CA LYON (1re ch. civ. A), 27 mai 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 8970
CA LYON (1re ch. civ. A), 27 mai 2021 : RG n° 18/06896
Publication : Jurica
Extrait : « L'année civile comptant douze mois et les intérêts dus pour une échéance mensuelle représentant un douzième de l'intérêt conventionnel, un calcul des intérêts courus entre deux échéances mensuelles sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équivalent à un calcul des intérêts sur la base d'un douzième de l'intérêt conventionnel ou sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours et d'une année de 365 jours.
En conséquence, la clause litigieuse n'entraîne pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et ne saurait être déclarée abusive. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE A
ARRÊT DU 27 MAI 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 18/06896. N° Portalis DBVX-V-B7C-L6MB. Décision du Tribunal de Grande Instance de Lyon, Au fond du 4 septembre 2018, 4ème chambre, R.G. n° 17/03365.
APPELANT :
M. X.
né le [date] à [ville], [...], [...], [...], Représenté par la SELARL C&S AVOCATS, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1246 Et ayant pour avocat plaidant Maître Fiona B., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
SA CRÉDIT LYONNAIS
[...], [...], Représentée par Maître Pierre B., avocat au barreau de LYON, toque : 140
Date de clôture de l'instruction : 10 septembre 2019
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 janvier 2021
Date de mise à disposition : 4 mars 2021 prorogée au 27 mai 2021, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Anne WYON, président - Françoise CLEMENT, conseiller - Annick ISOLA, conseiller, assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier. A l'audience, Anne WYON a fait le rapport, conformément à l'article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ; Signé par Françoise CLEMENT, conseiller pour le président empêché, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Suivant offre du 14 février 2011, acceptée le 2 mars 2011, la société Le Crédit Lyonnais (la banque) a consenti à M. X. un prêt immobilier d'un montant de 142.750 euros, remboursable en 324 mois (27 ans), au taux d'intérêt nominal de 3,70 %, le taux effectif global (TEG) stipulé étant de 4,46 % l'an.
Le 8 février 2016, M. X. a fait assigner la banque devant le tribunal de grande instance de Lyon afin que la clause de calcul des intérêts soit déclarée abusive et réputée non écrite, subsidiairement en nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel et, à défaut en déchéance du droit aux intérêts conventionnels, en raison des erreurs affectant le TEG.
Par jugement du 4 septembre 2018, le tribunal a rejeté les demandes formées par M. X. et l'a condamné à payer à la banque une indemnité de 1.200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
[*]
M. X. a relevé appel de cette décision le 3 octobre 2018.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe par voie électronique le 27 décembre 2018, il demande, en substance, à la cour de :
- Infirmer la décision du 4 septembre 2018 en ce que :
- 1 : elle a considéré que la clause prévoyant que les intérêts étaient calculés sur 360 jours n'était pas abusive ;
- 2 : elle a considéré que la clause prévoyant que les intérêts étaient calculés sur 360 jours ne devait pas être sanctionnée ;
- 3 : il n'était pas démontré que les frais de la période d'utilisation progressive impactaient le calcul du TEG ;
- 4 : elle a débouté M. X. de l'ensemble de ses demandes, notamment au titre du manquement à l'obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté du fait de la prescription de l'action ;
- 5 : elle a condamné M. X. à la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
- Constater les erreurs de calcul du taux de période du prêt litigieux, les erreurs de calcul du TEG du prêt litigieux, les erreurs de calcul du coût du crédit du prêt litigieux, que les intérêts sont calculés sur la base d'une année bancaire.
En conséquence, à titre principal,
- Déclarer abusive et par conséquent réputer non écrite la clause figurant dans le contrat de prêt intitulée « Modalités et lieux de paiement « Ajustement du montant de la première échéance » prévoyant le calcul des intérêts sur la base d'une année bancaire de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an ;
- Condamner le Crédit Lyonnais à payer à M. X. la somme de 22.000,00 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt depuis sa conclusion jusqu'au jour de la présente, sauf à parfaire.
