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CA VERSAILLES (3e ch.), 2 décembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (3e ch.), 2 décembre 2021
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 3e ch.
Demande : 20/01096
Date : 2/12/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 18/02/2020
Référence bibliographique : 6481 (installation de cuisine)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9293

CA VERSAILLES (3e ch.), 2 décembre 2021 : RG n° 20/01096

Publication : Jurica

 

Extrait : « Un contrat portant acquisition de meubles de cuisine, d'équipements électro-ménager et prévoyant leur pose implique nécessairement la réalisation d'un plan technique qui désigne avec précision l'implantation de la cuisine, le plan devant être approuvé par le client.

Par application de l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien. En cas de litige portant sur cette règle, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations.

Il en résulte que le vendeur professionnel de meubles destinés à être posés et installés dans un lieu spécifiquement défini et auquel ils doivent être adaptés doit s'informer des besoins de l'acquéreur non professionnel et informer ce dernier des contraintes techniques de biens qu'il se propose d'acquérir, de sorte qu'il puisse s'engager en toute connaissance de cause.

Si l'obligation précontractuelle n'impose pas au vendeur une visite technique avant l'engagement ferme, c'est à la condition que le vendeur dispose d'éléments suffisamment précis pour exécuter l'obligation d'information qui lui incombe.

Il est constant qu'au cas présent le bon de commande du 8 mai 2014, dont la SEM affirme qu'il constitue le contrat conclu entre les parties et dont les bons de commandes des 14 mai et 25 juin 2015 sont des avenants, ne comporte aucun plan d'implantation pourvu d'une échelle et d'une cote, de sorte que rien ne permet à ce stade d'établir la faisabilité du projet. Lors de la conclusion du contrat du 8 mai 2014, la SEM ne démontre pas s'être informée des besoins de M. X., lequel en tout état de cause n'était pas en mesure de la renseigner utilement et complètement à raison des travaux d'extension de sa maison.

Il apparaît ainsi que lors de la vente du 8 mai 2014, l'objet de cette vente n'avait pas été préalablement déterminé par un plan technique, approuvé par M. X. et tenant compte de la configuration de la cuisine de ce dernier.

Si la SEM a adressé à M. X. le 29 mai 2015 des plans techniques, ils ne portent pas la signature de M. X. ni d'ailleurs celle du concepteur. Le seul document graphique qui porte sa signature est annexé au document du 14 mai 2015. Il est très imprécis et ne peut en aucun cas servir à démontrer la faisabilité du projet. Rien ne permet de connaître la date à laquelle la mention manuscrite « à la demande du client, envoi en fabrication sans métré préalable. En cas de problème de dimension, la société Franck M. Design sera dégagée de toute responsabilité » a été ajoutée. Sa rédaction donne à penser qu'elle n'est pas de la main de M. X. et aucun paraphe de celui-ci n'y est porté à proximité immédiate.

Dès lors qu'une partie de la maison de M. X. était en construction, il incombait au professionnel qu'est la SEM de l'aviser de l'impossibilité de lui soumettre à ce stade un métré précédant la commande d'une cuisine, dont il importe de rappeler que son coût était de plus de 53.000 euros.

Il y a lieu de juger en conséquence que le contrat conclu entre les parties le 8 mai 2014 et ses avenants des 14 mai et 25 juin 2015 sont nuls. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TROISIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 2 DÉCEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 20/01096. N° Portalis DBV3-V-B7E-TYIM. Code nac : 50A. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 14 janvier 2020 par le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES (2e ch.) : RG n° 17/04549.

