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CA VERSAILLES (16e ch.), 25 novembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (16e ch.), 25 novembre 2021
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 16e ch.
Demande : 20/06128
Date : 25/11/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 8/12/2020
Référence bibliographique : 6623 (crédit, clause de déchéance)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9278

CA VERSAILLES (16e ch.), 25 novembre 2021 : RG n° 20/06128 

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est de droit (Civ. 1ère, 20 janvier 2021, pourvoi n° 18-24297) que ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la clause qui permet au prêteur de prononcer, en l'absence même de préavis ou de défaillance dans le remboursement du prêt, la déchéance du terme en raison de la fourniture de renseignements inexacts lors de la souscription du contrat, dès lors que ceux-ci portent sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l'octroi du concours financier et que l'emprunteur conserve la faculté de recourir à un juge pour contester l'application de la clause à son égard.

La clause susvisée, qui prévoit la déchéance du terme dans l'hypothèse où les renseignements et justificatifs fournis ayant servi de base à l'octroi du prêt seraient inexacts, et alors que rien n'interdit à l'emprunteur de recourir à un juge pour contester l'application de cette clause à son égard, notamment, comme le souligne la banque, pour discuter de la fausseté des informations et des documents soumis au prêteur, ne constitue donc pas une clause abusive.

Le moyen est en conséquence écarté. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

SEIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/06128 - N° Portalis DBV3-V-B7E-UGGL. Code nac : 53B. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 9 octobre 2020 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NANTERRE : R.G. n° 16/06859.

LE VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTS :

Madame X.

née le [date] à [ville], de nationalité Française [adresse], [...]

Monsieur Y.

né le [date] à [ville], de nationalité Française [adresse], [...]

Représentant : Maître Michel H., Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0311 - Représentant : Maître Pierre B. DE B., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 392 - N° du dossier TODOROVI

 

INTIMÉE :

SA CRÉDIT LYONNAIS

N° Siret : XXX [...], [...], Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, Représentant : Maître Magali T.-C. de l'ASSOCIATION T. G. LAURENT D. associés, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R010 - N° du dossier 23068

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 octobre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne PAGES, Président et Madame Florence MICHON, conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Fabienne PAGES, Président, Madame Caroline DERYCKERE, Conseiller, Madame Florence MICHON, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie RIBEIRO.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre de prêts acceptée le 30 mars 2014 par les emprunteurs, la société Le Crédit Lyonnais (la banque) a consenti à Mme X. et à M. Y. deux prêts immobiliers destinés à financer l'acquisition d'une maison à usage de logement secondaire locatif sise à [ville M.], l'un d'un montant de 330.000 euros, remboursable en 240 mensualités au taux fixe de 3,30 %, l'autre d'un montant de 170.000 euros, remboursable en 120 mensualités au taux fixe de 2,95 %.

Par courriers recommandés avec demande d'avis de réception en date du 20 juin 2015, la banque a invité Mme X. et M. Y. à fournir leurs explications quant au fait que les renseignements et justificatifs qu'ils avaient fournis à l'appui de leur demande de prêt, et déterminants dans sa décision d'octroi de prêts, étaient inexacts, et les a informés qu'en l'absence de réponse de leur part, elle se prévaudrait de la déchéance du terme en application de l'article 5 du contrat de prêt.

Par courriers recommandés avec demande d'avis de réception en date du 21 juillet 2021, la banque a prononcé la déchéance du terme, et mis en demeure Mme X. et M. Y. de lui régler le solde des prêts, l'indemnité légale de 7 % pour chacun des prêts, et les intérêts au taux contractuels.