A titre subsidiaire,
- Prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêts du prêt litigieux ;
- Prononcer la substitution du taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat de prêt, soit 0,38%, au taux d'intérêt conventionnel ;
- Condamner le Crédit Lyonnais à payer à M. X. la somme de 22.000 euros correspondant aux intérêts indûment versés au titre du prêt depuis sa conclusion jusqu'au jour de la présente, sauf à parfaire ;
- Enjoindre le Crédit Lyonnais sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8 ème jour suivant la signification de la décision à intervenir, de produire un nouveau tableau d'amortissement, prenant en considération cette substitution du taux d'intérêt légal soit 0,38% au taux conventionnel.
A titre infiniment subsidiaire,
- Prononcer la déchéance des intérêts conventionnels du prêt litigieux à hauteur du taux d'intérêt légal applicable au jour de la conclusion du contrat de prêt, soit 0,38% ;
- Condamner le Crédit Lyonnais à payer à M. X. la somme de 22.000 euros correspondant à la différence entre le montant des intérêts versés en application du taux conventionnel depuis la conclusion du contrat et le montant des intérêts au taux légal applicable au jour de la conclusion du contrat de prêt, soit 0,38 %, jusqu'au jour de la présente, sauf à parfaire ;
- Enjoindre, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement à intervenir le Crédit Lyonnais de produire un nouveau tableau d'amortissement prenant en compte cette déchéance du droit aux intérêts et l'application du taux de 0,38 %.
En tout état de cause,
- Condamner le Crédit Lyonnais à payer à M. X. la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de son manquement à son obligation d'information, de loyauté et d'honnêteté ;
- Condamner le Crédit Lyonnais à payer la somme de 5.000 euros à M. X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner le Crédit Lyonnais aux entiers dépens, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe par voie dématérialisée le 23 mars 2019, la banque demande en substance, à la cour de confirmer le jugement attaqué et, y ajoutant, de condamner M. X. à lui payer 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel, à supporter les dépens avec application de l'article 699 du même code au bénéfice de Maître B., avocat, subsidiairement de limiter la restitution d'intérêts mis à sa charge à une somme forfaitaire symbolique et plus subsidiairement dire que le taux d'intérêt légal substitué au taux conventionnel subira les variations périodiques auxquelles la loi le soumet.
[*]
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 septembre 2019.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur le caractère abusif de la clause de stipulation d'intérêts :
M. X. se prévaut de la recommandation n° 05-02 de la commission des clauses abusives pour soutenir que la clause prévoyant le calcul des intérêts conventionnels sur la base d'une année de 360 jours ne permet pas au consommateur d'évaluer le surcoût qui est susceptible d'en résulter à son détriment ce qui est en soi de nature à créer un déséquilibre significatif à son préjudice.
En l'espèce, le contrat de prêt prévoit (p 5) que « les intérêts courus entre 2 échéances seront calculés sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours rapportés à 360 jours l'an. En cas de remboursement anticipé, les intérêts courus depuis la dernière échéance seront calculés sur la base du nombre de jours exacts de la période écoulée, rapportés à 360 jours l'an. (.. .)
Ajustement de la première échéance : la première échéance du prêt est toujours calculée en jours exacts. De ce fait, son montant peut être différent des autres mensualités en raison des intérêts intercalaires et des cotisations d'assurance le cas échéant qui peuvent être perçus et donc rajoutés et ce, dans le cas ou le nombre de jours entre le début d'amortissement et la première échéance n'est pas égal à 30 jours. »
La banque répond que la recommandation visée par l'appelant ne concerne que les comptes de dépôt, que le taux de l'intérêt conventionnel est bien fixé par écrit en l'espèce conformément aux dispositions de l'article 1907 alinéa 2 du code civil, les articles du code de la consommation ne régissant que le TEG.
[*]
Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
L'année civile comptant douze mois et les intérêts dus pour une échéance mensuelle représentant un douzième de l'intérêt conventionnel, un calcul des intérêts courus entre deux échéances mensuelles sur la base d'un mois de 30 jours et d'une année de 360 jours est équivalent à un calcul des intérêts sur la base d'un douzième de l'intérêt conventionnel ou sur la base d'un mois normalisé de 30,41666 jours et d'une année de 365 jours.
En conséquence, la clause litigieuse n'entraîne pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et ne saurait être déclarée abusive.
