CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 5 janvier 2022
CERCLAB - DOCUMENT N° 9334
CA PARIS (pôle 5 ch. 4), 5 janvier 2022 : RG n° 20/06819
Publication : Jurica
Extrait : « - que contrairement à ce qui est allégué par la société A. conseil ingénierie, la clause de conciliation préalable a été stipulée dans l'intérêt des deux parties et elle est parfaitement licite par application des articles 1172 et 1174 anciens du code civil, s'agissant d'un contrat conclu avant le 1er octobre 2016,
- qu'en tout état de cause, pour les contrats conclus à partir du 1er octobre 2016, l'article 1171 nouveau du code civil qui permet d'écarter une clause créant un déséquilibre significatif des parties ne vise que les contrats d'adhésion, à savoir ceux comportant un ensemble de clauses non négociables déterminées à l'avance par l'une des parties, ce qui n'est pas le cas la société A. conseil ingénierie ayant négocié le contrat.
Mais la société A. conseil ingénierie réplique à juste raison :
- que la société Léon G. a résilié le contrat en invoquant la défaillance du prestataire,
- qu'il ressort clairement de la lettre même de la clause de conciliation que celle-ci n'est pas applicable en cas de défaillance du prestataire régie par l'article 34 des conditions générales,
- que l'article 34 intitulé « défaillance » stipule que lorsque le prestataire manque à une de ses obligations, l'entreprise le met en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception qui précise les manquements aux obligations contractuelles et le délai dans lequel il doit y être remédié, soit 15 jours sauf urgence nécessitant un délai plus court.
Il en résulte que la défaillance du prestataire, qui a fait l'objet de stipulations contractuelles particulières, a été exclue du champ d'application de la clause de conciliation préalable et obligatoire. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 4
ARRÊT DU 5 JANVIER 2022
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 20/06819 (9 pages). N° Portalis 35L7-V-B7E-CBZVB. Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 mai 2019 - Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018030990.
APPELANTE :
SA ENTREPRISE GENERALE LEON G.
prise en la personne de ses représentants légaux, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de CHAMBERY sous le numéro XXX ayant son siège social sis [...], [...], [...], Représentée par Maître Laurent M., avocat de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 427, assistée par Maître Raphaëlle B.-G. de la SCM N5 AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque A0359 substitué par Maître B. Bertrand de la , avocat au barreau de Paris, toque E210
INTIMÉE :
SASU A. CONSEIL INGENIERIE
prise en la personne de ses représentants légaux, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de LYON sous le numéro YYY ayant son siège social sis [...], [...], Représentée par Maître Jean-Michel G., avocat postulant, avocat au barreau de PARIS, toque : P544, assistée par sociétés Julien M. de la SELARL M. R. ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque L205
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 novembre 2021, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sophie DEPELLEY, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, Mme Sophie DEPELLEY, Conseillère, Mme Camille LIGNIERES, Conseillère.
Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL
ARRÊT : - Contradictoire, - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, - signé par Mme Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre et par Mme Meggy RIBEIRO, Greffière placée à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Vu l'assignation délivrée le 4 juin 2018 par la société A. conseil ingénierie à l'encontre de la société Entreprise générale Léon G. devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir sa condamnation à lui payer des dommages-intérêts pour rupture du contrat conclu le 29 septembre 2016 ;
Vu le jugement du 13 mai 2019 par lequel le tribunal a :
- débouté la société Entreprise Générale Léon G. de sa demande tendant à voir déclarer irrecevable la demande de la société A. conseil ingénierie pour non-respect de l'article 36 du contrat instituant une clause de conciliation préalable à toute action judiciaire,
- condamné la société Entreprise générale Léon G. aux dépens ;
Vu le jugement assorti de l'exécution provisoire rendu le 27 avril 2020 par lequel le tribunal a :
- débouté la société A. conseil ingénierie de toutes ses demandes fondées à titre principal sur l'article L. 442-6 du code de commerce,
- condamné la société Entreprise Générale Léon G. à payer à la société A. conseil ingenierie :
* la somme de 43.946,05 €, au titre de la résiliation fautive du contrat de prestations,
* la somme de 4.000 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la société Entreprise générale Léon G. de toutes ses demandes,
- condamné la société Entreprise générale Léon G. aux dépens ;
Vu l'appel relevé par la société Entreprise générale Léon G. contre ces deux jugements ;
[*]
Vu les dernières conclusions notifiées le 4 octobre 2021 par la société Entreprise générale Léon G. qui demande à la cour, au visa des articles 122 et suivants du code de procédure civile ainsi que des articles 1134, 1139 et 1147 anciens du code civil, d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau :
1) in limine litis, de :
- dire irrecevable la demande de la société A. conseil ingénierie pour non-respect de la clause contractuelle de conciliation préalable,
