CASS. COM., 8 décembre 2021
CERCLAB - DOCUMENT N° 9315
CASS. COM., 8 décembre 2021 : pourvoi n° 20-15562 ; arrêt n° 861
Publication : Legifrance
Extrait (premier moyen non examiné) : « 3°) ALORS QUE dans ses dernières conclusions, déposées et signifiées le 1er octobre 2019 (p. 12 et s.), la société Triselec faisait valoir que la signature du contrat du 27 novembre 2013 avait créé à son détriment un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6-I 2° du code de commerce, dès lors qu'elle avait été contrainte de s'engager, sans contrepartie réelle, à fournir à la société CDI un produit aisément commercialisable sans pouvoir à l'inverse l'obliger à l'acquérir en cas de fluctuation de sa valeur, sur la base d'un indice de variation du prix déterminé en fonction du marché propre à l'acquéreur ; qu'en estimant, après avoir relevé que la société Triselec invoquait les dispositions de l'article L. 444-6-I-2° du Code de commerce relatives à la responsabilité de l'industriel qui soumettrait un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (page 5 § 2 de l'arrêt), que le contrat avait été librement négocié entre les parties (p. 7 § 4 arrêt), sans répondre au moyen opérant de la société Triselec fondé sur l'existence d'un déséquilibre significatif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR DE CASSATION
CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE
ARRÊT DU 8 DÉCEMBRE 2021
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
N° de pourvoi : D 20-15.562. Arrêt n° 861 F-D.
DEMANDEUR à la cassation : Société Triselec
DÉFENDEUR à la cassation : Société CDI
M. X., conseiller doyen, faisant fonction de président.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La société Triselec, société publique locale, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° D 20-15.562 contre l'arrêt rendu le 5 mars 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre 2, section 1), dans le litige l'opposant à la société CDI, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Y., conseiller, les observations de la SARL Z., avocat de la société Triselec, de la SCP W., avocat de la société CDI, et l'avis de Mme V., avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 octobre 2021 où étaient présents M. X., conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Y., conseiller rapporteur, Mme U. conseiller, et Mme T., greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Faits et procédure :
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 5 mars 2020), la société Triselec, société d'économie mixte au capital de laquelle participait la communauté urbaine de Lille ainsi que la société CDI, exerce une activité de tri des déchets, qu'elle revend notamment à la société CDI, qui les valorise puis les commercialise. Désireuse d'adopter un statut de société publique locale, imposant que son capital ne soit détenu que par des collectivités, la société Triselec a sollicité de la société CDI le rachat des parts qu'elle détenait dans son capital. La société CDI a demandé, en échange, à disposer d'une visibilité sur ses approvisionnements. Dans ce contexte, les parties ont conclu le 27 novembre 2013 un contrat par lequel la société Triselec s'engageait à vendre à la société CDI, qui s'engageait à les acheter, 600 tonnes au minimum par mois de matières fibreuses, pendant une durée de sept ans, soit du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020. Par lettre du 18 août 2014, la société Triselec a annoncé à la société CDI qu'elle réduirait à compter de septembre 2014 à 270 tonnes son approvisionnement mensuel. Après avoir mis en demeure la société CDI de respecter son propre engagement consistant à valoriser les produits achetés avant recyclage, la société Triselec a résilié le contrat le 9 novembre 2015. La société CDI l'a assignée en paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture, selon elle fautive, du contrat avant son terme.
Examen des moyens :
Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés :
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen :
3. La société Triselec fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société CDI une certaine somme en réparation du préjudice subi au titre du manque à gagner engendré par l'absence d'exécution du contrat de vente par la société Triselec jusqu'à son terme, alors « que le juge qui décide de relever d'office un moyen est tenu, en toutes circonstances, de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à présenter leurs observations ; qu'en considérant que le préjudice subi par la société CDI s'analysait « en réalité en une perte de chance de voir le contrat conclu avec la société Triselec se poursuivre jusqu'à son terme, c'est à dire jusqu'au 1er janvier 2020, d'être approvisionnée en produit fibreux selon le contrat, tant en terme de quantité qu'en terme de qualité, et de revendre le produit valorisé à l'acheteur final », sans inviter les parties à présenter des observations sur ce moyen relevé d'office relatif à l'existence d'une perte de chance, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 16 du code de procédure civile :
CHAPEAU (énoncé du principe juridique en cause) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
4. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
5. Pour condamner la société Triselec à payer à la société CDI des dommages-intérêts, l'arrêt énonce que le préjudice de cette dernière s'analyse en la perte de la chance de voir le contrat conclu avec la société Triselec se poursuivre jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'au 1er janvier 2020, d'être approvisionnée en produits fibreux selon le contrat et de revendre le produit valorisé à l'acheteur final.
