CA AMIENS (1re ch. civ.), 6 janvier 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9329
CA AMIENS (1re ch. civ.), 6 janvier 2022 : RG n° 20/04042
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « L'article 1710 du code civil dispose que le louage d'ouvrage est un contrat par lequel 1'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles. L'article 1779 du même code précise que constitue un louage d'ouvrage celui des architectes par suite d'études, devis ou marchés. L'article 11 du code de déontologie des architectes impose la rédaction d'une convention écrite préalable définissant la nature et l'étendue des missions et les modalités de rémunération de l'architecte.
En application de l'ensemble de ses dispositions, il est considéré que le contrat d'architecte se forme par la seule rencontre des volontés sans qu'un écrit ne soit obligatoire et que si le code de déontologie des architectes impose la rédaction d'une convention écrite préalable définissant la nature et l'étendue des missions et les modalités de rémunération de l'architecte, cette exigence ne constitue qu'une simple obligation déontologique.
L'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction au jour de la signature des contrats litigieux impose qu'avant qu'un consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel doit communiquer au consommateur un certain nombre de précisions énumérées par le texte étant précisé qu'il est considéré :
- que les dispositions du code de la consommation protègent également les professionnels qui passent des contrats dont l'objet n'entre pas dans le champ de leur activité principale ;
- que le non-respect de l'obligation d'information précontractuel de l'article L. 111-1 est sanctionné par la nullité du contrat. »
2/ « S'il est constant que les contrats litigieux n'entrent pas dans le champ de l'activité principale de la SCP F20 et que celle-ci peut en conséquence se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation, il convient de constater que la SCP F20 se borne à invoquer dans ses écriture l'article L. 111-1 du code de la consommation dans les développements qu'elle consacre à l'absence de contrat sans se prévaloir d'aucun manquement précis de la société B.M. aux dispositions en question et qu'elle ne tire aucune conséquence juridique du non-respect de ces dispositions dans le dispositif de ses conclusions où elle ne réclame pas la nullité des contrats litigieux.
La référence dans les conclusions de la SCP F20 aux dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation est donc inopérante. »
COUR D’APPEL D’AMIENS
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 6 JANVIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/04042. N° Portalis DBV4-V-B7E-H2MC. Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LAON DU DOUZE JUIN DEUX MILLE VINGT.
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SAS ARCHITECTURE B. M.
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître P. substituant Maître Marie-Pierre A. de la SCP F. ET ASSOCIÉS, avocat au barreau D'AMIENS
ET :
INTIMÉE :
SCI F2O
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [...], [...], Représentée par Maître Carine L. de l'ASSOCIATION AA D.L., avocat au barreau de LAON
DÉBATS : A l'audience publique du 4 novembre 2021, l'affaire est venue devant M. Pascal MAIMONE, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 6 janvier 2022.
La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Président, Président de chambre, Monsieur Pascal BRILLET, Président et M. Pascal MAIMONE, Conseiller, qui en ont délibéré conformément à la Loi.
PRONONCÉ DE L'ARRÊT : Le 6 janvier 2022, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Véronique BERTHIAU-JEZEQUEL, Président de chambre, et Madame Sylvie GOMBAUD-SAINTONGE, greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
DÉCISION :
Courant 2014, Mmes X. et Y. ont sollicité la société B.M., (ci-après la société B.M., pour l'élaboration d'un projet de construction d'un cabinet médical sur une parcelle de terrain cadastrée section Z n° XXX, située sur la [...].
Par courrier électronique en date du 3 décembre 2014, la société B.M. a adressé à Mme Y. une proposition d'honoraires pour la mission se décomposant en une étude de faisabilité en première phase pour un montant de 1.600 € hors taxes, soit 1.920 € toutes taxes comprises, et une mission d'architecte en seconde phase devant faire l'objet d'un contrat ultérieur pour un coût estimé à 10 % du montant des travaux à réaliser.
Cette proposition a été validée par Mme Y. dans un courrier électronique du 10 décembre 2014.
Le 16 décembre 2014, la société B.M. a réalisé l'étude de faisabilité du projet de construction qu'elle a transmise par courrier électronique à Mmes X. et Y.
Après un entretien avec leur banque, celles-ci ont informé leur architecte, le 29 janvier 2015, que leur budget ne pourrait dépasser 350.000 € toutes taxes comprises et qu'elles avaient besoin d'un nouveau plan du projet pour l'obtention de leur financement.