- débouter la société A. conseil ingénierie de l'ensemble de ses demandes,
2) subsidiairement, si l'action de la société A. conseil ingénierie n'était pas déclarée irrecevable par la cour :
- dire que la clause de résiliation contenue dans le contrat du 29 septembre 2016 est licite,
- dire la résiliation du contrat de prestation de services intervenue le 30 janvier 2017 bien fondée compte tenu des manquements commis par la société A. conseil ingénierie,
- débouter la société A. conseil ingénierie de l'ensemble de ses demandes,
3) à titre encore plus subsidiaire :
- constater qu'elle-même a respecté de fait un préavis de 2 mois,
- dire que la société A. conseil ingénierie ne chiffre aucun préjudice indemnisable selon les usages en la matière et n'en justifie pas quel que soit le fondement de sa demande,
- en conséquence, la débouter de l'ensemble de ses demandes,
4) en tout état de cause :
- condamner la société A. conseil ingénierie à lui payer la somme de 20.000 €, à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 27 septembre 2019, date de sa première demande par voie de conclusions,
- au besoin ordonner la compensation entre les condamnations mises à sa charge et celles prononcées à l'encontre de la société A. conseil ingénierie,
- condamner la société A. conseil ingénierie à lui payer la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
[*]
Vu les dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2021 par la société A. conseil ingénierie qui demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et 1149 du code civil, dans leur version applicable au litige, de :
- débouter la société Léon G. de l'ensemble de ses conclusions, fins et prétentions,
- par voie de conséquence, confirmer les deux jugements en toutes leurs dispositions,
- en tout état de cause, condamner la société Léon G. aux dépens et à lui payer la somme de 10.000 € au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE,
LA COUR :
A la suite de l'accident de Fukushima, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et Electricité de France (EDF) ont imposé des mesures d'accroissement de la sûreté, dont la création de Diesel d'ultimes secours (DUS) afin de permettre un refroidissement du cœur du réacteur en cas d'agression extrême.
EDF, maître d'ouvrage, a confié à la société Entreprise générale Léon G. (ci-après « la société Léon G. »), la réalisation de 20 DUS, dont 4 sur l'unité de Cattenom suivant contrat dit Tête de service (TTS) et 16 sur d'autres unités suivant contrat dit de Généralisation.
Le 26 septembre 2016, la société Léon G. a signé avec la société A. conseil ingénierie un 'contrat de prestation de services hors champ d'application de la sous-traitance ; l'article 36 des conditions générales de cette convention stipule :
« Sauf défaillance du prestataire, régie par l'article 34 ci-dessus, les parties s'obligent, avant toute action judiciaire, à régler par voie amiable tous différents nés de l'interprétation ou de l'exécution du contrat.
Le défaut de règlement amiable sera réputé constaté dès lors qu'aucun accord écrit n'aura été conclu entre les parties dans le mois qui suit la notification, par lettre recommandée avec accusé de réception et à l'initiative de la partie la plus diligente, du ou des griefs en cause. »
Les conditions particulières de cette convention mentionnent :
- au titre de la mission, que la nature de la prestation est l'assistance à la gestion contractuelle,
- que le prix de la prestation, ferme et forfaitaire, est de 243.000 € TTC, payable par acomptes mensuels,
- que le délai contractuel est de 12 mois commençant à courir à compter du 1er juillet 2016,
Il est précisé à l'annexe 3 :
- que la société Léon G. a mis en place une cellule de gestion contractuelle dans l'objectif de réaliser le pilotage des deux contrats conclus avec EDF, sa mission consistant à :
* définir, puis déployer la stratégie de la relation client,
* exploiter les faits qui se sont déjà produits et qui se produiront de manière à obtenir la rémunération complémentaire la plus élevée possible,
* produire les éléments de réponse aux demandes du client mettant en cause l'entreprise,
* préparer en ce qui concerne le volet contractuel les réunions dites mensuelles avec la direction du projet EDF et y prendre part,
- que la cellule est constituée d'un contract manager et d'un ou plusieurs ingénieurs études de prix,
- que le contract manager dirige la cellule et qu'il est responsable de la production des mémoires, devis et autres documents nécessaires à la réalisation de l'objectif,
- que l'ingénieur études de prix est responsable du chiffrage des prestations pour lesquelles l'entreprise demande une rémunération complémentaire,
- que dans la réalisation de la mission, la cellule est en contact permanent avec les équipes de production pour, notamment, être au courant de l'avancement des travaux et de difficultés rencontrées, obtenir d'elles les éléments d'information et documents nécessaires à l'élaboration de ses propres documents et rapports,
- que la fonction de contract manager est confiée à ACingénierie qui sera représentée exclusivement par Mme Françoise A.,
- qu'en complément des fonctions déjà décrites, il est attendu de ACingénierie :
* une parfaite connaissance des contrats ainsi que de l'historique des chantiers passés et à venir,
* une capacité d'analyse des faits afin d'en déduire non seulement l'impact temporel et financier, mais également d'identifier la cause probable des dysfonctionnements et proposer des mesures correctives.