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
6. En statuant ainsi, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office et tiré de ce que le préjudice subi par la société CDI consistait en la perte d'une chance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche :
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Enoncé du moyen
7. La société Triselec fait le même grief à l'arrêt, alors « que le préjudice soumis à réparation ne peut être apprécié de manière forfaitaire ; qu'en évaluant de façon forfaitaire à une certaine somme le préjudice invoqué par la société CDI et consistant dans la perte de chance « de voir le contrat conclu avec la société Triselec se poursuivre jusqu'à son terme, c'est-à-dire jusqu'au 1er janvier 2020, d'être approvisionnée en produit fibreux selon le contrat, tant en terme de quantité qu'en terme de qualité, et de revendre le produit valorisé à l'acheteur final », la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 et 1149 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016. »
RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Réponse de la Cour :
VISA (texte ou principe violé par la décision attaquée) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et le principe de la réparation intégrale du préjudice :
RAPPEL DE LA DÉCISION ATTAQUÉE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
8. Pour condamner la société Triselec à réparer le préjudice résultant du caractère fautif de la résiliation du contrat, l'arrêt retient que la cour d'appel dispose des éléments suffisants pour évaluer la perte de chance subie par la société CDI du fait des agissements de la société Triselec à la somme forfaitaire de 1.300.000 euros ;
CRITIQUE DE LA COUR DE CASSATION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
9. En statuant ainsi, alors que cette somme procédait d'une évaluation forfaitaire du montant du préjudice de la société CDI, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Triselec à payer à la société CDI la somme de 1.300.000 euros en réparation du préjudice subi au titre du manque à gagner engendré par l'absence d'exécution du contrat de vente par la société Triselec jusqu'à son terme, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation du 11 décembre 2015 et capitalisation des intérêts, l'arrêt rendu le 5 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Condamne la société CDI aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société CDI et la condamne à payer à la société Triselec la somme de 3.000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille vingt et un.
ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Moyens produits par la SARL Z., avocat aux Conseils, pour la société Triselec.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté la demande de nullité du contrat de vente de produits fibreux conclu le 27 novembre 2013 entre les sociétés Triselec et CDI ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QU' il sera simplement rappelé que la société Triselec anciennement dénommée Triselec Lille, a été constituée sous forme de société d'économie mixte au capital de laquelle participaient majoritairement la Communauté Urbaine de Lille, désormais dénommée Métropole Européenne de Lille (MEL) et des industriels du secteur, parmi lesquels figurait la société CDI. Elle a une activité de tri des différents déchets issus de la collecte sélective des centres de [Localité 4], [Localité 3], [Localité 4]-[Localité 5] et [Localité 2]. Elle les met en balles et les revend à différents acteurs de la filière du recyclage. Elle commercialise ainsi des papiers et cartons en mélange qu'elle dénomme matières fibreuses recyclables ; que la société CDI est spécialisée dans la collecte, le tri et la valorisation des déchets. Dans ce cadre elle a été amenée à travailler avec la société Triselec de manière régulière ; qu'au cours de l'année 2013, la société Triselec a souhaité adopter un statut de société publique locale (SPL) alors que la législation applicable à ce type de structure prévoit que la détention du capital est exclusivement réservée à des collectivités et dans ce cadre, les sociétés Triselec et CDI ont convenu d'une part que la société CDI cède ses titres de la société Triselec pour permettre à celle-ci de bénéficier du statut de SPL, d'autre part, que la société Triselec assure à son ancien associé une visibilité sur ses approvisionnements ; que les parties ont ainsi conclu le 27 novembre 2013 un contrat aux termes duquel la société Triselec s'est engagée à vendre à la société CDI, laquelle s'est elle-même engagée à acheter, un volume mensuel minimum de 600 tonnes de matières fibreuses recyclables pour une durée de 7 ans, soit du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2020 ; que par courrier du 18 août 2014, la société Triselec informait la société CDI, qu'en raison d'une adaptation dans le processus de tri de son usine d'[Localité 3], elle réduirait, à compter du 1er septembre 2014, à 270 tonnes son approvisionnement mensuel ; que par courrier du 25 août 2014 la société CDI s'est opposée à cette décision ; qu'une tentative de médiation confiée au Centre de Médiation et d'arbitrage de Paris (CMAP) n'a pas abouti ; qu'à la suite d'une mise en demeure du 30 septembre 2015, la société Triselec a, par courrier du 9 novembre 2015, mis fin au contrat de vente et ainsi aux livraisons de matières fibreuses recyclables à la société CDI en invoquant à l'encontre de cette dernière le non-respect de ses obligations contractuelles ; que c'est dans ces circonstances que, selon acte d'huissier du 11 décembre 2015, la société CDI a fait assigner la société Triselec devant le tribunal de commerce de Lille pour obtenir réparation de ses préjudices engendrés par l'absence d'exécution du contrat de vente par la société Triselec jusqu'à son terme ; que les premiers juges ont pour l'essentiel, condamné la société Triselec à payer à la société CDI la somme principale de 2.530.600 euros en