LE DEUX DÉCEMBRE DEUX MILLE VINGT ET UN, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SARL SOCIÉTÉ EUROPÉENNE DU MEUBLE SOCIÉTÉ EUROPÉENNE DU MEUBLE

N° SIRET : XXX [...], [...], Représentant : Maître Elisabeth F. substituant Maître Cécile F. du même cabinet, la SCP B. & B.-R. & ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 241 - N° du dossier 160397

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française [...], [...], Représentant : Maître Céline M. de l'AARPI ROOM AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : J152, Représentant : Maître Pascale M., Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 390

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 septembre 2021 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Marie-José BOU, Président, Madame Françoise BAZET, Conseiller, Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Se prévalant d'un bon de commande portant sur des meubles de cuisine d'un montant de 33.884 euros et d'un bon de commande portant sur des équipements électroménagers d'un montant de 19.886 euros, la société européenne du meuble (ci-après la SEM) exerçant sous l'enseigne « Franck M. Design » a mis M. X. en demeure de payer la somme de 31.644 euros, déduction faite des acomptes versés, par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 novembre 2016.

Cette mise en demeure étant restée sans réponse, la SEM a, par acte du 5 juillet 2017, assigné M. X. devant le tribunal de grande instance de Versailles.

Par jugement du 14 janvier 2020, le tribunal judiciaire de Versailles a :

- prononcé la nullité des contrats de vente des 14 mai 2015 et 25 juin 2015 établis au nom de « Franck M. Design »,

- ordonné la restitution par la SEM exerçant sous l'enseigne « Franck M. Design » à M. X. de la somme de 18.200 euros et l'y a condamné,

- condamné la SEM exerçant sous l'enseigne « Franck M. Design » aux dépens avec recouvrement direct

- ordonné l'exécution provisoire,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par acte du 18 février 2020, la SEM a interjeté appel.

Par une ordonnance d'incident du 11 janvier 2021, le conseiller chargé de la mise en état a rejeté la demande de radiation de la procédure en cours.

[*]

La SEM demande à la cour, par dernières conclusions du 26 juin 2020, de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Statuant de nouveau :

- condamner M. X. à payer à la SEM la somme de 33 418 euros TTC au titre du solde dû sur les commandes des 14 mai et 25 juin 2015, frais de pose déduits, avec intérêts légaux à compter de la mise en demeure du 24 novembre 2016,

- débouter M. X. de toutes ses demandes et moyens,

- condamner M. X. à payer à la SEM la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. X. en tous les dépens avec recouvrement direct.

[*]

Par dernières écritures du 25 septembre 2020, M. X. demande à la cour de :

- le juger recevable et bien fondé en l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions.

Y faisant droit,

A titre principal :

- juger que les bons de commande contreviennent aux articles L. 221-5 et L. 221-10 du code de la consommation (et au jour des commandes article L. 121-18-1) en l'absence de tout droit de rétractation,

- prononcer la nullité des deux bons de commande conformément aux dispositions de l'article L. 242-1 du code de la consommation (et au jour des commandes article L. 121-17),

- condamner la SEM à restituer à M. X. la somme de 18.200 euros correspondant aux acomptes versés.

En conséquence :

- confirmer le jugement rendu le 14 janvier 2020 en toutes ses dispositions,

- débouter la SEM de l'ensemble de ses demandes.

A titre subsidiaire,

Sur la nullité du contrat pour absence d'accord sur la chose vendue :

- déclarer abusive la clause ajoutée à la main postérieurement au bon de commande, et ce en application des dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 et 2 du code de la consommation,

- constater qu'il n'y pas eu rencontre des volontés sur la chose et sur le prix entre M. X. et la SEM pour les bons de commande du 14 mai 2015 et du 25 juin 2015, et ce en application des dispositions des articles 1108 et 1583 du code civil,

- prononcer la nullité du contrat conclu entre la SEM et M. X.,

- ordonner la restitution des acomptes versés par M. X. à la SEM et en tout état de cause, débouter la SEM de ses demandes en paiements et indemnisations.

Sur la nullité du contrat pour erreur de M. X. :

- prononcer la nullité du contrat pour cause d'erreur sur les qualités substantielles, de ses droits et des obligations de la SEM, et ce en application des dispositions des articles 1110 ancien et suivants du code civil relatives à l'erreur,

- ordonner la restitution des acomptes versés par M. X. à la SEM et en tout état de cause débouter la SEM de ces demandes en paiements et indemnisations.

A titre subsidiaire,

Sur la clause abusive relative à la livraison dans les conditions générales :

- déclarer abusive la clause de l'article IV « Livraison » alinéa 2 des conditions générales, et ce en application des dispositions des articles L 132-1 et R 132-1 et 2 du code de la consommation,

- débouter la SEM de sa demande en paiement en l'absence de livraison intervenue,

- débouter la SEM des indemnisations réclamées à M. X., la clause étant réputée non écrite.

A titre infiniment subsidiaire :

- constater que la SEM ne justifie pas de la réception et du stockage de la cuisine,

- constater que la livraison de l'électroménager n'a jamais été contractuellement prévue et formalisée,

- en conséquence, débouter la SEM de ses demandes de paiement des meubles et de l'électroménager ainsi que du stockage desdits meubles et électroménager.

A titre très infiniment subsidiaire,

Sur la force majeure :

- suspendre le paiement jusqu'à l'achèvement des travaux de la maison afin de recevoir la cuisine équipée devant intervenir.

A titre extrêmement subsidiaire,

Sur la demande de délai de grâce et d'échelonnement de paiement :

- accorder à M. X. au vu de la situation critique dans laquelle il se trouve 24 mois de délais pour régler les sommes auxquelles il pourrait être condamné.

En tout état de cause :

- condamner la SEM à payer à M. X. la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec recouvrement direct.

[*]

La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 septembre 2021.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI, LA COUR :

Le tribunal a observé que les parties convenaient que le bon de commande de mai 2014 avait été signé à la foire de Paris mais que le lieu de signature, soit à la foire de Paris soit au domicile du consommateur, était sans incidence sur le droit applicable dès lors qu'il s'agissait d'un contrat signé « hors établissement » soumis aux dispositions des articles L. 121-18 et suivants du code de la consommation, la foire de Paris étant un lieu d'exposition et non un établissement du vendeur.

Puis le tribunal a examiné les bons de commande du 8 mai 2014 et du 14 mai 2015 et a jugé que le second comportait des modifications substantielles, tant sur le choix des meubles, leur prix et le délai de livraison et qu'aucune des parties n'ayant exigé l'exécution du bon de commande du 8 mai 2014 (livrable en février 2015) cet engagement était éteint. Il en a déduit que le contrat du 14 mai 2015 n'était pas un avenant du premier mais un nouveau contrat.

Le tribunal a ensuite retenu que le bon de commande du 25 juin 2015 portant sur des équipements électroménagers portait la mention « fait à Rennes » et que la SEM ne démontrant pas avoir un établissement à Rennes ce contrat devait être tenu comme conclu hors établissement ou à distance.

Constatant que les conditions générales comme les conditions particulières des contrats ne comportaient pas la mention du droit à rétractation de l'acheteur en cas de vente hors établissement, le tribunal a jugé que les contrats conclus par M. X. encouraient la nullité.

 

Sur le droit de rétractation :

Aux termes de l'article L. 121-97 du code de la consommation dans sa version applicable à la date de conclusion du contrat, pour tout contrat entre un consommateur et professionnel conclu à l'occasion d'une foire, d'un salon ou de toute manifestation commerciale relevant du chapitre II du titre VI du livre VII du code de commerce, le professionnel informe le consommateur qu'il ne dispose pas d'un délai de rétractation.

Sans préjudice des informations précontractuelles prévues au premier alinéa du présent article, les offres de contrat faites dans les foires et les salons mentionnent l'absence de délai de rétractation, en des termes clairs et lisibles, dans un encadré apparent. La sanction du manquement à ces dispositions est le prononcé d'une amende administrative.

Il ne peut en conséquence être soutenu que le contrat conclu à la foire de Paris le 8 mai 2014 est un contrat « hors établissement » devant comporter un formulaire permettant au consommateur d'exercer son droit de rétractation, lequel n'existe pas au cas présent.

 

Sur les avenants :

Il est constant que le 8 mai 2014, dans le cadre de la foire de Paris, M. X. a passé commande à la SEM d'une cuisine pour un montant total, pose comprise, de 30.726 euros TTC. M. X. a versé un acompte de 6.226 euros. Le bon de commande précise que la livraison devait intervenir au plus tard le 15 février 2015.

Cette cuisine était destinée à être installée dans la maison de M. X., lequel y faisait réaliser dans le même temps d'importants travaux de rénovation et d'extension. Il est constant que ce chantier a connu des retards conséquents et que M. X. a rencontré des difficultés le conduisant à solliciter la désignation d'un expert judiciaire. Informée de ces retards, la SEM a accepté à plusieurs reprises de retarder la livraison des éléments constituant la cuisine et de les conserver dans ses entrepôts.

Le 9 mars 2015, un avenant au contrat du 8 mai 2014 a été conclu avec pour unique objet le report de la date de livraison. Puis, un nouvel avenant a été conclu le 14 mai 2015 qui modifie certains éléments de la cuisine commandée le 8 mai 2014 entraînant une hausse du montant de la commande de 3.118 euros (33.844 euros au lieu de 30.726 euros).

Ces deux avenants s'inscrivent dans la relation contractuelle débutée un an plus tôt sans prospection commerciale préalable ou démarchage au domicile de M. X., étant observé qu'à cette date, c'est manifestement ce dernier qui demande ces modifications, qui contraint la SEM à reporter la livraison. Il ne peut donc être jugé que le contrat du 8 mai 2014 s'est éteint et que l'avenant du 14 mai 2015 est un nouveau contrat.

Après avoir commandé les éléments de la cuisine, M. X. a commandé le 25 juin 2015 les équipements électroménagers pour un montant total de 19.886 euros. Le bon de commande indique que le nom du vendeur est M. Y. et porte la mention « fait à Rennes ». Le tribunal a jugé que le vendeur ne justifiait pas posséder un établissement à Rennes de sorte que ce contrat avait été conclu « hors établissement » ou à distance.

Il sera observé tout d'abord que cette commande des équipements d'électro-ménager s'inscrit elle aussi dans la suite de la commande initiale des meubles de cuisine.

M. X. n'a nullement été au préalable démarché pour procéder à cette commande qui se situe dans la continuité de la relation contractuelle entre les parties, laquelle s'est inscrite dans la durée du seul fait des problèmes rencontrés par M. X. dans la réalisation des travaux de sa maison, lesquels perduraient encore à la date des conclusions de l'intimé.

La cour observe au demeurant que la SEM a bien un établissement à Rennes (sa pièce n°14) et qu'elle y emploie M. Y., directeur du magasin. M. X. ne l'ignorait pas puisque dans un mail du 6 mai 2015 précisément adressé à M. Y., il écrivait « je vous propose pour l'instant de nous retrouver à notre domicile le jeudi 14 apm... si à l'inverse nous prenions la décision de partir en week-end en Bretagne du 14 au 17, je ne manquerai pas de vous en informer dès que possible. Nous pourrions ainsi nous rencontrer en vos locaux de Rennes ».

Il y a lieu de juger en conséquence que les actes conclus les 14 mai et 25 juin 2015 sont des avenants au contrat du 8 mai 2014 et que leur validité n'était pas soumise à la présence d'un formulaire permettant au consommateur d'exercer un droit de rétractation.

 

Sur la nullité du contrat de 8 mai 2014 :

M. X. soutient ensuite que si la cour juge que les bons de commande du 14 mai 2015 et du 25 juin 2015 sont des avenants au bon de commande signé à la foire de Paris, elle doit les tenir pour nuls dès lors que le vendeur n'a pas réalisé de plan d'implantation précis ni de métré. Il souligne que la recommandation n° 82-03 de la commission des clauses abusives concernant les contrats d'installation de cuisine prévoit que ces contrats comportent notamment les caractéristiques et les conditions d'exécution techniques des fournitures et des travaux inclus dans le prix convenu, comprenant notamment un plan détaillé avec cotes, et s'il y a lieu des plans techniques par corps de métiers. Il affirme que la mention qu'on lui oppose n'est pas de sa main et qu'il n'en a pas eu connaissance avant la présente instance. Il soutient que le contrat est nul à raison de l'absence de rencontre des volontés et de l'indétermination de l'objet du contrat.