Par lettre recommandée du 28 novembre 2016, avec avis de réception, la société Léon G. a écrit à la société A. conseil ingénierie :
« Lors de la réunion du 8 novembre dernier vous nous avez présenté l'avancement de vos travaux et nous avons arrêté les dates suivantes :
- 9 décembre 2016 : rendu du mémoire pour CAT 3,
- 20 janvier 2017 : rendu d'un premier projet de mémoire pour la généralisation.
Comme je vous l'ai rappelé le 16 novembre dernier et à nouveau ce matin, au regard des éléments en notre possession à cette heure nous sommes inquiets sur la qualité des documents finaux restant à produire.
D'autre part, le travail de préparation des dossiers réclamatoires « du passé » doit s'accompagner d'une action très concrète et au quotidien consistant à consolider les nouveaux faits générateurs d'un préjudice ou d'une modification contractuelle dans les dossiers organiques présentés au fil de l'eau.
Je tiens à vous rappeler le niveau de performance que nous sommes en droit d'attendre et que vous devez être en mesure de satisfaire.
En vous renouvelant notre confiance, nous attendons avec impatience la date du 9 décembre pour constater que ces craintes ne sont pas fondées. »
Puis, par lettre recommandée du 30 janvier 2017, avec avis de réception, la société Léon G. a écrit à la société A. conseil ingénierie :
« Au cours de la réunion du 9 décembre 2016 organisée avec notre direction générale pour analyser les livrables sur le marché TTS, nous vous avons indiqué considérer le document remis en séance comme totalement insatisfaisant.
Vous avez repris ce document dans la nouvelle version envoyée par messagerie interne le 27 décembre 2016.
Malgrè une amélioration certaine, la valeur ajoutée n'est pas celle attendue et le document n'est pas directement exploitable en l'état.
Quant aux mémoires de la généralisation, ils ne sont point démarrés.
Lors des entretiens des 13 et 18 janvier je vous ai indiqué que nous avions pris les dispositions nécessaires à pallier ces carences et vous ai invité à nous faire une proposition pour revoir le périmètre de votre mission pour la restreindre à la finalisation du mémoire de la tranche 3 de la TTS.
Votre réponse orale n'a été que dilatoire et est en cela inacceptable.
Je vous signifie donc par la présente notre intention de résilier de façon anticipée votre contrat en raison du constat d'insuffisance de la prestation rendue.
La prise d'effet sera à la réception de la présente. Seuls vos honoraires de janvier seront réglés. »
Le 5 avril 2017, la société A. conseil ingénierie a mis en demeure la société Léon G. de lui payer la somme de 24.023,60 € au titre de ses factures non réglées au 31 janvier 2017. Elle a indiqué que la résiliation du contrat était intervenue irrégulièrement en la forme pour défaut de mise en demeure et sur le fond pour défaut de caractérisation d'une faute, se réservant le droit de demander des dommages-intérêts.
C'est dans ces circonstances que le tribunal de commerce de Paris, saisi par la société A. conseil ingénierie a statué par les deux jugements déférés :
- le premier qui a écarté l'application de la clause de conciliation préalable et déclaré recevable la demande de la société A. conseil ingénierie,
- le second qui a condamné la société Léon G. à payer à la société A. conseil ingénierie la somme de 43.946,05 € au titre de la résiliation fautive du contrat.
Sur la recevabilité des demandes de la société A. conseil ingénierie :
La société Léon G. conteste la recevabilité des demandes de la société A. conseil ingénierie en faisant valoir :
- que constitue une fin de non-recevoir le moyen tiré du défaut de mise en œuvre de la clause instituant une procédure de conciliation obligatoire préalable,
- qu'en l'espèce la société A. conseil ingénierie n'a pas respecté la clause prévue à l'article 36 des conditions générales du contrat,
- que l'esprit du contrat était d'écarter le recours préalable à la conciliation en cas de défaillance du prestataire afin d'éviter de paralyser le client et qu'il puisse sans délai avoir recours à un nouveau prestataire,
- qu'en revanche la clause recouvre tout son sens soit en cours d'exécution, soit après la fin du contrat,
- que c'est la société A. conseil ingénierie qui agit en réparation de ce qu'elle estime être une rupture abusive du contrat, que son action a trait à l'exécution du contrat, ce qui entraîne pour la cour un examen nécessaire des clauses contractuelles et de leur respect par cette société en cours d'exécution du contrat,
- que contrairement à ce qui est allégué par la société A. conseil ingénierie, la clause de conciliation préalable a été stipulée dans l'intérêt des deux parties et elle est parfaitement licite par application des articles 1172 et 1174 anciens du code civil, s'agissant d'un contrat conclu avant le 1er octobre 2016,
- qu'en tout état de cause, pour les contrats conclus à partir du 1er octobre 2016, l'article 1171 nouveau du code civil qui permet d'écarter une clause créant un déséquilibre significatif des parties ne vise que les contrats d'adhésion, à savoir ceux comportant un ensemble de clauses non négociables déterminées à l'avance par l'une des parties, ce qui n'est pas le cas la société A. conseil ingénierie ayant négocié le contrat.
Mais la société A. conseil ingénierie réplique à juste raison :
- que la société Léon G. a résilié le contrat en invoquant la défaillance du prestataire,
- qu'il ressort clairement de la lettre même de la clause de conciliation que celle-ci n'est pas applicable en cas de défaillance du prestataire régie par l'article 34 des conditions générales,
- que l'article 34 intitulé « défaillance » stipule que lorsque le prestataire manque à une de ses obligations, l'entreprise le met en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception qui précise les manquements aux obligations contractuelles et le délai dans lequel il doit y être remédié, soit 15 jours sauf urgence nécessitant un délai plus court.
Il en résulte que la défaillance du prestataire, qui a fait l'objet de stipulations contractuelles particulières, a été exclue du champ d'application de la clause de conciliation préalable et obligatoire.
En conséquence, le jugement du 13 mai 2019 doit être confirmé.
Sur la résiliation du contrat :
La société Léon G. invoque l'article 35-1 des conditions générales du contrat qui stipule que lorsqu'une mise en demeure est restée sans effet dans le délai imparti, l'entreprise peut résilier le contrat.
Elle rappelle en droit :
- qu'il doit ressortir des termes de la mise en demeure une interpellation suffisante, la chose attendue devant être clairement identifiée,
- que la mise en demeure fait peser sur le destinataire la menace de mise en œuvre des voies de droit en cas d'inexécution,
- que c'est seulement s'il est prévu par la loi qu'un délai doit être imparti au destinataire pour s'exécuter,
- que sauf disposition légale ou conventionnelle contraire, un créancier n'est pas tenu en principe de faire mention de la clause résolutoire dans la mise en demeure qu'il délivre au débiteur, conformément à la jurisprudence relative aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016.
Elle prétend que sa lettre du 28 novembre 2016, par laquelle elle demande à la société A. conseil ingénierie de se conformer au niveau de prestations attendu en terme de qualité et de quantité, constitue une mise en demeure suffisante, ni le délai dans lequel le prestataire devait s'exécuter, ni le visa de la clause résolutoire n'étant obligatoire. Elle ajoute en tout état de cause que le prestataire a bénéficié d'un délai de 2 mois avant la résiliation du contrat.
Mais la société A. conseil ingénierie oppose justement que dans sa lettre du 28 novembre 2016, la société Léon G. se borne à faire part de ses inquiétudes sur la qualité des documents à produire et ne précise pas le niveau de quantité et/ou de qualité attendu; cette lettre ne contient aucun grief précis ni aucune menace de sanction; au contraire la société Léon G. y renouvelle sa confiance à son prestataire, déclarant attendre la date du 9 décembre 2016 pour constater que ses craintes n'étaient pas fondées.
La société Léon G. a ainsi résilié le contrat sans la mise en demeure préalable prévue à l'article 34 du contrat.