réparation du préjudice subi au titre du manque à gagner engendré par l'absence d'exécution du contrat de vente par la société Triselec jusqu'à son terme, et ont débouté la société CDI de sa demande au titre du préjudice lié au temps passé par le management de CDI ; que sur la demande de nullité du contrat du 27 novembre 2013, la société Triselec forme pour la première fois en cause d'appel une demande de nullité du contrat de vente de produits fibreux conclu le 27 novembre 2013 avec la société CDI, dont la recevabilité n'est pas contestée, pour violence sur le fondement des articles 1109 et 1111 anciens du Code civil ainsi que de l'article 1143 nouveau du même code ; qu'elle invoque par ailleurs les dispositions de l'article L. 444-6-I 2° du code de commerce relatives à la responsabilité de l'industriel qui soumettrait un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; qu'elle explique qu'elle se trouvait dans une position désavantageuse et contraignante puisque ayant engagé le nécessaire processus de transformation de SEM en SPL, elle était en difficulté pour poursuivre son processus de transformation du fait de la volteface et du véto d'un actionnaire sur 30, représentant 0,83 % du capital social, et qu'à la lecture des échanges de mails et au regard de la chronologie des faits, il est évident qu'elle n'aurait pas contracté avec la société CDI si elle n'avait été sous la contrainte du vote défavorable de cette dernière ; que l'article 1143 du Code civil issu de l'ordonnance du 10 février 2016 n'est pas applicable au contrat litigieux ainsi que le reconnaît finalement l'appelante elle-même dans ses dernières écritures ; qu'aux termes de l'article 1109 du Code Civil dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 applicable aux faits de l'espèce, « Il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol » ; que selon l'article 1111 ancien du même code Civil « La violence exercée contre celui qui a contracté l'obligation est une cause de nullité, encore qu'elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite » ; que l'article 1115 ancien du Code civil disposait quant à lui que « Un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si, depuis que la violence a cessé, ce contrat a été approuvé soit expressément, soit tacitement, soit en laissant passer le temps de la restitution fixé par la loi » ; que la cour relève en premier lieu que la société Triselec s'est elle-même prévalue des termes du contrat dont elle demande à ce jour la nullité pour, d'une part, faire grief à la société CDI, par courrier du 30 septembre 2015, de ne pas valoriser les produits faisant l'objet du contrat, et d'autre part, poursuivre la résiliation du même contrat ; que par ailleurs, la société CDI fait valoir à juste titre qu'elle était libre de céder ou non ses actions et que son droit de rester dans le capital de la société Triselec ne saurait pour autant créer une situation de dépendance économique ; qu'enfin il est constant que la violence ne peut exister que s'il est établi que le cocontractant a été contraint par sa dépendance à consentir un avantage manifestement excessif à son cocontractant ; qu'or en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats et notamment des courriels produits, que le contrat litigieux a été signé le 27 novembre 2013 à la suite de nombreux échanges intervenus entre les parties ; qu'ainsi - le 19 novembre 2013 la société Triselec accusait réception du projet de contrat en ces termes : « Je fais suite à votre proposition de contrat. Nous avons bien pris connaissance de ce projet et pensons revenir vers vous pour la fin de la semaine avec des demandes de modification de certains articles que nous devons préalablement valider avec le président. Concernant nos demandes, elles ne sont pas de nature à compromettre l'objet de notre accord, à savoir la commercialisation de 600 tonnes de 1.02 par mois, à un prix compétitif par voie de contrat. Suite à la régularisation d'une facture en litige (il en reste une autre mais qui date d'il y a quelques années), nous reprenons la commercialisation de produits dès jeudi », - le 21 novembre 2013 la société Paprec, associée principale de CDI indiquait que « Le conseil de Paprec a validé le principe de la cession à condition qu'un accord contractualisé soit signé avec Triselec pérennisant la relation commerciale dans des termes équilibrés entre les parties » ; - le 25 novembre 2013, Triselec écrivait « Je vous prie de trouver ci-joint le projet de contrat mis à jour de la plupart des éléments discutés hier avec Mme [O]. Le seul point non intégré concerne l'indexation d'une partie du prix sur une mercuriale type désencrage (...) », - le même jour à 23h35, M. [L] [K] du groupe Paprec ajoutait « je vous prie de trouver ci-joint une version modifiée du contrat Triselec-CDI en version propre et en version comparée (...). Ce contrat permet à Triselec de sécuriser une partie de son chiffre d'affaires en vendant ses produits à un très bon prix sur une durée longue. Vous constaterez notamment que nous n'avons pas modifié le prix de base que vous avez proposé pour novembre alors qu'il est 5€/t plus élevé que le prix marché que CDI vous a proposé ce mois-ci ; le prix de 80€/t a fait l'objet d'un arbitrage au niveau de la Direction du Groupe. Nous acceptons de prendre ce risque financier mais à condition que nous puissions faire évoluer ce prix maximum en fonction de ce que nous sommes capables de vendre à savoir du 1.10. Nous avons pris l'initiative de retirer du contrat (...), Pour le reste, il s'agit de modifications correspondant à des points de forme ou des sujets que vous avez pu valider avec [C] » ([C] [F]) ; - le 26 novembre 2013 Triselec indiquait « Nous vous envoyons notre dernière version du contrat qui n'intègre que certaines de vos demandes (allongement de la durée de la contestation de la conformité du produit vendu et allongement de la durée avant résiliation. Nous avons remis également la clause sur l'évolution