Sur le caractère erroné du calcul des intérêts par référence à une année de 360 jours :
Il résulte des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et de l'article R. 313-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2016-607 du 13 mai 2016, que la mention, dans l'offre de prêt acceptée, d'un taux conventionnel calculé sur la base d'une année autre que l'année civile, ne peut être sanctionnée que par la déchéance, totale ou partielle, du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, sous réserve que ce calcul ait généré au détriment de l'emprunteur un surcoût d'un montant supérieur à la décimale prévue à l'article R. 313-1 précité.
C'est pourquoi il ne peut être fait droit à la demande de nullité de la clause de stipulation d'intérêts, comme le demande M. X.
M. X. fait valoir qu'une somme de 49.962,50 euros a été débloquée le 15 avril et la somme de 102,70 euros débitée au titre des intérêts 20 jours plus tard, le 5 mai, alors que si les intérêts avaient été calculés sur la base de 365 jours, le montant des intérêts se serait élevé à 101,29 euros. La différence égale 1,41 euros.
La banque fait observer que M. X. évoque la première échéance qui a été ajustée conformément à la clause déjà citée dans la mesure où les intérêts doivent être calculés par jour et que le surcoût en résultant pour chacun des déblocages du prêt a eu pour l'emprunteur une incidence totale de 2,14 euros.
L'incidence financière totale de 2,14 euros calculée par la banque au regard du montant total de prêt ne dépassant pas la décimale prévue à l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date du prêt, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande sur ce point.
Sur l'absence d'égalité des flux :
M. X. s'appuie sur l'analyse d'un prestataire privé, le cabinet H. Consultants, pour faire valoir que la banque déroge au principe de l'égalité des flux, le taux de période étant de 0,37187 % et non de 0,37 % comme indiqué au contrat.
Ainsi qu'en a pertinemment décidé le tribunal, l'étude privée commandée par M. X. n'est corroborée par aucune pièce et se trouve en conséquence dénuée de toute force probante.
Au demeurant, si la règle de l'arrondi est inapplicable au calcul du taux de période, l'inexactitude de ce taux, contrairement à celle du taux effectif global, n'est pas de nature à entraîner la déchéance du droit aux intérêts.
Sur la proportion entre le TEG annuel et le taux de période :
Le tribunal a pertinemment retenu que le TEG stipulé au contrat est de 0,37 pour un mois et de 4,46 pour l'année, que la multiplication du TEG mensuel par 12 permet d'obtenir le taux de 4,44 et que la différence entre le taux de 4,44 et celui de 4,46 mentionné sur l'offre de prêt n'excède pas la décimale, de sorte qu'il n'est pas dérogé à l'annexe d) de l'article R 313-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur à la date du contrat qui précise : « le résultat du calcul exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale».
Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la contestation sur ce point.
Sur l'absence d'intégration des frais de la période d'utilisation progressive dans le calcul du TEG :
M. X. soutient que le calcul du TEG est erroné dans la mesure où il n'a pas incorporé tous les intérêts et plus particulièrement ceux relatifs à la période d'utilisation progressive. Ainsi que l'a relevé le tribunal, l'appelant ne produit aucune démonstration établissant que cette omission a pu affecter le TEG dans des proportions dépassant le seuil de la décimale puisqu'il n'évalue pas l'ampleur de l'erreur alléguée.
Le jugement querellé sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la contestation sur ce point.
Sur la mention de la durée de la période :
M. X. affirme que la banque ne communique pas la durée de la période unitaire.
Ainsi que le fait valoir à juste titre la banque, l'offre de prêt précise que la périodicité des échéances est mensuelle. Le contrat satisfait donc aux exigences de l'article R 313-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur à la date du contrat. Le grief sur ce point sera rejeté.
Sur les dommages-intérêts :
Compte tenu du rejet de toutes les demandes formées par M. X., il convient de dire que la banque n'a manqué à aucune de ses obligations et de débouter M. X. de sa demande en paiement de dommages-intérêts, le jugement étant confirmé de ce chef.
Le jugement querellé sera donc confirmé dans toutes ses dispositions. L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque au titre de la procédure d'appel et de rejeter la demande formée par M. X. sur ce point. L'appelant, partie perdante, supportera les dépens d'appel.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lyon le 4 septembre 2018 ;
Y ajoutant,
Condamne M. X. aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Maître B., avocat, par application de l'article 699 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de M. X. au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne à payer à ce titre à la société Le Crédit Lyonnais la somme de 3.000 euros.
Le Greffier Pour le Président empêché