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CA PAU (1re ch.), 7 décembre 2021

Nature : Décision
Titre : CA PAU (1re ch.), 7 décembre 2021
Pays : France
Juridiction : Pau (CA), 1re ch.
Demande : 21/02383
Décision : 21/04458
Date : 7/12/2021
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 16/07/2021
Numéro de la décision : 4458
Référence bibliographique : 6149 (clauses attributives de compétence)
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CERCLAB - DOCUMENT N° 9305

CA PAU (1re ch.), 7 décembre 2021 : RG n° 21/02383 ; arrêt n° 21/04458 

Publication : Jurica

 

Extrait : « La clause litigieuse est ainsi rédigée : « toute assignation en relation avec l'application du présent contrat ne pourra être effectuée que devant le tribunal de commerce du siège social de l'assureur ».

Suivant les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ».

Il s'ensuit que la clause attributive de compétence soit avoir été acceptée de façon expresse et non équivoque.

En l'espèce, la clause attributive de compétence se trouve en page 34, paragraphe « G5 Compétence » des conditions générales.

L'examen de ces conditions générales montre que la disposition spécifique à la compétence territoriale ne se distingue nullement des autres dispositions. Elle se trouve page 34 sur 38, au terme de la lecture complexe des 33 pages qui précèdent, au milieu des multiples autres dispositions. Le fait que la clause soit précédée d'un titre (G5 Compétence) ne constitue pas un élément distinctif puisque chaque clause du contrat est également titrée. La police de caractère n'est pas plus apparente que le reste des conditions générales.

Ces conditions générales ne sont pas signées par l'assuré. Les conditions particulières, signées par M. X ne mentionnent pas l'attribution de compétence.

Par conséquent, en présence d'une clause qui n'est pas spécifiée de manière très apparente dans le contrat, alors même que la SA HELVETIA ASSURANCES ne justifie pas qu'elle a été acceptée sans équivoque par son assuré, cette disposition dérogatoire, non conforme aux exigences de l'article 48 ci-dessus sera déclaré non écrite. La compétence territoriale de droit commun est donc applicable au litige. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PAU

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 7 DÉCEMBRE 2021

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 21/02383. Arrêt n° 21/04458. N° Portalis DBVV-V-B7F-H5XR. Nature affaire : Demande en paiement de l'indemnité d'assurance dans une assurance de dommages.

ARRÊT : prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 7 décembre 2021, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

APRÈS DÉBATS à l'audience publique tenue le 12 octobre 2021, devant : Madame DUCHAC, Présidente, magistrate chargée du rapport conformément à l'article 785 du code de procédure civile, Madame ROSA-SCHALL, Conseillère, Madame ASSELAIN, Conseillère, assistées de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.

Les magistrates du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi, dans l'affaire opposant :

 

APPELANT :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], de nationalité Française, [...], [...], (bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU), Représenté et assisté de Maître M. de la SCP L./M., avocat au barreau de PAU

 

INTIMÉE :

SA HELVETIA ASSURANCES

agissant en la personne de ses représentants légaux y domicilié [...], [...], Représentée par Maître M. de la SELARL ALQUIE AVOCATS, avocat au barreau de BAYONNE, Assistée de Maître G. du Cabinet LMT avocats AARPI, avocat au barreau de PARIS

 

sur appel de la décision en date du 24 JUIN 2021 rendue par le JUGE DE LA MISE EN ETAT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE : RG numéro : 21/00029.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. X, artisan pêcheur, avait assuré son navire, « Le P. », auprès de la SA HELVETIA ASSURANCES suivant contrat en date du 27 octobre 2014.

Suite à un naufrage survenu le 8 octobre 2018, au large de Saint-Jean-de-Luz, il a signé un acte de délaissement le 15 mai 2019.

La SA HELVETIA a réglé à l'organisme bancaire la valeur du navire après expertise et le solde qu'elle a considéré devoir revenir à M. X.

Estimant n'avoir pas obtenu l'indemnisation de tous ses préjudices, M. X a fait assigner la SA HELVETIA ASSURANCES devant le tribunal judiciaire de Bayonne, par acte en date du 29 octobre 2020, pour demander :

- au visa de l'article L. 131-1 du code des assurances, la condamnation de l'assureur à lui payer la somme de 12.935,98 euros avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2019,

- au visa des articles 1131-1 et subsidiairement 1240 du code civil, la somme de 3.403,27 euros au titre de son préjudice financier avec intérêt au taux légal à compter du 9 novembre 2019 ainsi que la somme de 67.822,08 euros au titre de son préjudice d'exploitation, avec intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2019.

Par conclusions d'incident du 3 mars 2021, la SA HELVETIA ASSURANCES a soulevé l'incompétence du tribunal judiciaire de Bayonne au profit du tribunal de commerce du Havre, en application de la clause contractuelle attributive de compétence.

Par ordonnance contradictoire en date du 24 juin 2021, le juge de la mise en état :

Vu les articles 75 à 82-1 et 789 du code de procédure civile,

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur le litige opposant M. X portant sur un contrat d'assurance de nature commerciale, au profit du tribunal de commerce de Le Havre (76),

- a dit que le présent dossier est aussitôt transmis par le greffe avec une copie de la décision de renvoi au tribunal de commerce de Le Havre (76) à défaut d'appel dans les délais prescrits,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. X à verser à la SA HELVETIA ASSURANCES une indemnité de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. X aux dépens de l'incident, lesquels seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

Par déclaration en date du 16 juillet 2021, M. X a interjeté appel de cette décision qu'il critique en chacune de ses dispositions.

Dûment autorisé par ordonnance en date du 30 juillet 2021, suite à une requête en date du 15 juillet 2021, M. X a assigné la SA HELVETIA ASSURANCES suivant la procédure à jour fixe, le 26 août 2021.

[*]

Suivant son assignation, M. X demande à la cour :

Vu les articles 46 et 48 du code de procédure civile, de la jurisprudence produite, et de l'article 1315 devenu l'article 1153 du code civil,

Vu l'article 1131 ancien applicable du code civil, à la lumière notamment de l'article 1171 actuel du code civil, voire de l'ancien article L. 442-6-I-2° et du nouvel article L. 442-1-2° du code de commerce,

- d'infirmer l'ordonnance entreprise du 24 juin 2021,

- de dire dans le contrat conclu à Saint-Jean-de-Luz le 27 octobre 2014 réputée non écrite et subsidiairement nulle et en tous cas inopposable à M. X la clause attributive de compétence matérielle et territoriale au tribunal de commerce du siège social de l'assureur la société HELVETIA, hier à Courbevoie aujourd'hui au Havre,

- de déclarer compétent pour connaître de l'affaire au fond sinon le tribunal judiciaire de Bayonne, du moins le tribunal de commerce de Bayonne, avec les conséquences de droit,

- d'annuler pour iniquité la condamnation de M. X sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner la SA HELVETIA ASSURANCES à payer à l'appelant 2.000 € en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée conformément à l'article 700 du code de procédure civile,

- de la condamner aux dépens lesquels seront recouvrés en matière d'aide juridictionnelle.

[*]

Suivant ses conclusions déposées le 4 octobre 2021, la SA HELVETIA ASSURANCES demande à la cour :

Sur la compétence d'attribution :

Vu l'article L. 110-2 du code de commerce, ensemble l'article L. 721-3 du code de commerce,

- de constater que M. X ne conteste pas l'exception d'incompétence d'attribution.

Sur la compétence territoriale :

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil, ensemble l'article 48 du code de procédure civile,

Vu surabondamment les articles 42 du code de procédure civile et R. 112-3 du code des Assurances,

Vu la clause contractuelle suivante :

G5 Compétence

Toute assignation en relation avec l'application du présent contrat ne pourra être effectuée que devant le tribunal de commerce du siège social de l'Assureur.

- de constater la compétence exclusive du tribunal de commerce du Havre pour connaître de toutes demandes de M. E. à l'encontre de HELVETIA Assurances SA,

- de déclarer que la signature des conditions générales n'est nullement une condition d'opposabilité de la clause,

- de déclarer que la compétence se détermine au jour de l'acte introductif d'instance,

- de déclarer que la clause de compétence ne crée strictement aucun déséquilibre significatif,

- de déclarer n'y avoir lieu à annulation, ni inopposabilité, pas plus qu'il n'y aurait eu lieu à « caducité » de la clause attributive de compétence pour quelque motif que ce soit.

En conséquence,

- de déclarer de plus fort HELVETIA fondée l'exception d'incompétence,

- de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 24 juin 2021 en toutes ses dispositions,

- de débouter M. X de toutes ses demandes fins et prétentions,

- de renvoyer de plus fort M. X à mieux se pourvoir devant ledit tribunal de commerce du Havre, le cas échéant par simple transmission de Greffe à Greffe.

Sur les frais et dépens :

- de confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état et débouter M. X de ses demandes à ce titre,

- de condamner M. X à payer à HELVETIA Assurances SA la somme complémentaire de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner M. X aux entiers dépens d'incident et de première instance comme d'appel dont distraction au profit de la SELARL Alquié, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Le premier juge a décliné sa compétence au profit de celle du tribunal de commerce du Havre, sur le fondement de la clause attributive de compétence contenue aux conditions générales du contrat, qu'il a jugé licite.

M. X en critique le défaut d'apparence suffisante et l'absence de cause légitime.

 

Sur la compétence matérielle :

Les tribunaux de commerce connaissent, en application de l'article L. 721-3 du code de commerce, des contestations « relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ».

Suivant l'article L. 110-2 du code de commerce, sont réputés actes de commerce toutes assurances et autres contrats concernant le commerce de mer.

La police d'assurance maritime est donc par nature un acte de commerce, quelle que soit la qualité de l'assuré.

Par conséquent, le présent litige qui porte sur l'application du contrat d'assurance maritime conclu entre M. X et la SA HELVETIA ASSURANCES relève de la compétence matérielle du tribunal de commerce.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée en ce qu'elle a déclaré le tribunal judiciaire incompétent pour connaître du litige.

 

Sur la compétence territoriale :

La clause litigieuse est ainsi rédigée : « toute assignation en relation avec l'application du présent contrat ne pourra être effectuée que devant le tribunal de commerce du siège social de l'assureur ».

Suivant les dispositions de l'article 48 du code de procédure civile « toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée ».

Il s'ensuit que la clause attributive de compétence soit avoir été acceptée de façon expresse et non équivoque.

En l'espèce, la clause attributive de compétence se trouve en page 34, paragraphe « G5 Compétence » des conditions générales.

L'examen de ces conditions générales montre que la disposition spécifique à la compétence territoriale ne se distingue nullement des autres dispositions. Elle se trouve page 34 sur 38, au terme de la lecture complexe des 33 pages qui précèdent, au milieu des multiples autres dispositions. Le fait que la clause soit précédée d'un titre (G5 Compétence) ne constitue pas un élément distinctif puisque chaque clause du contrat est également titrée. La police de caractère n'est pas plus apparente que le reste des conditions générales.

Ces conditions générales ne sont pas signées par l'assuré. Les conditions particulières, signées par M. X ne mentionnent pas l'attribution de compétence.

Par conséquent, en présence d'une clause qui n'est pas spécifiée de manière très apparente dans le contrat, alors même que la SA HELVETIA ASSURANCES ne justifie pas qu'elle a été acceptée sans équivoque par son assuré, cette disposition dérogatoire, non conforme aux exigences de l'article 48 ci-dessus sera déclaré non écrite. La compétence territoriale de droit commun est donc applicable au litige.

En application des dispositions de l'article 46 du code de procédure civile, la compétence du lieu d'exécution du contrat sera retenue, à savoir le tribunal de commerce de Bayonne.

La décision dont appel sera infirmée en ce qu'elle a désigné la compétence du tribunal de commerce du Havre.

 

Sur les demandes annexes :

La SA HELVETIA ASSURANCES supportera les dépens d'appel et de première instance.

Au regard de l'équité, elle sera condamnée à payer à M. X la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'ordonnance sera infirmée en ce qu'elle a condamné M. X de ce chef.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré le tribunal judiciaire de Bayonne incompétent pour connaître du litige entre M. X et la SA HELVETIA ASSURANCES,

Réforme l'ordonnance pour le surplus et statuant à nouveau,

Renvoie l'affaire devant le tribunal de commerce de Bayonne,

Dit que le dossier sera transmis par le greffe avec une copie du présent arrêt au tribunal de commerce de Bayonne,

Condamne la SA HELVETIA ASSURANCES à payer à M. X la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA HELVETIA ASSURANCES aux dépens d'appel et de première instance.

Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.

LA GREFFIÈRE,                            LA PRÉSIDENTE,

Carole DEBON                                Caroline DUCHAC