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CA ANGERS (ch. A civ.), 16 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA ANGERS (ch. A civ.), 16 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Angers (CA), ch. civ.
Demande : 18/02338
Date : 16/11/2021
Nature de la décision : Annulation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 22/11/2018
Référence bibliographique : 6639 (octroi du prêt immobilier, condition de la vente d’immeuble)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9250

CA ANGERS (ch. A civ.), 16 novembre 2021 : RG n° 18/02338 

Publication : Jurica

 

Extrait (motifs) : « L'article L. 312-16 du code de la consommation, devenu L. 313-41 du même code dispose que : « Lorsque l'acte mentionné à l'article L. 313-40 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les dispositions des sections 1 à 5 et de la section 7 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement.

Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. »

En l'espèce, l'article 4 du contrat prévoit que « les parties ont convenu et l'acquéreur l'accepte expressément, de justifier d'au moins deux refus de prêt pour pouvoir se prévaloir de la présente clause. »

Si la demande de deux prêts permettant aux acquéreurs de s'adresser à plusieurs établissements pour obtenir le financement de leur achat ne peut être considérée comme étant abusive puisque cela leur est favorable, l'exigence de deux refus de prêts est défavorable au consommateur, a donc un caractère aggravant par rapport au texte créant ainsi un déséquilibre entre les parties. Cette clause est dès lors illicite et l'appelant ne peut s'en prévaloir et arguer de l'absence du deuxième refus de prêt. »

Extrait (dispositif) : « DÉCLARE la clause dite article 4 de la convention entre les parties du 27 avril 2014 abusive ».

 

COUR D’APPEL D’ANGERS

CHAMBRE A - CIVILE

ARRÊT DU 16 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 18/02338. N° Portalis DBVP-V-B7C-ENEM. [Appel de] Jugement du 5 novembre 2018, Tribunal de Grande Instance d'ANGERS, R.G. n° d'inscription au RG de première instance 18/00441.

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le date] à [ville], [...], [...], Représenté par Maître Thibault C. de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 318017, et Maître Philippe LE G., avocat plaidant au barreau de RENNES

 

INTIMÉS :

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], [adresse], [...]

Madame Z. épouse Y.

née le [date] à [ville], [adresse], [...]

Assignés, n'ayant pas constitué avocat

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 27 Septembre 2021 à 14 H 00, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame ROUSTEAU, Présidente de chambre, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame ROUSTEAU, Présidente de chambre, Madame MULLER, Conseiller, Madame REUFLET, Conseiller.

Greffier lors des débats : Madame LEVEUF

ARRÊT : par défaut ; Prononcé publiquement le 16 novembre 2021 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Sylvie ROUSTEAU, Présidente de chambre, et par Christine LEVEUF, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Exposé du litige :

M. X. dit V., propriétaire d'un immeuble à usage d'habitation, a donné, le 13 mars 2017, à l'agence Lebon agent immobilier West, mandat de vente de ce bien situé à [ville M.].

Après avoir visité le bien le 12 avril 2017, M. Y. et Mme Z. épouse Y. ont, en marge d'une offre d'achat du 14 avril 2017, signé une convention d'occupation pour un montant mensuel de 900 € à compter du 1er août 2007, laquelle a été acceptée par le vendeur.

Le 27 avril 2017, un compromis de vente a été signé entre M. X. et les époux Y. sous condition suspensive d'obtention d'un prêt d'un montant maximal de 240.000 € au plus tard le 11 juin 2017, pour une réalisation définitive de l'opération au 30 novembre 2017 avec prorogation possible au 20 décembre 2017. L'article 4 du contrat prévoit en sa page 7 que « les parties ont convenu, et l'acquéreur l'accepte expressément, de justifier d'au moins deux refus de prêt pour pouvoir se prévaloir de la présente clause ».

La clause intitulée « non réalisation de la condition suspensive » prévoit le versement d'une clause pénale d'un montant de 18.900 euros dans l'hypothèse où l'une des parties manquerait à ses obligations.

Par lettre en date du 23 septembre 2017, les époux Y. ont communiqué un refus de financement de l'IGESA (institution de gestion sociale des armées) en date du 7 juillet 2017, en raison d'un prêt antérieur ayant fait l'objet d'impayés et dont l'absence de règlement de la créance a nécessité une action en recouvrement judiciaire.

M. X. a alors demandé l'application de la clause pénale au motif que les époux Y. n'avaient pas accompli le contrat de bonne foi en lien avec la condition suspensive prévue au contrat.

Par acte du 6 février 2018, il a fait assigner M. et Mme Y. devant le tribunal de grande instance d'Angers en paiement de la clause pénale. M. Y. et Mme Z. épouse Y. n'ont pas constitué avocat.

Par jugement réputé contradictoire du 5 novembre 2018, le tribunal a :

- débouté M. X. dit V. de ses demandes,

- laissé les dépens à la charge de M. X. dit V. conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par acte du 22 novembre 2018, M. X. a fait appel de cette décision. Il demande à ce que la décision soit annulée comme ayant violé les articles 15 et 16 du code de procédure civile et l'article R. 632-1 du code de la consommation. Il sollicite la réformation de la décision ne lui ayant pas alloué le montant de la clause pénale, de sa demande de dommages et intérêts et d'article 700 du code de procédure civile.

Les intimés n'ayant pas constitué avocat devant la cour, M. X. a fait procéder à la signification de son appel et de ses conclusions le 14 février 2019, lesquelles ont été signifiées à personne concernant Mme Z. épouse Y. mais à domicile concernant M. Y.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 22 septembre 2021. L'affaire a été plaidée à l'audience du 27 septembre 2021.

 

Prétentions et moyens des parties :

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 494 du code de procédure civile, aux conclusions du 22 janvier 2019 de M. X.

Aux termes de ses conclusions du 22 janvier 2019, M. X. demande à la cour,

Vu les articles 15 et 16 du code de procédure civile,

Vu les articles L. 312-16 et L. 632-1 du code de la consommation,

Vu les articles 1304-3, 1231-5, 1103 et 1353 du code civil,

de :

- prononcer la nullité du jugement rendu le 5 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Angers,

- constater le caractère non abusif de la clause pénale,

- infirmer le jugement rendu le 5 novembre 2018 par le tribunal de grande instance d'Angers,

et par conséquent :

- déclarer la condition suspensive de prêt réalisée depuis le 11 juin 2017,

- condamner solidairement les époux Y. à payer la somme de 18.900 € en application de la clause pénale,

- condamner M. et Mme Y. in solidum à payer la somme de 12.600 € à M. X. au titre du préjudice subi du fait de l'immobilisation abusive du bien à vendre,

- condamner in solidum M. et Mme Y. à verser la somme de 4.000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens comprenant la convocation par voie huissier et établissement du procès-verbal de carence d'un montant de 459.35 €.

Au soutien de sa demande d'annulation du jugement, M. X. soutient que le principe du contradictoire n'a pas été respecté comme l'imposent les articles 15 et 16 du code de procédure civile mais aussi l'article R. 632-1 du code de la consommation et alors que le caractère excessif de la clause pénale ne saurait être jugé sans débat.

Il demande, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, que le jugement soit infirmé et qu'il soit constaté la réalisation de la condition suspensive dans la mesure où M. et Mme Y. n'ont transmis qu'une seule justification de refus de prêt partiel, sans fournir la deuxième demande de prêt prévue au compromis de vente et ce malgré les multiples relances tant de l'agence immobilière que du notaire.

Il sollicite en conséquence qu'en vertu de l'article1231-6 du code civil mais aussi du code de la consommation, la clause pénale soit appliquée.

Il estime ainsi que la clause pénale ne peut être considérée comme étant illicite compte tenu des manquements des acquéreurs à leurs obligations. Ainsi en dépit des divers courriers de relance, la réalisation définitive de l'opération n'a pu être effectuée le 30 novembre 2017 et un procès-verbal de carence a été établi par le notaire le 13 décembre 2017.

Il ajoute que la convention d'occupation payante à compter du 1er août 2017 moyennant un prix mensuel de 900 € était soumise à la condition de la réalisation de la vente (compromis, page 7).

Cette occupation n'a jamais été effective de sorte que M. X. dit V. sollicite une indemnité pour immobilisation du bien à vendre à hauteur de 12.600 € correspondant à 14 mois de loyer à 900 €.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Motifs de la décision :

Sur la nullité :

L'article 15 du code de procédure civile impose aux parties de se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

En l'espèce M. Y. et Mme Z. épouse Y. n'ayant pas constitué avocat devant le premier juge, ils n'ont pas fait valoir de moyen de défense.

L'article 16 du même code précise que le juge ne peut : « fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ».

Si l'article 632-1 du code de la consommation prévoit que « le juge peut relever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application' il doit avant d'écarter des dispositions recueillir les observations des parties.

Monsieur X. soutient à juste titre que le premier juge aurait dû inviter les parties à s'expliquer comme préalable au relevé d'office de tout moyen de droit lié au code de la consommation.

En effet la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt du 27 juin 2006 (Civ. 1re, n° 05-16905) « qu'en retenant d'office ce moyen qui n'était pas dans le débat, sans inviter les parties à présenter leurs observations, le tribunal a violé le texte susvisé ».

Or il ne ressort pas, en l'espèce, du jugement déféré que les parties aient été invitées à se prononcer sur le caractère excessif du compromis.

Il convient en conséquence d'annuler le jugement rendu par le tribunal d'Angers en date du 5 novembre 2018.

Toutefois, en vertu de l'article 562 du code civil et de l'effet dévolutif de l'appel, la cour d'appel qui annule un jugement, pour un motif autre que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, est, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, tenue de statuer sur le fond de l'affaire comme l'a rappelé la cour de cassation le 17 mai 2018 (Cass. civ. 2e, 17 mai 2018, n°16-28390).

 

Au fond :

L'article 1103 du code civil dispose que « les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». La limite à l'application de ce texte est liée à l'existence d'une clause abusive. L'article L. 212-1 du code de la consommation prévoit en effet que « sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. »

L'article L. 312-16 du code de la consommation, devenu L. 313-41 du même code dispose que : « Lorsque l'acte mentionné à l'article L. 313-40 indique que le prix est payé, directement ou indirectement, même partiellement, à l'aide d'un ou plusieurs prêts régis par les dispositions des sections 1 à 5 et de la section 7 du présent chapitre, cet acte est conclu sous la condition suspensive de l'obtention du ou des prêts qui en assument le financement. La durée de validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois à compter de la date de la signature de l'acte ou, s'il s'agit d'un acte sous seing privé soumis à peine de nullité à la formalité de l'enregistrement, à compter de la date de l'enregistrement.

Lorsque la condition suspensive prévue au premier alinéa n'est pas réalisée, toute somme versée d'avance par l'acquéreur à l'autre partie ou pour le compte de cette dernière est immédiatement et intégralement remboursable sans retenue ni indemnité à quelque titre que ce soit. »

En l'espèce, l'article 4 du contrat prévoit que « les parties ont convenu et l'acquéreur l'accepte expressément, de justifier d'au moins deux refus de prêt pour pouvoir se prévaloir de la présente clause. »

Si la demande de deux prêts permettant aux acquéreurs de s'adresser à plusieurs établissements pour obtenir le financement de leur achat ne peut être considérée comme étant abusive puisque cela leur est favorable, l'exigence de deux refus de prêts est défavorable au consommateur, a donc un caractère aggravant par rapport au texte créant ainsi un déséquilibre entre les parties. Cette clause est dès lors illicite et l'appelant ne peut s'en prévaloir et arguer de l'absence du deuxième refus de prêt.

L'appelant se prévaut de l'article 1353 du code civil, lequel dispose qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et réciproquement celui qui s'en prétend libéré d'en justifier du paiement.

Les époux Y. doivent ainsi apporter la preuve, afin d'être libérés de la clause pénale, que la condition suspensive n'est pas réalisée.

Il ressort des pièces de M. X. qu'ils ont fourni un courrier de l'IGESA faisant état du refus de prêt.

Ce courrier n'apporte aucun élément sur le prêt sollicité et ne permet pas d'apprécier si la demande de prêt était conforme aux caractéristiques stipulées dans la promesse. Toutefois, au regard du contenu de ce courrier précisant que le refus est lié à de précédents impayés et l'absence de règlement de la créance ayant nécessité une action en recouvrement judiciaire, toute demande de prêt aurait été refusée.

Il est par ailleurs constant qu'une demande de prêt même inférieure au montant de l'acquisition peut correspondre aux caractéristiques du prêt.

Dès lors, il ne peut être estimé que la condition suspensive soit accomplie sauf à démontrer la mauvaise foi des acquéreurs ce qui est suggéré par M. X.

Il apparaît clairement que M. et Mme X. ont tardé à transmettre le courrier de l'IGESA et n'ont pas donné suite à plusieurs relances de l'agent immobilier, du notaire et du conseil de M. X. mais ce seul élément ne peut caractériser la mauvaise foi.

La capacité financière des acquéreurs a dû être vérifiée par l'agent immobilier, il apparaît d'ailleurs qu'ils avaient tous deux un emploi, il ne peut donc pas être estimé que lors de la signature de la promesse ils savaient qu'ils ne pourraient pas acheter le bien immobilier.

De surcroit, s'il appartient au bénéficiaire de la promesse d'apporter la preuve qu'il a bien sollicité un prêt, il appartient au promettant de rapporter la preuve que le bénéficiaire d'une promesse de vente sous condition d'obtention d'un prêt en a empêché accomplissement (Cass. 3e civ., 26/05/2010, n° 09-15.317).

Or aucun élément n'apparaît en ce sens. Il convient dès lors de constater que la condition suspensive n'est pas accomplie et par la même de débouter M. X. de sa demande en paiement de la clause pénale.

M. X. sollicite la somme de 12.600 € au titre du préjudice subi du fait de l'immobilisation abusive du bien à vendre. Toutefois, l'existence d'une condition suspensive apporte de par sa nature une immobilisation du bien. Alors qu'il n'est pas apporté la preuve que les époux Y. aient empêché l'accomplissement de la condition, il ne peut pas être admis que cela ait entraîné une immobilisation abusive.

La somme de 4.000 € est sollicitée par M.H. en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Partie succombante, M. X. sera débouté de cette demande et condamné aux dépens d'appel et de première instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR statuant par arrêt rendu par défaut et par mise à disposition au greffe,

ANNULE le jugement rendu le 5 novembre 2018 par le tribunal de grande instance d'Angers,

Statuant à nouveau,

DÉCLARE la clause dite article 4 de la convention entre les parties du 27 avril 2014 abusive ;

CONSTATE que la condition suspensive n'a pas été réalisée ;

DÉBOUTE M. X. dit V. de toutes ses demandes ;

CONDAMNE M. X. dit V. aux entiers dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER                    LA PRESIDENTE

C. LEVEUF                          S. ROUSTEAU