CA MONTPELLIER (2e ch. sect. A), 8 avril 2003
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 909
CA MONTPELLIER (2e ch. sect. A), 8 avril 2003 : RG n° 02/02824 ; arrêt n° 1679
Publication : Juris-Data n° 220271
Extrait : « En conséquence, ces conditions particulières et la clause limitative de réparation qu'elles contiennent, connues et acceptées, sont opposables à la SARL Le Relais Saint Roch, la circonstance que celle-ci, bien que professionnel, ne soit pas un professionnel de la même spécialité que son contractant, étant indifférente. »
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
DEUXIÈME CHAMBRE SECTION A
ARRÊT DU 8 AVRIL 2003
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. : 02/02824. Arrêt n° 1679.
APPELANTE :
SA PROTECTION ONE, venant aux droits de la SA COMPAGNIE EUROPÉENNE DE TELÉSÉCURITÉ,
prise en la personne de son Directeur en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP JOUGLA - JOUGLA, avoués à la Cour, assistée de Maître ALTERMAN, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
- SA ASSURANCES GÉNÉRALES DE FRANCE - AGF -
prise en la personne de son Président Directeur Général en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP SALVIGNOL - GUILHEM, avoués à la Cour
- SARL LE RELAIS SAINT-ROCH
prise en la personne de son Gérant en exercice, domicilié en cette qualité au siège social sis [adresse], représentée par la SCP SALVIGNOL - GUILHEM, avoués à la Cour
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 mars 2003.
[minute page 2] COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Mme Annie PLANTARD, Conseiller le plus ancien faisant fonction de Président, M. Patrick DERDEYN, Conseiller, M. Antoine GRISON, Conseiller.
GREFFIER : Mme Evelyne PONTRAMON, lors des débats et Mme Evelyne PONTRAMON, lors du prononcé.
DÉBATS : en audience publique le SIX MARS DEUX MILLE TROIS devant Madame Annie PLANTARD, Conseiller, et Monsieur Antoine GRISON, Conseiller, qui, avec l'accord des conseils des parties, ont entendu les plaidoiries et en ont rendu compte à la cour composée comme indiqué dans son délibéré.
L'affaire a été mise en délibéré au 8 Avril 2003.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE, prononcé en audience publique le HUIT AVRIL DEUX MILLE TROIS par Monsieur Antoine GRISON, Conseiller, en application des dispositions de l'article 452 du NCPC.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Antoine GRISON, Conseiller, conformément aux dispositions de l'article 456 du NCPC et par le greffier présent à l'audience.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] FAITS ET PROCÉDURE :
La SARL Le Relais Saint Roch exploitant un restaurant, a conclu le 23 janvier 1997 avec la Compagnie Européenne de Sécurité (CET), aux droit de laquelle se trouve aujourd'hui la SA PROTECTION ONE, un contrat de télésurveillance de son établissement.
La nuit du 2 au 3 février 2001, le restaurant a été victime d'importantes dégradations causées par Monsieur X., sans que l'alerte ait été donnée par la SA PROTECTION ONE.
Se plaignant de la mauvaise exécution de ses obligations par cette société, la SARL Le Relais Saint Roch et la SA AGF, assureur de celle-ci, ont assigné, par acte du 26 novembre 2001, la SA PROTECTION ONE devant le Tribunal de commerce de Narbonne.
Par jugement du 22 mai 2002, le Tribunal de commerce de Narbonne condamnait la SA Compagnie Européenne de Sécurité à payer à la SA Assurances Générales de France la somme en principal de 36.587,76 euros et la somme de 610 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamnait cette même société à payer à la SARL Le Relais Saint Roch la somme en principal de 4.397,33 euros et la somme de 610 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Le tribunal condamnait la SA Compagnie Européenne de Sécurité aux entiers dépens.
La SA PROTECTION ONE, venant aux droits de la SA Compagnie Européenne de Sécurité, a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Vu les conclusions des parties respectivement déposées au greffe de la mise en état le 30 août 2002 pour la SA PROTECTION ONE et le 3 janvier 2003 pour la SA AGF et la SARL Le Relais Saint Roch.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 4] MOTIFS DE LA DÉCISION :
La SA PROTECTION ONE soutient, pour échapper à sa responsabilité dans la réalisation du sinistre, qu'elle n'avait souscrit qu'une obligation de moyens et que la preuve d'une faute dans l'exécution de ses obligations n'est pas rapportée.
Le contrat de télésurveillance conclu entre la SA PROTECTION ONE et la SARL Le Relais Saint Roch le 23 janvier 1997 met à la charge de la première une obligation de moyens, l'obligeant à mettre en œuvre toutes les diligences nécessaires pour accomplir sa mission de surveillance à distance du local, et le cas échéant, d'alerte.
Il ressort des faits, non contestés, que Monsieur X. est entré par effraction dans les locaux du restaurant Le relais Saint Roch le 3 février aux alentours de 5 heures 30, et a procédé au saccage de cet établissement.
Alertés vers 6 heures 50, les gendarmes sont intervenus et ont pénétré à leur tour dans le restaurant à 7 heures 20, ainsi qu'il est indiqué dans leur procès verbal.
Enfin, il résulte du récapitulatif des alarmes reçues par la SA PROTECTION ONE que bien que le système de télésurveillance ait été correctement mis en service par l'utilisateur le 2 février 2002 à 17 heures 29 et 20 secondes, celle-ci n'a reçu d'appel que le 3 février à 7 heures 39 minutes et 36 secondes.
Il ressort des procès verbaux de gendarmerie que la sonnerie d'alarme du commerce était activée à l'arrivée des gendarmes sur les lieux, à 7 heures 20. L'existence d'une alarme sonore et son déclenchement sont confirmés par les procès verbal d'audition de Monsieur X., lequel a affirmé aux gendarmes que « alors que j'étais en train de tout retourner, l'alarme s'est déclenchée. J’ai quand même continué à tout jeter sur le sol. »
Au regard de ces éléments, La SA PROTECTION ONE ne saurait soutenir que le système de télésurveillance n'était pas équipé d'une sirène et que le système fonctionnait uniquement par le biais du réseau téléphonique.
Il est alors impossible d'expliquer, sauf à admettre une défaillance de l'installation, que le déclenchement sonore de l'alarme n'ait pas été suivi d'un appel téléphonique en direction du préposé de la surveillance, et cela tant au moment de l'irruption dans les lieux surveillés de Monsieur X. que des gendarmes.
[minute page 5] La SA PROTECTION ONE soutient néanmoins que le dysfonctionnement proviendrait de la ligne téléphonique, laquelle devait être débranchée ou en panne. Cependant, aucun élément de fait ne permet de corroborer cette allégation qui supposerait, au vu des faits de l'espèce, que la ligne ait non seulement été coupée mais qu'en outre elle ait été ensuite rebranchée. En effet, si la ligne téléphonique avait été coupée, rien ne permet d'expliquer la réception par la SA PROTECTION ONE d'une alarme en provenance du local objet de la télésurveillance à 7 heures 39. Il n'est fait aucune mention dans le procès verbal établi par la gendarmerie ni dans les procès verbaux d'audition de Monsieur X. que celui-ci aurait débranché la ligne téléphonique, alors même qu'il est établi qu'il n'a pas désactivé la sirène sonore d'alarme, ni de ce qu'un tiers aurait procédé à sa reconnexion à 7 heures 39.
Enfin, le fait que le système d'alarme ait été vérifié par un technicien de la SA PROTECTION le 7 février 2001 et que cette intervention ait fait l'objet d'un constat de bon fonctionnement entre les parties est sans incidence sur le déroulement des événements de la nuit du 2 au 3 février.
En conséquence de ces faits et de leur chronologie, c'est à bon droit que le Tribunal de commerce a constaté que la preuve d'une mauvaise exécution de ses obligations par la SA PROTECTION ONE, résultant d'un dysfonctionnement du matériel dont elle avait équipé le local pour l'exécution de sa mission contractuelle, était rapportée, et que celle-ci devait être condamnée à réparer le dommage qui en résultait.