Le 10 février 2015 a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Quentin la société civile immobilière F20, (ci-après société F20), basée à [ville V.] et ayant pour objet l'acquisition, la propriété, la mise en valeur, la transformation, la construction, l'aménagement, la location et la vente de tous biens et droits immobiliers, la gérance de la société étant co-assurée par Mmes X. et Y.
Le 26 mars 2015, la société B.M. a transmis à la société F2O une esquisse retravaillée du plan du projet, validée par courrier électronique du 30 mars 2015 par Mmes X. et Y., ces dernières exprimant également le souhait de voir émis les appels d'offres.
Une proposition d'honoraires conforme à celle transmise le 3 décembre 2014 a été signée par les parties le 29 mai 2015.
Par compromis signé le 14 juin 2015, la ville de Laon s'est engagée à vendre à la société F2O la parcelle de terrain cadastrée section Z n° XX, sise [adresse] moyennant un prix de 62.070,77 euros, la vente étant conditionnée à l'obtention d'un permis de construire et d'un prêt bancaire de 335.000 euros au plus tard le 31 décembre 2015.
Par arrêté du 30 mars 2016, le Maire de Laon a accordé un permis de construire à la société F2O pour la construction d'un local professionnel regroupant plusieurs activités médicales situé [...].
Le 22 avril 2016, la société B.M. a transmis les plans définitifs et le cahier des charges aux entreprises sélectionnées pour l'appel d'offres.
Le 23 juin 2016, à la suite d'une réunion portant sur l'analyse des devis, par courrier recommandé en date du 8 juillet 2016, les gérantes de la société F2O ont fait part à la société B.M. de leur étonnement quant au dépassement de l'enveloppe globale et lui ont demandé de formuler de nouvelles propositions pour respecter le budget.
Le 27 juillet 2016, la société B.M. a fait parvenir par message électronique à Mmes X. et Y. les tableaux récapitulatifs des appels d'offres et des négociations menées avec les artisans, estimant désormais le coût des travaux à 366.000 euros hors taxes sans les honoraires pour une surface hors œuvre à construire de 220 m² avec parking attenant et précisant qu'une réduction substantielle des coûts supposerait une modification en profondeur du projet.
Le 21 septembre 2016, la société B.M. a adressé à la société F2O une note d'honoraires pour règlement d'un montant de 18.422,40 euros calculée sur la base d'un coût prévisionnel des travaux à hauteur de 326.000 euros hors taxes et après déduction de l'acompte versé en phase 1.
Par courrier recommandé en date du 6 janvier 2017, la société B.M. a mis en demeure la société F20 de procéder au règlement de sa note d'honoraires sous 15 jours sous peine de saisine du tribunal d'une demande d'injonction de payer.
Le 10 février 2017, la société B.M. a déposé une requête en injonction de payer auprès du président du tribunal de grande instance de Soissons, sollicitant la condamnation de la société F2O à lui régler la somme de 18.422,40 euros en paiement de la note d'honoraires.
Par ordonnance du 16 février 2017, il a été fait droit à la demande de la société B.M. qui a fait procéder à la signification de la décision par exploit d'huissier délivré le 7 avril 2017.
Suite à l'opposition à l'ordonnance formée par la société F2O le 4 mai 2017, 1'instance s'est éteinte faute pour la société B.M. d'avoir constitué avocat dans le délai imparti.
Par courrier recommandé en date du 5 mars 2018, la société B.M. a adressé à la société F2O une nouvelle mise en demeure tendant au règlement de la somme de 18.422,40 € dans les 15 jours suivant réception.
Par acte d'huissier signifié le 17 mai 2018, la société B.M. a fait assigner la société F2O devant le tribunal de grande instance de Laon pour l'entendre, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamnée à lui payer :
- 18.422,40 euros en principal, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la mise en demeure ;
- 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le retard et la résistance abusive au paiement des honoraires dus ;
- 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 12 juin 2020, le tribunal judiciaire de Laon a :
- Débouté la société B.M. de sa demande en paiement ;
- Prononcé la résolution du contrat d'architecte en date du 29 mai 2015 entre la société par actions simplifiée B.M. et la société civile immobilière F2O portant sur la phase 2 aux torts exclusifs de la société B.M. ;
- Condamné la société B.M. à verser la somme 10.611 euros à la société F2O à titre de dommages et intérêts ;
- Dit que cette somme emportera intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision ;
- Débouté la société F2O de sa demande en résolution du contrat d'architecte en date du 29 mai 2015 portant sur la phase 1 ;
- Débouté la société F2O de sa demande en restitution de la somme de 1.920 euros ;
-Débouté la société B.M. de sa demande en dommages et intérêts ;
- Condamné la société B.M. à verser la somme 1.500 euros à la société F2O en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté la société par actions simplifiée B.M. e sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la société B.M. aux entiers dépens ;
- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 6 août 2020, la société B.M. a interjeté appel de ce jugement.
[*]
Par conclusions transmises par la voie électronique le 14 septembre 2021, la société B.M. demande à la Cour de :
- Infirmer et réformer en intégralité le jugement entrepris et par voie de conséquence :
- Condamner la Société F2O à lui payer la somme de 20.476,20 euros ttc au principal, assortie des intérêts légaux à compter du 6 janvier 2017, date de la mise en demeure ;
- Condamner la Société F2O à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour le retard et la résistance abusive au paiement des honoraires dus ;
- Débouter la Société F2O de tous moyens et conclusions contraires ;
- Condamner la Société F2O à lui payer la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Société F2O aux entiers dépens de première instance et d'appel.
[*]
Par conclusions transmises par la voie électronique le 15 septembre 2021, la SCP F2O demande à la Cour de :
- Juger la société B.M. mal fondée en son appel.
En conséquence,
- La débouter purement et simplement de l'ensemble de ses demandes.
- Confirmer le jugement entrepris lequel a :
* Débouté la société B.M. de sa demande en paiement.
* Prononcé la résolution du contrat d'architecte en date du 29 mai 2015 portant sur la phase 2 aux torts exclusifs de la société B.M..
* Condamné la société B.M. à lui verser la somme de 10.611 euros à titre de dommages et intérêts.
* Dit que cette somme emportera intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision.
* Débouté la société B.M. de sa demande en dommages et intérêts.
* Condamné la société B.M. à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
* Débouté la société B.M. de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
* Condamné la société B.M. aux entiers dépens.
-Infirmer le jugement rendu en date du 12 Juin 2020 en ce qu'il a :
* Débouté la SCP F2O de sa demande en résolution du contrat d'architecte en date du 29 mai 2015 portant sur la phase 1.
* Débouté la SCP F2O de sa demande en restitution de la somme de 1.920 euros .
Statuant de nouveau,
- Débouter la société B.M. de l'ensemble de ses demandes,
- Prononcer la résolution du contrat la liant à la société B.M. aux torts de cette dernière concernant la phase 1.
- Condamner la société B.M. à lui payer la somme de 1.920 euros en restitution de la somme versée dans ce cadre.
- Condamner la société B.M. à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société B.M. en tous les dépens, laquelle somme sera directement recouvrée par Maître Carine L. avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
[*]
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.
Par ordonnance du 15 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture et renvoyé l'affaire pour plaidoiries à l'audience du 4 novembre 2021.
L'action en justice opposant les parties reposant sur des contrats souscrits avant le 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, celle-ci n'est pas applicable au présent litige ; il sera donc fait référence aux articles du code civil selon leur numérotation antérieure à cette entrée en vigueur.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
CECI EXPOSÉ, LA COUR,
Sur les contrats liant les parties :
L'article 1710 du code civil dispose que le louage d'ouvrage est un contrat par lequel 1'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.
L'article 1779 du même code précise que constitue un louage d'ouvrage celui des architectes par suite d'études, devis ou marchés.
L'article 11 du code de déontologie des architectes impose la rédaction d'une convention écrite préalable définissant la nature et l'étendue des missions et les modalités de rémunération de l'architecte.
En application de l'ensemble de ses dispositions, il est considéré que le contrat d'architecte se forme par la seule rencontre des volontés sans qu'un écrit ne soit obligatoire et que si le code de déontologie des architectes impose la rédaction d'une convention écrite préalable définissant la nature et l'étendue des missions et les modalités de rémunération de l'architecte, cette exigence ne constitue qu'une simple obligation déontologique.
L'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa rédaction au jour de la signature des contrats litigieux impose qu'avant qu'un consommateur ne soit lié par un contrat à titre onéreux, le professionnel doit communiquer au consommateur un certain nombre de précisions énumérées par le texte étant précisé qu'il est considéré :
- que les dispositions du code de la consommation protègent également les professionnels qui passent des contrats dont l'objet n'entre pas dans le champ de leur activité principale ;
- que le non-respect de l'obligation d'information précontractuel de l'article L. 111-1 est sanctionné par la nullité du contrat.