du tonnage contractuel en cas de perte du contrat d'exploitation (...). Pour les autres demandes, je ne suis pas en mesure de les accepter » ; - le 27 novembre 2013 M. [C] [F] du groupe Paprec concluait : « Je me permets de vous remercier pour le contrat signé ce matin entre Triselec et CDI. Le délai imparti était très court, et la mobilisation de tous a permis de faire aboutir cette discussion ce matin, au détriment de quelques nuits ou week-ends amputés, j'en suis bien conscient. C'est une collaboration dans la durée que nous aurons à cœur de suivre et de développer, en accompagnant Triselec dans son projet. Elle préfigure à mon sens l'organisation des centres de tri de collecte sélective du futur. Encore merci » ; qu'enfin le contrat a été conclu entre professionnels exerçant dans le même secteur d'activité ; que son objet est défini à l'article 4 selon lequel : « Triselec Lille a fait le choix de produire une sorte de papier et carton en mélange. Le Vendeur s'engage à respecter cette qualité, conforme au gisement commercialisé historiquement entre les deux parties. Les prix de reprise proposés par l'Acheteur sont définis sur la base de la composition du présent Produit qui s'établit à un minimum de 60 % de matières fibreuses destinés au désencrage avec un taux de matières impropres maximum inférieur à 9 % en moyenne. Cette qualité est conforme au gisement commercialisé entre les deux parties depuis de nombreuses années. Le Vendeur s'engage à ne pas évacuer par ce moyen des déchets dangereux ou chimiques, des explosifs ou des déchets dangereux qui doivent faire l'objet d'un enlèvement particulier et ce, en l'application des articles L. 541-1 à L. 541-50 du Code de l'Environnement, ni des déchets qui viendraient à être visés par de nouvelles dispositions législatives » ; que l'article 2 du contrat prévoit que le prix de reprise du produit fibreux devait être réévalué tous les mois suivant une formule de calcul qu'il détaille et explique et, en cas de prix négatif, il est prévu soit une suspension du contrat de vente jusqu'à ce que le prix redevienne positif, soit un accord des parties sur un prix positif ; que selon l'article 5, Triselec s'était engagée à vendre à la société CDI un volume mensuel minimum de 600 tonnes de produits fibreux, soit 7.200 tonnes par année contractuelle, sous réserve que les tonnages de ce gisement restent stables sur la durée du contrat, les tonnages mentionnés sont une condition essentielle du contrat qui a pour contrepartie un tarif au niveau du marché et les investissements réalisés par l'acheteur sur son site pour accueillir ces produits, la seule exception concernant l'hypothèse selon laquelle Triselec perdrait les marchés confiés par la MEL ; qu'il résulte de ces éléments que le contrat litigieux a été librement négocié entre les parties et que la violence invoquée n'est pas caractérisée ; que la société Triselec sera en conséquence déboutée de sa demande de nullité du contrat ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QU' un contrat ne peut plus être attaqué pour cause de violence, si, depuis que la violence a cessé, il a été approuvé, c'est-à-dire si l'engagement a été volontairement exécuté avec l'intention de reconnaître la légitimité de la dette ; qu'en statuant comme elle l'a fait après avoir pourtant constaté que la société Triselec s'était prévalue des termes du contrat pour, d'une part, faire grief à la société CDI, par courrier du 30 septembre 2015, de ne pas valoriser les produits faisant l'objet du contrat, et d'autre part, poursuivre la résiliation du même contrat (p. 5 §6 et 7 arrêt), ce dont il se déduisait que la société Triselec n'avait pas approuvé les dispositions du contrat consenties sous la contrainte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'inféraient de ses propres constatations, en violation de l'article 1115 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
2°) ALORS, EN OUTRE, QU' en considérant que la société Triselec n'avait pas établi avoir été contrainte par sa dépendance à consentir un avantage manifestement excessif à son cocontractant au motif inopérant que la société CDI était libre de céder ou non ses actions et que son droit de rester dans le capital de la société Triselec ne pouvait créer une situation de dépendance économique (p. 5§8 arrêt), cependant que cette dernière avait été contrainte, par sa dépendance, à obtenir le vote favorable de la société CDI indispensable pour permettre sa transformation sociale nécessaire à sa pérennité et survie, la cour d'appel a violé les articles 1109 et 1111 du code civil, dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;
3°) ALORS QUE dans ses dernières conclusions, déposées et signifiées le 1er octobre 2019 (p. 12 et s.), la société Triselec faisait valoir que la signature du contrat du 27 novembre 2013 avait créé à son détriment un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens de l'article L. 442-6-I 2° du code de commerce, dès lors qu'elle avait été contrainte de s'engager, sans contrepartie réelle, à fournir à la société CDI un produit aisément commercialisable sans pouvoir à l'inverse l'obliger à l'acquérir en cas de fluctuation de sa valeur, sur la base d'un indice de variation du prix déterminé en fonction du marché propre à l'acquéreur ; qu'en estimant, après avoir relevé que la société Triselec invoquait les dispositions de l'article L. 444-6-I 2° du Code de commerce relatives à la responsabilité de l'industriel qui soumettrait un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties (page 5 § 2 de l'arrêt), que le contrat avait été librement négocié entre les parties (p. 7 § 4 arrêt), sans répondre au moyen opérant de la société Triselec fondé sur l'existence d'un déséquilibre significatif, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Triselec à payer à la société CDI la somme de 1.300.000 euros en réparation du préjudice subi au titre du manque à gagner engendré par l'absence d'exécution du contrat de vente par la société Triselec jusqu'à son terme, outre les intérêts légaux à compter de la date de l'assignation délivrée le 11 décembre 2015 et capitalisation des intérêts ;
RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
AUX MOTIFS QUE sur la décision de la société Triselec de réduire le volume de produits vendus à la société CDI, par courrier du 18 août 2014, la société Triselec s'adressait en ces termes à la société CDI « Nous vous informons que notre délégant, [Localité 4] Métropole Communauté Urbaine, nous impose de procéder à une séparation du flux 5.02 dans le gisement fibreux exploité dans notre centre de tri de collectes sélectives d'[Localité 3] » et réduisait à compter du 1er septembre 2014 les volumes de produit fibreux à 270 tonnes mensuelles. Ce point n'est pas discuté et résulte en tout état de cause de l'analyse non contradictoire de M. [Z], expert près la cour d'appel de Douai, en date du 4 juin 2018, et des écritures même de la société Triselec, selon lesquels cette dernière a livré à CDI du 1er janvier 2014 au 30 novembre 2015, 8773 tonnes de produit fibreux sur les 13.800 tonnes contractuellement prévues ; qu'il a été dit qu'aux termes de l'article 5 alinéa 1du contrat du 27 novembre 2013, à effet du 1er janvier 2014, Triselec s'est engagée à vendre à la société CDI un volume mensuel minimum de 600 tonnes de produits fibreux, soit 7. 200 tonnes par année contractuelle, sous réserve que les tonnages de ce gisement restent stables sur la durée du contrat ; que l'alinéa 2 de l'article 5 stipule quant à lui que les tonnages mentionnés sont une condition essentielle du contrat qui a pour contrepartie un tarif au niveau du marché et les investissements réalisés par l'acheteur sur son site pour accueillir ces produits ; qu'aux termes de ses dernières écritures, la société Triselec soutient expressément que son obligation d'approvisionnement était directement liée à l'évolution du gisement de produits dont elle disposait conformément à l'article 5 alinéa 1er du contrat ; que la société CDI prétend au contraire que la dispense de l'article 5 du contrat liée à la stabilité du gisement doit être appréciée au regard du dernier paragraphe du même article relatif à la perte de marché et selon lequel : « Le Prestataire (CDI) a bien noté que le client (Triselec) est lié à [Localité 4] Métropole Communauté Urbaine via des contrats pour l'exploitation des centres de tri de [Localité 4] et [Localité 3]. Si le Client n'était pas reconduit par cette dernière lors des prochains appels d'offre, les volumes minima ci-dessus seraient diminués de 330 tonnes par mois si le Client perdait le marché du centre de tri de d'[Localité 3] ou de 270 tonnes par mois si le Client perdait le marché du centre de tri de [Localité 4]. Le contrat serait résilié si le Vendeur perdait les deux contrats d'exploitation de [Localité 4] et [Localité 3] », et que dès lors le maintien ou non du gisement résulte uniquement de la poursuite ou non des marchés confiés par la MEL à la société Triselec ; que l'alinéa 1 de l'article 5 du contrat est cependant une clause indépendante d'application générale qui oblige la société Triselec à approvisionner la société CDI en fonction de l'évolution du gisement de produit fibreux indépendamment de la perte des marchés expressément visée par le dernier alinéa de l'article 5 du contrat, et ce sans qu'il soit fait de distinction entre les centres de tri d'[Localité 3] et de [Localité 4] ; qu'il appartient donc à la société Triselec de justifier auprès de son cocontractant de la diminution du gisement dont elle se prévaut, et qui ne lui serait pas imputable même s'il est acquis aux débats qu'elle n'invoque ni la force majeure ni le fait d'autrui ; qu'il y a lieu de relever au préalable que les parties s'accordent à considérer que le gisement dont s'agit doit s'entendre de ce que la société Triselec est capable de fournir à la société CDI en produit fibreux répondant aux critères contractuellement prévus par les parties ; que dans son courrier du 18 août 2014, la société Triselec s'est prévalue d'une décision de « (son) délégant, [Localité 4] Métropole Communauté Urbaine, (qui lui ) impose de procéder à une séparation du flux 5.02 dans le gisement fibreux exploité dans notre centre de tri de collectes sélectives d'[Localité 3] » ; qu'aucune décision de [Localité 4] Métropole Communauté Urbaine en ce sens n'est versée aux débats et la société Triselec se prévaut expressément de ses pièces 28 à 31 et 43 pour justifier de la décision prise ; qu'or aucune de ces pièces n'est de nature à justifier de cette décision ni même de l'évolution du gisement de produit fibreux tel qu'envisagé par le contrat s'agissant de : - pièce 28 : convention d'exploitation en date du 1er juin 2012, au demeurant quasi illisible, qui n'est autre que la délégation du service public pour l'exploitation du centre de tri des déchets valorisables d'Halluin, - pièce 29 : courrier de [Localité 4] Métropole Communauté Urbaine à la société Triselec Halluin du 16 août 2012 qui ne comporte aucune annexe et qui a pour objet de rectifier une erreur matérielle dans le compte annuel prévisionnel d'exploitation, - pièce 30 : courriel de la société Hofmann à la société Triselec en date du 4 juillet 2014 transmettant un planning, - pièce 31 : courriel de la société Triselec à la société Hofmann en date du 7 juillet 2014 faisant suite à la proposition de planning, - pièce 43 : rapport d'analyse des offres après négociation (délégation de service public pour l'exploitation du centre de tri d'Halluin) en date du 27 février 2012 ; qu'en conséquence, confirmant le jugement dont appel sur ce point, il y a lieu de dire que la société Triselec a commis un manquement contractuel à l'égard de la société CDI justifiant l'allocation de dommages intérêts au profit de cette dernière, et ce sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande d'expertise sollicitée à titre subsidiaire par la société Triselec ; que toutefois, il a été dit également que la société Triselec a, par courrier du 9 novembre 2015, mis fin au contrat de vente de produit fibreux conclu le 27 novembre 2013 avec la société CDI, et du bien-fondé de cette résiliation dépend la période d'indemnisation de l'intimée ; que sur la résiliation du contrat, aux termes de l'article 7 du contrat du 27 novembre 2013 intitulé « Résiliation » : Le présent contrat étant conclu pour une durée déterminée, les parties reconnaissent qu'il ne pourra y être mis fin avant l'arrivée du terme, sauf en cas de manquement contractuel de l'autre partie tel que détaillé ci-dessous ; que le présent contrat pourra être résilié en cas de manquement grave auquel il n'est pas remédié ou de manquements répétés par l'une des parties à ses obligations contractuelles, après mise en demeure par l'autre partie, effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, restée sans effet pendant trente jours. Dans cette hypothèse, la résiliation interviendra de plein droit dans les trente jours suivant la date de réception de la mise en demeure restée sans effet, sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient par ailleurs être alloués par une juridiction éventuellement saisie au profit de la partie victime de la défaillance de l'autre partie » ; que par courrier du 30 septembre 2015 dont il n'est pas justifié de l'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception mais dont la réception n'est pas contestée, la société Triselec, rappelant que dans le cadre du contrat conclu le 27 novembre 2013, la société CDI s'est expressément engagée à valoriser les produits faisant l'objet du contrat et dans ce cadre, à améliorer ces produits sur son site de Quesnoy-sur- Deûle avant leur recyclage par une papeterie, mettait cette dernière en demeure de lui confirmer le parfait respect de cet engagement et de le lui justifier en lui transmettant la copie des tickets de pesée d'entrée sur son site des tonnages qui lui sont vendus depuis le 1er janvier 2014 ainsi que de lui confirmer qu'elle entendait bien continuer à respecter cet engagement, et dans ce cadre, accepter d'en justifier pour l'avenir sur simple demande de sa part, en transmettant la copie des tickets de pesée d'entrée correspondants ; que le 15 octobre 2015 la société CDI répondait à la société Triselec et « confirmait sa totale détermination de voir exécuter dans toutes ses dispositions le contrat de vente de produit fibreux conclu entre les parties le 27 novembre 2013 et avoir parfaitement exécuté ses obligations et être en mesure le cas échéant d'en justifier ». Elle reprochait par ailleurs à la société Triselec de ne pas respecter ses propres obligations et la mettait elle-même en demeure de respecter son engagement pris quant aux volumes minimums à livrer et, en conséquence, de l'approvisionner en produits fibreux à hauteur, a minima, de 600 tonnes mensuelles, ajoutant dans le même courrier que la valorisation des produits peut notamment prendre la forme d'un retraitement dans le cadre d'un recyclage pour lequel le site de Quesnoy-sur- Deûle a été agrée, mais aussi d'un acheminement direct vers « un recycleur final" au sens du contrat c'est à dire vers la papeterie qui consomme des produits fibreux ; que par courrier du 22 octobre 2015, dont il n'est pas plus justifié de l'envoi par lettre recommandée avec accusé de réception mais dont la réception n'est pas non plus contestée, la société Triselec demandait à la société CDI de bien vouloir justifier du respect de ses engagements d'amélioration du produit sur le site de [Localité 6] avant son recyclage par une papeterie conformément à l'article 5 du contrat et de le justifier en lui produisant les tickets de pesée demandés ou tout autre élément de nature à prouver que l'ensemble des tonnages commercialisés depuis le 1er janvier 2014 a bien été traité sur son site afin d'en assurer une amélioration, lui indiquant que les termes de sa mise en demeure restaient inchangés et l'échéance fixée au 02 novembre. ; que par courrier du 9 novembre 2015 la société Triselec, se prévalant de la mise en demeure restée infructueuse, a mis fin au contrat de vente du 27 novembre 2013 conclu avec la société CDI et ainsi aux livraisons de matières fibreuses recyclables en application de l'article 7 du contrat en reprochant à cette dernière de ne pas avoir justifié du respect de son engagement d'améliorer les produits faisant l'objet du contrat sur son site de Quesnoy-sur- Deûle avant de les revendre à des papetiers ; qu'enfin par courrier du 18 novembre 2015, la société CDI contestait la résiliation du contrat à l'initiative de la société Triselec, répondait aux griefs invoqués à son encontre et indiquait que, bien qu'étant en désaccord et considérant que son exigence nouvelle et opportune de voir traiter sur le site de [Localité 6] l'intégralité des tonnages vendus était à tout le moins contraire à l'esprit du contrat, elle a néanmoins, depuis le courrier de Triselec du 30 septembre 2015, rapatrié et traité sur son site l'intégralité des tonnages qui lui ont été livrés et que de cela, la société Triselec, qui dispose de la totalité de la documentation administrative, est parfaitement informée ; qu'à l'appui de sa demande d'infirmation du jugement, la société Triselec fait valoir que la société CDI n'a pas respecté son obligation d'améliorer le produit sur son site de Quesnoy-sur- Deûle avant de les revendre à des papetiers telle qu'édictée par l'article 5 § 2 du contrat, ajoutant que ce manquement contractuel constitue également une infraction à la réglementation relative aux déchets ; que la société CDI conclut à une résiliation abusive du contrat de vente, dont les conditions de mise en œuvre seraient au surplus irrégulières ; qu'il résulte de l'article 7 du contrat du 27 novembre 2013 susvisé que la résiliation ne peut intervenir de plein droit que dans l'hypothèse où, postérieurement à l'envoi d'une mise en demeure, il ne serait pas remédié au manquement grave