Le 13 juin 2016, elle les a fait assigner en paiement devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

Par jugement contradictoire rendu le 9 octobre 2020, le tribunal judiciaire de Nanterre a :

- condamné solidairement M. Y. et Mme X. à payer au Crédit Lyonnais les sommes de :

* 354.537,14 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 3,30 % sur la somme de 327.256,28 euros à compter du 22 avril 2016 et des intérêts au taux légal sur la somme de 22.907,25 euros à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2016 jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 330.000 euros,

* 146.653,57 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2,95 % sur la somme de 135.946,17 euros à compter du 22 avril 2016 et des intérêts au taux légal sur la somme de 10 685,43 euros à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2016 jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 170.000 euros,

- dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 13 juin 2016, produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 13 juin 2017,

- débouté M. Y. et Mme X. de l'intégralité de leurs demandes,

- les a condamnés in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Maître Magali Tardieu C. sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Crédit Lyonnnais la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du même code,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 8 décembre 2020, Mme X. et M. Y. ont relevé appel de cette décision.

Par ordonnance rendue le 21 septembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 20 octobre 2021.

[*]

Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 13 janvier 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme X. et M. Y., appelants, demandent à la cour de :

- infirmer la décision du 9 octobre 2020 rendue par le tribunal judiciaire de Nanterre en ce qu'elle a :

- condamné solidairement M. Y. et Mme X. à payer au Crédit Lyonnais les sommes de : 354.537,14 euros augmentée des intérêts conventionnels de 3,30 % sur 327.256,28 euros à compter du 22 avril 2016 et des intérêts légaux sur 22.907,25 euros à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2016 jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 330.000 euros, 146.653,57 euros augmentée des intérêts conventionnels de 2,95 % sur 135.946,17 euros à compter du 22 avril 2016 et des intérêts légaux sur 10.685,43 euros à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2016 jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 170.000 euros,

- dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 13 juin 2016, produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 13 juin 2017,

- condamné M. Y. et Mme X. in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Me Magali Tardieu C. sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du même code,

- ordonné l'exécution provisoire,

et aussi en ce qu'elle a débouté M. Y. et Mme X. de l'intégralité de leurs demandes, à savoir sauf à parfaire :

« Vu les articles 1128, 1131, 1138, 1162, 1178, 1242 § 5, 1347, 1348 du code civil,

- déclarer M. Y. et (de) sa compagne Mme X. recevables et bien fondés en leur demande de nullité de la clause 5 de leurs contrats de prêt,

- constater que la clause 5 des contrats de prêt constitue une clause abusive comme prévue et réprimée par l'article L. 132-1 du code de la consommation compte tenu qu'elle tend à créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, ladite clause prévoyant la résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l'emprunteur extérieure au contrat envisagée en termes généraux et afférente à l'exécution de conventions distinctes au détriment du consommateur, qui se trouve exposé par une décision unilatérale de l'organisme prêteur - en dehors du mécanisme de la condition résolutoire - à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie du contrat de prêt,

- en conséquence dire et juger que ladite clause 5 des contrats est réputée non écrite en application du même article et dire et juger que c'est à tort que la banque Crédit Lyonnais a prononcé unilatéralement la résiliation des prêts et dire en conséquence que les dits prêts conserveront toute leur validité dans les rapports entre les parties,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire le tribunal entendait prononcer la nullité des dits prêts,

- dire et juger nuls et non avenus les contrats de prêt conclus le 15 mars 2014 entre la société Crédit Lyonnais, M. Y. et sa compagne Mme X.,

- en conséquence, dire et juger qu'aucun intérêt, pénalité ni indemnité forfaitaire ne saurait être dû,

En conséquence,

- condamner la société Crédit Lyonnais à payer à M. Y. et à sa compagne Mme X. à titre de dommages-intérêts et de restitution, la somme correspondant aux sommes payées par ces derniers aux titres des intérêts,

En tout état de cause,

- compte tenu de l'obligation injustifiée qui leur a été faite d'ester en justice condamner la société Crédit Lyonnais à leur payer la somme de 3.000 euros au titre des dommages intérêts article 700 du code de procédure civile outre tous les dépens de l'instance.'

Et statuant à nouveau,

- ordonner un sursis à statuer eu égard à la plainte déposée par la banque le 22 juillet 2015 (plainte n° 2015/004663),

- les déclarer recevables et bien fondés en leur demande de nullité de la clause 5 de leur contrat de prêt,

- constater que la clause 5 des contrats de prêt constitue une clause abusive comme prévue et réprimée par l'article L. 132-1 du code de la consommation compte tenu qu'elle tend à créer au détriment du non professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, ladite clause prévoyant la résiliation du contrat de prêt pour une défaillance de l'emprunteur extérieure au contrat envisagée en termes généraux et afférente à l'exécution de conventions distinctes au détriment du consommateur, qui se trouve exposé par une décision unilatérale de l'organisme prêteur - en dehors du mécanisme de la condition résolutoire - à une aggravation soudaine des conditions de remboursement et à une modification majeure de l'économie du contrat de prêt,

- en conséquence dire et juger que ladite clause 5 des contrats est réputée non écrite en application du même article,

- dire et juger que c'est à tort que la banque Crédit Lyonnais a prononcé unilatéralement la résiliation des prêts,

- dire en conséquence, que les dits prêts conserveront toute leur validité dans les rapports entre les parties,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la Cour entendant (sic) prononcer la nullité des dits prêts,

- dire et juger nuls et non avenus les contrats de prêts conclus le 15 mars 2014 entre la société Crédit Lyonnais, M. Y. et (de) sa compagne Mme X.,

- en conséquence, dire et juger qu'aucun intérêt, pénalité et indemnité forfaitaire ne saurait être dû,

- condamner la société Crédit Lyonnais à leur payer à titre de dommages et intérêts et de restituer la somme correspondant aux sommes payées par ces derniers aux titres des intérêts. (sic)

[*]

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 6 avril 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Le Crédit Lyonnais, intimée, demande à la cour de :

Sur la demande de sursis à statuer,

- principalement, dire et juger irrecevable, l'exception de sursis à statuer formée par M. Y. et Mme X.,

- subsidiairement, la juger mal fondée, et la rejeter,

Au fond,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf à actualiser les condamnations en fonction de l'évolution de ses créances depuis lors et, en conséquence,

- condamner solidairement M. Y. et Mme X. à lui payer la somme de 303.467,93 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 3,30 % sur la somme de 271.648,89 euros à compter du 30 mars 2021 et des intérêts au taux légal sur la somme de 22.907,25 euros à compter de même date jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 330.000 euros,

- condamner solidairement M. Y. et Mme X. à lui payer la somme de 129.591,90 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2,95 % sur la somme de 118.058,66 euros à compter du 30 mars 2021 et des intérêts au taux légal sur la somme de 10.685,43 euros à compter de la même date jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 170.000 euros,

- condamner solidairement M. Y. et Mme X. à lui payer la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Magali Tardieu C. sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

[*]

A l'issue de l'audience, l'affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de sursis à statuer :

Les appelants sollicitent, à titre principal, un sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, dans l'attente de connaître le sort réservé par le procureur de la République à la plainte déposée le 22 juillet 2015 par la banque, qui aura un impact 'tout à fait global' sur le sort du contentieux civil opposant les parties, puisque dans l'hypothèse où le faux n'est pas établi, la demande d'exigibilité anticipée formée par la banque sera de fait dépourvue de cause.

La banque oppose l'irrecevabilité de la demande. Elle fait valoir, en premier lieu, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, que cette demande, qui n'a pas été formulée en première instance, constitue une demande nouvelle en appel, qui n'est pas justifiée par de nouveaux éléments qui auraient pu être révélés postérieurement à la décision dont appel, dès lors que la plainte du 22 juillet 2015 est le seul fondement de la demande. Elle fait valoir, en second lieu, que la demande de sursis à statuer, qui constitue une exception de procédure, doit être soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, et que, faute d'avoir été formée simultanément ou avant toute défense au fond par conclusions saisissant le conseiller de la mise en état, exclusivement compétent pour en connaître, alors même que les appelants étaient informés de la plainte qu'ils invoquent aujourd'hui, cette demande, formulée par conclusions au fond adressées à la cour, est irrecevable.

Sur le fond, en outre, elle considère que la demande n'est pas justifiée.

[*]

En application des articles 73 et 74 du code de procédure civile, la demande tendant à faire suspendre le cours de l'instance, qu'elle émane du demandeur ou d'un défendeur, est une exception de procédure qui doit être présentée, à peine d'irrecevabilité, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir de son auteur, après cependant que s'est manifestée la cause de ladite demande.

La partie appelante, qui a conclu sur le fond devant le tribunal judiciaire, alors que l'existence de la plainte du 22 juillet 2015 dont ils soutiennent désormais qu'elle justifie un sursis à statuer était déjà connue d'eux, puisqu'il en était fait état dans l'assignation qui leur a été délivrée (cf. pièce n°14 de la banque) est irrecevable à présenter cette exception de procédure en cause d'appel.

 

Sur la déchéance du terme :

Les appelants soutiennent que la déchéance du terme intervenue le 21 juillet 2015 est inopérante, faute pour la banque de l'avoir notifiée dans les règles à l'adresse de ses clients. Faisant valoir qu'ils n'ont pas reçu le courrier afférent, non plus que la lettre précédente du 20 juin 2015, et que « la banque est tenue à un minimum de formalisme pour opérer des résiliations anticipées de prêt dont les conséquences sont gravissimes à l'égard des clients et en premier lieu (...) se doit de déterminer clairement leur adresse », ils considèrent que la banque, qui leur connaissait une adresse au [...], ainsi qu'il ressort de la déclaration de M. Z., directeur de l'agence de [ville C.], lors de son dépôt de plainte du 22 juillet 2015, aurait dû leur adresser ces courriers à cette seconde adresse, pour s'assurer qu'ils seraient remis à leurs destinataires, ou vérifier « par une simple démarche » leur véritable adresse. A titre subsidiaire, ils reprochent à la banque un « abus manifeste de position dominante ».

Ils estiment en effet que l'article 5 des conditions générales du contrat constitue une clause abusive au sens de l'article L.132-1 du code de la consommation, dès lors qu'en l'absence de toute défaillance constatée de l'emprunteur, il est stipulé que le prêteur pourra rendre exigible la totalité du prêt si les renseignements, déclarations et documents de toute nature fournis viennent à se révéler faux alors qu'ils étaient déterminants pour l'octroi du prêt. Ils soutiennent que cette clause crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des prêteur et emprunteur, ce dernier étant à la totale merci de son banquier lequel peut souverainement estimer que parmi les pièces et renseignements fournis, certains faux ou inexacts, mais sans rapport avec la capacité de remboursement des emprunteurs, justifient la résiliation anticipée et immédiate de la totalité du prêt. En l'espèce, tel est le cas, puisque les emprunteurs justifient que « nonobstant les faux renseignements fournis, leurs ressources justifiées leur permettent d'assurer le remboursement de leurs mensualités comme il a été fait pendant la durée de vie du contrat sans difficultés ».

La banque objecte que la clause discutée ne lui confère pas de droit discrétionnaire de résiliation unilatérale, et n'interdit pas à l'emprunteur de résilier le contrat, et qu'elle n'a pas non plus pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. En effet, la faculté pour le prêteur de résilier unilatéralement le prêt dans les cas prévus au contrat de prêt est exercée afin de sanctionner un manquement à une obligation contractuelle essentielle, à savoir l'obligation de loyauté et de bonne foi, et par ailleurs, l'emprunteur peut remédier à ses effets, puisque le contrat ne comporte aucune clause interdisant ou restreignant le droit d'action judiciaire, aucune clause compromissoire, ni même aucune clause attributive de compétence au profit du prêteur, et qu'il dispose de moyens de défense, amiables ou judiciaires.

Enfin, cette clause est conforme aux dispositions du code de la consommation, de sorte qu'elle ne saurait être abusive. Quant à l'inopposabilité de la déchéance du terme résultant de sa notification à une mauvaise adresse, elle rétorque que les emprunteurs ne l'ont jamais informée de leur changement de domicile, que leur domicile apparent était bien celui sis [...] (92), quand bien même une deuxième adresse, à [ville L.], apparaissait au dossier de son agence, et enfin qu'aucune preuve n'est apportée d'un changement d'adresse pour le [...] (93) antérieur à l'assignation devant le premier juge.