Pour étayer ses prétentions, la société A. conseil ingénierie prétend d'abord qu'il incombait à la société Léon G. de caractériser ses motifs d'insatisfaction dans sa lettre de résiliation et qu'elle ne peut à loisir invoquer de nouveaux motifs 4 ans après les faits. Elle conteste avoir commis la moindre faute et encore moins une faute grave dans l'exécution de ses obligations.
S'agissant du pilotage quotidien des marchés, elle allègue que :
- l'assistance de M. P., ingénieur études de prix, dans sa mission était prévue au contrat,
- l'attestation rédigée par celui-ci ne permet pas d'établir « un manque total de travail de sa part »,
- l'un des rôles essentiels du contract manager est de participer à l'élaboration d'un mémoire en réclamation pour travaux supplémentaires ou afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices subis en raison de difficultés ayant émaillé l'exécution des travaux et que, des questions d'ordre purement juridique se posant, elle a proposé à la société Léon G. de solliciter son service juridique pour procéder à l'analyse des deux marchés, ce qui a été accepté,
- la société Léon G. se constitue des preuves à elle-même en produisant les attestations de M. P. et de M. D.
S'agissant des mémoires en réclamation, la société A. conseil ingénierie fait valoir :
- que le contrat de prestation de services ne fixait aucun calendrier d'exécution, ni aucune précision quant à son contenu,
- que les griefs formulés sur le contenu du mémoire sont particulièrement vagues,
- que le périmètre d'intervention de la société qui lui a succédé est différent et qu'on ignore tout de ses conditions réelles d'intervention.
Plus généralement la société A. conseil ingénierie soutient que les arguments invoqués par la société Léon G. n'ont d'autre objet que de masquer ses propres défaillances dans la gestion du dossier.
Elle expose en premier lieu qu'il appartenait à la société Léon G. de lui fournir une base de données exploitable pour qu'elle puisse effectuer sa mission dans des conditions normales, le rôle du contract manager n'étant pas de procéder au classement de milliers de documents reçus par son donneur d'ordre dans le cadre de ses marchés, et souligne que :
- dès le mois de septembre 2016, soit par lettre du 19 septembre 2016, elle insistait sur les difficultés rencontrées dans l'exécution du contrat, notamment en raison de l'absence de traçabilité des documents et des événements, de l'absence de certains documents introuvables sur le serveur informatique, du manque de mobilisation des équipes de Léon G.,
- en vertu de l'annexe au contrat, la société Léon G. était tenue de fournir tous les documents et éléments nécessaires pour mener à bien sa mission,
- elle a rencontré les plus grandes difficultés pour les obtenir, ses démarches en ce sens n'étant pas toujours fructueuses, comme le démontre sa lettre du 21 septembre 2016,
- la société Léon G. s'est montrée défaillante dans le classement et l'archivage des documents sur les serveurs informatiques dédiées et cette circonstance a engendré pour elle des difficultés considérables compte tenu du volume des informations stockées,
- elle n'a eu de cesse d'attirer l'attention de la société Léon G. sur les difficultés liées à l'absence de tout classement des données, par lettre du 19 septembre 2016, puis par courriel du 27 novembre 2016 et encore les 12 décembre 2016 et 15 janvier 2017.
La société A. conseil ingénierie expose :
- en deuxième lieu, que la société Léon G. s'est avérée défaillante dans la gestion du calendrier et des réunions fixées avec elle,
- en troisième lieu, que la société Léon G. n'a pas honoré ses engagements, ne lui livrant l'ordinateur promis qu'en août 2016 sans les accès aux serveurs permettant de consulter les documents électroniques qui y étaient stockés, ne lui fournissant un téléphone portable que le 12 décembre 2016 et refusant de mettre à sa disposition un studio la contraignant ainsi à effectuer de nombreux trajets en train ou en voiture,
- en dernier lieu, que par lettre du 19 septembre 2016 adressée à la société Léon G., elle mettait en exergue une situation de crise, proposait des pistes de réflexion pour remédier aux dysfonctionnements dans l'organisation de l'entreprise et attirait son attention sur le fait qu'à défaut de les mettre en œuvre l'entreprise s'exposerait à une résiliation de ses marchés par EDF.
La société A. conseil ingénierie conclut qu'à supposer même que la qualité de ses prestations puisse faire l'objet de critiques, ce qui n'est pas établi en l'état, celles-ci sont imputables aux défaillances systématiques de la société Léon G. dans la gestion de l'opération.