visé dans la mise en demeure, ou de manquements répétés par l'une des parties à ses obligations contractuelles ; qu'or en l'espèce, l'objet de sa mise en demeure adressée à la société CDI était d'obtenir, d'une part la confirmation par cette dernière du respect de son engagement contractuel d'amélioration des produits sur son site avant leur recyclage par une papeterie, et d'autre part la communication de tickets de pesée d'entrée sur le site de CDI de [Localité 6] depuis le 1er janvier 2014 et pour l'avenir afin de justifier du respect de cet engagement ; que la société CDI y a répondu par courrier en date du 15 octobre 2015, soit dans le délai de 30 jours de la mise en demeure du 30 septembre 2015, que « les produits fibreux dont vous assurez l'approvisionnement au profit de notre société sont bien valorisés au sens de notre contrat et de l'article précité et CDI continuera à respecter cet engagement » et aucune stipulation du contrat de vente du 27 novembre 2013 ne met à la charge de CDI la communication des tickets de pesée ; qu'il en résulte que la société Triselec n'a pas valablement mis en œuvre la clause de résiliation prévue au contrat et que dès lors elle n'était pas fondée à résilier le contrat de vente au 9 novembre 2015, étant relevé qu'il n'a été formé aucune demande de résiliation judiciaire ; qu'il n'y a pas lieu dès lors de faire droit à la demande d'expertise sollicitée à titre subsidiaire par l'appelante ; que le préjudice subi par la société CDI a donc perduré jusqu'au 1 er janvier 2020, terme du contrat ; que sur le préjudice subi par la société CDI, concernant la réparation de son préjudice, la société CDI conclut à la confirmation du jugement dont appel qui lui a alloué la somme de 2.530.600 euros à titre de dommages intérêts en réparation d'un manque à gagner engendré par la diminution puis l'arrêt des approvisionnements de produit fibreux par la société Triselec et tel qu'évalué par M. [N], expert près la Cour de Cassation et la cour d'appel de Paris dans rapport du 26 mai 2016 ; que la société Triselec conteste la référence faite par les premiers juges au rapport de M. [N] sans toutefois en solliciter le rejet dans le dispositif de ses dernières écritures, pas plus qu'elle demande à la cour, toujours aux termes du dispositif de ses dernières écritures, l'annulation du jugement dont appel qu'elle soutient pourtant dans les motifs de ces mêmes écritures. La cour n'est donc pas tenue de répondre à cette argumentation qui ne fait l'objet d'aucune prétention en application de l'article 954 du Code de procédure civile ; que le rapport de M. [N] n'est certes pas contradictoire mais il a été soumis à la contradiction des parties et constitue un des éléments d'appréciation soumis à la cour ; que la société Triselec produit quant à elle un rapport de M. [E] [Z] en date du 26 mai 2016 portant « analyse du rapport de M. [P] [N] du 26 mai 2016 » et qui conclut que « en tout état de cause, sur la période du 1er janvier 2014 au 30 novembre 2015, le tonnage livré à CDI a été supérieur de 819 tonnes au tonnage contractuel tel que défini par le contrat du 27 novembre 2013 » ; que la cour observe à ce sujet que pour arriver à cette conclusion, M. [Z] part du postulat que la baisse de l'approvisionnement de produit fibreux était justifiée et conforme aux stipulations contractuelles obligeant la société Triselec à vendre des tonnages en proportion du gisement, ce qui est contraire aux termes mêmes de l'article 5 du contrat qui prévoit un volume minimum de vente de produits fibreux de 7.200 tonnes par année contractuelle ; que les parties ont enfin versé aux débats, pour la société CDI, une note de M. [N] « en réponse à l'analyse de Monsieur [E] [Z] dans le cadre du litige qui oppose la société CDI à la société Triselec » en date du 23 mai 2019, et pour la société Triselec une note de M. [Z] « En réponse au rapport de M. [P] [N] du 23 mai 2019 » en date du 4 septembre 2019. M. [N], tenant compte des observations de M. [Z] et de ses travaux complémentaires, estime le gain manqué de la société CDI, du fait des agissements de la société Triselec, à la somme de 2.691,4 K€ contre 2.530,6 K€ dans son rapport de 2016. M. [Z] indique en conclusion de sa note que « en réalité, le préjudice économique subi par CDI ne dépasse pas la somme de 90.800 € » et non pas 50.800 € comme l'indique de manière erronée la société Triselec dans ses dernières écritures ; que l'expert [N] indique dans son rapport qu'entre le 1er septembre 2014 et le 30 novembre 2015, la société Triselec a fourni moins de la moitié des volumes minimum contractuellement convenus ; qu'à la suite de la résiliation du contrat de vente au 9 novembre 2015, les approvisionnements ont cessé ; que l'expert a ensuite déterminé le prix de vente moyen des matières issues du surtri et indiqué que le chiffre d'affaires dont a été privée la société CDI sur la période allant du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2020 s'élève, dans un premier temps à 5,28 M€ et dans un deuxième temps à 5 569,1K€, puis déterminé la marge qui aurait été réalisée par la société CDI si le contrat n'avait pas été résilié ; qu'il en conclut dans son rapport de mai 2016 que le gain manqué de la société CDI, du fait des agissements de la société Triselec peut être évalué à 2.530,6 K€ ; que toutefois, le préjudice subi par la société CDI s'analyse en réalité en une perte de chance de voir le contrat conclu avec la société Triselec se poursuivre jusqu'à son terme, c'est à dire jusqu'au 1er janvier 2020, d'être approvisionnée en produit fibreux selon le contrat, tant en terme de quantité qu'en terme de qualité, et de revendre le produit valorisé à l'acheteur final. Si cette perte de chance est certaine, elle ne peut toutefois être assimilée au gain manqué tel qu'évalué par M [N] dans ses rapports d'analyse ; qu'en considération de ce qui précède, la cour dispose des éléments suffisants pour évaluer ainsi la perte de chance subie par la société CDI du fait des agissements de la société Triselec à la somme forfaitaire de 1.300.000 euros, somme au paiement de laquelle il y a lieu de condamner la société appelante, et ce sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure expertise ;
MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
1°) ALORS QUE la société Triselec a fait valoir que les modalités de la résiliation du contrat du 27 novembre 2013 avaient été respectées (p. 32 concl.), conformément aux termes de la clause de résiliation libellée à l'article 7 du contrat, qui stipule notamment que « le présent contrat pourra être résilié en cas de manquement grave auquel il n'est pas remédié ou de manquements répétés par l'une des parties à ses obligations contractuelles, après mise en demeure par l'autre partie, effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception restée sans effet pendant plus de 30 jours. Dans cette hypothèse, la résiliation interviendra de plein droit dans les 30 jours suivants la date de réception de la mise en demeure restée sans effet, sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient par ailleurs être alloués par une juridiction éventuellement saisie au profit de la partie victime de la défaillance de l'autre partie » ; qu'elle a rappelé qu'elle avait mis en demeure la société CDI de justifier du respect de ses engagements contractuels d'améliorer les produits sur son site de [Localité 6] avant le recyclage par courrier du 30 septembre 2015 et que la société CDI s'était contentée d'affirmer en réponse, par courrier du 15 octobre 2015, qu'elle avait parfaitement exécuté ses obligations, mais sans toutefois en justifier ; qu'en retenant que la société Triselec n'avait pas valablement mis en oeuvre la clause de résiliation prévue au contrat, motif pris que la société CDI avait répondu dans le délai de 30 jours de la mise en demeure du 30 septembre 2015 que « les produits fibreux dont vous assurez l'approvisionnement au profit de notre société sont bien valorisés au sens de notre contrat et de l'article précité et CDI continuera à respecter cet engagement » et qu'« aucune stipulation du contrat de vente du 27 novembre 2013 ne met à la charge de CDI la communication des tickets de pesée », après avoir pourtant constaté que selon l'article 7 du contrat du 27 novembre 2013, « la résiliation ne peut intervenir de plein droit que dans l'hypothèse où, postérieurement à l'envoi d'une mise en demeure, il ne serait pas remédié au manquement grave visé dans la mise en demeure » (p. 10 av. der. §), ce dont il s'inférait que la société CDI devait en toute hypothèse justifier avoir remédié au manquement grave visé dans la mise en demeure en communiquant des tickets de pesée ou par tout autre moyen, à défaut de quoi la mise en demeure était réputée être demeurée sans effet au sens de l'article 7, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences qui s'inféraient de ses propres constatations, en violation de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable à la cause et devenu l'article 1103 du même code ;
2°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le juge qui décide de relever d'office un moyen est tenu, en toutes circonstances, de respecter le principe de la contradiction en invitant les parties à présenter leurs observations ; qu'en considérant que le préjudice subi par la société CDI s'analysait « en réalité en une perte de chance de voir le contrat conclu avec la société Triselec se poursuivre jusqu'à son terme, c'est à dire jusqu'au 1er janvier 2020, d'être approvisionnée en produit fibreux selon le contrat, tant en terme de quantité qu'en terme de qualité, et de revendre le produit valorisé à l'acheteur final », sans inviter les parties à présenter des observations sur ce moyen relevé d'office relatif à l'existence d'une perte de chance, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE le préjudice soumis à réparation ne peut être apprécié de manière forfaitaire ; qu'en évaluant de façon forfaitaire à la somme de 1.300.000 euros le préjudice invoqué par la société CDI et consistant dans la perte de chance « de voir le contrat conclu avec la société Triselec se poursuivre jusqu'à son terme, c'est à dire jusqu'au 1er janvier 2020, d'être approvisionnée en produit fibreux selon le contrat, tant en terme de quantité qu'en terme de qualité, et de revendre le produit valorisé à l'acheteur final », la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1147 et 1149 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
4°) ALORS, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QU' en se contentant de relever, pour évaluer le gain manqué de la société CDI à la somme de 2.530.600 euros, que M. [N] avait déterminé le prix de vente moyen des matières issues du surtri et indiqué que le chiffre d'affaires dont a été privée la société CDI sur la période allant du 1er septembre 2014 au 31 décembre 2020 s'élève, dans un premier temps à 5,28 M€ et dans un deuxième temps à 5 569,1K€, puis déterminé la marge qui aurait été réalisée par la société CDI si le contrat n'avait pas été résilié (p. 12 §2 arrêt), sans prendre en compte, comme il lui était demandé (p. 45 des concl. Triselec), les analyses déterminantes de M. [Z] qui, dans son rapport du 4 juin 2018 (prod. n° 10), indiquait que le préjudice au titre de la résiliation anticipée du contrat de 2016 à 2020 était totalement surévalué dès lors que le prix de vente moyen retenu par M. [N] était calculé sur la base du tonnage du seul mois de novembre 2015, très faible et non représentatif, était plus élevé que la moyenne de prix sur 2015, avec un coefficient multiplicateur trop élevé, et qu'il n'intégrait pas les coûts de transport et d'exploitation (coût de l'énergie, de maintenance, de carburant, outillage, coûts des câbles nécessaires à la constitution des balles de déchets vendues aux clients), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 et 1149 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016.