[*]

Aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dont les dispositions sont d'ordre public :

« Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Un décret en Conseil d'Etat (...) détermine une liste de clauses présumées abusives ; en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse.

Un décret pris dans les mêmes conditions détermine des types de clauses qui, eu égard à la gravité des atteintes qu'elles portent à l'équilibre du contrat, doivent être regardées, de manière irréfragable, comme abusives au sens du premier alinéa.

Ces dispositions sont applicables quels que soient la forme ou le support du contrat. (...)

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1156 à 1161,1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l'exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l'une de l'autre.

Les clauses abusives sont réputées non écrites.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. (...) »

La clause litigieuse est ainsi rédigée :

« 5. Exigibilité anticipée

5.1 Notre établissement aura la faculté de rendre exigibles par anticipation, sans avoir à faire prononcer en justice la déchéance du terme, toutes les sommes dues au titre du prêt, tant en principal qu'en intérêts et accessoires, dans l'un quelconque des cas suivants : (...)

- inexactitude des renseignements et/ou des justificatifs fournis lors de la demande de prêt, résultant de manœuvres frauduleuses imputables à l'un et/ou à l'autre des emprunteurs, portant sur la situation personnelle, professionnelle, patrimoniale ayant servi de base à l'octroi du prêt. (...)

Dans l'un ou l'autre des cas ci-dessus, notre établissement notifiera, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l'emprunteur ou aux emprunteurs (...) qu'il se prévaut de la présente clause et que l'exigibilité anticipée lui sera acquise si ladite lettre reste sans effet. »

Il est de droit (Civ. 1ère, 20 janvier 2021, pourvoi n° 18-24297) que ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur, la clause qui permet au prêteur de prononcer, en l'absence même de préavis ou de défaillance dans le remboursement du prêt, la déchéance du terme en raison de la fourniture de renseignements inexacts lors de la souscription du contrat, dès lors que ceux-ci portent sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l'octroi du concours financier et que l'emprunteur conserve la faculté de recourir à un juge pour contester l'application de la clause à son égard.

La clause susvisée, qui prévoit la déchéance du terme dans l'hypothèse où les renseignements et justificatifs fournis ayant servi de base à l'octroi du prêt seraient inexacts, et alors que rien n'interdit à l'emprunteur de recourir à un juge pour contester l'application de cette clause à son égard, notamment, comme le souligne la banque, pour discuter de la fausseté des informations et des documents soumis au prêteur, ne constitue donc pas une clause abusive.

Le moyen est en conséquence écarté.

Comme le fait observer la banque, il est constant et il ressort des pièces versées aux débats que l'adresse déclarée par les emprunteurs lors de l'octroi du prêt est le [...] (92), que les courriers recommandés adressés par la banque aux emprunteurs le 20 juin 2015 puis le 21 juillet 2015 ont été retournés à l'expéditeur avec la mention 'pli avisé et non réclamé', et non avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse », et enfin que l'acte de signification de l'assignation devant le tribunal de grande instance en date du 13 juin 2016 a été délivré au [...] (92), l'huissier indiquant que la certitude du domicile du destinataire résultait de la confirmation du nom par la factrice.

Les appelants, qui se bornent à produire un « bail de location vide » qu'ils ont conclu le 15 mai 2015, à effet du même jour, et pour une durée de trois années, avec une SCI « L'art d'être amis de France », laquelle, au vu des éléments produits par la banque, a pour activité la « location de terrains et d'autres biens immobiliers », et pour gérant M. W., ne justifient en rien de la date à laquelle ils ont effectivement investi ce nouveau domicile.

En conséquence, le seul fait que, dans ses déclarations au service de police le 22 juillet 2015, M. Z., directeur de l'agence bancaire, ait indiqué qu'il disposait de « deux adresses différentes » de M. Y. et de Mme X., au [...] et au [...], sans à aucun moment présenter cette deuxième adresse comme étant celle de leur domicile comme le souligne la banque intimée, alors que les appelants ne justifient en aucune manière d'une quelconque information donnée à la banque quant à un changement de leur domicile principal, ne permet pas de prouver qu'à la date de l'envoi de la mise en demeure puis de la notification de la déchéance du terme la banque avait connaissance que les emprunteurs étaient domiciliés à une autre adresse que celle à laquelle elle a envoyé ses courriers.

Le moyen tiré de l'inopposabilité de la déchéance du terme est écarté.

Enfin, force est de constater que, alors que la banque verse aux débats, notamment, des fiches de paie sur lesquelles elle a relevé diverses anomalies, dont elle a déduit qu'elles n'étaient pas authentiques, la cour observant au surplus qu'aucun virement de salaires confirmant les mentions figurant sur les bulletins de paie n'apparaît sur le relevé du compte bancaire des emprunteurs, qui s'étaient pourtant engagés, aux termes du contrat de prêt, à domicilier leurs revenus chez le prêteur, les emprunteurs s'abstiennent d'apporter un quelconque élément pour contredire le caractère apocryphe des justificatifs produits à l'appui de leur demande de prêt. Et même, comme le souligne la banque, ils confirment dans leurs écritures la production de faux justificatifs, puisqu'ils indiquent, au soutien de l'existence d'une clause de déchéance du terme abusive, que « nonobstant les faux renseignements fournis », leurs ressources leur permettent d'assurer le remboursement du prêt.

C'est donc à bon droit que la banque a prononcé la déchéance du terme.

 

Sur la nullité du prêt :

Les appelants demandent à la cour de prononcer la nullité des contrats de prêt conclus avec la banque. Ils font valoir à cet égard que « le contrat de prêt est nul en ce qu'il se trouve vicié par le dol du représentant des consorts X.-Y. et celui du (ou des) préposés de la société Crédit Lyonnais et que son but (sa cause) est illicite. » S'agissant du dol, ils font valoir que la banque, par l'intermédiaire de son préposé, aurait pu et dû être informée du caractère irrégulier des pièces fournies puisqu'il s'agissait d'avis d'imposition dont la réalité est aisément vérifiable en consultant le service en ligne de vérification mis à disposition par l'administration fiscale et de bulletins de paie dont la réalité peut également être aisément vérifiée, et s'interrogent sur le fait que la banque ait attendu plus d'une année après l'octroi du prêt pour procéder à ces vérifications.

La banque, qui est responsable des manquements de son préposé, doit selon eux en répondre en vertu de l'article 1242 du code civil. Par ailleurs, ils estiment que la banque ne saurait tirer un avantage financier des fautes commises par ses préposés en percevant des intérêts, pénalités ou indemnité aux taux indiqués dans le contrat nul, et qu'en conséquence, la compensation devra intervenir entre les sommes dues par la banque et celles éventuellement dues par eux.

La banque objecte que les emprunteurs, qui ont fourni des faux, sont particulièrement mal avisés de lui reprocher de ne pas les avoir décelés à temps, et de tenter de se prévaloir de leur propre turpitude afin de mettre en cause sa responsabilité dans la souscription frauduleuse du prêt. En outre, les emprunteurs n'apportent aucune preuve de l'existence de manœuvres intentionnelles en vue de tromper, qui seraient imputables à de prétendus « représentants » ou à l'un de ses préposés.

[*]

En premier lieu, les appelants n'apportent en rien la preuve de manœuvres frauduleuses, d'une dissimulation intentionnelle d'une information déterminante, ou d'un mensonge imputable à la banque, ou à l'un de ses préposés, qui aurait été déterminantes de leur acceptation de l'offre de prêt soumise par la banque.

En second lieu, ils ne précisent pas en quoi la cause du contrat qu'ils ont conclu avec la banque serait illicite.

Les manquements de nature professionnelle éventuellement imputables à un ou des préposés de la banque ne sont pas cause de nullité du prêt.

En conséquence, la demande de nullité ne peut prospérer.

En vertu de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée, et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. En l'occurrence, en dehors des conséquences de la nullité du prêt sur le paiement des intérêts, pénalités et indemnité forfaitaire, les appelants ne formulent aucune demande indemnitaire devant la cour ; en effet, la mention « condamner la société Crédit Lyonnais à payer à M. Y. et Mme X. à titre de dommages et intérêts et de restituer la somme correspondant aux sommes payés par ces derniers au titres des intérêts », qui n'est en rien éclairée par les moyens développés dans la discussion, ne saurait saisir la cour d'une quelconque prétention.