La SEM indique fonder ses demandes sur le bon de commande du 14 mai 2015, auquel est annexé un schéma d'implantation de la cuisine, coté, daté et signé du même jour par M. X. et que, par une mention manuscrite, il a été précisé qu'il demandait que les meubles soient réalisés sans métré préalable.

* * *

Un contrat portant acquisition de meubles de cuisine, d'équipements électro-ménager et prévoyant leur pose implique nécessairement la réalisation d'un plan technique qui désigne avec précision l'implantation de la cuisine, le plan devant être approuvé par le client.

Par application de l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien. En cas de litige portant sur cette règle, il appartient au vendeur de prouver qu'il a exécuté ses obligations.

Il en résulte que le vendeur professionnel de meubles destinés à être posés et installés dans un lieu spécifiquement défini et auquel ils doivent être adaptés doit s'informer des besoins de l'acquéreur non professionnel et informer ce dernier des contraintes techniques de biens qu'il se propose d'acquérir, de sorte qu'il puisse s'engager en toute connaissance de cause.

Si l'obligation précontractuelle n'impose pas au vendeur une visite technique avant l'engagement ferme, c'est à la condition que le vendeur dispose d'éléments suffisamment précis pour exécuter l'obligation d'information qui lui incombe.

Il est constant qu'au cas présent le bon de commande du 8 mai 2014, dont la SEM affirme qu'il constitue le contrat conclu entre les parties et dont les bons de commandes des 14 mai et 25 juin 2015 sont des avenants, ne comporte aucun plan d'implantation pourvu d'une échelle et d'une cote, de sorte que rien ne permet à ce stade d'établir la faisabilité du projet. Lors de la conclusion du contrat du 8 mai 2014, la SEM ne démontre pas s'être informée des besoins de M. X., lequel en tout état de cause n'était pas en mesure de la renseigner utilement et complètement à raison des travaux d'extension de sa maison.

Il apparaît ainsi que lors de la vente du 8 mai 2014, l'objet de cette vente n'avait pas été préalablement déterminé par un plan technique, approuvé par M. X. et tenant compte de la configuration de la cuisine de ce dernier.

Si la SEM a adressé à M. X. le 29 mai 2015 des plans techniques, ils ne portent pas la signature de M. X. ni d'ailleurs celle du concepteur. Le seul document graphique qui porte sa signature est annexé au document du 14 mai 2015. Il est très imprécis et ne peut en aucun cas servir à démontrer la faisabilité du projet. Rien ne permet de connaître la date à laquelle la mention manuscrite « à la demande du client, envoi en fabrication sans métré préalable. En cas de problème de dimension, la société Franck M. Design sera dégagée de toute responsabilité » a été ajoutée. Sa rédaction donne à penser qu'elle n'est pas de la main de M. X. et aucun paraphe de celui-ci n'y est porté à proximité immédiate.

Dès lors qu'une partie de la maison de M. X. était en construction, il incombait au professionnel qu'est la SEM de l'aviser de l'impossibilité de lui soumettre à ce stade un métré précédant la commande d'une cuisine, dont il importe de rappeler que son coût était de plus de 53.000 euros.

Il y a lieu de juger en conséquence que le contrat conclu entre les parties le 8 mai 2014 et ses avenants des 14 mai et 25 juin 2015 sont nuls.

Pour ce motif, se substituant à celui des premiers juges, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la SEM à restituer à M. X. la somme de 18.200 euros, correspondant au montant des acomptes versés.

Il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et au rejet des demandes faites en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La SEM, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel avec recouvrement direct et versera à M. X. la somme de 2.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire ;

Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des contrats de vente des 14 mai 2015 et 25 juin 2015.

Statuant à nouveau du chef infirmé :

Prononce la nullité du contrat de vente conclu entre la société européenne du meuble et M. X. le 8 mai 2014 et des avenants des 14 mai 2015 et 25 juin 2015.

Le confirme pour le surplus.

Y ajoutant :

Condamne la société européenne du meuble à payer à M. X. la somme de 2.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles d'appel.

Condamne la société européenne du meuble aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Marie-José BOU, Président et par Madame AUBERT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                                        Le président,