La SA PROTECTION ONE soutient toutefois que le contrat conclu le 23 janvier 1997 comportait en son article 12-3, une clause limitative de responsabilité, stipulant que « dans tous les cas, hormis la faute lourde ou dolosive, la responsabilité contractuelle du prestataire de service est limitée à la somme de 50.000 francs par événement pour tout dommage corporel, matériel ou immatériel. »
La SARL Le Relais Saint Roch conteste l'application de cette clause, au motif qu'elle ne lui serait pas opposable car elle n'en avait pas eu connaissance, qu'elle ne lui serait pas opposable dans la mesure où elle ne serait pas un professionnel de la même spécialité, et, en tout état de cause, que la faute lourde du prestataire serait établie.
Aucune des parties ne verse aux débats un exemplaire original du contrat conclu le 23 janvier 1997. La Cour ne dispose que de photocopies dont les pages, toutes imprimées au seul recto, sont reliées en ordre dispersé. Il ressort toutefois [minute page 6] de ces feuillets que le contrat principal, dûment signé par les parties, comportait 3 pages et 4 articles, et se concluait sur un article 4.3.
La SA PROTECTION ONE produit 3 pages supplémentaires, qu'elle prétend être les conditions particulières accessoires à ce contrat et que son contractant aurait accepté par un renvoi inséré dans le contrat principal, celui-ci stipulant que « l'abonné déclare, en outre, avoir pris connaissance et approuvé les termes recto et verso du présent contrat ».
Si la matérialité des documents produits ne permet pas dire que ces conditions particulières étaient bien inscrites au verso du contrat signé par la SARL Le Saint Roch, l'unité intellectuelle qui se dégage de ces documents est incontestable. En effet, ces conditions particulières sont bien rédigées sur 3 pages, débutent précisément à l'article 4.4, là où se terminaient l'énumération des clauses du contrat initial, et opèrent des renvois exprès et pertinents aux clauses du contrat initial.
En conséquence, ces conditions particulières et la clause limitative de réparation qu'elles contiennent, connues et acceptées, sont opposables à la SARL Le Relais Saint Roch, la circonstance que celle-ci, bien que professionnel, ne soit pas un professionnel de la même spécialité que son contractant, étant indifférente.
Cependant, dans un tel contrat de surveillance à distance, la fiabilité des moyens techniques mis à disposition du créancier est une condition essentielle de l'engagement de celui-ci et à, l'inverse, le mauvais fonctionnement des matériels de communication destinés à donner l'alerte à l'entreprise de télésurveillance suite à la détection d'une intrusion dans le local démontre l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de sa mission contractuelle.
En conséquence, le dysfonctionnement du matériel dont la SA PROTECTION ONE avait équipé le local constitue une faute lourde, faisant échec à l'application de la clause limitative de réparation au profit de ce débiteur.
Le dommage subi par la SARL Le Saint Roch a été précisément évalué par la Cabinet d'expertise Y. pour le compte de l'assureur, la société AGF, à un montant de 268.445,90 francs, soit 40.924,31 euros, en ce compris les dégâts matériels ainsi que les pertes d'exploitation.
Cette évaluation n'est pas contestée par la SA PROTECTION ONE dans ses conclusions devant la Cour.
Sur la base de ce rapport, la SA AGF a payé à la SARL Le Relais Saint Roch la somme de 240.000 francs, soit 36.587,76 euros ; elle est subrogée dans ses [minute page 7] droits pour cette somme. Une somme de 4.336,33 euros, correspondant au montant de la franchise, est donc restée à la charge de la SARL Le Saint Roch.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA CET, aux droits de laquelle vient la SA PROTECTION ONE, à payer à la AGF la somme de 36.587,76 euros et à la SARL Le Relais Saint Roch, la somme de 4.336,33 euros.
La SA PROTECTION ONE, qui succombe en cause d'appel, sera condamnée aux dépens d'appel et sera en outre condamnée à payer à la SA AGF et à la SARL Le Relais Saint Roch la somme totale de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Dit la SA PROTECTION ONE non fondée en son appel
l'en déboute et confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
Condamne la SA PROTECTION ONE à payer 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile à la SA Assurances Générales de France et à la SARL Le Relais Saint Roch,
Déboute les parties de leurs autres demandes comme contraires ou non fondées,
[minute page 8] Condamne la SA PROTECTION ONE aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure civile.