Mais il est constant qu'avant de signer le contrat de prestation de services le 26 septembre 2016, la société A. conseil ingénierie qui intervenait depuis le 1er juillet 2016, avait connaissance des difficultés que présenterait sa mission. En effet, dans sa lettre du 19 septembre 2016, elle faisait déjà état, notamment et sans que sa liste soit exhaustive, de l'absence de traçabilité des documents et événements, de l'absence de certains documents introuvables ou classés informatiquement, de l'insuffisance des moyens études et travaux, du manque de mobilisation des moyens en temps voulu; elle invoquait la nécessité de passer plus de temps que prévu et demandait que sa rémunération soit portée à 1.350 € / jour sur la base de 3 jours par semaine, avec un réajustement sur le nombre réel de jours passés tous les 3 mois.
La société Léon G. souligne exactement que la mission du prestataire a été décrite avec soin et précision dans les documents contractuels ; indépendamment des griefs qu'elle énonce concernant le pilotage quotidien de ses marchés passés avec EDF, elle démontre que la société A. conseil ingénierie n'a pas satisfait à ses obligations contractuelles concernant l'établissement de mémoire en réclamation, grief invoqué dans sa lettre de résiliation.
En effet il n'est pas contesté que la société A. conseil ingénierie devait, comme précisé dans la lettre du 28 novembre 2016, remettre un mémoire pour CAT 3, c'est à dire sur le contrat dit TTS le 9 décembre 2016 et un premier projet de mémoire pour le contrat dit de Généralisation le 20 janvier 2017. Or, à la date du 30 janvier 2017, cette société n'avait pas produit de projet de mémoire pour le contrat dit de Généralisation. Quant au mémoire pour le contrat dit TTS, il n'a pas donné satisfaction à la société Léon G. en dépit d'une nouvelle version qui lui a été envoyée le 27 décembre 2016. Il ressort de l'attestation rédigée par la société Landmark conseil qu'elle a été chargée de la même mission que la société A. conseil ingénierie, à savoir une mission de contract management pour les contrats TTS et de Généralisation, que les documents produits par la société A. conseil ingénierie ne lui ont été d'aucune utilité et se sont révélés inexploitables et que, dès le début de sa mission, elle a travaillé à partir de données brutes issues des serveurs des chantiers ainsi qu'à partir de données complémentaires réalisées par les équipes opérationnelles suivant une nouvelle méthodologie définie durant sa mission.
La société A. conseil ingénierie a gravement manqué à ses obligations de contract manager consistant en l'élaboration sous sa responsabilité de mémoires en réclamation et c'est en vain qu'elle fait état de quelques difficultés matérielles (changement de date d'une réunion,livraison tardive d'un téléphone portable et d'un ordinateur, nécessité de se déplacer pour exécuter sa mission), celles-ci n'étant pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité.
La société Léon G. était donc bien fondée à résilier le contrat.
En conséquence, la société A. conseil ingénierie sera déboutée de sa demande en paiement de la somme de 43.946,05 € à titre de dommages-intérêts.
La société Léon G. demande la somme de 20.000 €, à titre de dommages-intérêts, en faisant valoir que la carence de la société A. conseil ingénierie l'a contrainte à avoir recours à un autre prestataire dont elle a payé les honoraires, soit 43.200 € HT.
Cependant, elle ne justifie pas de l'existence d'un préjudice en relation de cause à effet avec les manquements de la société A. conseil ingénierie alors qu'elle a résilié le contrat dès le 30 janvier 2016 en acceptant de payer les prestations jusqu'à cette date et que son nouveau prestataire a accompli sa mission pour un coût moindre que celui convenu avec la société A. conseil ingénierie.
En conséquence, sa demande de dommages-intérêts sera rejetée.
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile :
La société A. conseil ingénierie qui succombe en ses prétentions doit supporter les dépens, à l'exception des dépens de première instance afférents au jugement du 13 mai 2019.
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il y a lieu d'allouer la somme de 7.000 € à la société Léon G. et de débouter la société A. conseil ingénierie de sa demande à ce titre.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement du 13 mai 2019 en toutes ses dispositions,
INFIRME le jugement du 27 avril 2020, et statuant à nouveau :
DÉBOUTE la société A. conseil ingénierie de toutes ses demandes,
DÉBOUTE la société Entreprise générale Léon G. de sa demande en paiement de la somme de 20.000 €, à titre de dommages-intérêts,
CONDAMNE la société A. conseil ingénierie à payer la somme de 7.000 € à la société Entreprise générale Léon G. par application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société A. conseil ingénierie aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE