couple était marié et avait trois enfants à charge. Il n'est pas justifié de charges en dehors de celles de la vie courante ou de l'existence d'autres crédits.
Il n'existait pas de disproportion, les époux X. ne rapportent pas la preuve qu'à l'époque de la souscription du crédit litigieux, leur situation imposait l'accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde.
S'agissant du prêt de 77.656,00 euros figurant dans l'acte authentique du 14 août 2014, les mensualités de remboursement s'élevaient à 362,22 euros hors assurance pendant 300 mois, outre 26,20 euros par mois au titre de l'assurance. Une hypothèque a été prise sur le bien immobilier pour garantir la créance.
Le CRÉDIT AGRICOLE a également produit les pièces annexées à l'acte de prêt concernant les ressources du ménage. Il a été justifié d'un montant de revenus mensuels à hauteur de 2283 euros outre 525 euros au titre des prestations sociales.
Le couple remboursait alors le crédit de 2013, mais également un crédit à la consommation souscrit en août 2013 à hauteur de 80 euros par mois.
Sans même tenir compte des prestations sociales, le taux d'endettement du ménage ne dépassait pas un 1/3. La disproportion n'est pas démontrée, la situation financière de M. et Mme X. a été examinée par l'établissement financier et, au moment de l'octroi des crédits, les revenus permettaient parfaitement d'assumer le règlement des nouvelles mensualités. Les emprunteurs ne rapportent pas la preuve qu'à l'époque de la souscription des crédits, leur situation imposait l'accomplissement par la banque de son devoir de mise en garde.
Ils seront déboutés de leurs demandes à ce titre.
Sur les frais bancaires :
L'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier dispose que les établissements de crédit sont tenus de mettre à la disposition, sur support papier ou sur un autre support durable, de leur clientèle et du public les conditions générales et tarifaires applicables aux opérations relatives à la gestion d'un compte de dépôt.
Selon l'article R. 312-1, les établissements de crédit sont tenus de mettre à disposition de leur clientèle et du public les conditions générales de banque qu'ils pratiquent pour les opérations qu'ils effectuent. Lorsqu'ils ouvrent un compte, ils doivent fournir à leurs clients les conditions d'utilisation du compte, le prix des différents services auxquels ils donnent accès et les engagements réciproques de l'établissement de crédit.
L'article L. 312-1-3 prévoit que les commissions perçues par un établissement de crédit à raison du traitement des irrégularités de fonctionnement d'un compte bancaire sont plafonnées par mois et par opération, pour les personnes physiques n'agissant pas pour des besoins professionnels.
Selon l'article R. 312-4-1, les commissions perçues par les établissements de crédit, mentionnées à l'article L. 312-1-3 ne peuvent dépasser par compte bancaire un montant de 8 euros par opération et de 80 euros par mois.
L'article L. 312-1-5 énonce que le client personne physique n'agissant pas pour des besoins professionnels, est informé gratuitement par le biais de son relevé de compte mensuel, du montant et de la dénomination des frais bancaires liés à des irrégularités et des incidents que l'établissement entend débiter sur son compte de dépôt.
En l'espèce, les époux X. produisent aux débats en pièce n° 32, le contrat relatif à l'ouverture du compte de dépôt de M. X. en date du 13 mars 2012, contrat dans lequel il reconnaît avoir reçu, pris connaissance et accepté le barème tarifaire portant sur les principales conditions générales de banque applicables.
Par ailleurs, les époux X. prétendent ne pas avoir reçu l'information préalable résultant de l'article L. 312-5-1, informations devant figurer sur les relevés de comptes mensuels, et avoir réglé des frais dépassant les plafonds institués par notamment les articles L. 312-1-3 et R. 312-4-1, alors même qu'ils ne versent pas aux débats leurs relevés de comptes mensuels sur les périodes incriminées.