En l'espèce, il ressort des éléments de la cause :
- que selon un document en date du 3 décembre 2014 la société B.M. a été consultée par la société F2O pour « un projet de construction d'un cabinet médical situé [...] dans l'Aisne » et qu'elle a proposé à cet effet une « étude de faisabilité en phase 1 et une « míssíon d 'architecte dite de base » en phase 2 ;
- que ce document a été validé par les parties dans son contenu le 10 décembre 2014 et signé le 29 mai 2015 par la société B.M. en qualité d'architecte et par la société F20 en qualité de maître de l'ouvrage ;
- que le déroulement de la phase 1 portant sur l'étude de faisabilité a été détaillé de la façon suivante dans ce document :
« 1 - Analyses du site, du contexte réglementaire et du programme
2 - Etude d 'un aménagement global du terrain à partir d 'un extrait du plan cadastral (plan de masse à 2 mm/m)
3 - Proposition d 'un schéma fonctionnel selon les éléments de programme transmis par vous mêmes
4 - Etablissement d 'un budget prévisionnel » ;
- que la société B.M. justifie que cette étude de faisabilité comprenant l'ensemble des prestations devant être effectuées dans la phase 1 a été finalisée par un document transmis le 16 décembre 2014 à la SCP F2O qui en a accusé réception le lendemain ;
- que par ailleurs le document établi le 3 décembre 2014 précise : en cas de poursuite du projet, une « mission d 'architecte dite de base » en phase 2 fera l'objet d'un « contrat détaillé » par la société B.M.,
- qu'il est constant qu'aucun contrat détaillé n'a été signé entre les parties pour préciser le déroulement de la phase 2 qui selon le document du 3 décembre 2014 devait être le suivant :
« 1 - Avant-projet : dossier de demande de permis de construire
2 - Projet détaillé, descriptif des travaux, cahier des charges
3 - Consultation d'entreprises (par lots séparés)
4 - Analyse des offres d'entreprise, assistance à la passation des marchés
5 - Direction générale des travaux, contrôle des situations
6 - Assistance à réception des travaux
7 - Etablissement du dossier des ouvrages exécutés » ;
- que cependant, il résulte des échanges des parties que par courrier électronique que la société B.M. a produit un avant-projet définitif avec « esquisse recalée et document de présentation » le 26 mars 2015, validé le 30 mars 2015 par la SCP F20, et qu'un permis de construire a été obtenu pour le projet le 30 mars 2016 ;
- que la société B.M. a également fourni à la SCP F20 un « dossier de plans » et un « cahier des charges DCE hors lots techniques » le 22 avril 2016 et qu'elle justifie avoir procédé à la consultation de plusieurs entreprises à compter de cette même date ;
- qu'enfin, la société B.M. a synthétise le résultat des appels d'offres menés dans un document récapitulatif intitulé « appel d'offres juin 2016 », précisant les négociations menées pour les différents lots de travaux, qu'elle a fait parvenir à la SCIF20 par courrier électronique du 27 juillet 2016.
Il résulte de ces éléments que la société B.M. a non seulement réalisé la mission prévue par la phase 1 mais aussi une mission d'architecte tel que prévue par la phase 2 jusqu'au stade de l'analyse des offres des entreprises consultées, à partir de la proposition de mission signée le 29 mai 2015 ;
nonobstant l'absence d'établissement d'un contrat détaillé concernant la phase 2, le premier juge dont la décision sera confirmée sur ce point, a justement déduit des éléments de la cause que la société B.M. apporte la preuve du lien contractuel l'unissant à la SCP F20, l'acte signé le 29 mai 2015 entre les deux parties devant s'analyser comme comprenant deux contrats distincts pour chacune des phases.
Sur l'application de l'article L111-1 du code de la consommation :
S'il est constant que les contrats litigieux n'entrent pas dans le champ de l'activité principale de la SCP F20 et que celle-ci peut en conséquence se prévaloir des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation, il convient de constater que la SCP F20 se borne à invoquer dans ses écriture l'article L. 111-1 du code de la consommation dans les développements qu'elle consacre à l'absence de contrat sans se prévaloir d'aucun manquement précis de la société B.M. aux dispositions en question et qu'elle ne tire aucune conséquence juridique du non-respect de ces dispositions dans le dispositif de ses conclusions où elle ne réclame pas la nullité des contrats litigieux.
La référence dans les conclusions de la SCP F20 aux dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation est donc inopérante.
Sur les manquements contractuels imputables à la société B.M. :
Aux termes de l'article 1147 du code civil, le débiteur d'une obligation contractuelle est condamné, s'il y a lieu au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
En application de ces dispositions, il est considéré que l'architecte
- doit, dans le cadre de son devoir d'information et de conseil, tenir compte des souhaits de ses clients mais aussi de leurs possibilités financières, élément essentiel du projet ; en particulier, il doit les renseigner sur les conditions de faisabilité de leur projet et sur son adéquation ou inadéquation au budget prévisionnel ;
- n'est pas tenu de se renseigner sur les capacités financières du maître de l'ouvrage mais en application de l'article 36 du code de déontologie des architectes doit lorsqu'il a la conviction que les disponibilités dont dispose son client sont manifestement insuffisantes pour les travaux projetés, l'en informer.
En l'espèce, il ressort des éléments de la cause que :
- s'agissant du contrat portant sur la première phase désignée sous le vocable « étude de faisabilité » dans la proposition acceptée par la SCP F20, il est constant que la société B.M. a livré une étude de faisabilité conforme aux stipulations conventionnelles, sa cocontractante ne lui imputant au demeurant aucune faute dans l'exécution de ses obligations ;
- s'agissant du contrat portant sur la seconde phase, désignée comme «mission d'architecte» dans la proposition de la société B.M. , il ressort des courriels échangés par les parties les 29 et 30 janvier 2015 que la SCP F20, avant même la formalisation de son acceptation du contrat d'architecte, a explicitement mentionné le montant de 350.000 euros comme le budget global de son projet, incluant les dépenses de construction du bâtiment, de VRD, d'aménagements paysagers, d'honoraires, d'assurances et de taxes raccordements, taxe d'aménagement, permis de construire, ce montant s'entendant toutes taxes comprises ;
- contrairement à ce qu'affirme la SCP F20, le prix du terrain de 62.070,77 euros, n'était manifestement pas inclus dans le montant de 350 000 euros alors que les parties ont pris soin de préciser le montant des prestations incluses dans les 350.000 € ce montant ;
- ce plafond budgétaire a été présenté à la société B.M. par le maître d'ouvrage, dès le 29 janvier 2015, comme la limite absolue et indépassable des dépenses pouvant être engagées pour la réalisation de son projet, son courriel étant dépourvu de tout caractère équivoque ;
- la société B.M. a poursuivi ses travaux d'élaboration de plans et esquisses en ayant parfaitement connaissance du plafond budgétaire qui lui été imposé ;
- ainsi qu'elle le reconnaît elle-même dans ses écritures, elle s'est d'ailleurs efforcée de faire rentrer le projet dans le plafond qui lui été imparti en négociant des réductions drastiques auprès des entreprises sollicitées et en réduisant ses honoraires ;
- suite à sa demande de révision du plan figurant dans l'étude de faisabilité destinée à réduire le coût des travaux, la société F2O a validé le 30 mars 2015 un plan de bâtiment comprenant « une surface utile de 180 m², indiquant qu'il « correspondait tout à fait à ses attentes » et souhaitant « le lancement des appels d'offres » ;
- il s'en déduit que les parties se sont entendues sur un coût de construction du bâtiment établi à 270.000 euros hors taxes, soit 324.000 euros toutes taxes comprises, ce montant ne comprenant pas le coût des VRD, aménagements paysagers, honoraires divers, assurances et taxes, raccordements, permis de construire ;
La société B.M. ne démontre pas avoir expressément informé sa cliente, ni préalablement au lancement de la seconde phase ni préalablement au lancement de la seconde phase ni au cours de celle-ci, de l'inadéquation entre le projet et l'enveloppe financière dont disposait sa cocontractante.
Par courriel du 27 juillet 2016, la société B.M. a informé la SCP F2O que le coût du projet, après consultation des entreprises menée en juin 2016, s'établissait à 406.000 € hors taxes, honoraires compris en précisant que « ce coût ne peut être aujourd'hui ramené à la baisse sans une modification profonde et complète du projet avec réduction des surfaces, changement des principes du projet... » ;
Ce faisant la société B.M. a failli à sa mission qui était d'élaborer un projet entrant dans le budget de la SCP F2O et non un projet à repenser entièrement pour pouvoir rentrer dans son budget alors qu'il lui appartenait avant le lancement de la phase 2 d'informer la SCP F2O de l'inadéquation entre le projet et l'enveloppe financière et non d'établir un projet inadéquat à repenser entièrement ultérieurement pour rentrer dans l'enveloppe budgétaire imposée.
En s'abstenant d'alerter la SCP F20 sur l'insuffisance manifeste du budget pour la réalisation des travaux projetés, puis en omettant de formuler des propositions de nature à faire correspondre le projet aux capacités financières de la société F20 et en élaborant un projet inadéquat, la société B.M. a manifestement commis un manquement engageant sa responsabilité contractuelle commis comme l'a retenu le premier juge dont la décision sera confirmée sur ce point.
Sur la demande de résolution des contrats :
En application de l'article 1184 du code civil, la résolution d'un contrat synallagmatique peut être prononcée en cas d'inexécution de ses obligations par une partie étant précisé :
- qu'il appartient au juge d'apprécier si le ou les manquements sont suffisamment graves pour justifier une résolution ou une résiliation du contrat ;
- que lorsque les prestations accomplies n'ont pas trouvé leur utilité au fur et à mesure du contrat, il y a lieu a anéantissement rétroactif de l'ensemble du contrat, c'est à dire à résolution du contrat ;
- que si les prestations accomplies ont eu une utilité, il n'y a lieu à restitution que pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie, dans ce cas il y a résiliation du contrat.
En l'espèce, sur la phase 2 :
Il a été établi précédemment que la société B.M. a failli à sa mission constituant la phase 2. Dans son message électronique du 27 juillet 2016, elle précisait que l'élaboration du projet adéquate supposait « une modification profonde et complète du projet avec réduction des surfaces ». Les prestations qu'elle a réalisées en phase 2 sont donc sans utilité.
Il n'y a donc pas lieu à résiliation du contrat de phase 2 mais bien à résolution du contrat comme l'a justement retenu le premier juge dont le jugement sera confirmé tant en ce qu'il prononce la résolution du contrat de phase 2 qu'en ce qu'il a débouté la société B.M. de sa demande en paiement de la somme de 20476,20 €correspondant aux prestations de phase 2.
Sur la phase 1 :
Ainsi qu'il a été vu précédemment l'étude de faisabilité de phase a été menée à son terme et n'avait pas forcément vocation à être suivie d'un projet de construction ;
Il ne peut donc être soutenu que le contrat de phase 1 devrait être résolu au motif que le projet de faisabilité n'a pas été respecté, n'a pas été suivie d'effet et n'a plus aucune utilité ;
Si le projet de construction n'a pas abouti ce n'est pas parce que le contrat de faisabilité n'a pas été respecté mais parce que la société B.M. a été défaillante dans l'élaboration d'un projet de construction prévu en phase 2 adéquate au projet de faisabilité ;
L'inutilité du projet de faisabilité est donc la conséquence du non-respect du contrat d'architecture de la phase 2 et ne pourrait constituer que l'un des préjudices subis par la SCP F2O du fait de la résolution du contrat de la phase 2 : elle n'est pas de nature à justifier la résolution de ce contrat qui a été parfaitement exécuté.
Cependant la SCP F2O ne demande la restitution de la somme de 1.920 € qu'elle a versée qu'au titre de la résolution du contrat de la phase 1 et non au titre des préjudices qu'elle a subis du fait de la résolution du contrat de la phase 2.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté la SCP F2O de sa demande de résolution du contrat de phase1 et en ce qu'il l'a en conséquence déboutée de sa demande de restitution de la somme de 1920 euros versé au titre du contrat constituant la phase 1.
Sur la demande de dommages et intérêts de la SCP F2O :
Le premier juge, dont la décision sera confirmée sur ce point a par des motifs pertinents que la Cour entend adopter, justement fixé le montant du préjudice subi par la SCP F2O à la somme de 10.611 euros.
Sur la demande dommages et intérêts pour résistance abusive de la société B.M. :
La SCP F2O prospérant en l'essentiel de ses demandes et notamment partiellement en sa demande de résolution, sa résistance ne saurait être qualifiée d'abusive.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société B.M. de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Sur les dépens et les frais irrépétibles :
La société B.M. succombant, il convient :
- de la condamner aux dépens d'appel ;
- de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel ;
- de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance ;
- de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.
L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la SCP F2O, il convient de lui allouer de ce chef la somme de 2000 euros pour la procédure d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il lui a accordé à ce titre la somme de 1500 euros pour la procédure de première instance.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Confirme le jugement rendu entre les parties le 12 juin 2020 par le tribunal judiciaire de Laon en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
Condamne la SAS BM à payer à la SCP F2O la somme de 2.000 euros par application en appel des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs plus amples demandes.
Condamne la SAS B.M. aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Carine L., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT