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CA DOUAI (8e ch. 1), 8 juillet 2021

Nature : Décision
Titre : CA DOUAI (8e ch. 1), 8 juillet 2021
Pays : France
Juridiction : Douai (CA), 8e ch. sect. 1
Demande : 19/02236
Décision : 21/759
Date : 8/07/2021
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 12/04/2019
Numéro de la décision : 759
Référence bibliographique : 5835 (absence de clause)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9029

CA DOUAI (8e ch. 1), 8 juillet 2021 : RG n° 19/02236 ; arrêt n° 21/759 

Publication : Jurica

 

Extraits : « Enfin, si M. X. demande dans le dispositif de ses conclusions de voir juger que le calcul des intérêts sur la base de l'année de 360 jours 'procède d'une clause abusive', force est de constater que l'offre de crédit ne contient pas de clause de calcul des intérêts sur la base de l'année de 360 jours, que M. X. ne développe d'ailleurs dans ses conclusions aucun moyen tirée du caractère abusif d'une telle clause, inexistante en l'espèce, ni ne demande à la voir déclarer abusive ou non écrite, l'action visant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts qui sont soumises aux délais de prescription quinquennale des articles 1304 du code civil et L.110-4 du code de commerce. La fin de non-recevoir soulevée par la banque tirée de la prescription de l'action fondée sur le caractère abusif de la clause est par conséquent sans objet. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE DOUAI

HUITIÈME CHAMBRE PREMIÈRE SECTION

ARRÊT DU 8 JUILLET 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 19/02236. Arrêt n° 21/759. N° Portalis DBVT-V-B7D-SJMJ. Jugement (R.G. n° 17/08159) rendu le 7 mars 2019 par le tribunal de grande instance de Lille.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville] - de nationalité française, [...], [...], Représenté par Maître Jérémie B., avocat au barreau de Douai

 

INTIMÉE :

SA Société Générale

prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège et saisie en son établissement secondaire situé à [...]. [...], [...], Représentée par Maître Martine V., avocat au barreau de Lille et Maître Etienne G., avocat au barreau de Paris

 

DÉBATS à l'audience publique du 12 mai 2021 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile). Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Gaëlle Przedlacki

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Madame Dominique Duperrier, président de chambre, Madame Pauline Mimiague, conseiller, Madame Catherine Menegaire, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 juillet 2021 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Duperrier, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 12 mai 2021

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :

Suivant offre de prêt en date du 14 janvier 2011 acceptée le 26 janvier 2011, la Société générale a consenti à M. X. un prêt immobilier numéro 17XXX81 d'un montant de 105.000 euros remboursables en 312 mensualités avec différé d'amortissement de 12 mois et quatre paliers d'amortissement, au taux conventionnel de 3,85 % l'an et au taux effectif global (TEG) de 4,42 %.

Invoquant des erreurs affectant le TEG et le calcul des intérêts conventionnels sur l'année de 360 jours, M. X. a par acte huissier délivré le 20 octobre 2017, fait assigner la Société générale devant le tribunal de grande instance de Lille pour voir :

- prononcer la nullité de la clause d'intérêts conventionnels en raison du caractère erroné du TEG,

- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial,

- enjoindre à la banque d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel depuis la date de souscription du prêt, les échéances restant à courir jusqu'au terme du prêt devant porter intérêts au taux légal année par année,

- condamner la Société générale à lui restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal et notamment la somme de 19.066,42 euros arrêtée au 7 octobre 2017, avec intérêts au taux légal à compter l'assignation,

- condamner la Société générale à lui payer la somme de 3.600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 7 mars 2019, le tribunal a :

- déclaré irrecevable car prescrite la demande de nullité de la stipulation de l'intérêt conventionnel de l'offre de prêt accepté le 25 janvier 2011 par M. X., et par voie de conséquence les demandes subséquentes et accessoires,

- condamné M. X. à payer à la Société Générale la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

M. X. a relevé appel de l'ensemble des chefs du jugement par déclaration reçue par le greffe de la cour le 12 avril 2019.

[*]

Au terme de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 avril 2021, M. X. demande à la cour de :

- déclarer l'appel recevable,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable car prescrite la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels de l'offre de prêt et l'a condamné à payer la somme de 3.000 euros à la Société générale en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- statuant à nouveau des chefs infirmés,

- dire et juger ses demandes recevables et bien fondées,

- constater que les intérêts périodiques du prêt référencé 17XXX81 ont été calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours,

- dire et juger que de telles modalités de calcul des intérêts périodiques procèdent d'une clause abusive,

- dire et juger que le taux effectif global mentionné dans l'offre de prêt du 14 janvier 2011 est erroné,

- ordonner la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel depuis la souscription du contrat initial conclu avec la Société générale,

- enjoindre à la banque d'établir de nouveaux tableaux d'amortissement tenant compte de la substitution du taux légal au taux conventionnel depuis la date de souscription du prêt, des éventuels avenants, les échéances restant à courir sur le prêt jusqu'à son terme devant porter intérêts au taux légal année par année, le cas échéant semestres par semestre,

- condamner la Société générale à restituer le trop-perçu correspondant à l'écart entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal, notamment la somme à parfaire de 19'066,42 euros arrêtée au 7 octobre 2017, avec intérêts au taux légal à compter l'assignation,

- dire et juger que lesdites sommes devront être actualisées au regard des tableaux d'amortissement qui seront établis par la Société générale au taux légal année par année, le cas échéant semestre par semestre depuis la date de souscription du contrat,

- à titre subsidiaire, prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts au titre du prêt référencé 17XXX81,

- en tout état de cause condamner la Société générale à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 septembre 2019, la Société générale demande à la cour de :

- s'agissant de la contestation du TEG et du calcul des intérêts :

à titre principal,

- dire et juger que la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels est irrecevable dès lors que le TEG contesté et mentionné dans une offre de prêt relève des dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation qui prévoit la sanction de la déchéance du droit aux intérêts,

- dire et juger que l'action de M. X. et prescrite en ce qu'elle tend à obtenir la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels,

- en conséquence, confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions et notamment en ce qu'il a déclaré l'action de M. X. irrecevable comme prescrite,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que M. X. n'apporte nullement la preuve du caractère erroné du TEG,

- dire et juger que le TEG mentionné dans l'offre de prêt est conforme aux exigences prévues par le code de la consommation,

- dire et juger que la base de calcul des intérêts conventionnels du prêt consenti à M. X. et bien l'année de 365 jours,

- dire et juger qu'une erreur dans le calcul des intérêts s'analyse en une inexécution contractuelle laquelle doit être réparée par l'allocation de dommages-intérêts chiffrés par le demandeur, conformément au droit commun et non par la sanction applicable au TEG,

- en conséquence, débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes,

à titre très subsidiaire,

- dire et juger que la sanction d'un TEG erroné figurant dans une offre de prêt soumise aux articles L. 312-1 et suivant du code de la consommation consiste en la déchéance éventuelle totale ou partielle du droit de percevoir les intérêts au taux contractuel et aucunement en la nullité de la clause d'intérêt,

- dire et juger que M. X. ne démontre nullement avoir subi un quelconque préjudice,

- en conséquence débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes,

- sur l'action fondée sur les clauses abusives,

à titre principal,

- dire et juger que l'action de M. X. et prescrite,

- en conséquence déclarer l'action fondée sur les clauses abusives irrecevable comme prescrite,

à titre subsidiaire,

- dire et juger que l'offre de prêt ne contient pas de clause abusive,

- en conséquence, débouter M. X. de l'ensemble de ses demandes,

et ajoutant au jugement entrepris,

- condamner M. X. au paiement de la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement de l'ensemble des dépens dont distraction au profit de Maître Martine V.

[*]

L'ordonnance de clôture initialement fixée au 20 avril 2021 a été rendue le 12 mai 2021, jour de l'audience des plaidoiries.

En application de l'article 455 du code de procédure civile il convient de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la fin de non-recevoir au regard de l'objet de la demande :

La banque conclut à l'irrecevabilité de la demande de nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels au motif que le prêt est soumis aux dispositions de l'article L. 312-33 du code de la consommation qui prévoit comme seule sanction applicable la déchéance du droit aux intérêts.

Cependant, la détermination de la sanction applicable aux irrégularités soulevées par l'emprunteur n'est pas une condition de recevabilité de l'action mais de son succès, de sorte, que le moyen d'irrecevabilité sera écarté.

 

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action :

En application de l'article 1304 du code civil, l'action en nullité de la stipulation d'intérêts se prescrit par cinq ans.

La demande en déchéance du droit aux intérêts conventionnels relevant du code de la consommation se prescrit également dans le délai de cinq ans prévu par l'article L.110-4 du code de commerce.

En cas d'octroi d'un crédit à un consommateur ou non-professionnel, le point de départ de la prescription de l'action en nullité ou en déchéance du droit aux intérêts conventionnels en raison d'une erreur affectant le taux effectif global ne court qu'à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître cette erreur ; il se situe donc à la date de la convention lorsque l'examen de sa teneur permet de constater l'erreur, ou à défaut, à la date à laquelle l'emprunteur normalement avisé et prudent a été en mesure de la déceler.

M. X. demande la nullité de la stipulation d'intérêts, subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts au motif que la banque a omis d'inclure dans le calcul du TEG les intérêts intercalaires liés à la période de préfinancement ainsi que les frais de tenue de compte, et d'avoir calculé les intérêts conventionnels sur l'année bancaire de 360 jours au lieu de l'année civile de 365 jours, ajoutant dans le dispositif de ses conclusions de voir dire et juger qu'un tel calcul « procède d'une clause abusive'. Il soutient qu'emprunteur profane, il ne pouvait déceler seuls ces irrégularités.

Au paragraphe 'taux effectif global' page 12/13 de l'offre, il est indiqué que le taux effectif mensuel et le TEG comprennent les intérêts et frais obligatoirement liés à l'octroi du prêt. Au paragraphe, 3engagements de l'emprunteur », page 11/13 de l'offre figure un tableau correspondant aux dits frais. Or, ce tableau ne fait apparaître aucun frais de domiciliation des revenus, de sorte que manifestement ils n'ont pas été pris en compte dans le calcul du TEG.

En outre, au tableau « coût total du crédit » figurent les intérêts pour un montant de 60.489,39 euros, le coût des assurances obligatoire pour 6717,36 euros, et les frais de dossier pour 900 euros. Sous ce tableau figure la mention suivant laquelle « ne sont pas pris en compte les intérêts intercalaires, dont le montant n'est pas connu au jour de l'émission de la présente offre, dus entre les dates de mise à disposition du prêt (ou de chacune des mises à disposition) et la date de point de départ de la première échéance (...) ».

La simple lecture des mentions de l'offre permettait donc à l'emprunteur de constater qu'aucun frais de domiciliation des revenus, ni le coût des intérêts intercalaires (dont le montant n'était pas connu au jour de l'émission de l'offre), n'étaient intégrés dans l'assiette de calcul de TEG, et ce sans qu'il soit besoin que M. X., qui pouvait demander des explications à la banque, ait disposé de compétences financières particulières.

Par ailleurs, l'offre de prêt comportait un tableau d'amortissement détaillant la répartition des échéances en capital et intérêts, ce qui permettait à l'emprunteur de vérifier l'exactitude du calcul des intérêts sur la base du taux conventionnel, calcul simple auquel il se livre d'ailleurs dans ses conclusions, en prenant pour exemple un capital de 180.000 et un taux d'intérêt de 5 %.

L'appelant disposait donc dès l'émission de l'offre de l'ensemble des éléments lui permettant de faire des vérifications par lui-même ou par des tiers, et ne peut donc se prévaloir plusieurs années après la signature de l'acte pour retarder artificiellement par sa seule volonté le point de départ de la prescription, d'arguments révélés par des calculs effectués par son conseil plusieurs années après la conclusion du contrat, sur la base de ces éléments déjà connus, dont il pouvait demander une analyse avant l'expiration du délai de prescription.

Enfin, si M. X. demande dans le dispositif de ses conclusions de voir juger que le calcul des intérêts sur la base de l'année de 360 jours « procède d'une clause abusive », force est de constater que l'offre de crédit ne contient pas de clause de calcul des intérêts sur la base de l'année de 360 jours, que M. X. ne développe d'ailleurs dans ses conclusions aucun moyen tirée du caractère abusif d'une telle clause, inexistante en l'espèce, ni ne demande à la voir déclarer abusive ou non écrite, l'action visant à voir prononcer la nullité de la stipulation d'intérêts conventionnels, subsidiairement la déchéance du droit aux intérêts qui sont soumises aux délais de prescription quinquennale des articles 1304 du code civil et L.110-4 du code de commerce. La fin de non-recevoir soulevée par la banque tirée de la prescription de l'action fondée sur le caractère abusif de la clause est par conséquent sans objet.

Il suit que le point de départ du délai de prescription se situe en l'espèce au jour de l'acceptation de l'offre de crédit le 26 janvier 2011, de sorte qu'au jour de l'exploit introductif d'instance du 20 octobre 2017, l'action de M. X. était prescrite.

En conséquence, confirmant le jugement déféré, il y a lieu de déclarer M. X. irrecevable en ses demandes.

 

Sur les demandes accessoires :

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. X., qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Martine V. en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Compte tenu des sommes déjà allouées en première instance à la banque, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles engagés par elle en cause d'appel. Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par arrêt contradictoire ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Déboute la Société Générale de sa demande en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. X. aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Martine V. en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le greffier,                                        Le président,

G. Przedlacki                                    D. Duperrier