Ainsi que l'a énoncé le tribunal, la seule production des relevés de consommation de produits et services sur les années 2014, 2015, 2016 et 2017 (pièces n°19 à 22) ne permet pas d'établir que le CRÉDIT AGRICOLE a calculé les frais bancaires en violation des tarifs prévus par le contrat et des limites instituées par les lois et règlements.
Les commissions perçues par les établissements de crédit mentionnées à l'article L. 312-1-3, ne pouvant dépasser par compte bancaire un montant de 8 euros par opération et de 80 euros par mois, correspondent aux frais bancaires liés aux irrégularités de fonctionnement du compte. Mais il existe d'autres frais bancaires, ceux liés aux incidents de paiement mentionnés à l'article L. 131-73 et au II de l'article L. 133-26, ainsi que ceux liés aux autres irrégularités et incidents (article D.312-1-2). La démonstration du non-respect des plafonds n'est pas établie.
De surcroît, il sera observé que les époux X. avaient saisi un médiateur à propos des difficultés qu'ils rencontraient avec le CRÉDIT AGRICOLE concernant le refus opposé à leur demande de remboursement de frais dus à des comptes déficitaires. Or, celui-ci a le 24 janvier 2017 conclu que : « Malheureusement, ces frais sont bien conformes aux conditions tarifaires normales (et légales), je ne relève aucune erreur de la banque. »
Il y a lieu en outre d'adopter les motifs du tribunal en ce qu'il énonce que même si le CRÉDIT AGRICOLE a tardé à adresser des réponses aux sollicitations de M. et Mme X. s'agissant notamment du protocole 'budget protégé' qui leur a été suggéré à plusieurs reprises, les époux X. ne sont pas fondés à solliciter des dommages et intérêts à hauteur de 22242 euros (12.242 euros au titre des frais, 10.000 euros au titre du préjudice moral) dès lors qu'ils ont eux-mêmes contribué à la réalisation de leur propre dommage ; que le refus de la banque de procéder à une remise des frais ne pouvait être analysée comme une résistance abusive de la part du CRÉDIT AGRICOLE.
Ainsi, il y a lieu de débouter M. et Mme X. de leur demande de dommages et intérêts, et de confirmer le jugement par motifs en partie substitués.
Sur la déchéance du droit aux intérêts du solde débiteur du compte bancaire :
Les époux X. soutiennent enfin que lorsqu'une banque consent à un client des avances pendant plus de trois mois un découvert en compte constituant une ouverture de crédit et qu'elle ne transmet pas d'offre préalable régulière, le client peut solliciter de la banque la déchéance du droit aux intérêts.
La convention d'ouverture de compte produite par les époux X. en date du 13 mars 2012 au nom de M. X. ne prévoit pas de découvert autorisé.
A défaut de produire les relevés de compte, il n'est pas établi que le compte de M. X. ait fonctionné pendant plus de trois mois à découvert.
Il n'est pas produit la convention d'ouverture du compte de Mme X. et les relevés de compte.
Aucune déchéance du droit aux intérêts ne peut être prononcée dans ces circonstances.
M. et Mme X. ne peuvent non plus soutenir que le CRÉDIT AGRICOLE n'a pas inclus les commissions dans le calcul du TEG. Il ne peut être anticipé l'application de frais bancaires pour le calcul de ce taux déterminé avant sa mise en œuvre.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Partie succombante, M. et Mme X. seront condamnés aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Rejette les moyens d'irrecevabilité soulevés par M. X. et Mme Y.-X. concernant les conclusions et les demandes de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de Centre France ;
Déclare recevable la demande de M. X. et Mme Y.-X. en nullité des clauses de stipulations d'intérêts conventionnels fondée sur le caractère erroné du TEG ;
Confirme par motifs en partis substitués, le jugement entrepris ;
Y ajoutant,
Déboute M. X. et Mme Y.-X. de l'ensemble de leurs demandes ;
Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. X. et Mme Y.-X. […] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
Le Greffier, Le Président,