 

Sur les sommes dues :

Les appelants ne développent aucun moyen quant au montant des condamnations prononcées, en principal et intérêts, au profit de la banque.

La banque sollicite l'actualisation des condamnations résultant du jugement déféré, pour tenir compte de l'évolution de ses créances.

Au vu des décomptes détaillés qu'elle verse aux débats, qui ne sont pas utilement critiqués par les appelants, mais déduction faite du montant de 2.500 euros alloué par le premier juge au titre de l'article 700 du code de procédure civile que la banque a intégré dans le calcul de sa créance, sur lequel il sera statué ultérieurement, les emprunteurs seront condamnés solidairement à lui payer les sommes de :

- 300.967,93 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 3,30 % sur la somme de 271.648,89 euros à compter du 30 mars 2021 et des intérêts au taux légal sur la somme de 22.907,25 euros à compter de même date jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 330.000 euros,

- 129.591,90 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2,95 % sur la somme de 118.058,66 euros à compter du 30 mars 2021 et des intérêts au taux légal sur la somme de 10 685,43 euros à compter de la même date jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 170.000 euros.

Le jugement est infirmé en conséquence, et il est également infirmé en ce qu'il a dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice produiraient eux-mêmes des intérêts à compter du 13 juin 2017, dès lors que les prêts sont soumis aux dispositions d'ordre public du code de la consommation, et que la règle édictée par l'article L. 312-23 du dit code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-351 du 25 mars 2016, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation d'un prêt immobilier ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à une capitalisation des intérêts dus par les emprunteurs.

 

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Succombant en leur appel, M. Y. et Mme X. en supporteront les dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

Ils seront également condamnés, in solidum, à régler à la banque une somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle à laquelle ils ont été condamnés en première instance.

Il n'y a pas lieu de statuer sur leur propre demande au titre des frais irrépétibles, puisqu'elle n'a pas été reprise dans le dispositif de leurs conclusions.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort,

Déclare irrecevable devant la cour l'exception de sursis à statuer soulevée par M. Y. et Mme X. ;

CONFIRME le jugement rendu le 9 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de Nanterre, sauf en ce qu'il a :

- condamné solidairement M. Y. et Mme X. à payer au Crédit Lyonnais les sommes de 354.537,14 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 3,30 % sur la somme de 327.256,28 euros à compter du 22 avril 2016 et des intérêts au taux légal sur la somme de 22 907,25 euros à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2016 jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 330.000 euros, 146.653,57 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2,95 % sur la somme de 135.946,17 euros à compter du 22 avril 2016 et des intérêts au taux légal sur la somme de 10.685,43 euros à compter de la mise en demeure du 21 juillet 2016 jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 170.000 euros,

- dit que les intérêts échus pour une année entière depuis la demande en justice, soit le 13 juin 2016, produiront eux-mêmes des intérêts à compter du 13 juin 2017 ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

Condamne solidairement M. Y. et Mme X. à payer à la société Le Crédit Lyonnais les sommes de :

- 300.967,93 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 3,30 % sur la somme de 271.648,89 euros à compter du 30 mars 2021 et des intérêts au taux légal sur la somme de 22.907,25 euros à compter de même date jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 330.000 euros,

- 129.591,90 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel de 2,95 % sur la somme de 118.058,66 euros à compter du 30 mars 2021 et des intérêts au taux légal sur la somme de 10.685,43 euros à compter de la même date jusqu'à parfait paiement, au titre du prêt de 170.000 euros ;

Dit n'y avoir lieu à la capitalisation des intérêts ;

Condamne in solidum M. Y. et Mme X. à payer à la société Le Crédit Lyonnais la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne in solidum M. Y. et Mme X. aux dépens de l'appel, et dit qu'ils pourront être recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.

- arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

- signé par Madame Fabienne PAGES, Président et par Madame Mélanie RIBEIRO, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                                        Le président,